Qui l'eut cru ? la Savoie, aujourd'hui réduite à deux départements français, a réussi durant le précédent millénaire à s'émanciper de ses puissants voisins, France et Saint Empire, jusqu'à devenir elle-même la matrice d'un grand État, l'Italie moderne !
Romaine, franque puis burgonde, la Savoie tomba dans l'escarcelle du Saint Empire en l’An Mil. Au même moment, un seigneur parvint à l'élever au rang de comté. Ce fut le premier représentant de la Maison de Savoie, qui allait régner jusqu'en 1946.
En l’espace de trois siècles, la seigneurie alpine s'est élevée au même rang que le duché de Bourgogne pour finalement le surpasser. Par un jeu d’alliances et de stratégies, elle accrut encore sa puissance lorsque le duc Emmanuel-Philibert, dit « Tête de Fer » (tout un programme) transféra sa capitale de Chambéry à Turin, de l'autre côté des Alpes. C'est ainsi que, de française, la principauté devint italienne, passionnément, jusqu'à unifier la péninsule en 1861...
Vers le IIIème siècle après J.-C. apparaît le terme « Sapaudia » (« Pays des sapins ») pour désigner la région montagneuse à l’est de Lugdunum (Lyon) et du Rhône. De là dérive le nom de la Savoie. Suite à d’éprouvantes batailles, l’empire romain concède la région à des Burgondes.
Elle intègre ensuite le royaume franc de Clovis en 534 puis l’empire de Charlemagne au IXème siècle. Le traité de Verdun (843) organise le partage de l’empire entre ses petits-fils. La Savoie revient à Lothaire Ier. En 888, elle fait partie du royaume de Bourgogne.
La dynastie des Ottoniens, qui règne alors sur le Saint Empire, se rapproche des rois de Bourgogne. L’empereur Otton Ier épouse en 951 Adélaïde, la fille du roi Rodolphe II. Les souverains ottoniens se posent en protecteurs du royaume de Bourgogne et s’immiscent de plus en plus dans ses affaires par un système d’alliances et en entretenant le culte de saint Maurice, patron de la monarchie bourguignonne.
La tutelle est telle que Rodolphe III de Bourgogne prête en 1016 un hommage de main à l’empereur Henri II et lui promet de lui laisser sa succession s’il venait à mourir sans héritier.
Chose promise, chose due. En 1032, Rodolphe III meurt sans héritier direct et laisse sa couronne à l’empereur Conrad II le Salique, fils de Henri II. Le royaume de Bourgogne intègre alors le Saint Empire. Mais le pouvoir ottonien se heurte à la résistance d’une grande partie de l’aristocratie savoyarde, dont un personnage en particulier, le fameux Humbert Ier.
En 996, l'évêque de Moutiers ayant reçu le pouvoir comtal sur la région, celle-ci est élevée au rang de comté. Au début du XIème siècle, le comté échoit à un guerrier remarquable qui restera dans l'Histoire sous le nom d'Humbert Ier aux Blanches-Mains. Il est le chef historique de la Maison de Savoie, laquelle serait issue d’une famille locale gallo-romaine.
Récompensé pour avoir aidé Rodolphe III puis Conrad II le Salique, Humbert Ier étend ses possessions sur une partie de la Maurienne, du Chablais, de la Tarentaise.
Par des mariages, des achats et au prix de guerres, le comte et ses descendants vont agrandir méthodiquement leur domaine et acquérir des territoires de chaque côté des Alpes. Le comte Thomas Ier de Savoie achète le bourg de Chambéry le 5 mars 1232 et le dote quelques années plus tard de sa première charte municipale.
Pierre de Savoie, fils cadet de Thomas Ier, reçoit de grands apanages et, fort de sa richesse, il entame la soumission du pays de Vaud, au nord du Léman. C'est ainsi qu'il maille le territoire avec des châteaux forts tous construits sur le même modèle, sous la forme d'un carré, avec des murailles ou courtines sur les côtés et des tours aux angles ; l'une, plus grande que les autres, fait office de donjon. En avant des courtines, des murailles secondaires ou braies tiennent à distance les assaillants éventuels.
Par leur caractère fonctionnel et quasi-industriel, ces « carrés savoyard » ne sont pas sans rappeler les châteaux « philippiens » dont Philippe Auguste, à la génération précédente, a doté l'Île de France. Le premier d'entre eux, toujours en excellent état, est érigé à Yverdon, sur le lac de Neuchâtel.
En 1295, le comte Boniface installe son administration centrale dans le château de Chambéry, faisant de la ville la nouvelle capitale de l’État savoyard. Ses successeurs prendront grand soin de rénover l’édifice qui prendra une nouvelle dimension au XIVème siècle par des travaux de grande ampleur.
Pour conserver sa position privilégiée, stratégiquement située entre la France, le Saint Empire et l’Italie, la dynastie savoisienne joue de diplomatie et retourne sa veste maintes fois, passant d’un camp à un autre lors des luttes médiévales entre l’Empire et le Saint-Siège.
Sa politique changeante lui permet d’étendre son territoire et son influence. Au XIVème siècle, l’empereur Charles IV accorde aux comtes le titre de « vicaires impériaux » du royaume d’Arles mais ils préfèrent déjà s’étendre vers l’Italie.
Entre 1234 et 1355, le comté de Savoie est en conflit avec son voisin, le comté de Viennois (son titulaire porte le titre de Dauphin). Le comte de Savoie Édouard profite de la minorité du Dauphin du Viennois, Guigues VIII, pour assiéger le château de Varey. Finalement repoussé par ses ennemis, il prend la fuite. La guerre ayant ruiné les deux partis, le successeur de Guigues VIII vend le Dauphiné au roi de France Philippe VI de Valois en 1349.
Le Dauphin Charles V met alors fin aux hostilités avec les Savoyards en signant un traité de paix en 1355 avec le comte Amédée VI (1343-1383) qui fixe les limites de la Savoie et du Dauphiné. Il inaugure la période d'apogée territoriale de la Savoie et étend le comté vers Berne, Lyon, Nice et Milan. L’épouse d’Amédée VI, Bonne de Bourbon, fait construire vers 1370 le château de Ripaille au bord du Léman. Ce château devient la principale résidence des comtes de Savoie.
À Amédée VI, dit le « comte vert », succède son fils Amédée VII (1383-1391), dit le « comte rouge ». Il achète le comté de Nice en 1388, ce qui donne à ses États un débouché maritime.
Le territoire savoyard s'étant beaucoup étendu et la dynastie régnante ayant gagné le respect de ses pairs, l’empereur Sigismond élève Amédée VIII (1391-1440) à la dignité de duc et prince de l'Empire. La cérémonie a lieu dans la cour du château de Chambéry, le 19 février 1416, en présence de tous les barons et vassaux savoisiens.
Amédée VIII en profite pour agrandir son duché en achetant le comté de Genevois en 1401 et en récupérant le Piémont en 1418 suite à l’extinction de la lignée mâle de la branche cadette de Savoie-Piémont. Par ses acquisitions, il est considéré comme l’un des principaux fondateurs de l’État de Savoie. Son influence et sa réputation de vertu sont telles qu’il exercera aussi la fonction de pape (ou plus exactement d'antipape) entre 1439 et 1449 sous le nom de Félix V.
La loi salique (dico) interdit aux femmes d’accéder au trône mais lorsque la couronne échoit à un enfant, elles peuvent assurer la régence. Et cela arrive souvent, ce qui permet aux femmes de la Maison de Savoie de s’imposer très tôt en politique.
• Adélaïde de Susse (1015-1091), fille du marquis de Suse et épouse d’Othon, le fils d’Humbert Ier, agrandit le territoire en apportant en dot les villes de Suse et Turin. Elle assure la régence de la Savoie au nom de plusieurs de ses fils pendant trente ans et assure la médiation entre le pouvoir et la papauté, étant en relation avec le pape Grégoire VII.
Les femmes de Savoie ont un rôle politique direct mais surtout indirect par l’influence qu’elles exercent sur leurs maris. Comme les alliances passent ordinairement par des mariages, beaucoup ont épousé des membres de familles royales européennes. C’est le cas des quatre filles de Béatrice de Savoie et du comte de Provence Raymond-Bérenger.
• Marguerite de Provence (1221-1295), épouse en 1244 le roi de France Louis IX (futur saint Louis). Sa sœur, Béatrice (1231-1267) épouse le frère de Louis IX, Charles d’Anjou.
• Éléonore (1223-1291), épouse en 1236 le roi d’Angleterre Henri III Plantagenêt et sa sœur Sancie épouse le frère d’Henri III, Richard de Cornouailles. Richard est élu roi des Romains en 1257 mais le pape lui préfère Alphonse X de Castille.
• À la fin du XIVème siècle, Bonne de Bourbon (1341-1402), fille du duc Pierre de Bourbon et de la sœur du roi de France Philippe VI, s’illustre dans la construction et l’architecture en transformant le manoir de chasse de Ripaille en un magnifique château où logeront les ducs de Savoie.
• Fille du duc Philippe II de Savoie, Louise de Savoie (1476-1531) épouse Charles d’Orléans, duc d’Angoulême, le cousin du roi de France Louis XII. Ils donnent naissance à l’un des plus grands rois de France de la Renaissance, François Ier. Pendant les guerres d’Italie (1494-1559), elle s’installe à Lyon, au couvent d’Ainay, et assure la régence du royaume en l’absence de son fils.
• Enfin, parmi les célèbres Savoisiennes, la fille d’Henri IV, Christine de France (1606-1663) épouse Victor-Amédée Ier de Savoie et assure la régence de leurs deux fils pendant plus de vingt-cinq ans. Sœur de Louis XIII, elle joue de son intelligence pour manœuvrer face aux pressions exercées par sur sa famille et son duché par son royal mari et son successeur Louis XIV.
Le basculement vers l'Italie
Au tournant du XVème siècle, les liens italiens se renforcent par le mariage de Bonne de Savoie avec le duc de Milan, Philippe-Marie Visconti. Cette alliance favorise l’expansion vers la plaine du Pô. Le basculement vers l’Italie s’accentue d’autant plus que s’accroît la pression française au temps de Louis XI (1423-1483). Et le voisin français devient de plus en plus envahissant.
En 1501, pour consolider sa neutralité entre la France et le Saint Empire romain germanique, le jeune duc de Savoie Philibert II le Beau épouse en secondes noces l'archiduchesse Marguerite d'Autriche, fille de l'empereur Maximilien Ier et tante du futur empereur Charles Quint, dont elle sera très proche. Les deux époux, 20 ans l'un et l'autre, vont s'aimer avec passion jusqu'à la mort prématurée de Philibert, en 1504. En hommage à son bien-aimé (et à ses beaux-parents), Marguerite fera ériger près de Bourg-en-Bresse le « royal monastère » de Brou, chef d'oeuvre du gothique flamboyant.
Pendant les guerres d’Italie (1494-1559), le duché de Savoie est occupé par François Ier qui profite de la position stratégique des cols des Alpes pour descendre en Italie. En 1536, le roi de France annexe la Bresse, le Bugey et le Val Romey et installe son administration en Savoie. Le duc Charles III n’a d’autre choix que d’installer sa capitale provisoire à Turin.
La Savoie brille de nouveau sous le règne de son neuvième fils, le duc Emmanuel-Philibert qui récupère les territoires perdus par son père. Il mène l’armée de Charles Quint contre les Français à la bataille de Saint-Quentin en 1557. Cette victoire et la signature du traité de Cateau-Cambrésis en 1559 lui permettent de récupérer ses territoires cisalpins.
En récompense, il prend pour épouse Marguerite de Valois, fille de François Ier et sœur du roi de France Henri II, laquelle ne demande pas mieux... Le mariage non seulement lui apporte une épouse aimante mais lui permet de récupérer le Piémont. D’autres traités de paix dans les années 1560 lui sont favorables et il reprend notamment le pays de Gex, le Genevois et le Chablais. Dans la décennie suivante, il gagne encore Tende et Oneglia.
Il répartit l’administration du duché de chaque côté des Alpes en installant un Sénat à Chambéry et un autre à Turin. Enfin, désireux de s’éloigner de sa belle-famille un peu trop envahissante, il délaisse Chambéry, beaucoup trop exposée, pour Turin.
Turin a été fondée par les Romains sous le nom d'Augusta Torinorum. Elle a gardé de l'époque antique de beaux vestiges comme la Porte palatine mais est ensuite devenue une bourgade sans importance. Pour ses habitants, l'arrivée des ducs de Savoie a tout l'air d'un conte de fées : le 7 février 1563, Emmanuel-Philibert et Marguerite font une entrée solennelle dans leur nouvelle capitale et vingt ans plus tard, l'architecte Vitozzi entame la construction du palais ducal.
Autour de celui-ci, la nouvelle capitale des États de Savoie va dès lors faire l'objet d'un programme d'urbanisme remarquable, avec un plan en damier, de larges avenues bordées d'arcades et une architecture classique, selon les canons idéaux de la Renaissance, théorisés par Léon Battista Alberti (De Re Ædificatoria, 1485) et Andrea Palladio (I Quattro Libri dell'Architettura, 1570). La nécropole de la dynastie, jusque-là sise dans l'abbaye d'Hautecombe, sur les bords du lac du Bourget, se déplace à Superga, tout près de Turin, concrétisant ainsi la destinée italienne de la Maison de Savoie.
Ainsi Turin se démarque-t-elle des villes qui ont grandi au Moyen Âge de façon plus ou moins spontanée. Sous l'impulsion des ducs, elle atteint à la fin du XVIe siècle 90 000 habitants et devient l'une des grandes capitales européennes. Dans un environnement boisé et vallonné, sur les bords du Pô, elle demeure aujourd'hui l'une des plus belles villes d'Italie, excellemment dotée en lieux culturels et patrimoniaux.
Naissance de la Savoie moderne
Fervent catholique, Emmanuel-Philibert instaure une monarchie absolue favorable à la Contre-Réforme. Il s'inscrit dans un renouveau religieux illustré par saint François de Sales, un illustre prédicateur lui aussi natif de Savoie. Le duc lance un nouvel impôt pour créer de nouvelles ressources fiscales et relever ainsi ses États occupés par les Français pendant vingt-trois ans.
Surnommé « Tête de fer », il est le fondateur de la Savoie moderne, un État centralisé, sur le modèle des grandes monarchies européennes. Il divise ses États en sept provinces et, en un siècle où s'épanouissent les langues nationales, il remplace l’usage du latin dans les documents officiels par l’italien, pour le comté de Nice et le Piémont, et par le français pour la Savoie et le Val d’Aoste. Par ces décisions capitales, la Savoie historique sera fidèle à un tropisme français. Le Val d'Aoste, également francophone mais situé de l'autre côté des Alpes, demeurera italien avec un très généreux statut d'autonomie.
Mais cette période faste est de courte durée. Charles-Emmanuel Ier, fils et successeur de « Tête de fer », souhaite mettre au pas la République libre de Genève, rebelle et par-dessus le marché calviniste. Le 17 janvier 1601, à Lyon, il signe un traité avec le roi de France Henri IV pour s'assurer de sa neutralité au prix de la Bresse, du Bugey, du Valromey et du pays de Gex, puis il dirige son armée vers Genève. Mais il rate son attaque sur la ville le 12 décembre 1602.
C'en est fini des visées savoyardes sur Genève et la confédération helvétique. Sous le nom de « Journée de l’Escalade », cette victoire calviniste est encore commémorée chaque année par les Genevois.
Au milieu du XVIIème siècle, alors que la peste fait des ravages en Europe, la fille du roi Henri IV, Christine de France, assure la régence du duché de Savoie. Les seigneurs se rebellent et le duché est en proie à une guerre civile qui va durer six ans. Les Savoyards perçoivent de plus en plus leur voisin français comme un envahisseur.
Au XVIIIème siècle, la dynastie savoisienne poursuit sa stratégie d’ « adaptation » en se rangeant un coup du côté de la France, un coup contre elle, afin de protéger ses intérêts. Sauf lorsque Victor-Amédée Ier (1630-1637) se rapproche un peu trop de Richelieu et place sans le vouloir la Savoie sous une sorte de protectorat français.
L’orgueil des ducs de Savoie en prend un coup. Pour rétablir l’indépendance de son territoire, le duc Victor-Amédée II (1675-1730) entre dans la Grande Alliance contre Louis XIV suite au traité de La Haye de 1701. La Savoie se retrouve alors face à la France dans la guerre de Succession d’Espagne.
Un nouveau cap est franchi en 1713 : les traités d'Utrecht et Rastatt concèdent le titre de roi de Sicile au duc de Savoie. Cinq ans plus tard, la Savoie échange la Sicile contre la Sardaigne et le duc de Savoie devient ainsi roi de Piémont-Sardaigne. Oubliées la Savoie et le domaine francophone, voilà la Maison de Savoie pleinement italienne !
Par contre, c’est aux côtés de la France qu’elle combat quelques années plus tard dans la guerre de Succession de Pologne, puis aux côtés de l’Autriche dans la guerre de Succession d’Autriche. Une stratégie payante qui permet à la dynastie de garantir ses frontières.
Le duc Victor-Amédée III (1773-1796) s’oppose à la Révolution française. Il accueille dans son pays des émigrés ayant fui la Révolution. Mais en 1792, la France révolutionnaire parvient à récupérer Nice et la Savoie. La Savoie devient le département du Mont-Blanc et est divisée en sept districts (Annecy, Carouge, Chambéry, Cluses, Moûtiers, Saint-Jean-de-Maurienne et Thonon).
À la chute de Napoléon en 1816, la Savoie est finalement restituée à ses anciens souverains : les rois de Piémont-Sardaigne. Par le traité de Turin du 16 mars 1816, Victor-Emmanuel Ier de Savoie cède une partie des communes du Genevois pour la création du canton de Genève et prévoit également la neutralisation de la Savoie du Nord en cas de conflit.
Désireux de rehausser le prestige de sa capitale, le roi achète la collection d'antiquités égyptiennes du consul français au Caire, Bernardino Drovetti. Judicieusement conseillé par Champollion, il va ainsi doter Turin du plus grand musée égyptien d'Europe ! C'est aujourd'hui l'un des principaux centres d'attraction de Turin, à côté des musées d'art installés dans l'ancien palais royal.
Dans les années 1830, le roi Charles-Albert crée dans la Savoie historique deux divisions administratives, celle d’Annecy et celle de Chambéry. Une préfiguration de la division administrative actuelle.
Mais le roi de Piémont-Sardaigne, illusionné par le « printemps des peuples », croit l'heure venue de libérer et unifier la péninsule italienne sous son sceptre. Il échoue piteusement à Novare face aux troupes autrichiennes, le 23 mars 1849, et abdique le soir même en faveur de son fils, Victor-Emmanuel II.
Celui-ci, plus heureux en affaires, va d'abord ramener son pays dans le jeu diplomatique en intervenant aux côtés des Français et des Anglais dans la guerre de Crimée. Participation tardive et symbolique mais qui lui vaut de participer au congrès de Paris, en 1856, aux côtés de Napoléon III.
Une bonne mise en bouche pour gagner l'alliance de l'empereur face aux Autrichiens qui dominent ou occupent la plupart des principautés italiennes, Lombardie, Vénétie, Tsocane etc.
Un deal décisif dans l'histoire de l'Europe est mis en place entre l’empereur des Français et le roi de Piémont-Sardaigne. Napoléon III fait la promesse à Victor-Emmanuel II et à son Premier ministre Cavour de les aider à forger l’unité italienne. La contrepartie est la rétrocession de la Savoie et Nice à la France.
À Solferino, le 24 juin 1859, l’alliance franco-sarde l’emporte contre l’Autriche de François Joseph Ier, qui occupe la Vénétie et la Lombardie et exerce un protectorat sur les principautés d’Italie centrale, à Solférino. L’unification italienne est en marche.
Le 24 mars 1860, la Savoie historique revient donc à la France par le traité de Turin. Cette cession est confirmée par un plébiscite des habitants. La Savoie forme dès lors les départements français de Savoie (chef-lieu : Chambéry) et Haute-Savoie (chef-lieu : Annecy). Délaissant sa région d’origine, la dynastie savoisienne règne désormais sur le royaume d’Italie.
Le 17 mars 1861, Victor-Emmanuel II, roi de Sardaigne, prince de Piémont et duc de Savoie, est proclamé « roi d’Italie par la grâce de Dieu et la volonté de la nation ». La Maison de Savoie inaugure ainsi le nouvel Etat italien.
Devenus pleinement français, les Savoyards subissent de plein fouet la Grande Guerre, même si le territoire n’est pas touché par les combats et malgré les statuts de neutralité du nord de la Savoie de 1815. Environ 20 000 hommes perdent la vie entre 1914 et 1918 avec un pic de mortalité en 1917.
Par l’article 435 du traité de Versailles, la France supprime la zone neutralisée en Savoie, établie dès 1815 et renouvelée par le traité de 1860. Débute alors un litige que vient régler la Cour permanente de justice internationale de La Haye en 1932 en condamnant la France et en l’invitant à remettre en place la zone franche du nord de la Savoie. Elle permet notamment aux Savoyards de vendre leurs produits sur les marchés de Genève sans avoir à payer de droits de douane.
La Savoie est à l’abri de l’envahisseur allemand au début de la Seconde guerre mondiale, mais le 10 juin 1940, Mussolini déclare l’entrée en guerre de l’Italie. Les Italiens occupent la région et les Allemands prennent ensuite le relais. Le maquis haut-savoyard est très actif dès 1943, mais les pertes humaines sont importantes, tout comme les pertes matérielles causées par les bombardements de Chambéry et de Modane.
Victor-Emmanuel III de Savoie, roi d’Italie depuis 1900 suite à l'assassinat de son père, se résigne à appeler Mussolini à la tête du gouvernement. Il perd l’appui d’une grande partie du peuple italien. Et cela, malgré l’arrestation de Mussolini sur son ordre le 25 juillet 1943.
Souhaitant redorer l’image de la monarchie, Victor-Emmanuel III abdique en faveur de son fils, Humbert II en 1946. Mais les Italiens veulent un changement de politique et le font savoir en préférant la république à la monarchie lors du plébiscite du 2 juin 1946.
La déposition d’Humbert II le 13 juin de la même année signe la fin de la Maison de Savoie.
La Savoie a été étroitement liée à l’histoire des lettres, autant de la philosophie que de la littérature et de la poésie. L’air de cette région entre lacs et montagnes enivre autant ses habitants que ses visiteurs. Le philosophe des Lumières Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), né à Genève, réside pendant une dizaine d’années en Savoie, à Annecy et Chambéry.
Près de l'ancienne capitale ducale, on peut visiter le déliceux manoir des Charmettes, où il vécut les plus belles années de sa vie auprès de Mme de Warens. Dans ses Confessions (1782) il livre un beau portrait du peuple savoyard : « tels qu’ils sont, c’est le meilleur et le plus sociable peuple que je connaisse. »
Le poète français Alphonse de Lamartine (1790-1869) arrive en 1816 à Aix-les-Bains, sur les bords du lac du Bourget, pour y soigner un engorgement du foie et des palpitations du cœur. La région est déjà réputée pour ses bienfaits sur la santé. Et la Savoie lui met du baume au cœur car c’est là-bas qu’il fait la rencontre de Julie Charles, la muse qui lui inspire Elvire dans ses Méditations poétiques (1820). La Savoie n’y est pas pour rien dans le succès du romantisme !
Dans son célèbre poème « Le lac », Lamartine évoque son lieu de rencontre avec sa bien-aimée, le lac du Bourget. Dévasté par sa mort, il déverse ses sentiments sans se douter qu’il deviendra ainsi le chef de file du mouvement romantique. Il évoque également divers lieux qu’ils ont visité ensemble comme la grotte qui porte aujourd’hui son nom, la Grotte de Lamartine :
« Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux. » (« Le lac :», 1820)
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PETERS (18-11-2019 15:20:28)
Marguerite d'Autriche est la tante et non la nièce de Charles Quint.