Au XIe siècle, dans la chrétienté médiévale, autrement dit entre le Tage, l’Elbe et le Tibre, l’essor des villes entraîne l’émergence d’un nouveau personnage, l’intellectuel !
Ce néologisme adopté par l’historien Jacques Le Goff (Les intellectuels au Moyen Âge, Seuil, 1957) désigne les clercs et étudiants (« escholiers ») qui se vouèrent à la philosophie et en firent leur métier : Bernard de Chartres, Pierre Abélard, Suger de Brabant, saint Thomas d’Aquin, etc. Conciliant la foi et la raison, ils manifestèrent une extraordinaire liberté de pensée qui se perdit quelque peu à la fin du Moyen Âge.
C’est grâce à ces philosophes pétulants de vie et aujourd’hui oubliés que la civilisation européenne a pu prendre son essor et développer plus qu’aucune autre la philosophie, les sciences et l’avidité d’apprendre.
Du secret des monastères à la ruche urbaine
L’Église médiévale se soucie très tôt de diffuser le savoir. Dès 529, quelques années après la mort de Clovis, l’évêque Césaire d’Arles réunit un concile à Vaison, dans la vallée du Rhône, à l’issue duquel il prescrit la création d’écoles dans les monastères et auprès de chaque église cathédrale - attachée à un évêque -. L’objectif avoué est de former les cadres de l’Église.
Peu nombreuses seront les écoles créées de ce fait. Mais l’élan est donné. Pour la première fois dans l’Histoire humaine, on se soucie d’instruire aussi bien les fils de paysans que les fils de nobles et ce, dans les mêmes écoles. Cette instruction, pendant les mille ans que durera le Moyen Âge, se fait en latin, non pas la langue classique de Cicéron mais un latin médiéval, une forme d’esperanto commune à tous les Européens instruits.
Trois siècles plus tard, sous le règne de Charlemagne (742-814), il ne reste plus grand-chose de ces écoles. La plupart des écoles cathédrales et des écoles « extérieures » des monastères, destinées à l’instruction des enfants des environs, ont disparu. Il ne reste que les écoles « intérieures » vouées à l’instruction des oblats, jeunes hommes appelés à devenir moines.
« Les manuels d’histoire républicains français se sont bien trompés en popularisant un Charlemagne, illettré d’ailleurs, protecteur de la jeunesse des écoles, et précurseur de Jules Ferry, » ironise Jacques Le Goff...
Il n'empêche que le règne de l'« empereur à la barbe fleurie » se traduit par un réel redressement de l'instruction.
Alcuin, conseiller de l’empereur et écolâtre - autrement dit maître d’école diocésaine - d’Aix-la-Chapelle, met en place dans les écoles épiscopales et monastiques du Moyen Âge un enseignement bien évidemment inspiré de l’Antiquité. Outre la théologie et l’étude des Saintes Écritures, il promeut les arts « libéraux » (par opposition aux arts mécaniques ou serviles) : le trivium (grammaire, rhétorique et dialectique) et le quadrivium (géométrie, arithmétique, astronomie, musique).
Alcuin multiplie aussi les ateliers de copistes à Aix, Tours, Corbie, etc. Somptueusement enluminés au prix d’un travail exténuant, leurs parchemins ne trouvent guère de lecteurs mais au moins ont-ils le mérite de sauvegarder les écrits de l’Antiquité. Il n’était que temps car l’Empire et l’Église sombrent peu avant l’An Mil dans une anarchie sans nom.
Tout change ensuite, après l’An Mil. Le climat se radoucit et, grâce à de meilleures récoltes, les famines s’éloignent. Le servage tend à disparaître. Les guerres féodales se font rares et les mœurs chevaleresques se christianisent (dico). L’élan religieux maille le territoire de solides églises romanes. La chrétienté occidentale déverse enfin son trop-plein d’hommes en Orient à la faveur des croisades.
Au tournant du XIIe siècle, les premiers États se consolident, à commencer par l’Angleterre et l’État capétien que l’on appelle désormais France (et non plus Royaume des Francs).
Pèlerins et marchands sillonnent le continent. Les surplus agricoles autorisent le développement d’activités artisanales et notamment textiles. De l’Italie aux Flandres en passant par le Bassin parisien et la Champagne, un nouveau tissu urbain se développe.
À la différence des villes antiques, qui étaient des centres de pouvoir et de consommation vivant sur le dos des paysans, les nouvelles villes sont des centres de production qui travaillent en étroite symbiose avec les campagnes. Elles se gouvernent elles-mêmes en vertu de chartes communales (dico) arrachées aux seigneurs et au souverain.
La bourgeoisie urbaine, soucieuse d’instruction, ne serait-ce que pour mieux gérer ses affaires, va regarder avec un œil intéressé les « intellectuels » qui officient dans les écoles cathédrales et les écoles monastiques. Ceux-ci découvrent de nouvelles opportunités dans l’univers séculier des villes.
Ils se mettent à enseigner les sept arts libéraux en public et, à l’opposé du cliché traditionnel selon lequel le savoir relèverait de l’échange gratuit, ils se font gloire d’être rémunérés par leurs élèves ou leurs mandants.
Ces maîtres d’école sont généralement assimilés à des clercs (dico) même s’ils ne sont pas moines ou prêtres. Ils se qualifient parfois eux-mêmes de philosophes (« amis de la sagesse », philosophus en latin médiéval) et, dans tous les cas, se perçoivent comme des artisans et des « marchands de mots ».
Ils ne se distinguent pas des autres métiers urbains et mènent au cœur de la cité une vie très libre (parfois même trop de l’avis des agents du guet). Leur seule particularité est de pratiquer les arts libéraux, des techniques qui se rapportent à l’esprit, à la différence des arts mécaniques ou serviles, qui se rapportent à la matière.
Les termes sont significatifs : on qualifie de « maître » (magister) aussi bien le drapier qui a terminé son apprentissage que l’étudiant en théologie qui a obtenu sa licence d’enseignement.
Issus de la petite noblesse ou de la bourgeoisie urbaine et débutant leurs études vers l’âge de 13 ans, les étudiants deviennent maîtres d’école au bout de quinze ans ou davantage, à moins qu’ils reprennent les affaires familiales ou soient appelés à servir le souverain et entrer dans la magistrature.
Jacques Le Goff souligne le caractère proprement révolutionnaire du curriculum universitaire qui, désormais, donne accès à l’élite par le biais de l’examen. On ne rencontre de cas similaire qu’en Chine avec le recrutement des mandarins par concours. Jusque-là, « l’Occident n’avait connu que trois modes d’accès au pouvoir : la naissance, le plus important, la richesse, très secondaire jusqu’au XIIIe siècle sauf dans la Rome antique, le tirage au sort, de portée limitée parmi les citoyens des villages grecs de l’Antiquité, » écrit l’historien.
De fait, tout au long du Moyen Âge, relativement nombreux sont les fils de paysans qui, grâce à l’instruction, accèdent aux plus hautes fonctions du royaume et de l’Église. C’est le cas de Suger (1081-1151), fils de paysan devenu principal ministre de Louis VI et Louis VII. Pensons également à l’évêque Maurice de Sully (1120-1196), qui construit Notre-Dame, ou au chancelier de l’Université Jean Gerson (1363-1429), protecteur de Jeanne d’Arc. Citons encore le Cahorsin Jacques Duèze et le Pyrénéen Jacques Fournier, devenus les papes Jean XXII (1316) et Benoît XII (1334). Mais d’autres, en plus grand nombre, finissent mauvais garçons… comme le poète François Villon.
Dans leur soif d’apprendre, ces intellectuels développent l’écriture cursive. C’est l’écriture manuscrite que nous utilisons encore aujourd’hui, avec les lettres attachées. Elle permet une prise de notes rapide, à la différence de l’écriture caroline développée par les copistes d’Alcuin et toujours employée en imprimerie.
Mus par la curiosité, avides de débattre et confronter les idées, maîtres et étudiants circulent beaucoup et certains, appelés Goliards, font même de cette itinérance une règle de vie. Tous participent au grand brassage médiéval européen avec les encouragements des autorités. L'empereur Frédéric Barberousse accorde ainsi des garanties aux étudiants en 1158 avec ces mots : « Que tous les écoliers qui voyagent pour étudier puissent aller et demeurer en sécurité. (...) Qui n'aurait pitié d'eux qui, pour l'amour de la science, se sont exilés, de riches se sont faits pauvres, sans ménager leurs efforts et exposant leur vie à tous les dangers ? ».
La France, héritière de la Grèce et de Rome !
Quoi qu’il en soit, et même si Bologne, en Italie, se flatte d’avoir vu naître la première Université, en 1088, c’est dans le Bassin parisien, à Chartres, Paris, Laon, Reims ou encore Orléans, que se concentre au XIIe siècle l’essentiel de la vie intellectuelle. « Entre la Loire et le Rhin, dans la région même où le grand commerce et la banque se sont localisés aux foires de Champagne, s’élabore cette culture qui va faire de la France la première héritière de la Grèce et de Rome comme l’avait prédit Alcuin, comme le chantait Chrétien de Troyes, » écrit Jacques Le Goff.
L’école cathédrale de Chartres, fondée par l’évêque Fulbert aux environs de l’An Mil, a été pionnière dans la renaissance de la philosophie. Profitant du gros travail de traduction effectué par les ateliers de copistes, elle a découvert et remis en vogue les auteurs grecs, tels Euclide, Platon, Hippocrate, Galien ou Aristote.
Les maîtres de Chartres, qui sont de bons chrétiens, ne prétendent pas les opposer aux Pères de l’Église (dico). Ceux-ci demeurent des références exclusives en matière de théologie. Mais les auteurs païens leur fournissent les outils et les techniques propres à développer les sciences profanes.
Bernard de Chartres, mort en 1130, est le plus prestigieux représentant de cette école. Il a résumé sa relation avec l’Antiquité dans une célèbre formule qui marque sa foi dans le progrès : « Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants. Nous voyons ainsi davantage et plus loin qu’eux, non parce que notre vue est plus aigüe ou notre taille plus haute, mais parce qu’ils nous portent en l’air et nous élèvent de toute leur hauteur gigantesques ».
Paris, favorisé par le prestige grandissant de la monarchie capétienne, voit à son tour affluer les intellectuels ou « philosophes ». Maîtres et étudiants se pressent dans l’île de la Cité, autour de l’école cathédrale, avant de déborder sur la rive gauche de la Seine, autour de l’église Saint-Julien-le-Pauvre, dans ce qui deviendra le « Quartier latin ».
Parmi les plus illustres professeurs de la capitale figure Pierre Abélard (1079-1142). On ne le connaît plus qu’à travers sa liaison tragique avec « la très sage Héloïse, pour qui châtré fut et puis moine » (François Villon, Balade des dames du temps jadis). Mais cet intellectuel issu de la petite noblesse bretonne fut aussi un batailleur de première et un grand éveilleur d’idées.
Dans ses cours et ses ouvrages, il montra la nécessité du recours au raisonnement pour sortir de la confrontation stérile entre des points de vue opposés. Il proposa pour cela une méthode, cinq siècles avant René Descartes, ainsi qu’une morale fondée sur la connaissance de soi et la liberté de refuser le péché. « La contrition du cœur fait disparaître le péché, c’est-à-dire le mépris de Dieu, ou encore le consentement au mal, » écrit-il.
En matière de théologie enfin, il prêcha l’alliance de la raison et de la foi : « On ne peut croire ce qui ne se comprend pas, et il est ridicule d’enseigner aux autres ce que ni soi, ni ses auditeurs ne peuvent saisir par l’intelligence. » Cette proposition révolutionnaire fut développée au siècle suivant par saint Thomas d’Aquin.
Notons aussi l’initiative particulièrement audacieuse de Pierre le Vénérable (1092-1156). Cet abbé de Cluny engagea à grands frais la traduction du Coran qu’il avait découvert lors d’une visite d’inspection des monastères de son ordre en Espagne.
Il s’en explique en disant fort justement que si l'on veut contenir l'islam (on est alors à la veille de la deuxième croisade), il faut commencer par le connaître : « Qu’on donne à l’erreur mahométane le nom honteux d’hérésie ou celui, infâme, de paganisme, il faut agir contre elle, c’est-à-dire écrire. Mais les Latins et surtout les modernes, ne savent pas d’autre langue que celle de leur pays natal. Aussi n’ont-ils pu ni reconnaître l’énormité de cette erreur ni lui barrer la route. (…) Je suis donc allé trouver des spécialistes de la langue arabe qui a permis à ce poison mortel d’infester plus de la moitié du globe. Je les ai persuadés à force de prières et d’argent, de traduire d’arabe en latin l’histoire et la doctrine de ce malheureux et sa loi même qu’on appelle le Coran. (…) Ce travail a été fait l’année où je suis allé en Espagne et où j’ai eu une entrevue avec le seigneur Alphonse, empereur victorieux des Espagnes, c’est-à-dire en l’année du Seigneur 1142 ».
Ces efforts sont méritants et même révolutionnaires en ces temps où l’on part volontiers en croisade contre les infidèles et où l’on brûle parfois des hérétiques. Ils suscitent de violentes oppositions à commencer par celle du très mystique et très influent saint Bernard, abbé de Clairvaux (1091-1153). Issu de la noblesse d’épée et attaché à la terre, il tient Paris en horreur. « Fuyez du milieu de Babylone, fuyez et sauvez vos vies, » lance-t-il aux étudiants. « Vous trouverez bien plus dans les forêts que dans les livres. Les bois et les pierres vous apprendront plus que n’importe quel maître ! »
Sourd à l’argumentaire de son homologue Pierre le Vénérable concernant la traduction du Coran, saint Bernard fustige les intellectuels parisiens et, plus gravement, remue ciel et terre pour faire condamner Abélard. De la même façon, il s’oppose à son rival l’abbé Suger qui reconstruit en 1144 l’abbatiale de Saint-Denis dans le nouveau style français, plus tard qualifié de gothique !
Mais l’esprit chartrain (de Chartres) a raison de tous les obstacles. En conciliant la raison et la foi, les maîtres de Chartres comme de Paris libèrent la science et la pensée du poids de la religion et la propulsent vers les sommets des Temps modernes.
« L’exil de l’homme, c’est l’ignorance ; sa patrie, c’est la science, » résume dans une belle formule le moine Honoré d’Autun (1080-1154), qui a fréquenté l’école d’Anselme de Cantorbéry. Comme les autres penseurs de ce début du XIIe siècle, il revendique aussi la liberté de raisonner indépendamment des dogmes religieux : « Il n’y a pas d’autre autorité que la vérité prouvée par la raison ; ce que l’autorité nous enseigne de croire, la raison nous le confirme par ses preuves. »
Autant dire que tous ces penseurs ne se contentent pas de réactiver la philosophie antique. Ils la prolongent par leurs réflexions et leurs confrontations (disputatio), selon la méthode formalisée par Abélard et appelée « scolastique ». Mais la bienséance leur commande de ne jamais revendiquer une idée nouvelle mais plutôt de l’attribuer à un auteur reconnu ! En voici l’aveu par le moine anglais Abélard de Bath (1080-1154) : « Notre génération a ce défaut ancré qu’elle refuse d’admettre tout ce qui semble venir des modernes. Aussi quand je trouve une idée personnelle si je veux la publier, je l’attribue à quelqu’un d’autre… »
L’Anglais Jean de Salisbury, qui a étudié à Chartres et à Paris, fait part en 1164 à son ami Thomas Becket de son enthousiasme à la découverte de Paris : « J’ai fait un détour par Paris. (…) j’ai cru voir plein d’admiration l’échelle de Jacob dont le sommet touchait le ciel et était parcourue par des anges en train de monter et de descendre. Enthousiasmé par cet heureux pèlerinage, j’ai dû avouer : le Seigneur est ici et je ne le savais pas. Et ce mot du poète m’est venu à l’esprit : Heureux exil que celui qui a cet endroit pour demeure ».
L’abbé de Bonne-Espérance (Hainaut) Philippe de Harvengt n’est pas moins dithyrambique dans une lettre à un jeune disciple, dans les années 1170 : « Poussé par l’amour de la science te voilà à Paris et tu as trouvé cette Jérusalem que tant désirent. C’est la demeure de David… du sage Salomon. Un tel concours, une telle foule de clercs s’y presse qu’ils sont en voie de surpasser la nombreuse population des laïcs. Heureuse cité où les saints livres sont lus avec tant de zèle, où leurs mystères compliqués sont résolus grâce aux dons du Saint-Esprit, où il y a tant de professeurs éminents, où il y a une telle science théologique qu’on pourrait l’appeler la cité des belles-lettres ! »
La pensée médiévale à son summum
Le siècle suivant, le XIIIe, marque l’apogée du « beau Moyen Âge », celui des cathédrales et de Saint Louis. Les représentants des métiers urbains s’organisent en corporations (dico) afin de défendre au mieux leurs intérêts face au pouvoir séculier et à l’Église. Les intellectuels n’échappent pas à la règle.
Après Bologne et Oxford, Paris se dote très officiellement de son Université par une charte de Philippe Auguste en date du 15 janvier 1200. Ses membres, maîtres et étudiants, ont le privilège d’être soustraits à la juridiction civile et dégagés d’obligations envers le pouvoir central. Ils s’administrent eux-mêmes. Les clercs sont répartis entre quatre « nations » : Picards, Anglais, Allemands et Français. Les maîtres, attirés par le prestige de la capitale, viennent de partout : Siger de Brabant, Albert le Grand (Rhénanie), saint Thomas d’Aquin et saint Bonaventure (Italie).
Le savant Aristote, qui a vécu en Grèce quinze cents ans plus tôt, inspire des débats de haute volée. On étudie ses œuvres ou les commentaires qu’en ont faits les grands penseurs du monde arabo-musulman, tels le Persan Avicenne (980-1037) et l’Andalou Averroès (1126-1198).
L’aristotélisme radical est aussi combattu au nom du dogme chrétien par l’archevêque de Cantorbéry et par l’évêque de Paris Étienne Tempier, lequel publie le 7 mars 1277 une liste de 219 propositions considérées comme hérétiques parmi lesquelles :
152 – Que la théologie est fondée sur des fables.174 – Que la foi chrétienne a ses fables et ses erreurs comme les autres religions.
175 – Qu’elle est un obstacle à la science.
176 – Que le bonheur se trouve en cette vie, et non dans une autre…
Peu importe à ce propos que les reproches adressés à tel ou tel courant universitaire soient justifiés ou non. Le seul fait de pouvoir énoncer de telles assertions témoigne de la grande liberté d’esprit manifestée par les milieux intellectuels de tous bords au cœur du Moyen Âge !
La donne change insensiblement en Angleterre où l’on se met en tête de confronter l’expérience à la raison. Cela commence avec Robert Grosseteste (1175-1253), chancelier de l’école d’Oxford et évêque de Lincoln. Le représentant le plus notable de ce courant expérimental reste toutefois le moine franciscain Roger Bacon (1220-1292), surnommé Doctor mirabilis (« Docteur admirable ») en raison de sa science.
Dans la somme Opus majus (1268), il écrit : « Les Latins [de l’Antiquité] ayant posé les bases de la science en ce qui concerne les langues, la mathématique et la perspective, je veux maintenant m’occuper des bases fournies par la science expérimentale, car sans expérience, on ne peut rien savoir suffisamment […]. Donc le raisonnement ne suffit pas, mais l’expérience. » Il ne s’agit de rien moins que d’une négation de la scolastique, fondée sur le raisonnement.
Le courant expérimental va être porté par les étudiants en médecine et en chirurgie, lesquels ne peuvent faire autrement que se fier à leurs observations. Les pionniers vont émerger à Montpellier, où a été fondée en 1220 la première faculté de médecine du monde encore en activité.
Au siècle suivant, endeuillé par la guerre, la peste et les famines, on ne comptera plus guère de grands intellectuels. L’heure sera plutôt au mysticisme, de Catherine de Sienne à Jan Hus. Il faudra attendre un nouveau souffle venu d’Italie pour que renaisse l’esprit. Ce sera la Renaissance.
Il était une fois... l'Europe
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Osmane (03-07-2023 09:08:44)
très intéressante étude.
Ce développement des sciences humaines et techniques a eu lieu dans un contexte de guerres féodales continuelles ce qui reste surprenant
Dr Moka (02-07-2023 15:50:49)
Je vous remercie de nous permettre de revoir les origines de notre civilisation, du moins dans les actes créatifs de ce que nous sommes devenus. Je suis très heureux d'avoir pu vous lire, cela me pe... Lire la suite