Paris romantique, 1815-1848

Une immersion dans un Paris méconnu

Paris romantique 1815-1848 (Petit Palais, 22 mai - 15 septembre 2019)« Levez-vous, orages désirés ! » L’été parisien sera romantique : sous l’intitulé Paris romantique 1815-1848, une magnifique exposition fait revivre en effet la société, les arts et les mœurs d’il y a deux siècles dans le cadre somptueux du Petit Palais, entre les Champs-Élysées et la Seine, jusqu’au 15 septembre 2019.

Les visiteurs sont immédiatement plongés dans l’atmosphère bourgeoise de cette époque, clinquante et sensible, à travers des salles qui reconstituent le décor des Tuileries, résidence de Louis XVIII et Charles X sous la Restauration (1815-1830) puis sous Louis-Philippe Ier (1830-1848).

André Larané

NB : cliquez sur les œuvres pour les voir en grandes dimensions et haute définition

Paris vu de la butte Montmartre en 1833

Spectaculaire avec ses murs drapés en rouge, la principale salle reconstitue le grand Salon du Louvre, où sont nées les premières expositions artistiques du monde, avec des toiles de grandes dimensions à touche-touche et remontant jusqu’aux cimaises.

Le Salon de l'exposition Paris romantique

Le parvis de Notre-Dame en 1833On revit aussi la passion naissante pour le Moyen Âge avec la peinture « troubadour » et surtout l’intérêt nouveau porté à la cathédrale Notre-Dame de Paris. On la découvre dans l’état de délabrement où l’avait laissée la Révolution et bien sûr sans la flèche de Viollet-le-Duc (laquelle a sombré dans l’incendie du 15 avril 2019), avant que le jeune Victor Hugo (30 ans) ne réconcilie ses compatriotes avec leur patrimoine.

Un an avant la parution du roman Notre-Dame de Paris (1831), a été créé le poste d’Inspecteur général des Monuments historiques. L’écrivain Prosper Mérimée, quand il viendra à l’occuper en 1834, en fera le fer de la lance de la réhabilitation du patrimoine ancien.

Prenant à cœur sa mission, l’auteur de Carmen parcourra infatigablement la France jusqu’en 1860 et sortira de l’oubli un millier de monuments (43600 monuments sont aujourd’hui inscrits à l’inventaire des sites).

Louis Boulanger, Notre-Dame de Paris, scène d'intérieur, Esmeralda (maison de Victor Hugo)

Costume romantique en 1830La mode en 1830La mode et ses excentricités sont bien présentes avec une galerie de mode qui présente les accessoires, les bijoux et les toilettes de ces dames et de ces messieurs.

Le dandy règne avec ses ridicules et fait la joie des caricaturistes. Il faut voir le buste d’Hector  Berlioz revisité par le sculpteur Jean-Pierre Dantan.

Tous les arts sont présents. À commencer par la sculpture.

C’est l’occasion de découvrir le talent de l’aimable Marie d’Orléans, l’une des filles de Louis-Philippe, artiste de son état, patronnée par Ary Scheffer, le peintre et sculpteur le plus représentatif de ces deux décennies romantiques.

Étonnant de modernité, un bas-relief en bronze d’Auguste Préault évoque les horreurs de la guerre sous le nom de Tuerie (1833). Les œuvres du sculpteur animalier Antoine-Louis Barye, au centre du Salon, attirent également l’œil du visiteur.

Tuerie, bronze par Auguste Préault (1833)

La Marseillaise, ébauche en plâtre de François Rude pour l'Arc de Triomphe de l'ÉtoileNous sommes saisis d’émotion devant la première ébauche en plâtre de la Marseillaise de François Rude, destinée à orner l’Arc de Triomphe, monument initié par Napoléon Ier et achevé par Louis-Philippe pour honorer les soldats de la Grande Armée.

Ce monument a été érigé à l’écart de la capitale, au bout de la promenade champêtre des Champs-Élysées, au centre d’une « étoile », nom donné au point de rencontre de plusieurs pistes forestières !...

À l’autre extrémité de la promenade, sur la place de la Concorde, Louis-Philippe a fait dresser l’obélisque de Louqsor, cadeau du vice-roi d’Égypte.

La place de l'Étoile, à Paris vers 1840

La peinture, bien sûr, est omniprésente dans l’exposition avec des œuvres d’Édouard Dubufe et bien sûr Ary Scheffer, très appréciés en leur temps, d’Eugène Delacroix, Jean-Dominique Ingres, Paul Delaroche, Théodore Chassériau... Une grande toile de Delacroix, recluse dans l’église Saint-Paul, est exceptionnellement présentée en pleine lumière.

Eugène Delacroix, les convulsionnaires de Tanger (1837-1838)

Berlioz et partition de la Symphonie fantastiqueLa musique figure en bonne place avec les portraits de Berlioz et Liszt près d’un auguste piano Pleyel sur lequel ils ont pu jouer.

Les visiteurs peuvent aussi  s’émouvoir devant la partition originale de la Symphonie fantastique et écouter dans une salle du Petit Palais des concerts de l’un ou l’autre compositeur.

L’époque est aussi celle de la caricature.

On moque les extravagances de la mode mais aussi le souverain en personne (Louis-Philippe assimilé à une poire dans les « croquades » de Charles Philippon).

Piano Pleyel et Franz Liszt

L'homme d'État François Guizot vu par Honoré DaumierHonoré Daumier, qui lui-même « croque » à loisir les sommités, en réalise au préalable des figurines en cire. Plusieurs dizaines nous sont miraculeusement parvenues intactes.

Mais le dessinateur a la plume qui tremble aussi de colère quand il représente le massacre de la rue Transnonain, le 15 avril 1834. Pour ne pas enfreindre les foudres de la censure, il a l’habileté de montrer seulement de victimes pitoyables, au pied de leur lit.

C’est que l’époque est agitée. La vie politique est émaillée d’émeutes et de répressions, tant à Paris qu’en province (Lyon, La Rochelle…), tant sous la Restauration que sous le règne de Louis-Philippe, le « roi-bourgeois ». C’est sans parler des deux révolutions sanglantes qui vont chambouler – mais pas trop – la classe politique.

Les Drapeaux (Léon Cogniet)La première, avec les « Trois Glorieuses » des 27, 28 et 29 juillet 1830, chasse Charles X pour le remplacer par… Louis-Philippe. Il en reste une toile de Léon Cogniet qui représente une allégorie du drapeau blanc  de la Restauration devenant le drapeau tricolore de la nouvelle monarchie. On est encore loin de la démocratie avec un droit de vote réduit à une oligarchie bourgeoise.

Cette « monarchie de Juillet » s’effondre à son tour les 22-24 février 1848 et elle est remplacée par une Seconde République démocratique mais très éphémère.

Le gamin de Paris aux Tuileries (1848, lithographie de Daumier, BNF)Cette « Révolution de Février » est elle aussi illustrée par une caricature de Daumier : « Le gamin de Paris aux Tuileries », qui montre la populace investissant le palais royal !

Cette caricature, de même que le manuscrit L’Éducation sentimentale de Flaubert qui en fait état, témoignent de l’ambiguïté qui entoure le courant romantique, alors sur sa fin.

Dans une société encore préservée de la révolution industrielle, en Allemagne comme en France, les jeunes écrivains et artistes qui se réclament de ce courant, de Johann Wolfgang Goethe à Victor Hugo, n’ont rien de révolutionnaires et de foudres de guerre.

Ce sont des bourgeois conscients de leur talent et qui aspirent à être reconnus par la bonne société de leur temps. Ils ont une sensibilité à fleur de peau et émeuvent facilement les jeunes gens qui les entourent (surtout les jeunes filles).

Désiré Court, Femme à mi-corps, 1829

Ce sont aussi de bons chrétiens qui éprouvent de la compassion pour les êtres en souffrance, y compris les Grecs opprimés par les Turcs. Mais ils n’ont aucune attache avec les humbles qui les entourent ni surtout l’envie de bouleverser la société et réduire les inégalités et les injustices, même si celles-ci sont sans commune mesure avec celles que nous connaissons encore aujourd’hui.  

En d’autres termes, les révolutions leur font horreur. Et quand Eugène Delacroix, avec son immense génie, représente en 1831 La Liberté guidant le peuple, en référence aux « Trois Glorieuses », c’est au jeune bourgeois de la gauche du tableau qu’il donne le beau rôle.

Après l’exposition Paris romantique1815-1848 du Petit Palais, les visiteurs ont la possibilité de poursuivre leur immersion dans cette époque si lointaine et différente avec, au même endroit, une exposition sur l’Allemagne romantique avec des dessins du musée de Weimar, la ville de Goethe. C’est l’occasion de découvrir les peintres Caspar Friedrich ou encore Johann Füssli, précurseurs du romantisme européen.

Enfin, il vaut la peine de se rendre au musée de la Vie romantique, dans le quartier de la Nouvelle Athènes, au nord de Paris. Ce musée est installé dans l’ancien hôtel particulier du peintre Ary Scheffer et de son gendre Ernest Renan. Romantique à souhait, avec son jardin privatif, il présente en cet été 2019, en parallèle avec le Petit Palais, une exposition sur les Salons littéraires de l’époque romantique à Paris (1815-1848).

Un bijou de l’Art nouveau

Le Petit Palais, oeuvre de Charles Girault (1900)L’exposition Paris romantique 1815-1848 a l’avantage de se tenir au Petit Palais, ainsi qu’on l’a dit, en un lieu jamais saturé par la foule et sans file d’attente.
C’est qui plus est un bijou d’art nouveau, chef d’œuvre construit pour l’Exposition universelle de 1900 et devenu en 1902, le Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Son architecte Charles Girault s'est ensuite illustré à Bruxelles...
Le Petit Palais présente une très belle collection permanente de peintures, sculptures, mobiliers et objets d’art datant de l’Antiquité jusqu’en 1914… et un jardin clos très plaisant en été par temps de canicule.


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Expressions artistiques
Publié ou mis à jour le : 2024-02-17 12:32:01

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