Le monde russe entre nostalgie et futur

La tragédie russe en trois actes (1991-2021)

24 février 2022 : aucune personne sensée n'imaginait le 23 février que le président russe lancerait la nuit suivante ses chars sur Kiev. On pouvait comprendre qu’il reconnaisse unilatéralement la sécession du Donbass (partie russophone de l’Ukraine). Cela lui eut suffi pour vassaliser l’Ukraine et humilier les États-Unis, déjà très abîmés par leur fiasco en Afghanistan. L'avenir seul nous dira pourquoi il a choisi d'envahir toute l'Ukraine au risque d'une quasi-guerre civile au coeur du « monde russe »...

Vladimir Poutine en 2018 à l'occasion d'une commémoration de la Seconde Guerre mondialeLe 24 février 2022 s’inscrira en lettres de sang dans les livres d’Histoire. Il clôt trois décennies d’illusions sur le triomphe de la Démocratie et des Droits humains et annonce le retour en force des peuples de chair et de passions. Revenons sur les origines de cet effroyable coup de théâtre et ses possibles conséquences (note).

Dans la décennie qui a suivi la chute du Mur de Berlin dans la nuit euphorique du 9 novembre 1989, la Russie a manqué sombrer corps et biens à l’image de son chef, Boris Eltsine. Elle s’est redressée quasi-miraculeusement à partir de 1999 sous la férule autoritaire et brutale de Vladimir Poutine. Mais l’horizon s’est à nouveau assombri à partir de 2014 et de la première crise ukrainienne, jusqu’à conduire au drame actuel qui frappe si cruellement les Ukrainiens.

La diplomatie américaine porte une lourde responsabilité dans cette tragédie (note). Ni les Russes ni les autres Européens n'en sortiront indemnes. Son issue dépendra de la détermination et de la lucidité des jeunes générations.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky sur le front du Donbass en 2019

Acte 1 : le calvaire (1991-1999)

Principaux acteurs : Boris Eltsine, Bill Clinton, Helmut Kohl

En quelques mois donc, la redoutable Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) s’est effondrée comme un château de cartes pour laisser place à une improbable Communauté des États Indépendants (CEI), avec en son cœur la Fédération de Russie, réduite à ses limites administratives de l’époque soviétique, avec 89 « sujets » aux statuts très variables : républiques, territoires autonomes, etc.

Euphorie…

Le président Eltsine, auréolé par sa victoire du 22 août 1991 sur les putschistes du Kremlin, s’applique à sauver ce qui peut l’être de l’héritage soviétique, en particulier le siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et l’armement nucléaire.

En contrepartie, il ouvre la Russie aux affairistes et aux économistes néolibéraux qui entourent le président américain Bill Clinton. Alliés aux anciens hiérarques du Parti communiste, ils pillent tant et plus le pays sous prétexte de le libéraliser. Déjà très bas, les indicateurs économiques et sociaux s’effondrent (espérance de vie, mortalité infantile, fécondité…). Les Russes, abasourdis, voient sur leurs écrans leur président, titubant d’ivresse, se faire moquer par le président Clinton.

De leur côté, le chancelier Kohl et le président Mitterrand lancent la monnaie unique pour donner un nouveau souffle à l’Union européenne. Le traité de Maastricht de 1992 signe l’adhésion des Européens au néolibéralisme. L’année suivante se traduit en Europe par la première récession économique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

1992, c’est aussi la sortie d’un essai à succès, La Fin de l’Histoire et le Dernier Homme. L’auteur, l’Américain Francis Fukuyama, annonce le triomphe définitif de la Démocratie. L’Union européenne partage son optimisme et entreprend de réduire ses budgets et ses effectifs militaires ; la France elle-même abolit la conscription en 1997.

… et inquiétude

1992 encore. La même année se font entendre des bruits de bottes. Dans le Caucase, la petite Tchétchénie refuse de devenir l’un des « sujets » de la fédération de Russie et se proclame indépendante. Le président Eltsine tarde à réagir et c’est seulement le 9 décembre 1994 qu’il enverra ses troupes réprimer la sécession.

Quelques jours plus tôt, notons-le, le 5 décembre 1994 à Budapest (Hongrie), le Kazakhstan, la Biélorussie et l'Ukraine, anciennes républiques soviétiques, avaient convenu de renoncer à leurs installations nucléaires et de confier à la Russie tout l'arsenal nucléaire hérité de l'URSS. En contrepartie, par le mémorandum de Budapest signé ce jour-là avec la Russie ainsi que le Royaume-Uni et les États-Unis, ils obtenaient la reconnaissance de leur frontière et la garantie de leur intégrité territoriale. La crise déclenchée autour de la Crimée en 2014 allait vider ce traité de son contenu.

La première guerre de Tchétchénie se solde par une humiliation du Kremlin. Le 31 août 1996, celui-ci reconnaît l’indépendance de facto de la Tchétchénie, prélude à l’éclatement final de la fédération !

À l’autre extrémité du Vieux Continent, tandis que les gouvernants s’affairent autour du projet de monnaie unique, la Yougoslavie implose. Le 15 janvier 1992, l’Allemagne reconnaît l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie. Le 6 avril 1992, Sarajevo est bombardée par l’armée serbe.

Les guerres de Yougoslavie vont perdurer jusqu’en 1999. Cette année-là, l’OTAN bombarde Belgrade et envahit le Kossovo sans attendre l’aval de l’ONU. Il s’agit de la première violation du droit international, dix ans après la fin de la « guerre froide ». Il s’agit aussi de la première intervention militaire de l’OTAN depuis la création de l’alliance cinquante ans plus tôt, pour prévenir toute attaque soviétique contre l’un de ses membres.

Considérant que les Occidentaux n’avaient plus rien à craindre de Moscou, les Russes avaient demandé qu’à défaut de supprimer l’OTAN, désormais sans objet, ils s’abstiennent pour le moins de l’étendre au-delà de l’Oder, réitérant une promesse faite en 1991 à Mikhaïl Gorbatchev (note).

Mais les guerres de Yougoslavie ouvrent de nouvelles opportunités à l’OTAN. Qui plus est, les anciens pays satellites de l’URSS, avides de s’occidentaliser au plus vite et de prendre une revanche sur leur grand voisin, demandent à entrer dans l’OTAN. C’est chose faite en mars 1999 pour la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. La Bulgarie, les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie), la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie suivent en 2004, l'Albanie et la Croatie en 2009, le Monténégro en 2017, enfin la Macédoine du Nord en 2020 !

De son côté, la Russie voit ressurgir en août 1999 le spectre de la guerre : les Tchétchènes, non contents de leur quasi-indépendance, envahissent le Daghestan voisin. Le Premier ministre Vladimir Poutine (47 ans) conduit la contre-offensive. Il n’y va pas de main morte : « J’irai buter les terroristes jusque dans les chiottes », lance-t-il à Astana (Kazakhstan). De fait, la capitale de la Tchétchénie, Grozny, tombe le 6 février 2000 après avoir été rasée…

Acte 2 : résurrection (2000-2014)

Principaux acteurs : Vladimir Poutine, George Bush Jr, Nicolas Sarkozy…

Le 31 décembre 1999, Boris Eltsine, usé par l’alcool, cède le pouvoir à Poutine. Fort de sa victoire dans la deuxième guerre de Tchétchénie, le nouveau président est élu confortablement le 26 mars 2000.

La Russie revit…

Le 25 septembre 2001, Vladimir Poutine exprime sa vision de l’avenir à Berlin, devant le Bundestag, en allemand : « Nul ne remet en question l'importance des relations partagées entre l'Europe et les États-Unis. Toutefois, je pense que l'Europe peut assurer à long terme sa réputation de centre puissant et politiquement indépendant si elle parvient à associer ses ressources avec celles de la Russie... avec les ressources naturelles, humaines et territoriales... avec le potentiel économique, culturel et de défense de la Russie ». On ne saurait mieux dire. En gage de bonne volonté, le président russe apporte un soutien militaire aux Américains engagés en Afghanistan dans la lutte contre Daesh et les talibans.

Mais en attendant mieux, il lui faut sortir la Russie de l’abîme. Il bénéficie pour cela de grosses rentrées financières occasionnées par la flambée des prix des matières premières et des hydrocarbures sur les marchés mondiaux, cette flambée étant due à la très forte demande chinoise. De la sorte, les indicateurs sociaux et démographiques connaissent un redressement spectaculaire qui étonne même l’anthropologue Emmanuel Todd. La crainte d’une disparition physique du pays est pour l’heure écartée.

L’État relance la recherche scientifique, les industries d’armement et aussi l’industrie nucléaire. Choqué par le naufrage en août 2000 du sous-marin nucléaire Koursk, le plus grand du monde, Poutine prend conscience du délabrement des armées et augmente substantiellement leur budget (4% du PIB en 20021).  Le président russe réaffirme son autorité sur les gouvernements régionaux et les grandes entreprises du pays, ce qui le conduit à mettre au pas les oligarques dès son arrivée au pouvoir. Ces anciens apparatchiks se sont rendus immensément riches en s’appropriant les richesses de l’ancienne URSS et en manipulant à leur guise le président Eltsine. Avec Poutine, les rapports s’inversent. Les oligarques conservent leur fortune et le droit d’en jouir en Occident mais sous condition de servir le maître du Kremlin. Gare à ceux qui n’obéissent pas.

En 2003, le président fait incarcérer pour malversations financières le patron de Ioukos, première compagnie pétrolière russe, qui projetait de vendre son groupe à Exxon Mobil pour 25 milliards de dollars ! L’affaire déplaît aux Américains qui, ne disposant pas encore du pétrole de schiste, lorgnaient avec avidité sur les gisements russes de pétrole et de gaz... Fait aggravant, Vladimir Poutine fait front commun avec le président Jacques Chirac et le chancelier Gerhard Schröder contre le projet d'invasion de l'Irak par le président George Bush Jr.

Washington va dès lors entreprendre de déstabiliser la Russie et la couper de l'Europe, aidé en cela par le milliardaire d’origine hongroise George Soros, qui s’est donné pour objectif de promouvoir des « sociétés ouvertes », libérales ou ultralibérales, en Europe centrale et orientale. Sur CNN, Soros confessera avoir soutenu la « révolution orange » du 21 novembre 2004 à Kiev.  Elle abouti le 23 janvier 2005 à l’élection à la présidence du candidat pro-occidental Viktor Iouchtchenko, bien que celui-ci ait souffert d’une tentative d’empoisonnement, sans doute à l’initiative des services russes.

… mais craint pour sa sécurité

Début 2007, Vladimir Poutine s’alarme de ce que les Américains installent un « bouclier » anti-missiles en Pologne et en République tchèque sous le prétexte de prévenir d’éventuelles attaques… iraniennes ! Il s'inquiète des menaces que fait peser sur la paix du monde la diplomatie agressive des États-Unis. Le 10 février, lors d’un forum sur la sécurité qui se tient à Munich, il déclare : « Un pays, les États-Unis, sort de ses frontières nationales dans tous les domaines. C'est très dangereux : plus personne ne se sent en sécurité, parce que personne ne peut plus trouver refuge derrière le droit international ». Il ne croit pas si bien dire.

L’année suivante, le 17 février 2008, le Kossovo devient indépendant alors que le Conseil de sécurité de l’ONU, à la demande de la Russie, avait promis qu’il demeurerait une province autonome au sein de la Serbie.

Poutine n’en poursuit pas moins sa coopération avec l’Occident. Invité au sommet de l’OTAN à Bucarest en avril 2008, il autorise le transit par la Russie de matériel destiné à l’Afghanistan. Mais il dénonce aussi la promesse faite le 3 avril par l’OTAN à l’Ukraine et à la Géorgie de pouvoir entrer un jour dans l’alliance. Il y voit « une très grande erreur stratégique ». À quoi le président ukrainien Viktor Iouchtchenko a répondu : « L'Ukraine n'est pas un produit de la Guerre froide. C'est un État indépendant et souverain qui a parfaitement le droit de forger sa politique en matière de sécurité ». À cela on est en droit de rétorquer qu’une alliance est comme un mariage ; il ne suffit pas que l’un des partenaires la souhaite ; il faut que l’autre la souhaite aussi. En l’occurrence, il eut été légitime que les Européens signifient aux Ukrainiens et aux Géorgiens que ce rapprochement était une mauvaise idée car il mettait en péril l’équilibre géopolitique du Vieux Continent (la France et l’Allemagne l’ont dit mais n’ont pas été écoutées).

Conscient de ce péril, William Burns, actuel chef de la CIA et spécialiste de la Russie, avait prévenu dès le 8 février 2008 la Secrétaire d’État Condoleezza Rice : « L’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN est la plus vive de toutes les lignes rouges pour l’élite russe (et pas seulement Poutine). En plus de deux ans et demi de discussions avec des acteurs russes clés… je n’ai encore trouvé personne qui considère l’Ukraine dans l’OTAN comme autre chose qu’un défi direct aux intérêts russes » (note).

Les événements s’accélèrent à l’été 2008. La Géorgie, petit État très pauvre du Caucase, souffre de la sécession depuis plusieurs années déjà de deux territoires périphériques, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Le 10 juillet 2008, le président Mikheïl Saakachvili reçoit la visite de la Secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice. Sans doute s’entretiennent-ils de l’OTAN. Dans le même temps, le gouvernement russe concentre des troupes à la frontière géorgienne tout en désapprouvant les agressions abkhazes et ossètes.

Le président géorgien, se croyant couvert tant du côté russe que du côté américain, lance ses troupes vers l’Ossétie le 7 août 2008. Dès le lendemain, alors que le monde entier n’a d’yeux que pour les Jeux Olympiques de Pékin, l’armée russe pénètre à son tour en Géorgie. Le 12 août, Nicolas Sarkozy, président en exercice de l’Union européenne, adresse aux Russes une demande de cessez-le-feu. Au Kremlin, il fait cette déclaration stupéfiante, propre à légitimer toutes les agressions ultérieures : « Il est parfaitement normal que la Russie veuille défendre ses intérêts ainsi que ceux des Russes en Russie et des russophones à l'extérieur de la Russie ». Le propos ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Par une violation du droit international qui est cette fois de son fait, Poutine reconnaît l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud et se garde d’évacuer la Géorgie, désormais sous tutelle.

Mais 2008, c’est aussi l’année où culmine la crise des subprimes, avec le 15 septembre, la faillite de Lehman Brothers, le fleuron de Wall Street. L’Europe est frappée de plein fouet par la récession. L’économie russe est aussi affectée. Autant dire que la crise géorgienne quitte vite la Une des journaux.

Lors de l’invasion de la Géorgie, Poutine a pris la mesure de l’impréparation de son armée, pas encore remise des années Eltsine. Il va dès lors redoubler d’efforts pour la moderniser et développer le secteur militaro-industriel. Peu soucieux d’être un jour désavoué par les électeurs, il renforce aussi son autorité sur les médias. Désormais convaincu qu’il n’a rien à attendre de l’Amérique, encore moins de l’Union européenne, il relance l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui réunit depuis 2001 la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan. Elle s'élargira à l'Inde et au Pakistan en 2016, puis à l'Iran en 2021, jusqu'à rassembler près de la moitié de l’humanité. Tous ces pays se garderont de condamner la Russie quand elle envahira l’Ukraine quelques années plus tard.

Quand éclatent les révolutions arabes en 2011, le président russe se présente comme un acteur désormais incontournable sur la scène mondiale. Usant de la base militaire de Lattaquié, héritée de l’Union soviétique, il va soutenir sans faillir le dictateur syrien Bachar el-Assad, façon de montrer que « right or wrong, he is my ally ». Ainsi se démarque-t-il des Américains, accoutumés à lâcher leurs alliés au milieu du gué.

Vladimir Poutine croit pouvoir savourer ses succès lors des Jeux Olympiques d’hiver organisés à grands frais à Sotchi, entre mer Noire et Caucase, du 7 au 23 février 2014. Se doute-t-il qu’il a alors mangé son pain blanc ?...

Acte 3 : la rupture (2014-2022)

Principaux acteurs : Vladimir Poutine, Xi Jinping, Barack Obama…

Des manifestations pro-occidentales éclatent à Kiev, sur la place de l’Indépendance (Maidan en ukrainien). Le Parlement destitue le président pro-russe Viktor Ianoukovitch le 23 février 2014 et, en gage de renouveau, enlève à la langue russe, parlée par un quart de la population, son statut de deuxième langue officielle. L’Est russophone se rebelle aussitôt, avec le soutien de Vladimir Poutine qui en profite aussi pour récupérer la Crimée, une péninsule traditionnellement russe. Consultés par le Parlement de Kiev dès le 12 janvier 1991, ses habitants s’étaient prononcés à une écrasante majorité pour une séparation d’avec l’Ukraine.

La Crimée, c’est aussi le port militaire de Sébastopol, indispensable à la marine russe pour accéder à la mer Noire et à la Méditerranée. Poutine ne peut admettre que les Américains mettent la main sur ce port en cas d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. L’armée russe entre donc en Crimée, sans qu’une goutte de sang soit versée, et la péninsule est annexée officiellement le 18 mars 2014.

À cette nouvelle violation du droit international, Washington réagit bruyamment - sans plus - en édictant des sanctions économiques contre l’entourage du président russe. Les Européens, qui ont besoin du gaz russe, s’en tiennent pour l’essentiel à des protestations verbales. Mais désormais, les ponts sont coupés entre la Russie et l’Occident.

Poutine en prend acte et se cherche d’autres soutiens. Le 29 mai 2014 est fondée une vaste zone de libre-échange, l’Union économique eurasiatique. Elle réunit la Biélorussie, la Russie et le Kazakhstan. Le grand bénéficiaire en est le nouvel ami du président russe, son homologue chinois Xi Jinping qui peut lancer ses « Nouvelles Routes de la soie » dans un espace libéré de toute entrave.

Vladimir Poutine et Xi Jinping ont signé une déclaration conjointe sur le développement d'un partenariat global et d'une coopération stratégique entrant dans une nouvelle ère, ainsi qu'une déclaration conjointe sur le renforcement de la stabilité stratégique mondiale à l'ère moderne, 5 juin 2019

Renouant avec les pratiques d’Ancien Régime, le président russe intervient partout où le portent ses intérêts, en affichant le plus total mépris pour la pusillanimité de l’Europe et la lâcheté de l’Amérique. Avec l’Iran et la Turquie, il remplit au Moyen-Orient le vide laissé par le départ des Occidentaux. Il joue les arbitres entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Payant d’audace, il intervient même dans le pré-carré africain de la France, par le biais de la société Wagner. Les mercenaires de cette société placent les dirigeants africains sous leur protection sans s’embarrasser de scrupules. C’est ainsi que le Mali ou encore la Centrafrique ont pu s’émanciper de la tutelle française.

Enfin, Poutine se prépare à toutes les éventualités en développant une économie de guerre : autosuffisance alimentaire, cybersécurité, système bancaire et internet autonomes, etc. Mais tous ces efforts ont un prix très lourd. Depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, les indicateurs sociaux de la Russie tendent à nouveau à se dégrader, qu’il s’agisse de l’indice de fécondité, des revenus ou des prix.

La suite ne relève pas encore de l’Histoire mais tout donne à craindre une nouvelle période sombre pour la Russie comme pour l’Europe, dans une crise gravissime qui laisse le reste du monde pour l'essentiel indifférent…

« La géographie, ça sert d'abord à faire la guerre » (Yves Lacoste)

Gardons en tête la carte du monde pour prendre la mesure de la tragédie qui se joue dans les plaines d'Ukraine :
Le monde au milieu du XXIe siècle, projection d'après le nombre de naissances dans les grandes régions• Cette guerre implique très directement le « monde russe » et affecte l'Europe par ses conséquences géostratégiques (menace d'extension du conflit), économiques (pénuries de gaz et de blé, secousses financières et boursières) et humaines (réfugiés).
Au total, cette fraction de l'humanité (Europe et Russie) représente 10% de l'humanité et 5% du total des naissances annuelles.
• Les États-Unis ont une responsabilité certaine dans le chaos européen (comme dans le chaos moyen-oriental et afghan). Mais, étant protégés par deux océans, ils n'en seront pas le moins du monde affectés. Tout au plus engrangeront-ils davantage de recettes grâce à leurs exportations accrues de gaz de schiste.
• Quant au reste du monde, qui représente 85% de la population mondiale et 93% des naissances annuelles, il s'en tient, soit à une condamnation polie de l'agression (Japon), soit à une indifférence à son égard, voire un soutien à peine dissimulé à la Russie (groupe de Shanghai).
L'expression « communauté internationale » relève du vocabulaire théologique, en aucune façon de la géopolitique. La tragédie russo-ukrainienne est l'affaire des Européens et d'eux seuls. Il appartiendra à eux seuls de la surmonter.

Publié ou mis à jour le : 2024-05-12 17:15:02

Voir les 18 commentaires sur cet article

Pierre (25-02-2023 13:54:48)

A force d'expliquer comment cette pauvre Russie a été humiliée par les USA, vous arrivez a justifier l'injustifiable. Pourquoi ne pas s'en tenir au fait : l'Ukraine, pays indépendant, membre de l... Lire la suite

Jean-H. (22-02-2023 18:32:25)

M. Larané, vous auriez dû conseiller M. Poutine, vous qui, apparemment, auriez su comment "vassaliser l'Ukraine et humilier les Etats-Unis". Pourquoi tant de sollicitude vis à vis du dictateur d'u... Lire la suite

Christian (25-03-2022 06:29:05)

La première guerre de Tchétchénie aurait fait près de cent mille morts sous Eltsine (1994/1996), la seconde entre cent et trois cent mille morts sous Poutine... En cherchant bien, ne pourrait-on p... Lire la suite

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