Aucun conflit n'a été davantage médiatisé en Occident, dans la seconde moitié du XXe siècle et en ce début du XXIe siècle, que celui qui oppose l'État d'Israël à ses voisins arabes.
Ce conflit est peu important en nombre de victimes si on le rapporte aux autres guerres de notre époque mais il retentit avec une intensité extrême dans la mémoire des Arabes et des Occidentaux car il renvoie les uns et les autres à leur Histoire ancestrale, à leurs racines religieuses et à leurs drames lointains ou récents.
Quel autre conflit permet d'évoquer tout à la fois la Bible, les Évangiles et Mahomet, Massada et Auschwitz, les croisades et la colonisation... en des lieux aussi riches de sens que Palestine, Jérusalem, Jéricho, Gaza, Jaffa, Bethléem, Tyr, Baalbek, etc ?
Cette Terre Promise, anciennement appelée Palestine (dico), occupe une étroite bande de terre sur la côte orientale de la Méditerranée, délimitée par la vallée du Jourdain, soit 28 000 km2 et plus de 15 millions d'habitants en 2021. Elle inclut :
• L'État d'Israël et sa capitale Jérusalem : 20 000 km2 et près de dix millions d'habitants dont 3/4 de juifs,
• La Cisjordanie ou Judée-Samarie, écartelée entre l'État d'Israël et l'Autorité palestienne : 6000 km2 et près de quatre millions d'habitants,
• Enfin la bande de Gaza sous contrôle du Hamas : 400 km2 et plus de deux millions d'habitants.
• Il faudrait à cela ajouter le royaume de Jordanie (90 000 km2 et dix millions d'habitants), partie intégrante de la Palestine avant 1923.
Les débuts du sionisme
Comme bien d'autres drames contemporains, celui-ci puise ses racines dans la Grande Guerre de 1914-1918 et même avant.
À la fin du XIXe siècle, dans la foulée du mouvement sioniste et à la suite de la publication par Theodor Herzl de L'État juif, des juifs d'Europe firent leur Aliyah (ou Alya, « Ascension » en hébreu) vers la Terre promise. Celle-ci était alors une simple dépendance de la province ottomane de Damas. Elle était peuplée d'environ 700 000 personnes, musulmans et chrétiens de différentes confessions sans compter quelques milliers de juifs autochtones (24 000 à Jérusalem au début du XXe siècle). Cette population était pour l'essentiel concentrée dans les montagnes de Judée et de Samarie, autour de Jérusalem et Hébron.
Entre 1880 et la Première Guerre mondiale arrivèrent cent mille juifs d'Europe. Les nouveaux-venus achetèrent des terres aux propriétaires arabes, essentiellement dans la zone littorale, marécageuse et délaissée. Ils les mirent en valeur, souvent sous la forme de fermes communistes (kibboutz), avec des résultats généralement remarquables. Des villes nouvelles se développèrent, en particulier Tel Aviv, fondée en 1909 sur le littoral, à côté de la vieille cité arabe de Jaffa.
La même année, de jeunes sionistes imprégnés d'un idéal à la fois communiste et utopiste fondèrent le premier kibboutz sur l'estuaire du Jourdain. Maniant à la fois la charrue et le fusil, ces kibboutznik se feront un devoir de mettre en valeur la Terre promise et de la défendre dans le même temps.
Qui plus est, les colons ressuscitèrent l'antique langue hébraïque modernisée par Eliézer Ben Yéhouda.
Arrive la Première Guerre mondiale. Les Anglais, soucieux de s'attirer les bonnes grâces des communautés israélites répandues dans le monde et en particulier en Europe centrale, chez leurs ennemis (Allemagne et Autriche-Hongrie), promettent de soutenir l'installation des juifs en Palestine. C'est la déclaration Balfour dans laquelle, toutefois, il n'est pas explicitement question de créer un État mais seulement un « foyer national juif ».
Après le conflit, la Société des Nations, ancêtre de l'ONU, octroie à la Grande-Bretagne un mandat sur la Palestine (entre le littoral méditerranéen et le Jourdain). Londres taille par ailleurs un État factice sur la rive orientale du Jourdain pour l'un de ses protégés, le prince Abdallah, fils de Hussein, chérif de La Mecque. Ce sera la Transjordanie (aujourd'hui la Jordanie).
Privés de leurs espoirs d'indépendance, juifs et Arabes ne tardent pas à entrer en conflit les uns contre les autres. Les premiers décident dès 1920 d'assurer leur propre défense et créent une milice secrète, la Haganah. Dans le même temps, ils mettent en place de véritables structures étatiques : système de santé, centrale syndicale (Histadrout), université hébraïque, radio nationale...
En plein essor économique, la Palestine attire entre les deux guerres mondiales non seulement des juifs mais aussi des Arabes des pays voisins qui vont travailler dans les fermes et les usines juives du littoral : pas moins de 100 000 dont les descendants sont aujourd'hui répertoriés comme Palestiniens.
Entre le Jourdain et la mer Méditerranée, les juifs sont encore très minoritaires, environ cent cinquante mille pour huit cent mille Arabes. Mais les sionistes socialistes, à l'image de David Ben Gourion, croient à une possible harmonie entre les communautés, unies dans les luttes sociales. Leurs illusions sont rapidement douchées par les émeutes antijuives suscitées par le Grand Mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, futur allié de Hitler.
Ces émeutes atteignent leur paroxysme le 24 août 1929 à Hébron. Dans cette ville sainte, au sud de Jérusalem, soixante dix juifs sont massacrés ce jour-là par la foule en délire. Les leaders sionistes comprennent ce jour-là qu'ils vont devoir batailler avec leurs voisins pour vivre sur cette terre qu'ils ont choisie...
En ces années 1920-1930, la Palestine n'est hélas pas la seule à jouer avec le feu. Une grande partie de l'Europe continentale bascule dans des mouvements totalitaires d'une extrême violence (communisme, fascisme, nazisme, franquisme...).
Au Moyen-Orient, la Turquie, qui a déjà le douteux privilège d'avoir accompli le premier génocide du XXe siècle, met en oeuvre, en 1923, le premier programme d'épuration ethnique et religieuse avec l'expulsion des Grecs d'Anatolie. En Arabie, une guerre tribale d'une grande férocité porte au pouvoir en 1932 Ibn Séoud et la secte musulmane des Wahhabites. En Égypte, un instituteur du nom de Hassan Al-Banna fonde, en 1928, les Frères musulmans, inspirateurs avec les Wahhabites des mouvements islamistes de la fin du XXe siècle.
On le voit : tous les ingrédients des crises moyen-orientales contemporaines sont dès ce moment en place, sans que le sionisme et les juifs y soient pour grand-chose !
Fierté juive retrouvée
L'accession de Hitler au pouvoir en Allemagne relance l'immigration juive en Palestine. En 1936, le territoire compte déjà 335 000 juifs. Confrontés à la multiplication des heurts entre juifs et Arabes, les Britanniques, en position d'arbitre, sont de plus en plus embarrassés.
Ils ne peuvent s'en prendre aux juifs qui fuient les persécutions d'Europe centrale et craignent en les soutenant de jeter les Arabes dans le camp adverse, celui de Hitler. Déjà, certains leaders musulmans comme le grand mufti de Jérusalem Mohammed Amin al-Husseini clament haut et fort leur sympathie pour l'antisémitisme nazi.
Les Britanniques commencent à songer à un partage de la province entre les deux communautés. En attendant, en 1939, ils imposent des restrictions à l'immigration légale. Qu'à cela ne tienne, les juifs développent l'immigration clandestine.
Après la Seconde Guerre mondiale et la révélation de la Shoah, l'immigration clandestine ne se tarit pas. Les Britanniques ramènent de force en Allemagne des rescapés juifs des camps de la mort qui s'étaient embarqués sur un vieux cargo, rebaptisé pour l'occasion Exodus. L'opinion occidentale s'indigne.
Une organisation militaire, l'Irgoun, s'en prend aux Britanniques et lance contre eux des attentats terroristes (le plus retentissant frappe l'hôtel du Roi David, à Jérusalem, siège des forces britanniques, le 22 juillet 1946).
Lassé, Londres porte le problème de la Palestine devant l'Organisation des Nations Unies (ONU). Celle-ci vote le 29 novembre 1947 le principe d'un partage du territoire entre deux États, au sein d'une union douanière, le secteur de Jérusalem et Bethléem étant quant à lui placé sous administration internationale.
Le mandat anglais prend fin le 14 mai 1948 et le même jour, conformément au plan de partage onusien, le président Chaïm Weizmann proclame l'indépendance de son État sous le nom d'Israël, du nom d'un ancien royaume hébreu.
Un conflit sans solution apparente
Le fondement du nouvel État est la « loi du Retour » qui donne à tout juif du monde entier le droit de s'établir dans le pays. Les Arabes ne supportent pas cette nouvelle atteinte à leur sol.
Les plus modérés prônent un État laïc unifié (une exception au Moyen-Orient) qui excluerait la « loi du Retour ». Les extrémistes prônent le rejet pur et simple des Juifs.
Sitôt la proclamation de l'État d'Israël, toutes les armées des pays voisins (Égypte, Syrie, Transjordanie, Irak et Liban) se ruent contre lui.
Dans le même temps, les habitants arabes sont appelés à fuir pour laisser la place aux éradicateurs... et les Israéliens eux-mêmes les poussent à partir par quelques opérations terroristes ciblées comme à Deir Yassin. Un demi-siècle plus tard, les descendants de ces exilés sont toujours dans des camps à la lisière d'Israël.
Dans un premier temps, l'avantage est aux agresseurs. La Légion arabe arrive à s'emparer du mur des Lamentations, haut lieu de la religion juive dans le vieux Jérusalem. Les Irakiens contournent le lac de Tibériade. Les Égyptiens s'emparent de Gaza... Tel-Aviv est menacée.
Mais les Israéliens, bien que moins nombreux (60 000 combattants contre 80 000), se ressaisissent. Après une trêve imposée par le médiateur de l'ONU, ils arrivent enfin à refouler leurs ennemis.
Des armistices signés l'année suivante délimitent les frontières du nouvel État d'Israël. Il recouvre la plus grande part de l'ancienne Palestine, à l'exception du centre historique de Jérusalem, des montagnes de Judée (la Cisjordanie), à vieux peuplement musulman et chrétien, et de la bande de Gaza, où se réfugient beaucoup de travailleurs musulmans de la zone littorale. Le royaume voisin de Transjordanie s'arroge l'administration de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est et prend le nom de Jordanie ; l'Égypte administre la bande de Gaza (365 km2 et deux millions d'habitants en 2020 dont 75% de descendants de réfugiés).
Quelques années plus tard, le président du Conseil israélien David Ben Gourion veut profiter de la crise ouverte par la nationalisation du canal de Suez pour consolider les frontières de son pays. Il noue des contacts secrets avec les Français et les Britanniques et le 29 octobre 1956, lance ses troupes dans le Sinaï et met en déroute l'armée égyptienne.
Le 30 octobre 1956, Londres et Paris envoient un ultimatum conjoint au Caire et à Tel Aviv, enjoignant aux combattants de cesser le feu et de se retirer à 10 miles du canal. Il ne s'agit que d'une manoeuvre pour reprendre le canal. Le 5 novembre, les parachutistes franco-britanniques sautent sur Port-Saïd.
Mais, dès le 6 novembre, les Soviétiques menacent d'intervenir avec des fusées intercontinentales si l'attaque n'est pas stoppée. Finalement, Anglais, Français et Israéliens doivent retirer leurs troupes le 22 décembre. Une force internationale est installée sur la ligne d'armistice. Pendant 10 ans, Israël ne va cesser de ruminer cette victoire volée.
En 1967, Israël a des raisons de s'inquiéter des foucades du président égyptien Nasser. Celui-ci resserre ses alliances avec la Syrie et la Jordanie (ex-Transjordanie) et obtient le départ des forces onusiennes stationnées sur les lignes d'armistice depuis 1956. Jérusalem prévient l'attaque de ses voisins en lançant lui-même une offensive tous azimuts le 5 juin 1967. Cette guerre-éclair, dite guerre des Six jours, permet aux Israéliens d'occuper la bande de Gaza, le plateau syrien du Golan, une position stratégique de premier plan, et la rive occidentale du Jourdain, y compris le vieux Jérusalem (Jérusalem-Est).
De nouveaux ennuis attendent l'État hébreu avec la mise sous tutelle de territoires à forte population arabe. Jusqu'au début des années 1970, les Occidentaux, droite et gauche réunies, vibraient en faveur du petit Israël confronté à la coalition arrogante des pays arabes (à de rares exceptions comme le général Charles de Gaulle, président de la République française). Les Palestiniens, que leurs « frères » arabes maintenaient dans des camps de réfugiés quand ils ne les massacraient pas comme le roi Hussein, se sentaient bien seuls. Les guerres de clans et les attentats occasionnels ne faisaient rien pour populariser la cause palestinienne.
Après l'attentat de Munich (1972) et malgré l'horreur de ce drame télévisé en direct, l'opinion occidentale va lentement se retourner en faveur des Palestiniens, représentés par l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine). Celle-ci est très vite dominée par le Fatah, un mouvement laïc dirigé par un ancien ingénieur, Yasser Arafat.
En 1973, Anouar el-Sadate qui a succédé à la tête de l'Égypte au prestigieux Nasser, prend l'initiative d'une quatrième guerre pour venger les Arabes de leurs humiliations passées et consolider sa légitimité auprès de ses concitoyens.
Les Israéliens éprouvent cette fois la plus grande peur de leur Histoire mais ils reprennent rapidement leurs esprits, jettent toutes leurs forces dans la bataille (275 000 soldats) et refoulent finalement Syriens et Égyptiens. Mais plus rien n'est comme avant. Le doute s'insinue dans la démocratie israélienne sur la légitimité de l'occupation des territoires de 1967 cependant que montent les revendications palestiniennes.
Israéliens et Palestiniens face à face
Fort de son succès de 1973, le président égyptien Anouar el-Sadate entame en novembre 1977 une visite de trois jours en Israël. Le clou du voyage est un discours devant la Knesset, le Parlement israélien, le 21 novembre 1977. Cet acte de courage soulève un espoir immense parmi tous les hommes de bonne volonté.
Le raïs retrouve le Premier ministre israélien Benahem Begin quelques mois plus tard, à Camp David, la résidence d'été du président américain Jimmy Carter. Les deux adversaires concluent un accord le 17 septembre 1978 qui débouche le 26 mars 1979 sur un traité de paix en bonne et due forme : l'Égypte reconnaît le droit à l'existence de l'État d'Israël et permet au pavillon israélien d'emprunter le canal de Suez ; elle récupère en contrepartie le Sinaï. Les deux pays ouvrent des représentations diplomatiques et entament des relations commerciales.
Le traité vaut aux trois hôtes de Camp David le Prix Nobel de la paix. Il vaut aussi à Anouar el-Sadate d'être assassiné par des islamistes le 6 octobre 1981.
Prolongeant son offensive diplomatique, Israël conclue ensuite un traité de paix avec la Jordanie puis un accord provisoire sur le Golan avec la Syrie. Après s'être tiré avec succès de plusieurs conflits « classiques » entre armées régulières, l'État hébreu croit pouvoir s'installer dans la durée mais il va devoir faire face à un nouvel adversaire, insaisissable : la résistance palestinienne représentée par l'OLP de Yasser Arafat.
L'OLP tire parti de la guerre civile qui a éclaté au Liban en 1975 pour constituer des bases solides dans ce pays. Israël tente de l'étouffer en attaquant le malheureux Liban en 1982. Mais Tsahal ne tarde pas à s'enliser face à la guérilla. Dans le même temps, la révolution islamique de Téhéran (1978) suscite la naissance de mouvements de résistance islamistes, rivaux de l'OLP laïque...
Tensions exacerbées
Au milieu des années 1980, la libéralisation de l'URSS à l'initiative de Mikhaël Gorbatchev permet à des centaines de milliers de juifs soviétiques de rejoindre l'État hébreu. Celui-ci voit dans cette nouvelle vague d'immigration l'espoir d'un second souffle. Ses effets seront en fait ambigus...
Les nouveaux arrivants, généralement très instruits, renforcent le potentiel scientifique du pays, incomparablement supérieur à celui de ses voisins orientaux. Mais leur moyenne d'âge est élevée et leur fécondité faible, d'où un impact mineur sur le déséquilibre croissant entre populations juives et musulmanes entre Méditerranée et Jourdain.
Qui plus est, ces juifs soviétiques qui ont survécu aux purges staliniennes ont des conceptions politiques éloignées des idéaux libéraux et un solide mépris des Orientaux. Ils renforcent la droite ultra-nationaliste, notamment le Likoud, ce qui entraîne un durcissement de la politique israélienne.
En 1987-1992 survient un premier soulèvement populaire dans les territoires occupés depuis 1967 (Cisjordanie et Gaza). Cette Intifada (ou « guerre des pierres ») menée par des enfants laisse Tsahal démunie...
Le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, qui a la réputation d'un « dur », n'en entame pas moins des négociations secrètes avec Yasser Arafat. Elles aboutissent aux « accords d'Oslo », conclus le 13 septembre 1993. Par ces accords, l'OLP reconnaît le droit d'Israël à l'existence tandis que Tsahal s'engage à évacuer en cinq ans la Cisjordanie et la bande de Gaza, occupées en 1967, et à remettre leur administration à une Autorité palestinienne.
C'est le début d'une double scission :
• En Israël, entre « colombes » et « faucons » : ces derniers rejettent toute concession supplémentaire et la création d'un État palestinien,
• Chez les Palestiniens, entre l'OLP et les mouvements islamistes : ces derniers, tel le Hamas, s'en tiennent à l'objectif de rayer Israël de la carte.
Comme l'Égyptien Sadate en 1981, Rabin est assassiné en 1995 par un extrémiste pour avoir tenté de sortir le conflit de l'impasse.
Une seconde Intifada éclate en septembre 2000. L'ancien général Ariel Sharon, devenu Premier ministre, lance en février 2005 la construction d'une « barrière » de 700 km entre Israël et les territoires occupés pour protéger le pays des attentats-suicides, autant que faire se peut. L'armée israélienne organise l'évacuation de la Cisjordanie et Gaza et abandonne ces territoires à l'Autorité palestinienne et à son nouveau président, Mahmoud Abbas, successeur de Yasser Arafat.
En juin 2007, les habitants de Gaza, excédés par la corruption qui gangrène l'OLP, offrent une victoire électorale au Hamas islamiste. Celui-ci en profite pour chasser de la bande de Gaza les représentants de l'OLP et les milices du Fatah au terme d'un bref et violent affrontement armé.
Et voilà les Palestiniens eux-mêmes divisés... non sans une certaine logique :
- d'un côté les habitants de la Cisjordanie, pour beaucoup enracinés dans leur village depuis des siècles, pour la plupart désireux de gagner la paix, comme l'OLP ;
- de l'autre les Gazaouis, pour la plupart descendants des travailleurs immigrés en Palestine au début du XXe siècle, soumis au Hamas.
La bande de Gaza est aussitôt isolée, tant par les Israéliens que par les Égyptiens et les Européens qui lui refusent toute nouvelle aide.
Le samedi 27 décembre 2008, l'aviation israélienne bombarde les immeubles du Hamas à Gaza, en prélude à une opération terrestre. Celle-ci, à haut risque, est lancée une semaine plus tard, le 3 janvier 2009. C'est l'opération « Plomb durci ». Elle vise officiellement à mettre fin aux tirs de roquettes qui frappent le sud d'Israël à partir du territoire.
Mais :
• Par cette riposte brutale (à l'opposé des opérations « chirurgicales » dans lesquelles l'armée et les services secrets israéliens s'étaient rendus maîtres dans les années 1960-1970), la coalition au pouvoir à Jérusalem, minée par des affaires de corruption, veut surtout prouver sa détermination à la veille d'élections législatives importantes, le 10 février 2009, en Israël.
• Par ses provocations calculées et par la riposte israélienne, le Hamas se pose en héros et martyr de la cause palestinienne et tente de discréditer le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, jugé trop mou...
Ces jeux de dupes, conduits par des seconds couteaux, ont eu pour effet d'aggraver le désordre régional malgré le discours vibrant du président américain Barack Obama au Caire, le 4 juin 2009. Ils ont affaibli l'Autorité palestinienne et offert au Premier ministre turc l'occasion d'un spectaculaire retour dans les affaires proche-orientales. Ils ont enfin amené à la Knesset une coalition parlementaire dominée par la droite religieuse et dirigée par le chef du Likoud (parti national-conservateur), le nouveau Premier ministre Benjamin Nétanyahou.
Le dénouement d'un demi-siècle de tensions et de guerres pourrait venir de l'épuisement des adversaires :
• D'un côté une société israélienne autrefois soudée par l'idéal sioniste teintée de socialisme, aujourd'hui laminée par le dogme néolibéral du gouvernement Netanyahou,
• De l'autre des Palestiniens écartelés entre des mouvements antagonistes ; la demande d'adhésion d'un État de Palestine à l'ONU, formulée par Mahmoud Abbas en septembre 2011, ayant peu de chance de les rapprocher.
En 2009, l'historien Élie Barnavi osait encore croire en la création à brève échéance d'un État palestinien viable et indépendant à côté de l'État juif. Cette conviction était partagée par la majorité des Israéliens, y compris à droite ! Mais du fait d'une Constitution et d'une proportionnelle intégrale qui permettent aux groupuscules ultra-religieux d'imposer leurs conditions à toutes les coalitions de gouvernement, aucun Premier ministre n'a encore pu la mettre en oeuvre. En 2023, cette issue paraît plus lointaine que jamais du fait de l'intensification de la colonisation en Cisjordanie où l'on compte déjà un demi-million de juifs, de la crise institutionnelle et démocratique dont est responsable le Premier ministre Benjamin Nétanyahou, enfin de la révolte palestinienne relancée par le Hamas à Gaza.
L'arme démographique
Depuis les années 1990, par crainte du terrorisme, le gouvernement israélien tente de cadenasser ses frontières et interdit progressivement aux Palestiniens de travailler sur son sol, quitte à les remplacer par des travailleurs venus du Sud-Est Asiatique ; on compte ainsi 30 0000 travailleurs venus de Thaïlande en Israël en 2023 !
Cette politique a pour conséquence de rendre les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie entièrement dépendants de l'aide internationale. Les aides étant proportionnelles au nombre de demandeurs (à la différence des salaires), il s'ensuit que les Palestiniens sont encouragés à procréer sans restriction. Ainsi, tandis que la fécondité des musulmans, du Maroc à l'Iran, se rapproche de celle des Occidentaux, celle des Palestiniens frôle les records mondiaux : 6,6 enfants par femme en moyenne à Gaza et 5 enfants par femme en Cisjordanie (2000).
En parallèle, la population juive croît beaucoup plus vite que dans les pays occidentaux comparables (en moyenne près de trois enfants par femme en 2000) mais sa fécondité reste inférieure à celle de la population musulmane : sur le territoire de l'ancienne Palestine, la population non-juive a dépassé en nombre la population juive vers 2015. Dans ces conditions, il est difficile d'imaginer que les relations entre Israël et ses voisins puissent un jour se normaliser.
L'État hébreu connaîtra-t-il le sort des États francs fondés par les croisés ? Ses ennemis arabes l'espèrent au vu de l'imbroglio démographique... Reste que s'il venait à disparaître, c'est l'espoir d'une modernisation de la région qui s'évanouirait avec lui. Privés du modèle de développement à l'israélienne, par ailleurs débarrassés de leurs minorités chrétiennes, facteurs d'ouverture sur le monde extérieur, les États du Moyen-Orient se retrouveraient seuls face à leurs querelles et à leurs insuffisances, comme aux pires moments de l'occupation mongole ou turque.
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Voir les 11 commentaires sur cet article
E.N. (13-11-2023 12:55:29)
Le premier massacre de masse du XXe siècle, répondant à la définition de génocide, ne serait-il pas celui des Hereros, en 1904-1905 ?
Napias (14-05-2023 19:40:39)
un "oubli" dans ce texte : la minorité arabe israelienne qui a les mêmes droits politiques que les Israeliens juifs ; recemment , un parti arabe islamiste a soutenu un gouvernement
Christian (07-08-2022 07:32:47)
Comme le montrent encore les raids israéliens menés actuellement sur la bande de Gaza, la situation me semble être dans l'impasse pour plusieurs raisons : 1) Les Juifs craignent de devenir minor... Lire la suite