L’énergie au cœur de l’histoire humaine

Du feu à l'atome : une humanité réunifiée

Pour comprendre notre appétence pour les énergies de toutes sortes (dico), il faut nous rappeler que la maîtrise de l’énergie est l’essence même de l’humanité, bien plus que la fabrication et l’utilisation d’outils.

Esclaves dans la Rome antique (mosaïque romaine)Tous les progrès matériels de l’espèce humaine depuis l’aube des temps sont venus de sa capacité à transformer et mettre à son service l’énergie primaire disponible dans son environnement (soleil, vent, eau, etc.). De la sorte, nous en sommes arrivés à démultiplier dans des proportions phénoménales les réserves d’énergie qui nous ont été octroyées par dame Nature.

L’expert Jean-Marc Jancovici le souligne sans relâche au fil de ses livres et de ses conférences : un homme au travail est au mieux capable de restituer ou fournir en une journée de l’ordre d’un demi-kilowattheure d’énergie mécanique.

En comparaison, la combustion d’un litre d’essence donne 10 kWh d’énergie thermique et, après conversion dans un moteur, 2 à 4 kWh d’énergie mécanique, autrement dit l’équivalent d’une dizaine de journées de travail humain. Grâce à quoi notre productivité est jusqu'à cent fois supérieure à ce qu'elle était sous l'Antiquité... 

Usine textile à Toronto (Canada) en 1908

Le feu, indissociable de notre humanité

Beaucoup d’espèces animales en-dehors de l’homme utilisent des outils mais aucune n’a jamais maîtrisé le feu comme le font les hommes depuis plus de 400 000 ans ainsi que le note avec  finesse Victor Court (L’Emballement du monde, écosociété, 2022). 

C'est en Chine, que serait apparue la domestication du feu. À preuve la découverte à Zhoukoudian, près de Pékin, des restes d'un foyer allumé par un homo erectus, l'homme de Pékin. Cette innovation radicale a permis à nos très lointains ancêtres de consommer des aliments cuits et en particulier de la viande. La viande, qu’est-ce ? Rien d’autre que de l’énergie primaire sous forme de végétaux que des animaux ont pris la peine de convertir en énergie et en nutriments plus immédiatement assimilables par notre organisme. 

En facilitant son ingestion et sa consommation, la cuisson par le feu a entraîné une grande économie d’énergie chez les individus du genre Homo duquel dérive notre espèce Sapiens et quelques autres aujourd’hui disparues.  Ainsi leur cerveau, très gourmand en énergie, a-t-il pu continuer de croître en volume cependant que leur denture et leur système digestif ont pu diminuer en taille.

La guerre du feu (film de Jean-Jacques Annaud, 1981)

À la différence des ruminants par exemple, dont toute l’existence se passe à… ruminer, Homo Sapiens a pu prendre du temps pour se divertir, soigner l’éducation de sa progéniture, peindre des fonds de grotte, tailler quelques beaux objets en os, bref, se civiliser.  Qui plus est, comme il est illusoire qu’un homme seul, armé d’un simple propulseur, puisse traquer et tuer un renne, Homo Sapiens a développé des stratégies de chasse coopératives et l’on peut y voir au moins en partie l’origine de la sociabilité humaine.  

Ces premières sociétés de chasseurs-cueilleurs pratiquent des échanges sous la forme de dons et contre-dons (celui qui reçoit un cadeau se sent dans l’obligation d’en faire un à son tour, plus tard, afin d’entretenir l’amitié !). Il semble aussi qu’elles ignorent la guerre par le simple fait qu’il y a bien assez d’espace pour combler  les besoins de chaque clan. Pour la même raison, l’absence de promiscuité, elles sont peu sensibles aux épidémies.

Pour ajouter à ce tableau qui paraît idyllique, précisons que les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique ignorent les préjugés de sexe : d’après les enseignements recueillis dans les sites funéraires, il apparaît que les femmes ont tout autant que les hommes le privilège de chasser… et de se faire parfois embrocher par un animal vindicatif.

Fouilles de Catal Huyuk (Turquie) en 2016Puis, très progressivement, des groupes de chasseurs-cueilleurs se sédentarisent. De l’avis de l’anthropologue James Mellaart, ce serait pour des motifs religieux, afin d’entretenir des temples et leur clergé, que sont nés les premiers villages permanents, à l’exemple de Çatal Höyük, au VIIIe millénaire avant notre ère, en Asie Mineure (Turquie actuelle).

Le concept, en tout cas, ne tarde pas à se répandre car, d’évidence, la vie sédentaire est plus confortable que la vie nomade pour les jeunes mères et les tout-petits. Cette sédentarisation précède l’agriculture et l’élevage ainsi que le souligne l’anthropologue Jacques Cauvin, contrairement à ce que supposait Karl Marx...  En d’autres termes, la technique est fille des mœurs.

Avec la sédentarisation, il s’ensuit un début de différentiation sexuelle des tâches, les hommes se réservant la chasse. Les femmes, quant à elles, pratiquent plutôt la cueillette et en viennent à semer des graines autour de leur village, évitant ainsi de trop longs déplacements. La domestication des végétaux puis des animaux conduit au développement de l’agriculture et de l’élevage. C’est l’avènement d’une nouvelle ère, le Néolithique (dico), plus inégalitaire, plus brutal, mais aussi plus propice à la survie des enfants et donc à la croissance démographique.

Le feu est en beaucoup d’endroits mis à profit pour défricher des pans de forêt et cultiver pendant quelques années des tubercules et des céréales dans cet espace fertilisé par les cendres. Une fois le sol épuisé, on va voir ailleurs. Cette agriculture sur brûlis, qui requiert de vastes espaces, est encore pratiquée dans les régions équatoriales (Afrique, Insulinde). Au Ghana et en Côte d’Ivoire, les paysans, faute d’avoir appris d’autres méthodes, l’appliquent à la culture du cacao, au prix d’un déboisement accéléré de leur pays.

Chasseurs-cueilleurs de la tribu Bayaka (parc naturel Dzanga Sangha Ndoki, république centrafricaine, 2014)

Les outils au service de la croissance

La culture des céréales nécessite de pouvoir stocker les graines à l’abri en attendant de les semer. Certains y réussissent mieux que d’autres et il s’ensuit des différentiations sociales, des rivalités entre les clans… et une montée des conflits dès le VIe millénaire avant notre ère.

Dans Homo domesticus (La Découverte, 2019), l’anthropologue américain James Scott suggère aussi que les céréales se sont prêtées à la formation des premiers États, que ce soit le blé, l’orge, le maïs, le millet, le riz ou le quinoa. Contrairement aux légumineuses et aux tubercules, elles peuvent se stocker, se transporter et donc servir de base à l’impôt, pour financer une classe dirigeante, avec ses administrateurs et ses soldats ! C’est ce que l’on observe en Égypte, en Chine, en Mésopotamie ou encore en Amérique centrale.

La pression démographique et la pression fiscale suscitent le besoin d’accroître les productions.  Quand celles-ci sont limitées par le manque de main-d’œuvre, les États y remédient par la capture d’esclaves. « En conséquence, durant les premiers millénaires de l’Antiquité, la guerre ne visait pas tant la conquête des territoires que la soumission de nouvelles populations », note Victor Court. 

Quand le recours aux travailleurs forcés et aux esclaves atteint ses limites et que la terre commence à se faire rare, les hommes se tournent vers l’innovation technique, cela en vue d’améliorer le rendement des récoltes.

Faucheuse gallo-romaine (site de Buzenol, Belgique)L’Égypte et la Mésopotamie développent très tôt des systèmes d’irrigation savants et mettent au point des norias destinées à puiser l’eau dans les canaux et le fleuve ; c’est autant d’énergie humaine économisée. En Gaule, l’archéologie atteste de nombreuses innovations dès avant la conquête romaine : outils métalliques, barriques, moissonneuse, etc.

La Chine des Han (221 av. J.-C. à 221) témoigne d’une inventivité exceptionnelle : semoirs à graines, harnais à collier pour les chevaux, charrues lourdes avec versoir en fonte. Pour la production de métal, elle commence même à exploiter le charbon de terre (houille), d’un meilleur rendement énergétique que le charbon de bois.

L’empire romain, à son apogée, fonde quant à lui sa prospérité sur les guerres de conquête qui lui apportent des richesses et des esclaves à profusion. Dans ces conditions, avec une main-d’œuvre aussi bon marché, pas besoin de se torturer l’esprit pour économiser le travail.

Tout change avec l’Antiquité tardive (IIIe et IVe siècles) : l’empire demeure assez riche et puissant pour entretenir une armée de 600 000 hommes mais il n’y a plus de conquêtes et pour ne rien arranger, la natalité décline fortement. Faute d’esclaves, les grands propriétaires s’efforcent par différents moyens d’attacher les paysans à leur terre. C’est le colonat, lointain prélude au servage médiéval.

Et puis, plus sûrement, chacun active son intelligence pour pallier le manque de main-d’œuvre. Dans son essai  Décadence romaine ou antiquité tardive ? IIIe-IVe siècle (1977), l'historien Henri-Irénée Marrou montre que ces deux siècles sont à l'origine de nombreuses inventions : le vêtement cousu, dérivé des braies gauloises, le livre relié, le moulin à eau et le moulin à vent, etc.

La situation se corse aux siècles suivants sous l’effet des grandes invasions. Le niveau de vie chute brutalement dans l’empire d’Occident ainsi que l’a montré l’archéologue britannique Bryan Ward-Perkins (La chute de Rome, 2014). Il en va de même en Chine, tant du fait des invasions que des séditions dont la plus connue est celle d’An Lushan.

L’An Mil marque un renouveau aux deux extrémités de l’Eurasie, en partie grâce à un léger réchauffement climatique, l’« Optimum médiéval ». Sous la dynastie Song, la civilisation chinoise brille de tous ses feux. Elle est même en passe de réussir sa révolution industrielle et ses ateliers sidérurgiques peinent à répondre à la demande de fonte, plusieurs centaines de milliers de tonnes par an ! Las, tout s’effondre avec l’irruption de Gengis Khan et de ses fils, des redoutables Mongols.

Rien de tel dans la chrétienté européenne. Dans les trois siècles qui suivent l’An Mil, la population va pratiquement tripler grâce au redoux climatique et surtout à la consolidation des sociétés et à  l’amélioration des techniques. Elle n’aura à connaître ni invasion ni migration de masse ni esclavage et ce privilège insigne va se prolonger pendant tout le millénaire.

Il s’ensuit que, génération après génération, les coutumes prendront force de loi et établiront une société de confiance propice à l’entreprenariat. En l’absence de main-d’œuvre servile venue d’outre-mer, les innovations se multiplient dans l’agriculture comme dans l’industrie… et l’art militaire.

L’étrier, emprunté aux barbares Avars au VIIIe siècle, va offrir aux cavaliers une très grande stabilité et leur permettre de déployer toute leur énergie, bien campés sur leur monture. Au combat, sous leur armure, ils feront l’effet d’un véritable char d’assaut ! Ce sera l’âge d’or de la chevalerie, élite guerrière dont l’Église et le souverain veilleront à canaliser les ardeurs.

Construction d'une cathédrale avec, en haut, une cage à écureuil (enluminure de Jean Fouquet, vers 1470-1475, BnF, Paris)Grâce à des engins de levage comme la « cage à écureuil », on arrive à lever des pierres à plusieurs dizaines de mètres de hauteur, ce qui autorise la construction de cathédrales vertigineuses.

Mais le changement le plus visible concerne sans aucun doute le monde rural. Pas un pouce de terre qui ne soit remodelé par l’homme. On défriche les forêts, on plante des haies, on assèche les marais, on conçoit en bord de mer d’ingénieux marais salants qui utilisent directement l’énergie solaire pour extraire le sel de l’eau de mer alors qu’en d’autres régions du monde, on continue encore aujourd’hui de faire bouillir cette eau à grand renfort de bois.

Par-dessus tout, on domestique les eaux vives des torrents et des rivières. Pas un cours d’eau, pas une chute qui ne soit équipé d’une roue à aubes, autrement dit d’un moulin à eau avec roue verticale. L’énergie communiquée par le courant fait tourner la roue et son arbre. Celui-ci peut actionner une pierre à meuler pour moudre le grain et le transformer en farine. Associé à un arbre à cames, il permet aussi d’actionner un pilon, pour fouler la laine ou encore pour écrouir le métal dans une forge. On peut encore voir dans l’abbaye cistercienne de Fontenay, au cœur de la Bourgogne, une véritable usine métallurgique installée au bord d’un torrent.

Marteau hydraulique de la forge de l'abbaye de Fontenay (reconstitution de 2008) ; agrandissement : roue à aube actionnant le marteau hydraulique

Les Européens de cette époque font feu de tout bois, si l’on ose dire. Ainsi aménagent-ils des moulins à marée dans les estuaires. Et les croisades leur ayant permis de découvrir les moulins à vent, une invention sans doute iranienne, ils les adoptent sans attendre.  Toutes les collines  en sont bientôt couvertes.

L’historien Jean Gimpel (La révolution industrielle du Moyen Âge, 1975) évalue à l’équivalent d’une ou deux tranches nucléaires la puissance fournie par ces dizaines de milliers de moulin à eau ou à vent, ce qui n’est pas rien. Et jusqu’à la fin du XIXe siècle, ces formes d’énergie vont continuer de se développer en Europe et dans le Nouveau Monde. Il n’est que de songer aux six millions d’éoliennes rustiques qui ont permis d’arroser les plaines du Middle West américain.

Paysage avec des moulins à vent (début du XVIIe siècle, Jan Brueghel l'Ancien, musée de Varsovie)Au milieu du XIVe siècle, la chrétienté médiévale est déjà un « monde plein » avec, même, dans beaucoup de terroirs, une densité de population supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui. La saturation de l’espace et la vitalité des communications font que l’épidémie de peste se répand très vite, en quelques semaines, sitôt après que le bacille a débarqué à Marseille.  On a connu cela aussi avec le covid-19 mais fort heureusement avec une bien moindre mortalité.

Dans le même temps, le climat se refroidit. On entre pour quatre siècles dans le « Petit Âge glaciaire » ! Les récoltes se faisant moins abondantes, les riverains de l’Atlantique et de la mer du Nord prennent la mer pour aller pêcher la morue et le hareng au large de Terre-Neuve, dans les gigantesques bancs de poissons descendus de l’océan Arctique, lui-même devenu trop froid.

Poussés par la nécessité, pêcheurs et armateurs du Portugal, de Biscaye, de Normandie, de Flandre, etc. améliorent les techniques de navigation hauturière (en haute mer).  Ils adoptent la boussole et le sextant, apprennent à maîtriser le vent dans les voiles… Les voilà bientôt prêts pour partir à la découverte du vaste monde, d’abord le long des côtes africaines, puis à travers l’océan Indien et l’océan Atlantique.

À la même époque, en 1405, l’empereur de Chine arme une flotte énorme sous la conduite de l’amiral Zheng He en vue d’explorer l’océan Indien et d’obtenir la soumission ou l’alliance de ses souverains. Cette « Flotte des Trésors » va mener à bien la mission avant d’être mise au rebut en 1433. C’est que le bien-nommé Empire du Milieu se satisfait plutôt bien de ses abondantes ressources et n’a que faire d’aventures ultramarines…

Travail forcé dans les mines d'argent de Potosi, à 4824 mètres d'altitude, au Pérou (1594, Thédore de Bry, gravure sur cuivre de Girolamo Benzoni, Americae pars quarta, Paris, BnFRien de tel pour nos marins portugais, basques ou normands. Pauvres et ne bénéficiant que d’un soutien à éclipses de leur souverain, ils se lancent avec hargne et furie sur la route des épices. Ils font commerce de tout et notamment des esclaves.

Ca tombe bien car ils souhaitent  exploiter les mines et les terres du Nouveau Monde et manquent pour cela de main-d’œuvre, l’Amérique ayant été dépeuplée par la variole qu’ont introduite à leur insu les marins de Christophe Colomb.

Les colons vont pouvoir cultiver le tabac et surtout le sucre au prix de la sueur et du sang africains, sans que quiconque s’en émeuve en Europe, à l’exception de quelques grands esprits,  et sans qu’eux-mêmes  se donnent la peine, comme en Europe, d’améliorer leurs techniques et leurs outils de façon à économiser l’énergie humaine.

« Ne jugeons toutefois pas trop vite nos ancêtres : nous ne versons pas plus de larmes qu’eux lorsque nous achetons des vêtements H&M fabriqués au Bangladesh dans des conditions horribles, ou bien quand nous faisons le plein d’essence de notre SUV, même si nous connaissons bien les implications écologiques et sociales de tels gestes, » note Victor Court.

Effet rebond : un progrès technique relance l’esclavage

Au début du XIXe siècle, l’esclavage semblait voué à disparaître en Amérique du fait de la vigueur du mouvement abolitionniste et aussi de la concurrence du sucre de canne, principale production esclavagiste, par le sucre de betterave. Contre toute attente, il va être relancé aux États-Unis grâce à une invention qui a rendu le coton américain plus concurrentiel que le coton produit en Égypte et en Orient. En 1793, un mécanicien, Eli Whitney, met au point une égreneuse à coton grâce à laquelle les planteurs du Sud vont pouvoir mécaniser le travail par lequel on sépare le coton proprement dit de sa tige. Ce travail nécessitait jusque-là une grande quantité de main-d’œuvre servile et nuisait à la rentabilité de la production cotonnière. Là-dessus,  la fin des guerres napoléoniennes ramène la prospérité en Europe et entraîne une rapide croissance de la demande de tissus en coton. Du coup, le coton remplace bientôt le tabac comme principale source de richesse au sud des États-Unis. Mais par un « effet rebond » spectaculaire, l'accroissement de la production en vient à  exiger beaucoup plus de main-d’œuvre servile que l'égreneuse d'Eli Whitney ne permet d'en économiser ! Il s'ensuit une intensification de la traite d'esclaves en provenance d'Afrique et la « funeste institution » s'en trouve renforcée.

Esclave pendant douze ans (12 Years a Slave, film de Steve McQueen, 2013)

Vers la « Grande Divergence »

Au début du XVIe siècle, l’humanité ne fait plus qu’une grâce aux marins espagnols et portugais, Colomb, Vasco de Gama, Magellan, etc. Il ne manque à la grande famille humaine que les habitants de l’Australasie, encore ignorés du reste des hommes… 

En matière de développement économique, scientifique et technique, cette humanité apparaît singulièrement homogène. En 1526, à Mohacs et Panipat, des batailles mettent aux prises Hongrois et Ottomans d’un côté, Turco-Mongols et Indo-Iraniens de l’autre.  Les uns et les autres disposent d’une artillerie aussi performante que celle des Français ou des Anglais à la même époque. En Chine comme en Inde, le niveau de vie des populations n’a rien à envier à celui des Européens.

L’immense Eurasie est alors dominée par trois empires : l’empire Moghol (Inde), la Chine, l’empire ottoman. Bientôt complétés par la Russie et l’Iran, ces empires, qui reposent sur le pouvoir absolu d’un souverain, vont perdurer jusqu’au XIXe siècle et même au-delà.

Deux régions font exception : le Sud-Est asiatique et l’Europe occidentale. L’une et l’autre sont divisées en de nombreux royaumes rivaux et cette division pourrait s’expliquer aux dires de certains historiens par leur configuration géographique originale, avec des isthmes et des îles très échancrés où la mer et l’océan pénètrent de partout, facilitant les communications mais entravant l’unité politique ! Cela dit, si le Sud-Est asiatique n’a pas connu le destin exceptionnel de l’Europe occidentale, c’est qu’à la différence de celle-ci, il a été largement exposé à toutes les influences extérieures.

À l’abri des invasions et migrations diverses, les  royaumes issus du Moyen Âge européen se sont transformés « par le fer et le sang » (Bismarck) en autant d’États-nations pour le meilleur et pour le pire.

Le droit coutumier forgé au Moyen Âge a limité drastiquement le pouvoir des souverains. Louis XIV lui-même, que l’on dit roi « absolu » (dico), n’avait guère plus de pouvoir qu’un président de la Ve République. Bénéficiant d’un cadre juridique stable et équitable, les gens ordinaires pouvaient donner libre cours à leurs talents et leurs compétences.  Nul n’avait à craindre une arrestation arbitraire par le souverain ou une spoliation par l’un de ses courtisans, comme à Constantinople, Delhi ou Pékin.

Les rivalités entre les États furent par ailleurs source d’émulation féconde. Quand le Portugal puis l’Espagne usèrent leur énergie sur les océans, la Hollande et l’Angleterre prirent le relais avec le succès que l’on sait. Dans un registre plus aimable, les multiples principautés allemandes issues des traités de Westphalie rivalisèrent dans les arts faute de pouvoir se faire la guerre et c’est ainsi que nous eûmes Bach, Mozart, Goethe, Schiller, Beethoven et bien d’autres !

Il s’ensuit que dès le début du XVIIe siècle, une divergence s’amorce entre l’Europe occidentale et le reste du monde. En  1601, quand le Jésuite Matteo Ricci se présente à la cour de Pékin, il est accueilli à bras ouverts, pas pour ses sermons sur l’Évangile mais pour ses connaissances en astronomie et mathématiques ainsi que pour les merveilles qu’il offre à l’empereur : un clavecin, une mappemonde et deux horloges à sonnerie.

Tout est en place pour la révolution industrielle. Elle va changer le monde aussi complètement que la révolution néolithique et bien plus vite que celle-ci. Mais cette révolution aura un prix comme la précédente : fondée sur l’exploitation à outrance des énergies fossiles, elle va entraîner des dommages environnementaux et un changement climatique dont nous commençons à peine à prendre la mesure.


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Enjeux démographiques
Publié ou mis à jour le : 2023-05-17 08:53:47
Nordoc007 (06-03-2023 10:10:07)

Article très intéressant… mais dont il serait possible d’ouvrir grandement l’horizon en proposant déjà comme titre : L’ENERGIE AU CŒUR DE L’HOMME. En effet, tout dans l’univers n’e... Lire la suite

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