1er juillet 987

Hugues Capet élu roi des Francs

Le 1er juillet 987, à Noyon, exaspérés par la faiblesse des derniers héritiers de Charlemagne, les principaux seigneurs de Francie occidentale (la France actuelle) offrent la couronne royale au meilleur d'entre eux, le comte de Paris Hugues Capet.

Celui-ci devient roi des Francs sous le nom de Hugues Ier.

Il est sacré deux jours plus tard dans la cathédrale de Reims par l'évêque de Reims, Adalbéron, selon un rituel germanique inauguré par Pépin le Bref en 751. Le sacre apporte la caution divine à l'élection, laquelle signifie au sens propre, le choix du plus digne.

À cette occasion, il prononce un serment qui sera en substance repris par tous ses successeurs : « Moi, Hugues, qui dans un instant vais devenir roi des Francs par la faveur divine, au jour de mon sacre, en présence de Dieu et des saints, je promets à chacun de vous de lui conserver le privilège canonique, la loi, la justice qui lui sont dus et de vous défendre autant que je le pourrai, avec l'aide du Seigneur, comme il est juste qu'un roi agisse, en son royaume, envers chaque évêque et l'Église qui lui est commise. Je promets aussi de faire justice, selon ses droits, au peuple qui nous est confié ».

Les descendants du nouveau roi vont régner sur le royaume sans discontinuer jusqu'en 1792 (abolition de la royauté). On peut donc dire que l'avènement et le sacre de Hugues Capet marquent la vraie naissance de la France. Celle-ci est d'ailleurs concomitante de la naissance de la plupart des grands États de l'Europe moderne.

André Larané
Invention de la France

Le royaume sur lequel règne Hugues Capet s'étend sur la partie occidentale des régions occupées par les Francs, de la Manche à la Meuse. Il correspond en gros au Bassin parisien.
Cette région fortement romanisée s'appelait Neustrie sous Clovis et ses successeurs mérovingiens. Elle est appelée Francie occidentale au temps de Charlemagne et des carolingiens. Les Capétiens vont en faire le noyau de la France actuelle.
Le premier texte où il est fait référence au mot France remonte à 1119, quand Louis VI, un lointain descendant de Hugues Capet, se proclame dans une lettre au pape Calixte II « roi de la France, non plus des Francs, et fils particulier de l'Église romaine ».

Élévation d'une famille

Au cours des décennies antérieures, deux aïeux de Hugues Capet - son grand-oncle Eudes et son grand-père Robert Ier - ont déjà été élus roi de Francie occidentale mais n'ont pas conservé la couronne dans leur famille. Son père Hugues le Grand s'est gardé de revendiquer la couronne, préférant oeuvrer dans l'ombre des piètres héritiers de Charlemagne. Comme lui, Hugues Capet a longtemps tenu sous sa coupe le roi carolingien Lothaire. Mais Lothaire étant mort en 986, son fils Louis V lui a succédé mais est mort presque aussitôt, à 20 ans, au cours d'une chasse, le 21 mai 987.

Avant de mourir, il s'était brouillé avec l'influent archevêque Adalbéron de Reims et avait entamé son procès. Hugues Capet, en qualité de « duc des Francs » et second du roi défunt, assume la présidence du procès. Il prend la défense de l'archevêque contre Charles de Lorraine, oncle de Louis V et prétendant au trône. Selon les mots du chroniqueur Richer de Reims, Adalbéron reproche au prétendant de ne pas avoir la « sagesse de l'âme », autrement dit d'être inapte à la fonction. Charles étant disqualifié, Hugues Capet se décide alors à franchir l'ultime pas qui le sépare de la couronne...

Au moment de son élection, c'est déjà homme mûr de 47 ans, un seigneur puissant et respecté. Il possède en propre de vastes domaines, autour de Paris et Orléans, qui font de lui l'un des principaux seigneurs de Francie occidentale. Il s'agit de seigneuries laïques et d'abbayes. Son surnom de Capet fait précisément allusion à ses nombreuses chapes d'abbé, dont celle, prestigieuse entre toutes, de Saint-Martin-de-Tours.

Hugues Ier fixe sa résidence à Paris qui devient la capitale définitive du royaume. Marié à une princesse carolingienne, Adélaïde de Poitou, il se présente en continuateur de la dynastie précédente mais pour assurer la survie de la sienne propre, il associe au trône son fils Robert (15 ans) et le fait sacrer dès le 25 décembre 987 à Orléans.

Une légitimité fragile

Malgré le sacre de Reims, Hugues doit défendre sa légitimité les armes à la main. Le chroniqueur Adhémar de Chabannes nous rapporte que l'un des vassaux du roi, Adalbert de Périgord, refusait de lever le siège de Tours. Hugues lui demande alors :
– Qui t'a fait comte ?
Et l'autre de répliquer :
– Qui t'a fait roi ?

Jusqu'en 991, Hugues doit aussi combattre le parti carolingien qui penche toujours pour Charles de Lorraine. Le fidèle Adalbéron de Reims étant mort en janvier 989, Hugues Capet tente de se concilier Charles de Lorraine en nommant son neveu Arnoul à la tête de l'archevêché de Reims. Mais Arnoul trahit son bienfaiteur et fait entrer à Reims les partisans de Charles.

Avec le concours du savant Gerbert, écolâtre de Reims, Hugues réunit un concile près de Reims. Il obtient la déposition de l'archevêque Arnoul et fait nommer Gerbert à sa place. Le pape tente de réagir en convoquant un concile général à Aix-la-Chapelle mais les évêques francs dédaignent de s'y rendre... C'est le premier conflit entre le Saint-Siège et la dynastie capétienne ; il y en aura bien d'autres !

Là-dessus, Charles de Lorraine se replie sur Laon, dont l'archevêque Adalbéron est le neveu de l'autre Adalbéron, celui de Reims. Après bien des palabres, Adalbéron de Laon trahit son hôte et le livre à Hugues Capet.

Débarrassé des carolingiens, Hugues Capet se retourne enfin contre le comte de Blois Eudes Ier, avec le concours de son voisin, le comte d'Anjou Foulques Nerra. Eudes meurt en assiégeant le château de Foulques à Langeais (le premier château fort en pierre et non en bois). Il laisse une veuve, Berthe de Bourgogne, qui, par amour, obtient d'épouser le fils et héritier du roi, Robert.

Ce mariage va ternir la fin de règne d'Hugues Capet car son fils Robert a déjà été marié et surtout, il est le cousin de Berthe au troisième degré. Pour ne rien arranger, l'un et l'autre sont parrain et marraine d'un même enfant. Autant de raisons qui vont conduire l'Église à excommunier le roi Robert II dit le Pieux !

La France à l'avènement de Hugues Capet

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Hugues Capet possède en propre de vastes domaines, autour de Paris et Orléans. Mais ils ne font de lui que l'un des principaux seigneurs de Francie occidentale. C'est avant tout le rôle actif de sa famille dans la lutte contre les Normands qui lui vaut de recevoir la couronne.

Le pré carré

Hugues Ier et ses descendants vont arrondir le domaine royal, ou « pré carré », à la manière modeste et tenace des paysans. Ce faisant, ils consolident peu à peu leur autorité et font émerger une nation nouvelle du désordre carolingien.

Les premières générations de Capétiens respectent la règle féodale de l'élection. Mais Hugues et ses successeurs ont soin de faire élire de leur vivant leur fils aîné pour leur succéder et de le faire sacrer roi à Reims. Les Grands du royaume se prêtent de bon gré à la manoeuvre. Le fils aîné du roi régnant a l'avantage d'avoir été préparé à la succession par son père et son élection coupe court à toute querelle entre d'éventuels prétendants.

Les féodaux s'habituent peu à peu à une succession héréditaire. Ils l'acceptent d'autant mieux qu'Hugues Capet et ses premiers descendants font preuve d'une sage réserve face à des seigneurs parfois plus puissants et plus riches qu'eux-mêmes. De génération en génération, les descendants de Hugues Capet auront la double chance de vivre assez longtemps pour se faire accepter par leurs pairs et d'avoir un fils apte à leur succéder.

De l'élection à l'hérédité

Avec Philippe II Auguste, deux siècles plus tard, la royauté capétienne est devenue assez forte pour ignorer le rite de l'élection. Aussi le roi dédaigne-t-il de faire désigner son fils de son vivant. Louis VIII dit Le Lion lui succède automatiquement et sans difficulté le 14 juillet 1223.

La transmission héréditaire de la couronne devient dès lors la règle en France. Mais ce principe reste relativement exceptionnel en Europe jusqu'à la fin du Moyen Âge, beaucoup de dynasties royales perpétuant le principe de l'élection à vie (Allemagne, Pologne, Russie...). De nombreuses communautés conservent par ailleurs un gouvernement de type républicain, en Suisse ou encore en Italie.

Notons que c'est seulement aux XVIIIe et XIXe siècles, dans des époques dites rationalistes, que le principe monarchique et la succession héréditaire deviendront la norme en Europe !

Publié ou mis à jour le : 2022-06-12 14:48:49

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