De la sodomie à la gay attitude

L'homosexualité : crime de droit et tolérance de fait

Aussi ancienne que l'humanité, l'homosexualité (dico) a été généralement acceptée dans le monde gréco-romain. Au début de notre ère, sous l'effet du stoïcisme païen et du judaïsme, elle a connu une forme de stigmatisation qui s'est retrouvée dans les textes des Pères de l'Église.

En dépit de ces condamnations, les pratiques dites « sodomites » ont bénéficié d'une grande mansuétude dans la chrétienté médiévale. Elles ont pu toutefois être traquées dans certaines périodes troublées comme à la fin du Moyen Âge ou au début du XVIIe siècle.

Tout va cependant changer à la fin du XIXe siècle, à l'instigation des élites laïcisées, éprises de progrès et de science, sensibles aux théories eugénistes...

André Larané
Ganymède et l'Aigle (Chastworth House, Londres)

Une pratique somme toute banale

L'homosexualité est aussi ancienne que l'humanité et ses pratiquants, quoique minoritaires et souvent victimes de violences et d'exclusion, ont toujours participé à la vie sociale.

 Sceau-cylindre de Suse (marbre jaune, VI-IVe siècles av. J.-C., Louvre)L'anthropologue Maurice Godelier évoque ainsi des sociétés primitives qui inscrivaient la cohabitation homosexuelle parmi les rites de passage de l'enfance à l'âge adulte. L'historien Bernard Sergent, spécialiste de la mythologie, a retrouvé de semblables rites initiatiques dans les mythes indo-européens, celtes aussi bien que germains, iraniens ou grecs.

Des tablettes et sceaux en argile témoignent d'une pratique banalisée de la sodomie entre personnes du même sexe dans les cités sumériennes de Mésopotamie, dès le IIe millénaire av. J.-C.

Autres temps, autres mœurs. Dans la Grèce classique, les notables, pédérastes (dico) plutôt qu'homosexuels, mettaient un point d'honneur et beaucoup de plaisir à partager la couche d'un garçon pourvu qu'il fut impubère, suivant en cela l'exemple de Zeus, qui s'était transformé en aigle pour séduire le jeune Ganymède. C'était leur façon d'amener le garçon à l'âge adulte et de faire son éducation.

La littérature garde aussi le souvenir de Sappho (630 à 580 av. J.-C.), une poétesse originaire de Mytilène, sur l'île de Lesbos, qui célébra en vers son attirance pour d'autres jeunes femmes. Mais il serait hasardeux d'en tirer des conclusions sur l'homosexualité féminine dans la société grecque.

Les citoyens d'Athènes avaient tout de même le souci de perpétuer leur lignée et se mariaient donc, passée la trentaine, avec une jeune fille d'une quinzaine d'années. La mariée était aussitôt confinée dans le gynécée (équivalent antique du harem) cependant que son époux pouvait se livrer à ses occupations viriles dans un environnement de belles statues d'adolescent(e)s idéalisé(e)s.

Jeune homme nu (couros) : statue provenant du sanctuaire d?Asclépios, dieu de la Médecine (Paros, Cyclades, vers 540 avant J.-C., musée du Louvre, DR) Ce goût pour la beauté et la jeunesse était selon les Grecs eux-mêmes la marque de la civilisation.

C'est ce qu'exprime l'historien Thucydide (Ve siècle av. J.-C.) en évoquant les athlètes du stade : « Autrefois, même dans les compétitions olympiques, les athlètes portaient un pagne qui leur cachait le sexe. Aujourd'hui encore chez certains barbares et en particulier chez les Asiatiques, il y a des concours de pugilat et de lutte, où les combattants portent un pagne. On pourrait invoquer bien d'autres faits pour montrer que, dans le monde grec de jadis, le mode de vie était analogue à ce qu'il est aujourd'hui chez les barbares. »

Dans les liaisons homosexuelles, l'adulte, partenaire actif, était qualifié d'éraste et l'adolescent d'éromène. Dans le langage d'aujourd'hui, un adolescent de cette sorte est plus volontiers appelé giton, d'après un personnage du Satiricon, roman de l'écrivain latin Pétrone (1er siècle de notre ère).

« La Grèce ayant soumis son vainqueur » (Horace),  les Romains adoptèrent sans difficulté les moeurs des Athéniens, y compris leur goût pour les adolescents. Mais, davantage que les Grecs, semble-t-il, ils réprouvèrent les hommes mûrs qui, tel Sénèque, le précepteur de Néron, affichaient une relation avec un homme de leur âge !

La pédérastie, l'un des fondements de la démocratie d'après Platon

Éraste et éromène échangent un baiser, médaillon d'une coupe du peintre de Briséis, Ve siècle av. J.-C., Louvre.Dans Le Banquet, le jeune Phèdre, invité à faire un éloge d'Éros, se lance dans une apologie de la pédérastie comme élément essentiel dans la formation d'un individu vertueux :
« Je ne connais pas de plus grand bien pour un homme, dès qu'il entre dans l'adolescence, qu'un amant vertueux et pour un amant qu'un ami vertueux. Car il est un sentiment qui doit gouverner toute notre conduite, si nous voulons vivre honnêtement ; or ce sentiment, ni la parenté, ni les honneurs, ni les richesses, ni rien ne peut nous l'inspirer aussi bien que l'amour. Et qu'est-ce que j'entends par là ? C'est la honte du mal et l'émulation du bien ; sans cela, ni État ni individu ne peut rien faire de grand ni de beau. Aussi j'affirme qu'un homme qui aime, s'il est surpris à commettre un acte honteux ou à supporter lâchement un outrage, sans se défendre, souffre moins d'être vu par un père, un camarade ou qui que ce soit que par celui qu'il aime ; et nous voyons de même que le bien- aimé ne rougit jamais si fort que devant ses amants, quand il est surpris à faire quelque chose de honteux. [...] Un amant en effet aurait moins de honte d'abandonner son rang ou de jeter ses armes sous les regards de toute l'armée que sous les regards de celui qu'il aime ; il aimerait mieux mourir mille fois que de subir une telle honte. » (Platon, Le Banquet, IVe siècle av. J.-C).

Entre compassion et condamnation

Dans les derniers siècles de l'empire romain, sous l'effet du puritanisme stoïcien, la pédérastie fut finalement condamnée de même que les relations entre adultes du même sexe, et l'on remit à l'honneur l'amour conjugal de l'époque républicaine (Ubi tu Gaius, ego Gaia, « Où tu es toi Gaius, je suis moi Gaia »).

Influencés par les stoïciens païens et par la Bible hébraïque (« Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C'est une abomination », Lévitique, 18, 22), les Pères de l'Église (dico) sanctionnèrent à leur tour l'homosexualité et plus généralement les pratiques « sodomiques », en référence au crime qui valut à la ville biblique de Sodome d'être détruite par Yahvé (note).

Loth interdit à ses concitoyens de la ville de Sodome de «connaître» ses invités, deux anges du Seigneur (mosaïque de la cathédrale de l'Assomption, Monreale, Sicile, XIIe siècle)Ces pratiques incluent toutes les pratiques sexuelles non conventionnelles qui s'écartent de la procréation. Elles sont rangées par l'Église médiévale parmi les péchés mortels car les hommes qui s'y adonnent se soustrayent au devoir de procréation en gaspillant leur sperme et doivent donc « être condamnés, de la même manière que les avares et les usuriers, pour n'avoir pas respecté le but de la nature humaine qui est celui de produire en vue du bien commun, et non de conserver les choses pour son propre plaisir » (note).

L'Église qualifie encore aujourd'hui de péché la sodomie et l'onanisme (la masturbation, ainsi baptisée d'après Onan, un personnage de la Genèse). Mais on ne saurait comparer cette réprimande morale aux sanctions pénales très lourdes qui frappent les homosexuels sur la plus grande partie de la planète, Occident excepté...

Quoi qu'il en soit, au début du Moyen Âge, l'homosexualité ne fut jamais en tant que telle sanctionnée par les autorités religieuses et civiles (note). Quant aux pénitentiels qui définissaient les sanctions attachées aux différents péchés, ils se montraient très accommodants avec la sodomie. Celle-ci était généralement tolérée par les clercs même s'il s'en trouva certains pour regretter qu'elle ne fut pas davantage réprimée. Ce fut le cas d'un certain Pierre Damien (1007-1072) qui échoua lamentablement à en convaincre le pape (note). 

L'historien Jacques Rossiaud évoque un extrait de la Vie du roi Robert (début du XIe siècle) dans lequel il est dit que le roi Hugues Capet, ayant croisé sur le chemin de Saint-Denis deux hommes qui se livraient à une « honteuse occupation », « dégrafa de son cou un manteau de fourrure de grand prix et d'un cœur compatissant le laissa tomber sur les deux pécheurs ». Puis, le roi « entra dans la sainte église pour prier le Dieu tout-puissant et l'implora de ne point laisser périr les coupables » (L'Histoire, 221, mai 1998).

Les fondateurs des grands ordres monastiques, à commencer par saint Benoît de Nursie, eurent pleinement conscience des tentations qui pouvaient advenir dans l'espace clos d'un monastère. Aussi avaient-ils prévu que chacun ait son lit, que les moines ne demeurent jamais seuls à deux, que les jeunes soient surveillés par un ancien, etc. Cela n'empêcha jamais la rumeur publique de soupçonner les moines et les moniales de « paillardises » variées.

Dans le même temps, au XIIe siècle en particulier, les membres de l'aristocratie et des cours princières ne se gênaient pas pour afficher une grande liberté de moeurs. En cette époque d'amour courtois, l'adultère et les relations homosexuelles ne scandalisaient pas grand monde. Les chroniqueurs rapportent ainsi que les rois Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste furent dans leur adolescence très attachés l'un à l'autre jusqu'à partager la même couche !

Fort de ces observations, l'historien américain John Boswell, médiéviste et militant homosexuel, a développé la thèse selon laquelle la chrétienté du haut Moyen Âge et la société gréco-romaine auraient l'une et l'autre accepté les unions du même sexe. Elles nous auraient donc précédé dans le « mariage pour tous » ! Mais sa démonstration est trop manifestement orientée pour être agréée par les historiens de ces périodes (note). Elle souligne néanmoins un tournant dans les mentalités occidentales à la fin du XIIe siècle.

Sodomie, hérésie et sorcellerie

Dans le cadre de la réforme grégorienne, l'Église a pu mettre au pas la caste guerrière, la chevalerie, en usant de la promesse de la vie éternelle et de la menace de l'enfer. Elle intervient également dans le domaine privé en imposant le mariage par consentement mutuel. Le concile œcuménique Latran IV de 1215 fait même du mariage un sacrement indissoluble. Ainsi sont empêchées les répudiations de convenance, y compris en cas d'adultère. Cette réforme majeure vise avant tout à assurer l'épanouissement des enfants dans le cadre familial mais elle va aussi renforcer le statut social des femmes.

Dans le même temps, l'Église, au sommet de sa puissance, est affectée par l'arrogance et la luxure. Elle suscite un mouvement de rejet qui débouche dans la vallée du Pô et dans le Midi toulousain sur l'hérésie cathare. Les adeptes de cette hérésie, d'une radicalité absolue, prônent la haine de la chair et de la matière, le rejet du mariage et de la procréation. À l'opposé de l'Église officielle, ils réprouvent les relations sexuelles dès lors qu'elles débouchent sur la procréation ! Il s'ensuit qu'on les soupçonne d'homosexualité et le surnom de « boulgre » qui leur est donné en vient à qualifier aussi les homosexuels. Par effet de rebond, le concile Latran III de 1179  renforce la condamnation de la sodomie, devenue un indice d'hérésie, et menace d'excommunication les hommes coupables de pratiques « contre nature ».

Mais c'est essentiellement à partir du XIVe siècle que l'homosexualité tombe pour de bon sous les foudres de la loi. Avec ce siècle prend fin le « beau Moyen Âge ». La surpopulation des campagnes, le début du  « petit Âge glaciaire », la guerre de Cent Ans et l'irruption de la Grande Peste portent un coup fatal à l'optimisme médiéval. Pour ne rien arranger, l'Église, confrontée à la montée en puissance des États tel celui de Philippe le Bel, en vient à se diviser, du Grand Schisme à la rébellion des hussites de Bohême, qui précède d'un siècle la Réforme de Luther.

Dans cette atmosphère troublée, on voit émerger quelques joyeusetés parmi lesquelles la chasse aux juifs et surtout la chasse aux sorcières. La chasse aux homosexuels, déviants suspects d'hérésie à l'image des Cathares,  y trouve naturellement sa place.

Quand le roi Philippe le Bel décide d'abattre l'ordre des Templiers, on fait avouer aux accusés sous la tortures des pratiques diaboliques parmi lesquelles la sodomie et le « baiser impudique ». Le sceau des Templiers, qui montre deux chevaliers sur la même monture, concourt à cette accusation.

Les coutumes locales, qui édictent le droit, multiplient les peines contre la sodomie dans un souci de moralisation qui inclut aussi la lutte contre la prostitution, les jeux de hasard, le blasphème, etc. Les sanctions vont de l'amende au bûcher en passant par le pilori, la confiscation de biens ou encore la mutilation, les peines les plus lourdes étant réservées aux crimes tels que le viol d'un enfant.

Il Doppio ritratto, par Giorgione (vers 1502), VeniseLa richissime république de Florence, réputée pour ses mœurs délétères, met ainsi en place en 1403 des « Officiers de l'honnêteté » (Ufficiali dell'Onestà) chargés de la traque. Ils tirent parti, comme à Venise, de la mise en place de tamburi (« tambours ») dans lesquels les citoyens peuvent glisser des lettres de dénonciation (anonymes, cela va de soi).

En France, l’Ordonnance du roi Henri II sur la réformation de la justice, promulguée à Moulins en août 1556, mentionne au détour d’un article sur les « crimes abominables » : « Et d’autant que le crime de Sodomie est un des plus abominables qui se puissent commettre, avons ordonné et ordonnons que ceux qui en seront convaincus seront punis de mort par le feu, pour servir d’exemple aux autres. »

Sous le règne de Louis XIV, le juriste Jean Domat écrit : « Le crime de sodomie est un crime contre nature, digne de la plus sévère punition » (Les Lois civiles dans leur ordre naturel, 1689). Plus tard, un autre juriste, François Serpillon, présente la sodomie comme un « crime de lèse-majesté divine ».

À dire vrai, ces prescriptions sont rarement appliquées à la lettre et les condamnations pour fait de sodomie ou d'homosexualité demeurent exceptionnelles.

L'historien Claude Courouve a dénombré ainsi une quarantaine de bûchers en France dans les cinq siècles qui ont précédé la Révolution (Les origines de la répression de l'homosexualité, 1978). Une bonne partie des condamnés avaient commis des meurtres en plus de leurs pratiques homosexuelles, à l'image du sinistre Gilles de Rais.

Quoique peu nombreux, ces « bûchers de Sodome » sont à rapprocher de la « grande chasse aux sorcières » qui va envoyer 30 000 à 60 000 malheureuses au bûcher entre 1560 et 1630, essentiellement dans l'Europe protestante et germanique.

L'obsession du sexe est au coeur de cette démence, qu'il s'agisse des pratiques sodomites reprochées aux uns ou des copulations avec Belzébuth (le diable) reprochées aux secondes. Elle affecte le clergé réformé (luthérien et calviniste) ainsi que les universitaires, à l'image du très réputé juriste Jean Bodin, auteur tout à la fois du chef d'oeuvre De la République (1576) et d'un manuel contre la sorcellerie !

Singulier paradoxe, cette folie collective culmine en plein cœur du Grand Siècle des Sciences, celui de Descartes et Spinoza

Les « bûchers de Sodome »

Dans son ouvrage magistral, Les bûchers de Sodome (Fayard, 1985), l'historien Maurice Lever écrit : « L'imposant dispositif juridique mis en place dès le haut Moyen Âge, et qui ne variera guère au cours des siècles, ne doit pas faire illusion. La rigueur du châtiment servait surtout à effrayer, à détourner du crime plus qu'à punir. L'ensemble des textes de lois - et cela restera vrai jusqu'à la fin du XVIIIe siècle - constitue un discours répressif d'une violence inouïe, mais dont les effets paraissent, par contraste, étonnamment modérés. Sur les soixante-treize procès en sodomie recensés par Claude Courouve [en France], trente-huit seulement ont donné lieu à des exécutions effectives, dont celle de deux femmes. On compte, outre cela, dix peines de bannissement, galères, prison, maison de force et réclusion temporaire ou à perpétuité, huit exécutions en effigie, le coupable étant en fuite, deux peines d'amende (dont l'une à une femme), dix acquittements, libérations ou non-lieu (dont trois femmes), un suicide et quatre sentences inconnues. Trente-huit exécutions capitales entre 1317 et 1789 pour faits de sodomie ! C'est peu comparé au nombre de sorcières et de charlatans de toutes sortes exécutés en France au cours de la même période. Encore faut-il préciser que parmi ces trente-huit condamnés figure une bonne douzaine d'individus également accusés de viols, de rapts et de meurtres ».

L'Olympe au-dessus des lois

Quelle que soit la sévérité des lois, les artistes et les membres de l'oligarchie n'en gardent pas moins une grande liberté de mœurs. C'est tout juste si, à Florence, le jeune Léonard de Vinci visé par une dénonciation anonyme, doit s'exiler pour deux ans en 1476. 

Apollon et Cyparissos, Giulio Romano, 1520, Stockholm, Nationalmuseum. L'agrandissement présente le tableau de Claude Marie Paul Dubufe, Apollon et Cyparisse, 1821, Avignon, musée Calvet.Cette liberté de moeurs se retrouve au XVIIe siècle dans les cours princières. Les adeptes du « beau vice » sont légion parmi les grands seigneurs qui entourent le roi de France Louis XIII dit « Le Chaste » (!) et son fils Louis XIV. Le propre frère du Roi-Soleil, Philippe d'Orléans, était connu pour ses manières efféminées (il avait d'ailleurs été encouragé à se comporter en fille dès la petite enfance afin qu'il ne fasse pas de l'ombre à son aîné).

En 1678, dans le royaume à son apogée, de jeunes seigneurs, dont certains de la famille royale, ont fondé une confrérie secrète qui imposait l'abstinence totale de relations avec les femmes ! Forts de leur impunité, ces  « libertins » de la pire espèce pouvaient torturer des prostituées ou encore assassiner un jeune homme qui leur résistait. À la même époque, à la grande indignation du pieux roi, la marquise de Montespan était impliquée dans l'« Affaire des Poisons ». O tempora, o mores.

Cela n'empêche pas de condamner pour l'exemple quelques libertins coupables de relations contre nature mais aussi de propos et d'écrits satiriques qui visent la Cour.

Parmi les affaires qui défraient la chronique, il y a le cas de Jacques Chausson, dit des Étangs, brûlé vif en place de Grève le 29 décembre 1660 avec son complice Jacques Paulmier pour avoir brutalisé et tenté de violer un jeune noble de dix-sept ans qui l'avait suivi dans sa chambre.

Son ami Claude Le Petit compose en guise d'épitaphe ce poème :
Si l’on brûlait tous ceux
Qui font comme eux
Dans bien peu de temps hélas
Plusieurs seigneurs de France
Grands prélats d’importance
Souffriraient le trépas...

Le Petit sera également exécuté l'année suivante du fait de ses moeurs et surtout de ses écrits.

Plaque posée à Paris devant le 67 rue Montorgueil (2e arr.), en souvenir de l'exécution de Jean Diot et Bruno Lenoir, brûlés le 6 juillet 1750 du fait de leur homosexualité. Le siècle suivant connut encore quelques poussées de fièvre occasionnées par la crise de l'État et les conflits de préséance entre la monarchie et la magistrature.

Ainsi en va-t-il de la dernière exécution, le 6 juillet 1750, sous le règne de Louis XV. Deux ouvriers illettrés, Bruno Lenoir et Jean Diot, étaient exécutés ce jour-là en place de Grève, à Paris, pour avoir été surpris une nuit par un sergent de ville en train de copuler. À la même époque, on écartelait Damiens, on rouait Calas et le chevalier de la Barre, au grand scandale du public.

Ces anachronismes au Siècle des Lumières s’expliquent par les conflits entre les parlementaires et gouvernants : c’était à qui se montrerait le plus « vertueux » et les malheureux Lenoir et Diot en ont fait les frais. Leur condamnation a été avalisée par le Parlement de Paris alors même qu’à la Cour et dans l’entourage des parlementaires, de grands seigneurs libertins ne se cachaient pas d’être homosexuels.

Dans le même temps, le roi de Prusse Frédéric II, fondateur de la puissance allemande, pouvait vivre tranquillement son homosexualité sans en être affecté dans sa vie publique. Même chose en France sous la Révolution avec le grand juriste Cambacérès.

Quarante ans plus tard, quand survint la Révolution, le crime de sodomie était tout bonnement oublié. Les rédacteurs du Code pénal de 1791 l'ignorèrent tout comme le blasphème, le sacrilège et quelques autres joyeusetés des Pères-la-pudeur...


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Sexe et pouvoir
Publié ou mis à jour le : 2025-10-13 08:15:42

Voir les 4 commentaires sur cet article

testou (03-07-2023 08:47:46)

comment peut on encor ecrire "a perduré jusqu'en..." ? ecrire "duré" tout simplement ;
sinon bel article

FHE (22-06-2020 23:02:46)

Il manque à mon avis un paragraphe sur les « mignons » des rois et des grands seigneurs au XVIème siècle et un peu avant.

dequervain (18-05-2020 09:39:49)

Merci en effet du commentaire de Loignon. En effet dans Genèse, il est plus question d'esclavage sexuel que d'homosexualité. En outre, quand dans le texte (par ailleurs très intéressant) on lit :"... Lire la suite

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