La Géorgie est un petit pays montagneux de 70 000 km2 et 4 millions d'habitants enclavé au sud-ouest du Caucase, au bord de la mer Noire. Sa capitale est Tbilissi (1,2 millions d'habitants), une cité au riche patrimoine médiéval, située très à l'intérieur des terres, sur le fleuve Koura.
Les Grecs la connaissaient sous le nom de Colchide. Ils y situent l'aventure de Jason et des Argonautes en quête de la Toison d'Or. Disputée entre les Romains et les Perses, elle a été christianisée très tôt, vers le IVe siècle, tout comme l'Arménie voisine.
Son nom actuel pourrait dériver de saint Georges, saint patron du royaume. Mais les Géorgiens eux-mêmes nomment leur pays Sakartvélo. Leur langue appartient au groupe des langues caucasiennes, sans rien à voir avec les langues indo-européennes de l'Europe et de l'Iran voisin.
Après le concile de Nicée, en 325, la Géorgie pris le parti du patriarcat de Constantinople et ses habitants sont devenus chrétiens orthodoxes comme leurs voisins byzantins et russes. La région a été ensuite envahie par les Arabes mais ceux-ci ne purent s'y maintenir très longtemps.
Au Moyen Âge se constitua une monarchie géorgienne qui connut son âge d'or sous le règne de la reine Thamar ou Tamar (1181-1213). Étendue à tout le sud du Caucase, elle constitue un puissant État chrétien qui tient tête à la poussée des Turcs seldjoukides.
Mais les invasions mongoles la ravagent en 1231. Au siècle suivant, le royaume est à nouveau abattu par Tamerlan. Enfin, la chute de Constantinople et de l'empire byzantin au début du XVe siècle l'isolent du reste de la chrétienté. La Géorgie se trouve dès lors écartelée entre ses puissants voisins, l'empire ottoman et l'Iran.
Après plusieurs siècles d'existence chaotique, le royaume se place sous la protection de la Russie qui l'annexe le 28 janvier 1801. Le nationalisme géorgien renaît à partir de 1880 en réaction aux tentatives de russification du tsar Alexandre III.
En 1917, suite à la Révolution de Février qui emporte le tsarisme, les mencheviks (socialistes russes modérés) constituent une fédération de Transcaucasie qui inclut la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan actuels. Le 26 mai 1918, dans le chaos de la fin de la Grande Guerre, des nationalistes sous la protection des troupes allemandes proclamèrent une éphémère république indépendante de Géorgie mais celle-ci ne tarda pas à être avalée par l'Union Soviétique en 1921, après une intervention de l'Armée Rouge.
La fédération soviétique de Transcaucasie fut dissoute en 1936 et Staline transforma la Géorgie en république socialiste soviétique, avec trois micro-entités autonomes :
• L'Abkhazie (8 600 km2 et 150 000 habitants en 2006 dont 17% seulement d'Abkhazes !),
• L'Ossétie du Sud (3900 km2 et 70 000 habitants en 2006 dont 66% d'Ossètes),
• Enfin l'Adjarie (3000 km2 et 370 000 habitants).
Ces entités sans passé national ni unité culturelle ou ethnique avaient pour raison d'être de diviser et affaiblir les Géorgiens.
Lorsque le pays recouvra son indépendance en 1991, le président géorgien, l'ultra-nationaliste Zviad Gamsakhourdia, n'eut rien de plus pressé que de supprimer l'autonomie de ces entités avec pour conséquence une première guerre civile particulièrement meurtrière. Elle aboutit à la défaite des Géorgiens face aux minorités abkhazes et ossètes qui bénéficiaient de l'appui des Russes.
Retour dans le giron russe
Le calme revint avec le renversement de Gamsakhourdia et l'accession à la présidence d'Édouard Chevarnadze, ancien ministre soviétique des Affaires étrangères. Celui-ci fait adhérer son pays à la CEI (Communauté des États indépendants).
Arrivent les élections législatives du 2 novembre 2003. Celles-ci sont contestées par le chef de l'opposition libérale, Mikheïl Saakachvili (40 ans), diplômé de Harvard. Avec son parti, le Mouvement national, et sans doute aussi les encouragements de la fondation Soros, du milliardaire magyaro-américain Georges Soros, il appelle ses compatriotes à descendre dans la rue deux jours après. Il s'ensuit ce que l'on appellera joliment la « Révolution des roses ». Elle conduit à la démission de Chevarnadze mais ne règle pas les problèmes du pays...
Le drame surgit en 2008 comme la foudre dans un ciel d'orage. Tandis que l'opinion mondiale n'a d'yeux que pour les prochains Jeux Olympiques de Pékin, la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice se rend le 10 juillet 2008 à Tbilissi, capitale de la Géorgie, pour s'entretenir avec le président. Sans doute évoquent-ils la candidature de la Géorgie à l'OTAN, un motif d'irritation pour l'ancien tuteur russe. L'assure-t-elle de son soutien face aux pressions de Moscou ou au contraire mis en garde ? On ne le saura jamais...
Au même moment, des troupes russes se concentrent à la frontière de la Géorgie, sous le prétexte de protéger les habitants de l'Ossétie du Sud, un territoire sécessionniste, grand comme la Lozère (70 000 habitants pour 3 500 km2). Mais dans le même temps, Moscou fait mine de désapprouver les Abkhazes et les Ossètes qui agressent quelques patrouilles géorgiennes sur la ligne de cessez-le-feu.
Mikheil Saakachvili voit-il dans l'attitude des Russes et des Américains un encouragement à agir ? D'après des télégrammes diplomatiques américains publiés par Wikileaks et Le Monde (3 décembre 2010), il pensait que les Russes le laisseraient agir en Ossétie du Sud mais resteraient intraitables sur l'Abkhazie. Et sans doute imaginait-il que sa candidature à l'OTAN lui vaudrait le soutien de l'Occident.
Toujours est-il que le président géorgien, jusque-là loué par la presse occidentale pour son flair politique, prend le risque, le 7 août 2008, de réoccuper militairement l'Ossétie du Sud. La réaction russe est instantanée et brutale. L'armée russe, encore vétuste, sous-équipée, taraudée par l'indiscipline et la maltraitance, mais surdimensionnée par rapport à l'armée géorgienne, ne fait qu'une bouchée de celle-ci. Elle la chasse d'Ossétie du Sud mais également d'Abkhazie. Elle menace même la capitale Tbilissi et ravage au passage une grande partie de ce pauvre petit pays.
L'intrusion de la Russie dans les affaires intérieures d'un État souverain, la Géorgie, plonge chacun dans l'embarras. Les chancelleries craignent de fâcher le fournisseur privilégié de l'Union européenne en pétrole et gaz. Nicolas Sarkozy, en qualité de président en exercice de l'Union européenne, interrompt ses vacances pour transmettre aux belligérants, le 12 août, une demande de cessez-le-feu avec les formules d'usage. Il a le soutien implicite du président américain George Bush Jr, peu soucieux de s'engager personnellement dans cette affaire alors qu'il arrive en fin de mandat.
Les Russes, sûrs de leur force, se payent le luxe d'annoncer ledit cessez-le-feu dès le 11 août, avant même que le Français ne leur en fasse la demande. Ils se gardent toutefois de l'appliquer sur le terrain. Cela nous vaut un morceau d'anthologie journalistique avec cette Une du quotidien Le Monde : « Comment la France a arraché l'amorce d'une négociation » (13 août 2008).
Le 8 septembre 2008, les Russes n'ayant toujours pas retiré leurs forces de Géorgie, Nicolas Sarkozy est contraint à une nouvelle médiation à Moscou et Tbilissi. Rien n'y a fait. L'armée russe s'est installé pour longtemps dans les territoires d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie. La Géorgie est revenu dans la « famille »...
Le rêve européen malmené
En 2012, c'est un tout nouveau parti, le Rêve géorgien, qui a remporté les élections législatives. Depuis lors, il gouverne sans discontinuer le pays. Bien que se voulant pro-européen, il se rapproche du régime russe par ses menées illibérales.
Venant après l'agression russe de 2008, cette régression démocratique est à l'origine d'un important exode de la jeunesse vers l'Europe et les États-Unis. C'est un quart de la population, dont une majorité de femmes, qui seraient ainsi partis entre 2010 et 2020. Aucun autre État issu de la dissolution de l'URSS n'aurait ainsi autant perdu d'habitants, pas même l'Ukraine et la Moldavie.
Suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, Bruxelles a accordé en décembre 2023 à la Géorgie le statut de candidat à l’Union européenne. Mais le processus d’intégration a été gelé après l’adoption au printemps 2024 d'une loi sur « l’ingérence étrangère », contraire aux normes démocratiques.
Le 26 octobre 2024, le parti Rêve géorgien remporte une nouvelle fois les élections législatives. Le Kremlin peut être rassuré sur le front du Caucase.
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