Le Néolithique est la dernière période de la Préhistoire, après le Paléolithique supérieur. Elle est caractérisée par la naissance de l'agriculture et de l'élevage ainsi que la mise au point de techniques raffinées pour la taille des outils en pierre. Mais aussi (et surtout, devrions-nous dire) par l'apparition des premiers villages.
Contrairement à un présupposé qui remonte aux thèses de Marx et Engels, ce n'est pas en effet l'invention de l'agriculture qui a précédé la sédentarisation mais l'inverse : c'est parce que les hommes ont choisi de se sédentariser qu'ils ont été conduits à développer l'agriculture. Rendons hommage à l'anthropologue Germaine Tillion qui, dès 1966, a entrevu ce phénomène contre-intuitif (note).
L'invention du Néolithique
Dans la période qui s'étire entre 12 500 et 7 500 av. J.-C. et au-delà, l'humanité connaît une première expansion démographique, de quelques centaines de milliers à quelques dizaines de millions d'individus.
Aussi le préhistorien australien Gordon Childe y a-t-il vu une « révolution néolithique » comparable par ses conséquences à la révolution industrielle de notre époque.
De petites communautés humaines commencent à se grouper dans des villages permanents. Puis elles développent l'agriculture en complément de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Elles pratiquent ensuite l'élevage et enfin cultivent les arts du feu, notamment la poterie et la métallurgie du bronze.
Les hommes cessent d'être seulement des prédateurs qui puisent leur subsistance dans la nature. Ils deviennent des producteurs qui renouvellent ce qu'ils consomment (graines, gibier) par les semis et l'élevage. Ce changement est observé au Moyen-Orient et un peu plus tard en Chine du nord, au Sahara, dans la Cordillère des Andes, même en Nouvelle-Guinée...
Le mot Néolithique a été forgé en 1865 par le banquier et naturaliste sir John Lubbock à partir du grec neos, nouveau, et lithos, pierre. Il signifie l'Âge nouveau de la pierre polie et fait suite au Paléolithique, l'Âge ancien de la pierre taillée.
Avant l'agriculture
Les premiers hommes vivaient dans des abris sous roche et tiraient leur subsistance de la chasse, de la pêche et de la cueillette... Ainsi vivaient par exemple les hommes qui décorèrent les grottes de Lascaux et d'Altamira (16 000 ans avant notre ère).
Nomades et peu nombreux (quelques centaines de milliers en tout et pour tout), ils parcouraient la terre en quête de nourriture. Ils jouissaient sans trop de mal des fruits de la Terre, d'autant qu'après la dernière glaciation, qui remonte à 16 000 ans av. J.-C., le réchauffement du climat avait favorisé dans les zones tempérées la prolifération du gibier, des céréales (blé et orge) et des légumineuses (pois ou lentilles).
Ces premiers hommes utilisaient des pierres et des os pour se défendre, découper la viande et déterrer les racines. Pour rendre ces outils rudimentaires plus coupants et plus pointus, ils les taillaient avec des pierres dures (silex ou quartzite).
Cette lointaine époque a été pour cela appelée par sir John Lubbock Âge ancien de la Pierre taillée, ou Paléolithique (du grec palaios, ancien, et lithos, pierre). Elle a duré environ plus d'un million d'années.
Le silex, roche siliceuse très dure, est présent sous forme de gisements dans certains sols calcaires. Il a été très utilisé par les premiers hommes et même, au temps des pharaons, par les Égyptiens.
Les meilleurs gisements étaient exploités comme des mines de charbon et la précieuse pierre faisait l'objet d'échanges commerciaux. On peut voir une reproduction de mine de silex à Samara, près d'Amiens.
Premiers villages
Tout change à partir de l'an 12 500 av. J.-C. Le Moyen-Orient se couvre à cette époque-là de graminées (céréales) et l'« on a pu calculer qu'une personne pouvait récolter en deux semaines assez d'engrain sauvage pour nourrir une famille de quatre personnes pendant un an » (note).
Au Proche-Orient, dans la région du Jourdain, certaines communautés profitent de cette nourriture abondante à portée de main pour habiter à plusieurs familles dans un village permanent plutôt que de se déplacer sans cesse et de dormir dans des abris de fortune. Ils choisissent de vivre groupés mais sans rien changer à leur pratique de chasseur-cueilleur. Ces villages marquent le début d'une période charnière appelée Mésolithique (du mot grec mesos qui signifie milieu).
L'archéologue Jean Perrot a mis au jour le site d'un tel village à Mallaha, au nord d'Israël, en 1955. Il s'agit d'un hameau de cinq ou six maisons rondes, semi-enterrées et en dur, construit entre 12 500 et 10 000 av. J.-C. Des hameaux similaires ont été aussi mis au jour près du Mont Carmel et sur le site de Ouadi en-Natouf d'où l'appellation de Natoufiens donnée par les savants aux représentants de cette lointaine culture.
« Par leur sédentarité, ces groupes accrus s'enracinent en outre dans un milieu stable, où la société des morts, dont témoignent les premiers cimetières mêlés aux habitants, renforce métaphoriquement celle des vivants et peut légitimer en quelque sorte son implantation fixe », écrit Jacques Cauvin (note).
Au cours du demi-millénaire suivant (10 000 à 9 500 av. J.-C.), dans la même région, les Khiamiens multiplient les représentations de femmes. Il s'agit de figurines en calcaire assimilables à une déesse Mère. Elles cohabitent avec des représentations de taureaux, le taureau étant le symbole de la force virile et indomptable. Les cultes de la déesse Mère et du taureau se diffusent de concert... de même que la vénération des crânes.
Avec les Natoufiens du Mont Carmel (Israël), qui vécurent 10 000 ans av. J.-C., nous découvrons le plus ancien ami de l'homme : le chien. C'est le premier exemple de domestication animale... Les hommes du Mésolithique ont attendu trois mille ans avant de domestiquer un nouvel animal : la chèvre.
Premiers semis
L'agriculture n'a pas été à proprement parler inventée. Les chasseurs-cueilleurs savaient de toute éternité qu'en lâchant une graine sur le sol, elle donnerait une nouvelle plante. Au début de l'humanité, tirant assez de ressources de la simple cueillette, ils ne se souciaient pas d'exploiter méthodiquement cette observation.
Puis, on l'a vu, les hommes ont commencé à se grouper en petits villages sans cesser de pratiquer la chasse et la cueillette, simplement parce que la vie en communauté leur apportait plus de confort et de sécurité que la vie en solitaire. Peut-être aussi pour des besoins spirituels si l'on en croit l'anthropologue James Mellaart.
James Mellaart a fouillé en 1961 le site archéologique de Çatal Höyük, près du lac de Konya, en Asie Mineure (Turquie actuelle). Ce site présente des maisons resserrées auxquelles on accède par le toit (à cause du climat froid de la région). Il aurait été fondé vers 7 500 avant notre ère, donc au tout début du Néolithique, et aurait compter plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d'habitants.
De l'avis de l'anthropologue, cette importance exceptionnelle serait due à l'existence d'un temple et c'est le service de celui-ci et de son clergé qui serait à l'origine de la ville. Il semblerait donc que l'urbanisation ne serait pas liée à des nécessités pratiques mais à des besoins d'ordre spirituel. Ce serait la preuve que les hommes sont avant tout guidés par les idées et l'esprit ! De quoi donner à réfléchir aux penseurs qui tendent à voir dans la satisfaction des besoins matériels le moteur principal de l'action politique...
L'amélioration des conditions de vie a quoi qu'il en soit favorisé la croissance de la population. En témoigne paradoxalement le grand nombre de nourrissons dans les nécropoles du Néolithique. Il montre que les naissances se succédaient plus vite qu'auparavant. À cela une raison majeure : les femmes n'ayant plus à se déplacer, elles pouvaient sevrer plus vite leurs bébés. L'intervalle entre deux naissances pouvait de la sorte se réduire à une année au lieu de trois ou quatre.
Autour des villages, il était devenu de plus en plus difficile de s'en tenir à la simple cueillette. C'est ainsi que l'on a commencé de favoriser la croissance des plantes autour des maisons. Puis, on s'est astreint à des travaux de binage et d'entretien des parcelles pour en améliorer le rendement.
Ce processus ne fut pas réfléchi. Étiré sur plusieurs milliers d'années, il se traduisit par de nombreux tâtonnements, culs-de-sac et retours en arrière. Il fut liée aussi à la capacité de stocker les denrées alimentaires. Il ne fallait pas en particulier que les céréales germent avant d'être semées (ou consommées).
Si nous retenons l'idée selon laquelle la cueillette était le lot des femmes, dans le cadre de la division sexuelle du travail, nous pouvons raisonnablement penser que ce sont elles qui sont à l'origine de la sélection des plantes, des premiers semis et de l'agriculture.
Les origines de ce changement ne sont pas complètement élucidées mais le préhistorien Jacques Cauvin peut toutefois affirmer que « le passage à l'agriculture n'est pas, à ses débuts, une réponse à un état de pénurie » (note).
Le tournant agricole se repère à la modification des caractères génétiques des restes végétaux qu'ont retrouvés et analysés les archéologues.
Les céréales sauvages ont des graines qui, à leur maturité, s'envolent d'elles-mêmes au premier souffle de vent. C'est la condition de leur reproduction. Or, les hommes, quand ils récoltent les graines mûres en vue de leur consommation ou d'un semis volontaire, prennent, par la force des choses, les graines qui sont restées attachées à l'épi du fait d'une mutation génétique rare. C'est ainsi que ces céréales mutantes, caractérisées par un rachis solide (le rachis désigne la fixation de la graine à l'épi), vont tendre à se multiplier dans les zones cultivées, au détriment des céréales ordinaires.
C'est à ce phénomène que les archéologues reconnaissent l'existence de pratiques agricoles. Ils ont ainsi repéré les premiers signes d'une domestication des céréales chez les Khiamiens de l'oasis de Damas.
Révolution culturelle
Des deux millénaires qui s'écoulent entre 9 500 et 7 500 av. J.-C., il nous reste des vestiges remarquables sur le site de Jéricho, la plus ancienne des villes actuelles, comme sur celui de Mureybet, au bord de l'Euphrate (l'Irak actuel).
Selon les propos de Jacques Cauvin, ces vestiges témoignent d'un véritable choc culturel avec la banalisation de l'agriculture, l'apparition de l'élevage et le développement d'une civilisation urbaine, avec aussi une hiérarchie sociale et une segmentation par profession. Ainsi apparaissent les premières sociétés dites « à chefferies », prélude aux cités-États du IIIe millénaire av. J.-C.
Une nouvelle architecture émerge avec des maisons à plan rectangulaire. La forme ronde est dès lors réservé aux maisons communautaires ou aux sanctuaires (comme aujourd'hui le chevet des églises ou le mirhab des mosquées). Les maisons rectangulaires non enterrées et les premières chèvres domestiquées témoignent de la volonté des hommes de s'affranchir des éléments naturels et de les dominer.
La révolution néolithique se diffuse assez vite du Levant (la région du Jourdain) vers l'Anatolie (la Turquie actuelle). Elle y est visible à Cayönu, Nevali et surtout Çatal Höyük.
Entre 7 500 et 6 200 av. J.-C., c'est l'explosion, le « grand exode » ! Des migrants diffusent l'économie urbaine et agro-pastorale du néolithique au-delà du Moyen-Orient, vers l'Europe comme vers les monts Zagros (Iran).
La sédentarisation et l'agriculture ont partout des conséquences incalculables sur l'organisation sociale. Il faut que chacun puisse stocker ses céréales et se prémunisse contre le risque de se faire dépouiller de ses cultures et de ses provisions. Certains y réussissent mieux que d'autres...
Il s'ensuit à partir du VIe millénaire avant notre ère des inégalités de fortune, une différentiation sociale, visible dans le matériel funéraire, et des rivalités entre les clans. À en juger par les nécropoles découvertes au Moyen-Orient et en Europe, on observe en effet une montée de la violence, des sacrifices humains et des conflits entre communautés.
Le processus qui a conduit à l'invention de l'agriculture au Moyen-Orient vers 8 000 av. J.-C. est aujourd'hui assez bien connu des archéologues. Mais ceux-ci ont aussi acquis la preuve que l'agriculture est également apparue de manière autonome (sans influence extérieure) en Chine du nord vers 7 000 av. J.-C., en Nouvelle-Guinée, en Amérique, sur les plateaux mexicains et dans les plateaux andins vers 3 000 à 2 000 av. J-C., peut-être aussi en Afrique de l'Ouest, dans la boucle du Niger, et en Amérique du nord, dans le haut Mississippi.
Vers l'âge des métaux
La révolution néolithique se clôt avec l'apparition de la poterie et des premiers objets métalliques.
Moulées à la main (sans tour) et cuites au four, les premières poteries sont fragiles. Elles n'en permettent pas moins des changements culinaires importants en autorisant la préparation de soupes et bouillies. Notons que la poterie surgit au Japon dès le XIIe millénaire av. J.-C. et dans le Sahara au IXe millénaire, soit bien avant l'invention de l'agriculture !
Pour travailler la terre, les paysans utilisent des outils de plus en plus spécialisés : houe, faucille... Ces outils sont en bois, en pierre polie, voire en bronze.
Dès 4 500 ans av. J.-C., les hommes du Levant s'aperçoivent qu'en faisant fondre certaines roches (il s'agit de minerais), ils obtiennent un matériau mou et malléable à chaud qui devient très dur et résistant en refroidissant. Quand il est bien modelé à chaud, ce matériau (le métal) rend plus de services que la pierre taillée ou polie. C'est ainsi que l'Âge des métaux va succéder au Néolithique.
• Certains préhistoriens appellent Chalcolithique ou Âge du Cuivre la période incertaine qui suivrait immédiatement l'Âge de la pierre. Le premier métal qu'apprennent à travailler les hommes est en effet le cuivre, produit à partir de la malachite, un minerai relativement abondant.
À la même époque, au milieu du IVe siècle av. J.-C., au Moyen-Orient, apparaît la roue. C'est d'abord une roue pleine et lourde, moyennement pratique pour le transport des charges lourdes. La même époque voit arriver en Mésopotamie une araire primitive, constituée d'un bâton pointu avec un manche relié à un animal de trait. Deux mille ans plus tard, voici la roue à rayons, plus légère, qui permet de tirer les premiers chars de guerre !
• Les hommes découvrent qu'il est possible d'améliorer la résistance du cuivre en l'alliant avec de l'étain pour obtenir du bronze, un alliage aux vertus intéressantes qui se prête à la fabrication d'armes et d'outils. Encore faut-il se procurer la cassitérite à partir de laquelle doit être produit l'étain ! C'est ainsi que l'Âge du bronze, au IIe millénaire av. J.-C., conduit à l'émergence de premiers réseaux d'échanges.
• Au Ier millénaire av. J.-C. vient enfin l'Âge du fer, lequel a l'avantage d'être très résistant et surtout plus abondant que le cuivre et l'étain.
Les paysans font appel à des artisans spécialisés pour leur fournir les outils et les vêtements dont ils ont besoin. Ces artisans tissent la laine du mouton ainsi que des fibres végétales comme le lin ou le chanvre, pour en faire des vêtements. D'autres fabriquent des poteries en terre cuite pour conserver les céréales et l'huile ainsi que pour cuire les aliments...
Au Moyen-Orient, au bout de quelques milliers d'années, les pluies se faisant plus rares, les populations d'agriculteurs se concentrent dans une région en forme de croissant que nous appelons pour cette raison Croissant fertile.
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Cette carte montre le Croissant fertile (en vert bien sûr). Dans cette région aujourd'hui en grande partie désertique qui va de l'Égypte à la Mésopotamie (l'Irak actuel) sont nées les villes, l'agriculture et l'écrit !
Dans ce Croissant fertile, de grands fleuves favorisent l'irrigation des champs et compensent la raréfaction des pluies. Ces fleuves sont le Nil, qui traverse l'Égypte, le Jourdain, qui baigne la Palestine et surtout le Tigre et l'Euphrate dont le bassin forme la Mésopotamie (aujourd'hui l'Irak).
L'écriture, apparue presque simultanément en Mésopotamie et en Chine, 3 à 4 000 ans avant notre ère, engendre les premiers États avec un embryon d'administration. L'humanité entre dans l'Histoire...
La Bible des Hébreux, ensemble de textes faisant référence à des événements immémoriaux, témoigne, d'après le préhistorien Jacques Cauvin, d'une singulière concordance avec le déroulement de la révolution néolithique.
Ainsi la découverte de la nudité par Adam et Ève serait-elle assimilable à la révélation de la finitude de la vie ; la perte du jardin d'Eden traduit l'éloignement de la divinité (cet éloignement se retrouve dans l'opposition en architecture entre le cercle - temple - et le rectangle - maisons ordinaires -) ; Caïn illustre l'avènement de l'agriculture et Abel, son frère cadet, de l'élevage.
Enjeux démographiques
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Bruno Lalouette (02-02-2010 17:33:51)
Bonjour, Je ne suis pas d'accord avec l'auteur. En effet, les plus anciennes représentations à ce jour du culte de la déesse mère ont été trouvées en Autriche. Appelée Vénus de Wille... Lire la suite
Bruno Lalouette (02-02-2010 13:47:01)
Bonjour, Les plus anciennes représentations à ce jour du culte de la déesse mère ont été trouvées en Autriche. Appelée Vénus de Willendorf (du nom du village), et datant du Paléolithiq... Lire la suite
Pascal Gauthier (20-01-2010 17:11:55)
Jeanne Lafont se laisse emporter quand elle dit que l'homme chasseur cueilleur ne se soucie pas du renouvellement de sa subsistance : la divinité de ces peuples est la fécondité, parce que de celle... Lire la suite