En 319 ou 320 de notre ère, Chandragupta Ier monte sur le trône du Magadha, un royaume de l'Inde ancienne qui correspond à l'actuel État du Bihar, dans la vallée du Gange. Sa capitale est Pataliputra (aujourd'hui Patna).
La dynastie Gupta (ou Goupta) fondée par Chandragupta Ier va dominer la vallée du Gange et le nord de l'Inde, de la mer d'Oman au Bengale occidental. Pendant près de trois siècles, sous son égide, l'art de cour et la littérature sanskrite vont connaître leur Âge d'Or. La culture et les religions de l'Inde vont également rayonner jusqu'à l'océan Pacifique...
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Le sous-continent indien est un monde à lui seul avec sa diversité de religions, de langues et de peuples. Sa première unification remonte aux Maurya, la deuxième aux Gupta (et la troisième aux Britanniques !).
L'époque des empires Maurya et Gupta correspond en Occident à celle de Rome, de la fin de la République à l'avènement de l'empire chrétien de Constantin et Justinien. Elle correspond aussi à celle de l'empire Han en Chine. Ces trois empires de l'Antiquité classique ont été disloqués par la mise en marche des peuples nomades de la steppe, à commencer par les Huns, aux IVe-VIIe siècles...
L'Inde réunifiée autour du Gange
Six siècles plus tôt, vers 324 av. J.-C., un aventurier également dénommé Chandragupta s'était emparé du Magadha, l'un des seize « Grand royaumes » de l'Inde ancienne, et avait inauguré à Pataliputra la prestigieuse dynastie Maurya. Elle atteint son apogée sous l'égide du roi Açoka, un grand conquérant qui unifie pour la première fois le sous-continent indien. Converti au bouddhisme et devenu un pacifiste impénitent, il affaiblit cependant son empire à la fin de son règne...
L'empire maurya va se fracturer au milieu du IIe siècle av. J.-C. En 187, le roi Brihadratha est assassiné par son chef des armées Pushyamitra qui inaugure une nouvelle dynastie, celle des Shunga. Il doit lui-même repousser les Grecs de Bactriane (capitale Bactres, actuelle Balkh, en Afghanistan), un royaume hellénistique hérité d'Alexandre le Grand !
Le dernier roi Shunga est renversé en 77 av. J.-C.. C'en est fini de l'unité précaire établie par Açoka deux siècles plus tôt, du moins jusqu'au rétablissement de la suprématie du Maghada avec les Gupta.
Selon la chronique, Chandragupta, qui a été élevé à la cour du roi de Pataliputra, tue celui-ci et s'empare du trône. Pour consolider sa légitimité, il épouse la princesse Kumaradevi, qui appartient à une famille prestigieuse du Magadha ou d'un royaume vassal. Son fils Samudragupta qui va lui succéder dix ans après, en 330 de notre ère, va d'ailleurs de façon inhabituelle se réclamer de sa mère encore plus fortement que de son père. C'est lui qui va asseoir la grandeur de la dynastie et bâtir le nouvel empire gupta.
Samudragupta mène de grandes conquêtes dont les hauts faits sont relatés sur le pilier d'Allahabad (aujourd'hui Prayagraj, dans l'Uttar Pradesh).
Il lance en premier lieu une campagne dans les plaines du nord de l'Inde et annexe les petits royaumes de la région. Dans le sud de la péninsule ensuite, il s'en tient à exiger des royaumes un tribut et une allégeance formelle. À l'extrême ouest, il soumet le Pendjab et le Cachemire ainsi que le Rajputana. Il obtient aussi l'allégeance des grands royaumes frontaliers que sont l'Assam, du Bengale et le Népal. Enfin, il soumet les tribus des jungles de l'Inde centrale.
Fort de ses victoires, Samudragupta s'offre le sacrifice du cheval, un rituel de la religion hindoue traditionnelle. Lui-même se montre fidèle à la religion hindoue. À la différence des souverains des dynasties précédentes, il refuse tout compromis avec les autres religions et en particulier le jaïnisme et le bouddhisme, autres grandes religions nées en Inde.
L'Âge d'Or Gupta
Quand meurt Samudragupta, vers 380, après un demi-siècle de règne, l'un de ses fils lui succède sous le nom de Chandragupta II. Mais lui-même reste surtout connu sous le nom de Vikramadytia, « Soleil des puissances »).
Il serait monté sur le trône après avoir assassiné son frère Ramagupta et épousé sa veuve. Il poursuit la politique d'expansion de son père et conquiert à l'ouest le Malwa et le Goujerat (ou Gujarat). Ainsi s'offre-t-il des terres fertiles et un accès aux ports en relation avec le Moyen-Orient et l'Europe.
Afin de consolider l'empire, il déplace sa capitale au coeur de l'Inde, à Ujjain (Madhya Pradesh).
Comme son père, Vikramadytia s'entoure de poètes et d'artistes et se montre épris de culture indienne. Les historiens modernes le qualifient de « Louis XIV des Gupta » car littérature et architecture indiennes classiques atteignent alors leur apogée. De nombreux textes en sanskrit sont consacrés à Shiva, Krishna et Vishnou, mais aussi à la description des devoirs de castes et des rites.
C'est à cette époque que se formalise le système très complexe des castes tel que nous le connaissons encore aujourd'hui, qui octroie un statut social immuable à chaque corporation et métier mais se montre par ailleurs très ouvert à toutes les tentatives de recherche du divin et d'épanouissment personnel dans le cadre du polythéisme hindou.
La cour d'Ujjain devient un grand foyer artistique et culturel, illustré notamment par le poète et dramaturge Kalidasa, considéré par les Indiens comme le plus grand auteur de littérature sanskrite (le sanskrit serait aux Indiens ce que le latin et le grec sont aux Occidentaux). On relève également les noms de l'astronome Varahamihira et du philosophe et moine bouddhiste Vasubandhu parmi les grandes figures de l'époque.
L'ère Gupta voit la construction des premiers temples en pierre avec des piliers ouvragés et de lourds chapiteaux en forme de cloche.
Il en reste assez peu, beaucoup ayant été détruit dans les siècles suivants par les Huns. L'un des plus connus est le petit temple consacré à Shiva à Deodargh (Uttar Pradesh).
N'oublions pas aussi, bien évidemment, les magnifiques fresques qui ornent les trente temples bouddhistes creusés dans le rocher à Ajanta (Maharashtra), un village de montagne du Deccan aujourd'hui classé au patrimoine mondial de l'Unesco.
Même si le bouddhisme est en repli en Inde à l'époque gupta, après avoir avoir connu sa plus grande expansion sous le règne d'Açoka, il demeure encore très créatif et la tolérance religieuse caractéristique de l'ère Gupta lui permet de se diffuser largement vers la Chine, le Japon et l'Asie du sud-est, influençant profondément la pensée, la religion et les arts.
Sous le règne de Chandragupta II, le moine bouddhiste chinois Fa Hsien (ou Fa-Hien) vient de son côté visiter tous les hauts lieux du bouddhisme indien. Il séjourne trois ans à Pataliputra et va tirer de ses découvertes un célèbre récit de voyage.
Toujours à l'époque gupta, la culture indienne séduit le Sud-Est asiatique, tant l'Indochine que l'Indonésie. Elle conduit à la naissance de différents royaumes hindous ou bouddhistes qui formeront l'Inde extérieure. Les temples hindous d'Angkor, au Cambodge, et le temple bouddhiste de Borobudur en Indonésie en sont les plus illustres témoignages.
Le déclin des Gupta
Kumaragupta succède à Changragupta II en 415. Il va lui-même régner sur l'empire pendant quarante ans. La fin de son règne va être obscurcie par les premières incursions d'un peuple nomade venu d'Asie centrale, les Huns !
À la même époque, soulignons-le, des tribus apparentées bousculent les Germains établis en Europe centrale et, sous la conduite d'un chef nommé Attila, ravagent l'empire romain d'Occident. Sans doute liée à une aggravation des conditions climatiques et une sècheresse dans la steppe sibérienne, cette mise en mouvement massive des peuples nomades d'Eurasie a débuté au siècle précédent avec les assauts des Hiong-nou contre la muraille de Chine.
Pour ne rien arranger, le roi doit faire face à la rébellion d'une puissante tribu sise dans la région d'Amarkantak (Madhia Pradesh), aux sources de la Narmada, un haut lieu de l'hindouisme. Le prince héritier Skandagupta réduit la rébellion avant de monter lui-même sur le trône en 455.
Le nouveau souverain gupta doit encore faire face aux Huns, à leur chef Toramana et son fils et successeur Mihiragula. Mais après sa mort en 467, les guerres contre les Huns et l'enchaînement de révoltes dans diverses provinces conduisent à la désagrégation de l'empire Gupta. Il se divise alors en plusieurs dynasties régionales. Les Huns dominent le Rajpoutana, le Pendjab et le Cachemire avant d'être arrêtés près d'Eran, dans le Malwa oriental. Ils ne seront chassés de la péninsule qu'un siècle plus tard par le roi du Malwa.
Dans l'anarchie consécutive à la mort de Skandagupta, plusieurs chefs de guerre et rois vont tenter de relever le royaume du Magadha tout en s'appropriant le nom des Gupta. Ces derniers Gupta vont gouverner pendant un siècle et demi, jusqu'à la fin du VIIe siècle. Entretemps, un nouveau chef de guerre tente de rétablir un empire indien unifié au cours de la première moitié du VIIe siècle. Il s'agit d'Harsha, qui prend le titre de maharajadhiraja (« grand roi des rois »). Ses conquêtes ne lui permettent pas de rivaliser avec ses illustres prédécesseurs Ashoka ou Chandragupta mais il n'en met pas moins en place une administration efficace et établit même des contacts « diplomatiques » avec la Chine.
C'en est fini de l'Inde classique et de son Antiquité. La fin des Gupta et le morcellement du monde hindou va ouvrir la voie à de nouveaux conquérants porteurs du drapeau de l'islam...
Les Indes s'émancipent
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