Goethe (1749 - 1832)

Du «Sturm und Drang» au romantisme

Johann Wolfgang Goethe (puis von Goethe) naît dans une bonne famille de Francfort-sur-le-Main. Le jeune surdoué sait le grec, l'hébreu, le latin, le français, l'italien et l'anglais, dessine, joue de la musique et ne néglige pas les disciplines sportives. Épris de sciences, il ne craint pas d'émettre même sa propre théorie des couleurs (Farbenlehre) !

Avec une licence en droit dans la poche, il devient conseiller à la Cour suprême du Saint Empire à Wetzlar (Hesse). Là, en 1774, il s'éprend d'une jeune fille, Charlotte Buff. Pas de chance, la jeune fille est déjà fiancée. De dépit, Goethe écrit en un mois un petit roman épistolaire, Les Souffrances du jeune Werther (Die Leiden des jungen Werthers en allemand), dans lequel il amène le héros à se suicider.

Le roman, d'abord publié sans nom d'auteur, recueille un succès immédiat et marque l'accession de la langue allemande à la grande littérature. Il fait vibrer la jeunesse européenne. On dit que certains lecteurs auraient suivi l'exemple de Werther et se seraient comme lui suicidés par dépit amoureux. Pour Goethe, qui s'en garde bien, c'est le début de la gloire...

Alban Dignat

Grand témoin

Avec Les Souffrances du jeune Werther, Goethe inspire le mouvement littéraire Sturm und Drang (Tempête et passions) qui exalte la nature et la sensibilité. Il va ouvrir la voie au romantisme, pas seulement en Allemagne mais aussi en France et en Angleterre.

L'année suivante, en 1775, le jeune homme est appelé à la cour de Weimar. Il s'y établira pour le restant de ses jours, devenant le collaborateur et l'ami du grand-duc de Saxe-Weimar Charles Auguste, qui l'anoblira et le hissera au rang de ministre d'État. Il enchaîne les idylles propres à déployer ses talents poétiques.

L'un de ses poèmes, Le Roi des Aulnes, en 1782, continue de nous émouvoir avec le récit d'un enfant malade et délirant que son père tente de sauver en galopant à travers la forêt vers un hypothétique havre.

Le Roi des Aulnes
Wer reitet so spät durch Nacht und Wind?
Es ist der Vater mit seinem Kind.
Er hat den Knaben wohl in dem Arm,
Er fasst ihn sicher, er hält ihn warm.

Mein Sohn, was birgst du so bang dein Gesicht ?
Siehst Vater, du den Erlkönig nicht !
Den Erlenkönig mit Kron’ und Schweif ?
Mein Sohn, es ist ein Nebelstreif.

Du liebes Kind, komm geh’ mit mir !
Gar schöne Spiele, spiel ich mit dir,
Manch bunte Blumen sind an dem Strand,
Meine Mutter hat manch gülden Gewand.

Mein Vater, mein Vater, und hörest du nicht,
Was Erlenkönig mir leise verspricht ?
Sei ruhig, bleibe ruhig, mein Kind,
In dürren Blättern säuselt der Wind.

Willst feiner Knabe du mit mir geh’n ?
Meine Töchter sollen dich warten schön,
Meine Töchter führen den nächt lichen Reihn,
Sie wiegen und tanzen und sigen dich ein.

Mein Vater, mein Vater, und siehst du nicht dort
Erlkönigs Töchter am düsteren Ort ?
Mein Sohn, mein Sohn, ich seh’ es genau,
Es scheinen die alten Weiden so grau.

Ich liebe dich, mich reizt deine schöne Gestalt,
Und bist du nicht willig, so brauch ich Gewalt !
Mein Vater, mein Vater, jetzt fasst er mich an,
Erlkönig hat mir ein Leids getan. –

Dem Vater grauset’s, er reitet geschwind,
Er hält in Armen das ächzende Kind,
Erreicht den Hof mit Mühe und Not,
In seinen Armen das Kind war tot.
Qui chevauche si tard à travers la nuit et le vent?
C'est le père avec son enfant.
Il porte l'enfant dans ses bras,
Il le tient ferme, il le réchauffe.

« Mon fils, pourquoi cette peur, pourquoi te cacher ainsi le visage?
Père, ne vois-tu pas le roi des Aulnes,
Le roi des Aulnes, avec sa couronne et ses longs cheveux?
— Mon fils, c'est un brouillard qui traîne.

— Viens, cher enfant, viens avec moi !
Nous jouerons ensemble à de si jolis jeux !
Maintes fleurs émaillées brillent sur la rive ;
Ma mère a maintes robes d'or.

— Mon père, mon père, et tu n'entends pas
Ce que le roi des Aulnes doucement me promet ?
— Sois tranquille, reste tranquille, mon enfant :
C'est le vent qui murmure dans les feuilles sèches.

— Gentil enfant, veux-tu me suivre ?
Mes filles auront grand soin de toi ;
Mes filles mènent la danse nocturne.
Elles te berceront, elles t'endormiront, à leur danse, à leur chant.

— Mon père, mon père, et ne vois-tu pas là-bas
Les filles du roi des aulnes à cette place sombre ?
— Mon fils, mon fils, je le vois bien :
Ce sont les vieux saules qui paraissent grisâtres.

— Je t'aime, ta beauté me charme,
Et, si tu ne veux pas céder, j'userai de violence.
— Mon père, mon père, voilà qu'il me saisit !
Le roi des aulnes m'a fait mal ! »

Le père frémit, il presse son cheval,
Il tient dans ses bras l'enfant qui gémit ;
Il arrive à sa maison avec peine, avec angoisse :
L'enfant dans ses bras était mort.

Paysage italien (1788), cette gouache est aujourd'hui attribuée à Johann Wolfgang Goethe

Goethe s'initie par ailleurs au dessin, voyage et se dévoue à l'administration du grand-duché. En 1788, il se marie avec Christiane Vulpius et le couple aura cinq enfants (dont un seul qui leur survivra).

Comme il suit en 1792 l'armée du duc de Brunswick aux côtés de son protecteur, il assiste en direct à la canonnade de Valmy. Si l'on en croit son récit, publié 30 ans après (!), l'illustre poète en aurait de suite perçu la portée politique : « De ce lieu, de ce jour commence une ère nouvelle de l'histoire du monde, et vous pourrez dire : j'étais là ! » (Campagne in Frankreich 1792)... Il est permis de douter de sa prescience, si génial soit-il.

Caspar David Friedrich, Le Voyageur contemplant une mer de nuages, 1818, Hambourg, Kunsthalle. L'agrandissement montre une baie de l'île de Rügen par le même artiste (1802)Goethe reste par-dessus tout le créateur de Faust, un drame en vers publié en 1808 qui a donné naissance à l'un des mythes majeurs de l'Occident. Considéré comme le plus grand écrivain allemand, il est honoré par toute l'Europe. En 1808, l'année de Faust, Napoléon Ier le reçoit à Erfurt, à l'occasion d'une entrevue de rois, et lui confère la Légion d'Honneur.

C'est aussi un voyageur impénitent qui parcourt l'Europe. « Je ne saurais que faire d'une félicité éternelle, qui ne m'offrirait pas de véritables tâches à remplir, de nouveaux obstacles à vaincre », a-t-il pu dire à propos de sa vie trépidante. Ses souvenirs sont devenus autant de classiques et ont mis à la mode la Suisse et la nature.

L'intense communion de Goethe avec l'autre grand poète allemand de son époque, Schiller, établi à Iéna, non loin de Weimar, est interrompue par la mort de ce dernier en 1805.

Goethe rencontre Mozart, Beethoven, Germaine de Stael, Hegel, Schopenhauer etc. À Weimar, il reçoit le peintre de paysages Caspar David Friedrich (1774-1840), sans doute l'artiste le plus représentatif du romantisme allemand. Né près de l'île de Rügen, sur la Baltique, il sera toute sa vie fasciné par la nature sauvage et les montagnes...

Goethe déclarera sur ses vieux jours : « Qui suis-je ? Qu'ai-je créé ? J'ai tout reçu, tout accueilli, assimilé tout ce qui passait à ma portée ». Et la chronique rapporte ses deux derniers mots sur son lit de mort : Mehr Licht (« Plus de... Lumière »).

Publié ou mis à jour le : 2020-01-17 19:06:31

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