Symbole de perfection et de plénitude, la perle sert depuis la plus haute antiquité d’élément de parure, mais aussi de monnaie d’échange ou de cadeau diplomatique. Sa rareté attira toutes les convoitises, d’autant plus que le phénomène naturel de sa formation dans les huîtres demeura longtemps mystérieux. Campagnes d’exploration et conquêtes militaires permirent très tôt la mise en place d’un commerce mondial qui connut bien des évolutions au fil des siècles.
« La perle au fond des mers naît toute seule de la chair vivante : pure et ronde, elle se dégage immortelle de cet être éphémère qui l’a enfantée. (…) Elle ne brille pas, elle ne brûle pas, elle touche : fraîche et vivifiante caresse pour l’œil, pour l’épiderme et pour l’âme. (…) La perle, fruit de la mer et conception de la durée, n’a d’autre valeur que sa beauté et sa perfection intrinsèque, résultant de sa simplicité, de sa pureté et de son éclat, et que le désir qu’elle inspire. » Le discours de Paul Claudel à l’occasion de la remise de la Légion d’honneur à Pierre Cartier traduit la fascination que les perles exercent depuis la nuit des temps.
Symbole du luxe
La plus ancienne perle connue à ce jour a été découverte en 2019 sur l’île d’Espiritu Santu (Mexique) et date de plus de 8 500 ans. Les archives des premières dynasties chinoises permettent même de remonter 23 siècles avant notre ère.
Elles rapportent que le roi Yû reçut des perles de la rivière Hwaï ce qui constituait un cadeau très précieux. En Inde, le Rig-Veda considère les perles, associées au dieu Krishna, comme les gemmes les plus précieuses après les diamants.
La plus ancienne parure de perles connue date de 350 avant notre ère et a été retrouvée à Suse dans la tombe d’une princesse achéménide. Des perles percées, vraisemblablement destinées à être enfilées en colliers, ont également été mises au jour sur un autre site archéologique perse, correspondant à un palais à Pasargades.
Ces découvertes concordent avec les descriptions par les historiens grecs du luxe de l’empire achéménide. Ils relatent notamment que la tiare portée par le souverain était ornée de trois rangs de perles.
Après la conquête d’Alexandre le Grand, la mode des perles se répandit en Grèce et dans tous les royaumes hellénistiques, comme l’Égypte, où elles devinrent également un élément de parure très apprécié. De nombreux portraits funéraires du Fayoum montrent des élégantes parées de bijoux de perles.
De même, les campagnes militaires romaines en Orient firent affluer les perles à Rome où elles constituèrent un des symboles du luxe. Parmi les richesses exhibées lors du troisième triomphe de Pompée (en 61 avant notre ère) figuraient 33 couronnes de perles. Pline l’Ancien, dans l’Histoire naturelle, considérait que ces gemmes tenaient « le premier rang et le faîte de tous les objets précieux ».
Il critiquait violemment la mode des perles dont les femmes paraient non seulement leurs doigts et leurs oreilles, mais aussi leurs pieds. « Il ne suffit pas, en effet, de porter des perles, si l’on ne se chausse pas aussi de perles et si l’on ne marche pas parmi les perles ». Et il relate, comme exemple du luxe le plus éhonté, la célèbre anecdote de Cléopâtre pariant avec Marc-Antoine qu’elle serait capable d’« engloutir dix millions de sesterces en un seul repas ».
La reine remporta le pari en avalant une de ses « deux perles, les plus grosses de tous les temps » qu’elle avait détachée de son pendant d’oreille pour la dissoudre dans un verre de vinaigre. Quant à la seconde perle, elle fit partie des prises de guerre d’Octave et fut coupée en deux afin d’orner les oreilles de la statue de Vénus au Panthéon.
L’usage des perles dans les offrandes destinées aux divinités est fréquemment attesté : Jules César consacra à Vénus Génitrix une cuirasse faite en perles de d’Écosse qui fournissait de nombreuses perles de rivière. La mode grandissante des perles dans l’empire romain et la complexité des routes commerciales avec l’Orient conduisit en effet à rechercher sans cesse de nouvelles sources d’approvisionnement.
Perles d’eau de mer et perles d’eau douce
Les perles les plus réputées depuis l’Antiquité provenaient de l’Océan Indien, et plus précisément du golfe Persique, de la mer Rouge et du golfe de Mannar situé entre l’Inde et le Sri Lanka. Ces trois régions dominèrent le marché mondial des perles jusque dans les années 1920.
Néarque, amiral d’Alexandre le Grand, décrivit la pêche des perles lors de son exploration des côtes indiennes. Bien des siècles plus tard, Marco Polo rapporta également une description des pêcheries. Les techniques traditionnelles de récolte des huîtres, extrêmement rudimentaires et dangereuses, demeurèrent inchangées jusque dans les premières décennies du XXe siècle.
Impressionné par ces conditions inhumaines, Albert Londres en fit état dans son Pêcheurs de perles. Souvent endettés à vie, les plongeurs, lestés par des pierres, descendaient en apnée, munis d’un pince-nez, jusqu’à vingt, voire quarante mètres de profondeur. Ils s’empressaient de récolter les huîtres à l’aide d’un crochet avant de tirer sur une corde pour être remontés à bord des embarcations.
À tous les risques physiques s’ajoutaient encore ceux des attaques de requins. Malgré ces dangers, on estime que 70 000 pêcheurs récoltaient les huîtres perlières au large du Bahreïn au début du XXe siècle.
Pour concurrencer les perles de l’océan Indien, dont l’importation dépendait des aléas de la situation géopolitique et des échanges commerciaux, l’exploitation des perles d’eau douce se développa en Europe dès l’Antiquité. Elles étaient produites par les ablettes et les moules perlières (fréquemment appelées « mulettes perlières »), alors abondantes dans les cours d’eau européens, de l’Espagne à la Scandinavie.
L’Écosse fournit une quantité impressionnantes de perles dès l’époque romaine, à tel point qu’« on prétend que Jules César attaqua la (Grande-)Bretagne dans l’espoir d’y trouver des perles » selon Suétone. Les cours d’eau de Bavière, de Saxe, de Bohême et de Russie étaient également très réputés pour les perles jusqu’au début du XXe siècle. Les pêches excessives, puis la pollution, décimèrent progressivement les mulettes perlières.
En France, les rivières du Massif Central et surtout la Vologne dans les Vosges étaient célèbres pour la qualité de leurs perles de couleurs variées : blanc, jaune, rose, rouge, ou même vert. La production des perles de la Vologne fut strictement contrôlée pendant des siècles par les ducs de Lorraine.
L’un des derniers grands bracelets de perles d’eau douce françaises connus fut offert en 1806 à Joséphine par la ville de Plombières. L’impératrice s’en enthousiasma au point de mettre en place, sans succès, un élevage de mulettes perlières à la Malmaison.
Les perles au Moyen Âge
Dans la lignée des empereurs romains, les souverains byzantins continuèrent d’arborer d’impressionnantes parures de perles, d’autant plus facilement qu’ils contrôlaient les échanges commerciaux entre l’Orient et l’Occident, et donc le commerce des perles à destination de l’Europe. Ces joyaux devinrent de véritables symboles du pouvoir impérial.
En 529, le Code Justinien réglementa le port des perles qui, comme les émeraudes et saphirs, furent exclusivement réservées à l’empereur et à sa famille. Sur les mosaïques de Saint-Vital de Ravenne, l’empereur Justinien (482-565) et son épouse Théodora portent d’imposantes couronnes serties de perles. Bien des siècles plus tard, l’empereur Jean II Comnène et l’impératrice Irène se firent représenter parés de perles sur les mosaïques de la tribune sud de Sainte-Sophie (vers 118).
Dans le Saint Empire romain germanique (dico), les perles, en tant que symboles de pouvoir et de richesse, faisaient partie des gemmes qui ornaient les regalia. La couronne impériale créée en 962 pour Otton Ier comportait 144 pierres précieuses et 144 perles.
Des lois somptuaires, fréquemment répétées, interdirent le port des perles ou le réservèrent aux familles royales et nobles. Lors de son entrée solennelle à Paris en 1385, la reine Isabeau de Bavière portait une robe ornée d’une multitude de perles d’eau douce qui fit l’admiration générale.
Comme symboles de perfection, de luminosité et de pureté, les perles étaient étroitement associées aux ornements liturgiques et aux reliquaires. De nombreux théologiens voyaient en effet dans la perle un symbole christique.
Le reliquaire de la Sainte Épine, créé vers 1390-1400 pour le duc Jean de Berry (British Museum), est une des multiples pièces d’orfèvrerie sacrée dans lequel ces joyaux, par leur splendeur comme par leur signification religieuse, étaient considérés comme les seules matières dignes de présenter les reliques.
Les perles étaient aussi recherchées pour leurs vertus thérapeutiques et apotropaïques. Elles passaient pour guérir de nombreux maux, en particulier l’épilepsie, les problèmes cardiaques, les hémorragies,… et même pour protéger contre la peste et les poisons.
Les perles de moindre qualité étaient donc réduites en poudre pour être incorporées dans des remèdes variés. Elles entraient également dans la composition de crèmes de beauté et de baumes de jouvence, voire d’aphrodisiaques.
« L’âge d’or de la perle »
Lors de sa troisième expédition vers l’Amérique (1498-1500), Christophe Colomb repéra des bancs perliers dans la mer des Caraïbes et pour cette raison baptisa du nom de Margarita une île au large des côtes du Venezuela.
Cette découverte, bientôt suivie par celle des bancs perliers de Panama sur la côte pacifique américaine, reconnus en 1513 par le conquistador Vasco Núñez de Balboa, donna naissance à un véritable « âge d’or de la perle » au prix de nombreuses vies humaines.
Les pêcheries exploitaient la population locale jusqu’à ce que, décimée par les conditions effroyables et la variole introduite par les Espagnols, elle soit remplacée par des esclaves amenés d’Afrique. Les précieuses richesses affluèrent en masse en Espagne et concurrencèrent le commerce des perles venues de l’Océan indien. Séville devint un haut lieu de ce négoce et rivalisa avec Venise, Gênes, et Anvers qui constituaient les grands centres du commerce de la perle.
Dans toute l’Europe, les perles, enfilées en colliers, montées en bijoux, ou encore cousus sur les vêtements aussi bien masculins que féminins, témoignaient du rang social de leur possesseur. Les habits royaux étaient parfois brodés de milliers, voire de dizaines de milliers de perles sur des robes de mariage, comme ce fut le cas pour la tenue de noces d’Anne d’Autriche au siècle suivant.
La « reine vierge » Elisabeth Ière d’Angleterre en raffolait et en couvrait ses robes, reprenant à son compte leur triple symbolique de pureté, de richesse et de pouvoir. Parmi ses innombrables acquisitions, elle acheta le somptueux collier qui avait été donné à Marie Stuart par Catherine de Médicis qui l’avait reçu du pape Clément VII. L’histoire mouvementée de ces joyaux inspira à Sacha Guitry le film Les Perles de la Couronne.
Quelques décennies plus tard, Charles Ier arborait à l’oreille une superbe perle de grande valeur. Les perles jouaient en effet aussi un rôle monétaire, servaient à garantir les emprunts, et même à payer les rançons, comme celle versée par François Ier à Charles Quint.
Elles ornaient également des pièces d’orfèvrerie de grand luxe qui mettaient en valeur la variété de leurs formes, comme le Centaure composé de la plus grosse perle fine d’huître au monde (3426,32 grains). Le terme de « baroque » donné à ces perles de formes irrégulières en vint à désigner par extension tout un style artistique qui se définit par son exubérance.
Un des symboles de cet âge d’or est la Peregrina (202,24 grains). Pêchée en 1579 dans le golfe de Panama, elle fut vendue au roi Philippe II qui la fit monter en pendentif avec un diamant de 48 carats, l’Estanque.
Ce bijou, appelé « Joyau d’Autriche », devint l’un des plus prestigieux du trésor des souverains espagnols. Il figure sur plusieurs portraits de différents membres de la famille royale peints par Vélasquez.
Son histoire connut ensuite de nombreux rebondissements : Joseph Bonaparte s’empara du pendentif lors de son éphémère règne et le transmis à son neveu Louis-Napoléon Bonaparte (futur Napoléon III) qui le vendit en Angleterre.
Après bien des péripéties, il fut offert par Richard Burton à Elisabeth Taylor qui le fit remonter par Cartier dans une monture inspirée des bijoux de la Renaissance et le porta dans plusieurs films, comme Anne des Mille jours.
La surexploitation des bancs perliers américains conduisit à la dévastation de ces ressources naturelles. « Les perles d’Amérique ont été épuisées par l’avarice des Espagnols qui en ont tant pêché qu’ils en ont presque détruit l’espèce », peut-on lire sur le somptueux globe terrestre de Coronelli à la fin du XVIIe siècle.
Ces joyaux furent alors concurrencés par les diamants. La découverte de mines en Inde et au Brésil provoqua un afflux des pierres en Europe … et un relatif déclin du goût pour les perles.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le néoclassicisme remit à la mode les bijoux en perles, très appréciés par Marie-Antoinette, puis par Joséphine et Marie-Louise. Napoléon acheta en 1810 une des plus grosses perles d’huître connues : la Régente ou Perle Napoléon (302 grains).
Lors de la grande vente des diamants de la Couronne en 1887, cette perle historique fut acquise par le joaillier de la cour impériale russe, Fabergé.
Un nouvelle mode des perles
Alors qu’en Europe, les joyaux, portés jusqu’alors par les hommes comme par les femmes, devinrent progressivement une marque de féminité au XIXe siècle, la perle continua néanmoins d’orner le costume masculin, sous la forme plus discrète d’épingle de cravate.
Mais seules les élégantes pouvaient désormais se permettre d’accumuler les perles, brodées sur leurs vêtements et leurs accessoires (sacs de soirée, bandeaux,…), mais surtout montées en bijoux, comme les fameux colliers de perles. Les plus beaux « rangs » (de perles) symbolisaient la réussite sociale et pouvaient valoir des sommes considérables.
« Toutes les femmes voulant porter des perles, il y en eut pour toutes les femmes et toutes les bourses. Quelle corbeille de mariage eût osé se passer d’un « rang » ? L’engouement commençait au cadeau de baptême, par un fil de perles grosses comme des grains de riz. Aucune mode, depuis, n’eut une exigence pareille. À partir d’un millier de francs vous achetiez un collier « en vrai ». Le mien avait coûté cinq mille francs, c’est dire qu’il n’attirait pas l’attention. Mais bien vivant, d’un orient gai, il témoignait de sa belle santé et de la mienne. » (Colette, La Dame du photographe)
Paris était alors la capitale mondiale du commerce de la perle. Tout une industrie du luxe vivait des perles, depuis les grands joailliers jusqu’à de petits métiers oubliés, comme les enfileuses de perles chargées de remonter les colliers dont les fils de soie devaient être régulièrement remplacés.
Colette décrit les gestes de ces femmes qui, pour un salaire de misère, maniaient tous les jours des joyaux de grand prix : sur une table « nappée de drap vert comme un billard, rebordée comme une table de bridge », elle « braquait la pointe de son aiguille (une aiguille plus fine que toutes les aiguilles à coudre), pincée entre le pouce et l’index posés à plat, vers les pertuis presque invisibles de perles petites, et d’un blanc fade, qu’elle embrochait cinq par cinq, puis faisait glisser sur le fil de soie ».
Paris comptait 300 négociants en perles fines en 1900 et fournissait des bijoux à une riche clientèle internationale (dont de nombreux maharajas indiens venus place Vendôme faire remonter leurs joyaux) pour répondre à une mode qui gagnait tous les continents.
Au Royaume-Uni, la reine Alexandra, épouse d’Edouard VII, lança la mode des « colliers de chien », composé de plusieurs rangées de petites perles entourant étroitement le cou. En Italie, la reine Marguerite, surnommée « la reine des perles », était célèbre pour son extraordinaire collier que son époux, le roi Umberto, complétait chaque année par un rang supplémentaire.
Aux États-Unis, le développement des grandes fortunes industrielles qui se constituèrent au tournant du XIXe et du XXe siècle favorisa le goût pour les perles, de préférence historiques.
Consuelo Vanderbilt reçut en cadeau pour son mariage avec le duc de Marlborough en 1895 de nombreux colliers, dont certains avaient appartenu à Catherine II de Russie et à Eugénie. Une trentaine d’années plus tard, la richissime héritière Barbara Hutton arborait le « collier de Marie-Antoinette » vendu par Cartier.
Par imitation, des colliers de perles de moindre qualité permirent une relative démocratisation de cette mode. Des bijoux en perles minuscules (appelées « semences ») étaient traditionnellement offerts aux jeunes filles dans la haute bourgeoisie américaine.
Pour répondre à cet engouement, l’exploitation de perles de rivière se développa, en particulier dans le Mississipi, mais aussi dans la Schuylkill (Pennsylvanie), dans les cours d’eau des Adirondack,… à un rythme effréné. On estime qu’en un an, plus de 20 000 perles furent récoltées dans le Colorado.
L’exemple le plus éclatant de cette passion pour les perles fut l’échange que le milliardaire Morton Plant consentit avec Cartier en 1917. Il céda son hôtel particulier sur la Ve Avenue à New York contre le collier de perles le plus cher proposé par le joaillier, alors estimé à un million de dollars.
En 1957, à la mort de Maisie Plant, le bijou fut vendu pour 150 000 dollars, tandis que l’immeuble (qui est toujours le siège de Cartier à New York) était estimé à plusieurs millions de dollars. Car la valeur des perles s’était brusquement effondrée dans les années 1930 en raison de l’apparition des perles de culture.
Les perles de culture
À partir des années 1920, le développement de la perliculture révolutionna le commerce des perles. De nombreuses tentatives pour contrôler les processus naturels de formation des perles avaient déjà eu lieu par le passé, en particulier en Chine au XIIIe siècle.
En Europe, le grand botaniste suédois Carl von Linné fut le premier à obtenir en 1761 une perle d’eau douce, en introduisant un anneau d’argent dans une moule de rivière. Son compatriote Frederick Hedenberg réussit à produire des perles commercialisables mais en petite quantité.
Les expériences se poursuivirent au fil des siècles jusqu’à ce que William Saville-Kent en Australie, et Tatsuhei Mise et Tokichi Nishikawa au Japon mettent au point le procédés de la greffe, en introduisant dans le manteau d’une huître à la fois un noyau de nacre et un greffon d’un fragment du tissu d’une huître perlière.
Cette nouvelle technique fut brevetée en 1916 par Kokichi Mikimoto, surnommé « le roi de la perle ». Il l’exploita dans de grandes fermes perlières dans la baie de Toba. La production enfin maîtrisée des perles de culture permit de concurrencer les perles fines d’autant plus facilement que la différence est imperceptible à l’oeil nu.
Elle entraîna le déclin de la pêche des perles et l’effondrement d’un marché qui commençait déjà à souffrir des conséquences de la crise économique de 1929. Puis l’essor de l’industrie pétrolière dans les pays du Golfe supplanta l’exploitation des perles fines qui constituait jusqu’alors leur principale ressource économique.
La pollution des eaux contribua également à décimer les bancs d’huîtres perlières qui souffraient déjà de surexploitation. Pendant des décennies, la joaillerie se fournit uniquement en perles fines provenant de stocks déjà constitués ou en perles de culture.
Depuis l’Antiquité, de nombreux mythes ont tenté d’expliquer la naissance des perles, formées dans le cerveau des dragons selon une légende chinoise, conçues par les éléphants ou les serpents d’après des récits indiens,…
Pline l’Ancien rapporte dans l’Histoire naturelle qu’elles naissent de la fécondation des huîtres par des gouttes de rosée et que leur orient dépend de la couleur du ciel au moment de leur conception. La formation des perles est demeurée longtemps une énigme, élucidée en même temps que progressaient les recherches sur la production de perles de culture.
Selon un phénomène naturel qui conserve encore aujourd’hui une part de mystère, les perles sont formées par une substance à la fois organique et minérale (appelée parfois « biominérale ») composée de couches concentriques de matières organiques et de carbonate de calcium (nacre) sécrétées par un mollusque (huître perlière, mais aussi moule perlière, ormeau, bénitier,…). Il s’agit d’un mécanisme de défense face à un intrus comme une particule alimentaire ou un petit animal (mais rarement un grain de sable, contrairement à une idée reçue très répandue). L’huître formant huit à dix couches de nacre par jour (chacune de l’épaisseur d’un micron), au moins deux à quatre années sont nécessaires pour la formation d’une perle. Seul 1 % des huîtres perlières contient une perle, dont seulement 1 % est de qualité suffisante pour être utilisée en joaillerie. Leur rareté confère aux perles fines leur extrême préciosité et explique la révolution que constitua le développement de la perliculture. Elles se distinguent des gemmes et pierres précieuses à la fois par leur matière (biominérale) et leur forme (naturellement sphérique).
À la différence des diamants dont l’estimation est basée sur quatre facteurs reconnus internationalement (les 4 C : carat, clarity (pureté), cut (taille), color (couleur)), les critères d’évaluation des perles sont plus discutés. Elles sont appréciées en fonction de leur poids (calculé en en grain ce qui équivaut à 0,25 carats, soit 0,05 gramme, ou parfois en millimètre), de leur forme, de leur régularité, de leur couleur, de l’aspect de leur surface, de leur lustre (c’est-à-dire de leur brillance, formée par la réflexion de la lumière à la surface), de leur orient (donné par la réfraction de la lumière dans les couches supérieures), de l’épaisseur de la nacre, de leur possibilité d’appairage (c’est-à-dire de la possibilité de réunir des perles similaires pour former des bijoux).
Vers un nouvel âge d’or de la perle ?
Alors que les perles fines n’étaient plus pêchées depuis les années 1950, les pays de Golfe, en particulier le Bahrein, commencent depuis peu à relancer leur exploitation en instaurant des quotas de pêche et en mettant en valeur cette longue histoire. Le marché mondial reste toutefois largement dominé par les perles de culture, provenant en très grande majorité des exploitations de perles d’eau douce chinoises.
La perliculture est aussi toujours pratiquée en mer, principalement au Japon, aux Philippines, en Thaïlande, en Australie et en Polynésie. Elle se présente comme un modèle de développement durable car la culture des huîtres ne peut se développer que dans des eaux saines et riches en plancton.
Les fermes perlières dont l’environnement est très contrôlé forment ainsi de véritables réserves naturelles et permettent l’avancée de recherches en biologie marine. La perliculture participe ainsi à la défense de l’environnement et la perle y gagne une nouvelle symbolique qui contribue à créer un nouvel engouement autour des bijoux et surtout des colliers de perles.
Mais, au-delà des effets de mode, les perles font actuellement l’objet de recherches médicales, en particulier autour des propriétés régénératrices de la nacre (qui ne sont pas sans rappeler les traités médicaux antiques et médiévaux). L’histoire des perles continue ainsi à s’écrire, entre fascination millénaire et avancées scientifiques.
Pour en savoir plus sur les perles, L’École des Arts Joailliers propose des cours d’initiation à la gemmologie, à l’histoire des bijoux et aux techniques joaillières, comme la laque, l’émail ou encore la taille des pierres,…
Fondée à Paris en 2012 avec le soutien de Van Cleef & Arpels, elle publie également des livres spécialisés sur le sujet de la joaillerie et accueille une grande bibliothèque de plus de 10 000 ouvrages consacrés à ce thème. Elle organise aussi des expositions, comme les « Bijoux de scène de la Comédie française » qui explore les liens entre l’univers du théâtre et le monde de la joaillerie.
Après l’hôtel de Ségur situé près de la place Vendôme, l’École s’apprête à ouvrir au public l’hôtel de Mercy-Argenteau, l’un des rares hôtels particuliers construits au XVIIIe siècle sur les Grands Boulevards à avoir été conservé. Il porte le nom de son plus célèbre occupant, le comte Florimond-Claude de Mercy-Argenteau, ambassadeur de Marie-Thérèse d’Autriche qui organisa le mariage de Louis XVI et de Marie-Antoinette.
Bibliographie
Collectif, Perles, une histoire naturelle, Paris, coédition Muséum d’histoire naturelle / Réunion des musées nationaux, 2007, 103 p.,
Silvia Malaguzzi, Perle, Paris, éditions du Chêne, 2000, 223 p.
Le corps
Vos réactions à cet article
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Stéphane (01-04-2024 12:09:33)
Merci de ce superbe article documenté.
Domus (25-03-2024 11:14:21)
Bonjour, Je me suis abonné pour lire l'intégralité de l'excellent article sur les vitraux. Voici maintenant du même auteur ce sujet original sur les perles, très documenté et bien écrit. Bravo.... Lire la suite