De tous les États musulmans actuels, le Maroc est l'un des très rares à avoir préservé son indépendance pendant plus d'un millénaire.
Il n'y a guère qu'au XXe siècle que le pays a dû se soumettre à une puissance étrangère, la France. Encore ce protectorat n'a-t-il duré qu'un demi-siècle à peine, de 1912 à 1956 (moins longtemps par exemple que l'occupation de la Pologne par les Soviétiques et les Allemands de 1939 à 1989 !).
À la pointe occidentale du continent africain, le Maroc s'étire le long de la côte Atlantique, sur une superficie de 450 000 km2 (710 000 km2 en incluant le Sahara occidental, colonie espagnole annexée unilatéralement en 1975).
Il est séparé de l'Europe que par le détroit de Gibraltar (15 kilomètres) et une petite façade méditerranéenne adossée à la chaîne montagneuse et bien arrosée du Rif. Les plaines et les plateaux fertiles de la façade occidentale sont protégés du désert du Sahara par la chaîne de l'Atlas, dont les monts enneigés culminent à 4176 mètres.
Le Maroc compte quatre « villes impériales », héritières de sa longue Histoire : l'actuelle capitale Rabat ainsi que les précédentes capitales Fès, Marrakech et Meknès. La métropole économique est néanmoins le port de Casablanca, développé par les Français.
Le pays recense 32 millions d'habitants (2013), essentiellement des Berbères ou Maures, établis dans le pays depuis la haute Antiquité. Une grande partie d'entre eux ont été arabisés, en particulier dans les villes. Le pays compte également des descendants des conquérants arabes et des anciens esclaves noirs. L'islam sunnite est la religion de la quasi-totalité de la population. Les juifs, autrefois nombreux, établis dans les quartiers réservés (« mellah »), ont pour la plupart émigrés en Israël.
Depuis la fin du XXe siècle, la croissance démographique du Maroc s'est beaucoup ralentie comme dans l'ensemble de l'Afrique du Nord ou Maghreb (d'un mot arabe qui désigne « le pays du soleil couchant »). Le royaume connaît une expansion économique rapide depuis le début du XXIe siècle malgré des inégalités criantes.
Une Histoire agitée
Les Romains, qui ont soumis à leur loi tous les rivages de la Méditerranée, n'ont pas épargné le Maroc, que l'on appelait à l'époque Maurétanie tingitane (autrement dit le pays des Maures de la région de Tanger). Ils ont bâti au pied du massif du Zehroun la cité de Volubilis dont il nous reste de belles ruines.
Dans les montagnes qui couvrent la plus grande partie du pays, les tribus berbères ont résisté aux Romains comme elles résisteront à tous les envahisseurs qui leur ont succédé.
D'ailleurs, dès le règne de l'empereur Dioclétien, à la fin du IVe siècle, les Romains ne maintiennent plus qu'une maigre présence sur la côte, autour de Tanger.
C'est l'époque où le christianisme pénètre et se diffuse dans la région. Un à deux siècles après viennent les Vandales, des Barbares d'origine germanique, puis les Byzantins ou Romains d'Orient. Les uns et les autres ne font que passer...
Il en va différemment des Arabes qui déferlent au VIIe siècle, peu après la mort de Mahomet, amenant avec eux leur langue et surtout la religion musulmane. Leur chef, Oqba ben Nafi, atteint l'océan Atlantique en 684. Selon la légende, il y fait baigner son cheval en s'excusant devant Dieu de ne pouvoir aller plus loin.
La soumission des tribus berbères est le fait de son successeur Moussa ibn Noceir. L'un des chefs berbères ralliés à l'islam, Tariq ibn Ziad, traverse en 711 le détroit qui porte aujourd'hui son nom (Gibraltar) et va soumettre l'Espagne.
Dès le VIIIe siècle, par esprit de contradiction, les Berbères se rallient en masse à une hérésie musulmane, le kharidjisme... mais cela ne durera pas et ils reviendront assez rapidement au sunnisme majoritaire.
Tandis que se reconstituent de petits royaumes berbères au sud du pays, notamment dans le Tafilalet, un arrière-petit-fils d'Ali et Fatima, fille de Mahomet, se réfugie dans le Moyen Atlas pour échapper à la traque des Abbassides.
Les Berbères locaux le portent à leur tête en 789 sous le nom d'Idriss Ier. Il est assassiné par un agent du calife abbasside mais son fils posthume, Idriss II, arrive à fonder une dynastie royale avec Fès pour capitale, qui va perdurer pendant deux siècles.
Soulignons que cette dynastie est de confession zaydite, une branche du chiisme qui survit encore au Yémen. Elle est en d'autres termes hérétique aux yeux des autres musulmans du pays, sunnites ou encore kharidjites. Cela n'empêche que l'historiographie officielle du Maroc a fait d'Idriss le fondateur du royaume.
Peu avant l'An Mil, les Idrissides disparaissent, victimes des Fatimides, envahisseurs arabes venus d'Égypte, et des Ommeyyades de l'émirat de Cordoue, en Espagne.
Une nouvelle dynastie, proprement berbère, se lève dans les dunes du Sahara, au sein de la tribu des Sanhadja, proches parents des Touaregs.
Les Sanhadja sont à l'origine de la première des dynasties berbères ou amazigh qui vont dès lors diriger le pays.
Sunnites rigoureux, ils sont organisés sous la forme d'une confrérie religieuse et combattante.
On les appelle Almoravides, de l'arabe el-morabitum qui veut dire : ceux du ribât, le ribât désignant une sorte de monastère musulman.
Sous la conduite de Youssef ben Tachfin (ou Youssouf ibn Tachfin), ils détruisent le royaume africain du Ghana, sur les bords du Niger, en 1058, avant de remonter vers le nord.
Dans une oasis au pied du Haut Atlas, le chef des Almoravides fonde Marrakech, deuxième ville impériale du Maroc, qui donnera son nom au pays.
Puis il conquiert la moitié de l'Afrique du Nord, jusqu'à Tlemcen (Algérie occidentale).
Il traverse aussi le détroit de Gibraltar pour secourir les émirs omeyyades, en butte à l'offensive du roi chrétien de Castille Alphonse VI (assisté d'un fameux chevalier, le Cid). Les Almoravides écrasent les Castillans à Zallaca (aujourd'hui Sagrajas) en 1086.
Marrakech devient la capitale d'un empire immense, du Niger au Tage, mais celui-ci est fragilisé par le dogmatisme et l'intolérance religieuse des Almoravides.
Dans le Haut Atlas, un lettré du nom d'Ibn Toumert prêche le retour à une foi en l'unicité de Dieu. Lui-même se présente comme un « Mahdi » (envoyé de Dieu). Après sa mort, ses disciples, les Almohades (d'un mot arabe qui désignent ceux qui proclament l'unicité de Dieu) partent en guerre contre les Almoravides sous la conduite d'Abd el-Moumin, un combattant originaire des environs de Tlemcen.
Celui-ci défait les Almoravides en 1147 et pousse sa conquête jusqu'aux confins de la Libye. Reprenant quelques années plus tard le port d'Alméria au roi de Castille, il en fait le coeur économique de son empire méditerranéen.
S'arrogeant le titre religieux de calife, Abd el-Moumin s'occupe de consolider l'administration de son État et de fonder des universités. On lui doit la célèbre Koutoubia de Marrakech, dont la construction débuta en 1158 et s'étala sur quatre décennies. Cette mosquée, dont le minaret culmine à 77 mètres, est caractéristique de l'art almohade. Son nom, qui signifie « mosquée des libraires », lui vient de son emplacement dans l'ancien souk des libraires.
Les successeurs d'Abd el-Moumin vont régner avec brio sur l'empire marocain pendant un demi-siècle, en cultivant leurs racines berbères et même en hissant leur langue au niveau de l'arabe, langue sacrée du Coran. Leur domination prend fin suite à la défaite que leur infligent les chrétiens en 1212 à Las Navas de Tolosa.
Comme le démontre la contemplation de la Koutoubia et des ksars ou cités fortifiées du Sud, la culture marocaine, fécondée par les tribus nomades du Sud saharien, s'est développée de façon tout à fait autonome et originale, à l'écart des influences arabes et turques.
Les minarets à section carrée, tels que la Koutoubia de Marrakech ou la Giralda de Séville (copie conforme de la première), en sont l'illustration. Ils se distinguent des minarets fuselés d'inspiration turque que l'on retrouve en Algérie et au-delà.
Au Maroc proprement dit, le chef berbère Abou Yahia chasse les derniers Almohades et fonde la dynastie des Mérinides.
En 1333, le sultan Abu al-Hasan s'empare de Gibraltar et Algésiras mais cette tentative de reconquête de l'Espagne va très vite tourner court. Ses alliés nasrides de Grenade et lui sont battus par les Castillans et les Portugais sur les bords du rio Salado, près de Cadix, le 31 octobre 1340. Algésira est reprise par le roi de Castille un peu plus tard.
Le sultan tente alors d'unifier le Maghreb et s'empare temporaitement de Tunis. Mais ses successeurs sont humiliés par les Portugais qui occupent le port de Ceuta, près du détroit de Gibraltar, en 1415, et commencent de grignoter le littoral.
La dynastie s'illustre par quelques belles réalisations dans les domaines artistiques et culturels, en particulier à Marrakech. Elle nourrit l'oeuvre de l'historien Ibn Khaldoun, né à Tunis en 1336.
Au début du XVIe siècle, les Saâdiens, des Berbères venus de la vallée du Draâ, exaspérés par les offensives chrétiennes, se révoltent contre les Mérinides et chassent ceux-ci du pouvoir.
Fondant leur propre dynastie, ils entament une guerre sainte contre les Portugais. C'est ainsi qu'Agadir est reprise en 1541... Dans le même temps, les Saâdiens s'allient aux Espagnols pour faire face à la menace turque !
Le bouquet final a lieu le 4 août 1578, près de Ksar el-Kébir (ou Alcazar Quivir), au nord du pays, quand Sébastien (24 ans), roi du Portugal, se porte avec 20.000 hommes à la rencontre du sultan saâdien Abd el-Malik, lui-même à la tête de 50.000 hommes. Sébastien a un allié en la personne d'un ancien souverain du Maroc, El Motaouakil. La bataille tourne au désastre pour le Portugais et son allié. Leurs armées sont battues et eux-mêmes se noient dans l'oued el Makhazen. Leur adversaire n'a pas lui-même l'occasion de savourer sa victoire car il est tué au combat. Cette bataille, appelée «bataille des Trois Rois», allait entraîner deux ans plus tard l'annexion du Portugal par l'Espagne !
Ahmed IV el-Mansour, successeur d'Abd el-Malik, va porter la dynastie saâdienne à son apogée. Une expédition victorieuse contre l'empire africain du Songhaï, en 1591, va lui permettre d'enrichir sa capitale avec l'or du Soudan.
Les Saâdiens ne tardent pas à être victimes de nouveaux-venus, les Alaouites du Tafilalet, qui tirent leur nom d'une lointaine parenté avec Ali, le gendre du Prophète ! C'est l'héritier de cette dynastie, en la personne de Mohammed VI, qui dirige aujourd'hui le Maroc.
Le fils du fondateur, Moulay Ismaïl, contemporain de Louis XIV, déplace sa capitale à Meknès, à 60 kilomètres de Fès et non loin de l'antique Volubilis. Il repousse différentes offensives européennes et lutte contre les tribus berbères insoumises des montagnes.
À vrai dire, son autorité effective ne dépasse pas les plaines et les plateaux, le bled el-Maghzen (ou bled Makhzen, d'après le nom arabe donné au gouvernement du sultan).
Les montagnes, soit les deux tiers du pays, échappent à sa justice et à ses impôts. Elles constituent le bled el-Siba, d'après un mot arabe qui désigne l'anarchie ou la dissidence.
On doit à Moulay Ismaïl l'embellissement de sa capitale et en particulier la construction de la fameuse porte monumentale Bab el Mansour Laalej (« porte du victorieux renégat »), achevée en 1732. Notons que ces travaux sont pour l'essentiel le fait d'esclaves chrétiens, la porte elle-même doit son nom à l'architecte, un renégat converti à l'islam.
Ses héritiers, moins vigoureux, doivent faire face à la pression croissante des Européens. En 1830, les Français s'emparent d'Alger.
En 1860, les Espagnols ripostent à des attaques contre leurs villes de Ceuta et Melilla en battant à plate couture l'armée marocaine. L'indépendance du Maroc est désormais en suspens.
À la veille de la Première Guerre mondiale, en 1912, au terme d'un bras de fer entre Berlin et Paris, le pays devient un protectorat français cependant que la région de Tétouan, au nord, et celle d'Ifni, au sud, sont tenues par l'Espagne.
Résident général auprès du sultan, le général Hubert Lyautey modernise hardiment les infrastructures tout en respectant les institutions du sultanat.
Mais Lyautey est désavoué par son gouvernement lorsque survient le soulèvement d'Abd el-Krim. Après son rappel en France, Paris tente par le dahir berbère du 16 mai 1930 de soustraire les tribus berbères à l'autorité du sultan.
C'est le début d'une agitation nationaliste qui ne cessera qu'un quart de siècle plus tard avec le retour du pays à l'indépendance.
Le sultan troque son titre contre celui de roi, sous le nom de Mohammed V.
Le 26 février 1961 lui succède son fils Hassan II (32 ans). Il promulgue une Constitution l'année suivante mais n'en dirige pas moins le pays d'une main de fer, sans reculer devant l'élimination de ses adversaires ou opposants comme Mehdi Ben Barka et son propre ministre de l'Intérieur Mohamed Oufkir. Il va aussi devoir affronter l'Algérie sur la question du Sahara espagnol, une colonie annexée unilatéralement au terme de la « Marche verte », le 6 novembre 1975.
C'est en définitive un royaume apaisé qu'il lègue à sa mort, le 23 juillet 1999, à son fils aîné qui devient à 35 ans, sous le nom de Mohammed VI, le 23e souverain de la dynastie alaouite et le 3e à porter le titre de roi du Maroc. Préparé dès l'enfance à son rôle de souverain, il va avoir la tâche difficile d'assurer la modernisation du royaume tout en le préservant des menées islamistes.
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Mustapha (16-08-2006 15:07:09)
Cet article est très interessant et assez complet. En fait, j'aimerais répondre à Borki Jamal Eddine concernant les Saadiens. Ces derniers ont vécu et fait racine dans le sud du Maroc. Dans la ré... Lire la suite