Europe

Chocs de civilisation

15 décembre 2023. Effondrement de la fécondité et choc démographique ; loi sur l'immigration et choc migratoire  résurgence du racisme et choc des valeurs ; baisse du niveau éducatif et choc des savoirs ; désillusions de la COP28 et choc climatique. Notre horizon collectif se couvre de gros nuages. Remontons le cours de l'Histoire et mettons-nous à la recherche de leurs origines... et des remèdes.

Cette fin d’année 2023 a mis à jour plusieurs chocs qui ont tout particulièrement ébranlé une civilisation, la nôtre : choc démographique, choc migratoire, choc antisémite, choc éducatif, sans compter le choc climatique…

Ces chocs sont le produit de nos choix de société et de nos errements politiques. Ils n’ont rien à voir avec le Choc des civilisations annoncé par Samuel Huntington en 1996 et ne viennent pas d’un agresseur extérieur… même si la guerre d’Ukraine a excité le ressentiment du « Sud global » envers l’« Occident collectif » (anglosphère, Europe de l’Ouest, soit un milliard d’humains).

Démographie : où sont les bébés ?

En 2022, 726 000 bébés sont nés en France. C’est le nombre de naissances le plus faible depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous dit l’INSEE (28 septembre 2023), et les prévisions sur l’année en cours ne sont guère meilleures.

De 2000 à 2022, le nombre de naissances de deux parents nés en France a baissé de 22,1 %, à moins de 500 000 naissances par an, tandis que le nombre de naissances de deux parents étrangers, nés à l’étranger (hors Union européenne), a augmenté de 63% et dépasse désormais les cent mille par an !

Avec 673 000 décès en 2022, l’excédent naturel (naissances – décès) est désormais très réduit (53 000) et serait nettement négatif sans les naissances de parents étrangers nés à l’étranger (Afrique essentiellement), celles-ci venant remplacer les naissances de parents français qui manquent à l'appel.

Le phénomène se retrouve dans toute l’Union européenne : 3,9 millions de bébés sont nés en 2022, soit 4,9 % de moins qu’en 2021. Et il semble que les pays avancés d’Extrême-Orient suivent le même chemin avec même une longueur d’avance.

C’est inédit dans l’Histoire et cela nous promet, selon les démographes, un « hiver démographique » avec des jeunes de moins en moins nombreux et des vieux en proportion croissante, avec des conditions d'existence de plus en plus précaires du fait du manque de professionnels qualifiés dans l’industrie comme de personnels soignants pour s’occuper du grand âge.

Commun à tous les pays dits « avancés » (sauf Israël), cet effondrement démographique résulte des difficultés de logement et de déplacement dans des mégapoles de plus en plus étouffantes, ainsi que de la difficulté de combiner objectifs professionnels et vie familiale sous la pression consumériste. Il ne réduit pas autant le dérèglement climatique car nos émissions de gaz à effet de serre continueront d’augmenter en dépit de tout dans les trois prochaines décennies.

Immigration : le grand basculement

À Paris, l’Assemblée nationale, ce 12 décembre 2023, a déstabilisé le gouvernement en rejetant son projet de loi sur l’immigration. Réélu dix-huit mois plus tôt, le président Macron comptait sur ce texte pour reprendre la main après la fronde populaire face à sa loi sur le report de l’âge de départ à la retraite, imposée sans vote.

Cette secousse survient trois semaines après le succès du Parti de la liberté (PVV) de Geert Wilders aux élections législatives néerlandaises. En Italie, Giorgia Meloni, présidente du parti Fratelli d'Italia, dirige le pays depuis octobre 2022. En Finlande, en Lettonie et en Slovaquie, des partis d'extrême-droite participent au gouvernement. Pour ne rien dire de la Hongrie de Viktor Orban.

En France même, le Rassemblement national, qui réclame comme les précédents la fin de l’accueil indiscriminé de tous les immigrants, a fait une entrée en force au Parlement en juin 2022 et sa présidente Marine Le Pen a devancé Emmanuel Macron au deuxième tour des présidentielles dans les départements populaires et, soulignons-le, dans les départements d’outre-mer (note).

Ce malaise politique résulte de soixante ans d’ouverture progressive des frontières à l’immigration extra-européenne, ignorée pendant le millénaire précédent. Cela a débuté dans les années 1960 par l’accueil de travailleurs à bas coût dans les usines avec la volonté clairement affirmée de réduire la pression sur les salaires. Même les Allemands, sans réservoir colonial, s’y sont mis en nouant un accord avec la Turquie.

Dans les années 1970, l’effondrement de la croissance, en lien avec l’effondrement de la natalité, a conduit à freiner l’immigration de travail tout en accueillant les familles des travailleurs déjà installés. Depuis les années 2000, le phénomène s’est emballé suite d’une part au chaos installé au Moyen-Orient par l’armée américaine, d’autre part au désir des jeunes Africains de rejoindre les diasporas déjà dans la place.

Les émeutes urbaines consécutives à l’interpellation mortelle d’un jeune Franco-Algérien le 27 juin 2023 (note) ont mis à nu les erreurs d’analyse de la classe politique depuis un demi-siècle et les difficultés croissantes d’intégration des nouveaux arrivants.

Racisme : l’innommable

Qui l’eut cru ? Le 7 octobre 2023, l’État d’Israël, affaibli par une crise politique sans précédent, a été frappé en son cœur par un pogrom d’une barbarie inouïe. Son armée a réagi par une frappe brutale sur la bande de Gaza en vue d’abattre le mouvement terroriste Hamas à l’origine de l’attaque.

Il s’en est suivi à Paris comme dans tout l’Occident et jusque sur les campus américains des manifestations de soutien à la cause palestinienne. On a ainsi pu entendre des slogans ouvertement antisémites, sans qu’ils représentent heureusement l’opinion de tous les manifestants.

La France elle-même connaît depuis plus de dix ans déjà des accès de haine antisémite qui vont jusqu’au meurtre d’enfants. C’est sans précédent dans l’histoire de la République.

La résurgence de l’antisémitisme résulte du mal-être d’une fraction de la jeunesse, à cheval sur deux cultures opposées, l’une occidentale et ouverte, l’autre méditerranéenne et orientale, patriarcale et clanique.

Pour le malheur de la démocratie, ce mal-être est aujourd’hui instrumentalisé par l’extrême-gauche. Elle attise le ressentiment de cette jeunesse en vue de l’enrôler dans son combat contre ses opposants de la gauche réformiste et de la droite. C’est ainsi que dans les cénacles « intellectuels », le racisme ne se cache plus. Il prend le pas sur les luttes sociales et met en avant le combat contre les « Blancs », toutes classes confondues.

Éducation : le « choc des savoirs » !

 Attendue tous les trois ans, l’enquête PISA évalue les performances scolaires des élèves de quinze ans dans les 38 pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économique).

Le 5 décembre 2023, elle a fait état d’une sévère baisse du niveau en mathématiques dans la plupart des pays européens, y compris ceux qui figuraient jusque-là en haut du classement comme la Finlande ou l’Allemagne. Seuls échappent à la dégringolade les pays d’Extrême-Orient.

La France se situe tout juste dans la moyenne en mathématiques comme en compréhension de l'écrit ou en culture scientifique mais elle n’a pas lieu de s’en réjouir car elle arrive loin dans le classement, aux 26e et 29e places.

Les raisons de cette contre-performance européenne tiennent selon l’OCDE elle-même aux restrictions budgétaires, à la difficulté de recruter en nombre des enseignants de qualité ainsi qu’à l’hétérogénéité culturelle et sociale des élèves, massivement amplifiée par l’immigration récente.

Excellent communiquant, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal s’est saisi de la perche pour annoncer un « choc des savoirs ». Rien moins qu’un revirement à 180° de la politique éducative suivie depuis cinquante ans !

Ce pourrait ainsi être la fin du collège unique de la sixième à la troisième. Celui-ci a été instauré par la loi du ministre René Haby, le 11 juillet 1975, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, avec la volonté d’offrir à tous les élèves la possibilité d’études longues. Venant à l’issue des « Trente Glorieuses » (dico), cette loi prenait acte de la fin de l’exode rural et de la formation d’une classe moyenne nombreuse et homogène.

Malheureusement, ce collège unique allait culbuter sur l’arrivée de nouvelles générations plus hétérogènes que jamais, ce qu’a constaté Gabriel Attal. Il a donc promis d’introduire des groupes de niveau au collège et des classes « prépa-lycée » pour les élèves qui échoueraient au brevet en rappelant qu’« une trop forte hétérogénéité de niveau freine la capacité à faire progresser tout le monde »

Le ministre s’est aussi engagé à autoriser les redoublements, en particulier à l’école primaire. Il a encore promis de labelliser désormais les manuels scolaires et de ne plus les laisser au libre choix des enseignants. Il a également assuré que les notes des examinateurs dans les copies d’examen et au bac ne seraient plus rehaussées artificiellement par les académies pour atteindre l’objectif souhaité d’admissions !

Le plus surprenant face à toutes ces annonces est le silence des syndicats, d’ordinaire vent debout contre toutes les velléités de réforme. C’est que sans doute ils sont convaincus de n’avoir affaire ici qu’à de la pure communication et s’enliseront dans les méandres ministériels avant même que le ministre n’ait pris la porte de sortie.

Climat : fiasco de la COP28… et très probablement de la COP29

Les météorologues voient 2023 comme l’année la plus chaude jamais enregistrée à l’échelle de la planète. Elle a été marquée en France par une sécheresse suivie d’inondations d’une intensité inaccoutumée. Concomitamment, l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE) a révélé le 15 décembre que la demande mondiale de charbon a atteint 8,53 milliards de tonnes cette année, poussée par la Chine, l’Inde et l’Indonésie. C'est un record historique !

À l’issue de cette année, la 28e conférence des Nations Unis sur le climat (COP28) s’est réunie à Dubaï (Émirats arabes unis) et comme il était prévisible dans ce haut lieu de l’exploitation pétrolière et gazière, la conférence s’est gardée de tout objectif chiffré volontariste sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.

Le point positif que retiennent ses organisateurs est l’engagement inscrit dans le communiqué final de « transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d'une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l'action dans cette décennie cruciale, afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques. » Des mots qui n'obligent à rien

Retenons aussi l’annonce de la prochaine conférence : elle se tiendra l’an prochain à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, un petit État pétrolier et gazier sous la férule de l’autocrate Ilham Aliyev dont on n’imagine pas un instant qu’il fasse mieux que les Émiratis.

Il y a plus grave : Aliyev est le fossoyeur du Haut-Karabagh. C’était il y a trois mois, le 20 septembre 2023 ! Ses troupes ont en toute impunité envahi ce petit territoire autonome et chassé ses cent mille habitants arméniens. L’autocrate islamiste s’apprête maintenant à raser les églises et le patrimoine arménien comme cela avait déjà été fait dans le Nakhitchevan voisin.

Si l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 et l’attaque de Gaza par Israël en octobre 2023 ont mobilisé les foules occidentales, il n’en a rien été de l’éradication du Haut-Karabagh. Elle n’a pas empêché non plus la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen de négocier tout sourire des contrats gaziers avec le dictateur.

Personne ne s’étonne au demeurant que l’Azerbaïdjan continue de figurer au Conseil de l’Europe et que deux magistrats nommés par Aliyev siègent à la Cour européenne des droits de l’homme, un organisme sans légitimité démocratique auquel nos cours de justice et nos élus se font une obligation d’obéir.

Demain, le rebond

Même si nous n’y prêtons pas attention au quotidien, ces chocs de civilisation ont déjà des effets sur notre vie personnelle : ce sont les inondations et les incendies ainsi que la hausse des primes d’assurance et surtout des impôts et taxes pour cause de dérèglement climatique ; ce sont les professeurs de bon niveau que l’on n’arrive plus à recruter et le manque d'appétence des élèves pour la lecture ; c’est l’absence de relève dans les métiers qualifiés et notamment dans l’industrie par manque de jeunes ; c’est la bienveillance qui reflue et l’inquiétude qui gagne certains Français, notamment d’ascendance juive, etc.

Il n’appartient qu’à nous d’affronter ces épreuves et de les surmonter en puisant dans les fabuleuses ressources léguées par les quarante générations qui nous ont précédés. Nous avons toutes les raisons d’être fiers de notre Histoire et de notre culture. Nous pouvons espérer de notre classe dirigeante qu’elle agisse en conséquence, avec détermination et sans contrition, pour faire les choix qui s’imposent, quoi qu’il en coûte.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2023-12-15 13:52:21

Voir les 11 commentaires sur cet article

Bebert75 (24-01-2024 14:07:36)

Et alors ? Que faire ? La critique est aisée mais l art est difficile ! Comment faire jaillir la bonne solution … s il y en a une ? Éclairez moi

jarrige (08-01-2024 14:58:25)

" Cet effondrement démographique résulte des difficultés de logement et de déplacement dans les mégapoles..." si c'était la raison cela toucherait tout autant, sinon plus, les immigrés, et ce ... Lire la suite

jean-claude LOPEZ (20-12-2023 19:46:39)

ancien prof de math et de physique,aujourd'hui retraité, j'ai subi les foudres d'inspecteurs dans le vent qui découvraient la "mathématique moderne" pour ne pas suivre à la lettre leurs programme... Lire la suite

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net