Pour les femmes comme pour les hommes, la participation à la vie de la cité a longtemps été restreinte ou nulle. Elle n'est devenue pleine et entière qu'à la fin du XIXe siècle, en Occident, avec l'apparition dans certains États du suffrage universel étendu aux femmes. Suite à la vague de décolonisations de la deuxième moitié du XXe siècle et aux révolutions politiques inspirées par les idéologies nées en Europe, ce mode de scrutin est devenu quasi-universel. On le rencontre même dans des dictatures comme la Corée du Nord où le vote n'a aucune portée.
Dans les cités grecques de l'Antiquité, réputées démocratiques, le droit de vote était un privilège réservé aux hommes libres et les femmes étaient dépourvues de tout droit, comme d'ailleurs dans la plupart des autres régions du monde jusqu'au XXe siècle. Leur situation s'est modérément améliorée à l'époque romaine.
Dans la chrétienté médiévale, la fusion du droit germanique, très libéral à l'égard des femmes, et du droit romain conduisit à une émancipation notable des femmes, qui purent alors pratiquer à peu près tous les métiers, y compris la conduite de la guerre, et participer aux prises de décisions dans les guildes et les corporations (dico). Dans le même temps, dans les monastères bénédictins, on s'accoutuma à une forme de démocratie inédite, sur le principe : « Un homme, une voix » pour l'élection des abbés comme des abbesses.
Avec le retour du droit antique et l'émergence de l'absolutisme, la situation des femmes se dégrada à la Renaissance. Il en fut de même de la « démocratie » médiévale (les guildes et les abbayes cessèrent par exemple d'être pilotées sur le mode électif). C'est seulement au XVIIe siècle en Angleterre qu'émergea la démocratie représentative que nous connaissons, à la faveur de la « Glorieuse Révolution » de 1688, un siècle avant son homologue française. Le droit de vote est alors limité aux hommes assez aisés pour payer un minimum d'impôt. C'est le scrutin censitaire (dico). Les femmes en sont exclues tout comme les domestiques et les pauvres car on considère que du fait de leur dépendance économique, les unes et les autres ne sont pas en situation d'exercer un choix libre.
Des précurseurs inattendus
Au Siècle des Lumières, le XVIIIe, les femmes commencent à s'affirmer dans les sociétés aristocratiques européennes. Au milieu du siècle, des souveraines de grande valeur règnent sur la Russie et l'Autriche cependant qu'une courtisane, la marquise de Pompadour, règne sur le coeur du roi de France ! Mais curieusement, c'est en Corse que les femmes se voient attribuer le droit de vote pour la première fois dans l'Histoire universelle. Ce droit leur est octroyé par la Constitution de Pascal Paoli en 1755. Il est vrai que dès le XVIe siècle, les femmes corses votaient dans les assemblées locales... Ce droit de vote leur sera retiré suite à l'annexion de l'île par la France.
Les Parisiennes vont un peu plus tard contribuer au succès de la Révolution. C'est elles qui vont chercher le roi à Versailles pour le ramener à Paris le 6 octobre 1789, sous la surveillance des révolutionnaires. C'est un acte déterminant qui va entraîner l'effondrement de la monarchie absolue. Mais les révolutionnaires ne leur en sauront aucun gré...
Comme en Angleterre, le droit de vote demeure le privilège des hommes aisés, les citoyens « actifs », d'une part parce qu'on considère qu'eux seuls sont en situation de faire un choix libre en raison de leur aisance, d'autre part parce que la citoyennneté implique des devoirs, en premier lieu celui de défendre la Patrie et, s'il le faut, verser son sang pour elle. Les femmes n'étant pas requises pour porter les armes, elles ne justifient pas du droit de vote. CQFD.
À Paris, dès l'automne 1793, les femmes en vue sont guillotinées, la reine Marie-Antoinette en premier lieu mais aussi Olympe de Gouges et surtout Mme Roland. C'est le début d'une brutale régression en France et en Europe au début du XIXe siècle sous l'effet du droit romain. Il faut attendre des plaidoyers comme celui du très influent philosophe britannique John Stuard Mill qui, assisté de sa femme Harriett, publie en 1869 un essai retentissant, The Subjection of Women (De l'assujettissement des femmes), pour que l'on cesse d'assimiler les femmes à d'éternelles mineures.
Les premières à obtenir pour de bon le droit de vote sont les habitantes du territoire américain du Wyoming en 1869, suivies par les Néo-Zélandaises en 1893 (y compris les femmes aborigènes maories !), les Australiennes en 1902, les Finlandaises en 1906, enfin les Norvégiennes en 1913.
En Grande-Bretagne comme dans le reste du monde anglo-saxon, c'est par leur rôle au sein des associations caricatives que les femmes commencent à s'imposer dans la vie publique.
En 1897, Millicent Fawcett (50 ans), disciple de John Stuard Mill, prend la présidence de la National Union of Women's Suffrage (« Union nationale pour le suffrage féminin »). Réunissant des dizaines de milliers de sympathisants tant masculins que féminins, la NUWS va devenir sous son impulsion le principal mouvement suffragiste du monde.
Par des pétitions et mieux encore par des actions violentes, les suffragettes britanniques obtiennent à la fin de la Première Guerre mondiale une demi-victoire : le 7 février 1918, la loi sur la « Représentation du Peuple » (Fourth Reform Act ou « Quatrième loi de réforme ») instaure le suffrage universel masculin et accorde en même temps le droit de vote aux femmes propriétaires (ou épouses de propriétaires) âgées de 30 ans et plus : six millions de femmes sur onze millions de femmes adultes deviennent ainsi électrices. L’âge plus élevé pour les femmes que pour les hommes est la garantie que les femmes ne seraient pas plus nombreuses que les hommes dans le corps électoral !
Au Canada comme dans le reste de l'empire britannique, les femmes obtiendront le droit de vote aux scrutins fédéraux en 1918 sous réserve d'être propriétaires (mais aux élections provinciales du Québec, elles devront attendre 1940 !).
L'égalité civique, enfin
À l'imitation des Britanniques, les dirigeants occidentaux se résignent les uns après les autres à promulguer le vote féminin, sous la pression des ligues suffragistes et eu égard au rôle actif des femmes pendant la Grande Guerre. Tandis que les hommes combattaient dans les tranchées, elles ont dû les remplacer aux champs, dans les usines et dans les bureaux. Elles ont témoigné aussi de leur patriotisme comme infirmières et aides-soignantes dans les hôpitaux de campagne. Tout cela mérite récompense...
Le 15 juillet 1919, le pape Benoît XV lui-même se prononce en faveur du droit de vote des femmes. Aux États-Unis, la ratification du XIXe Amendement à la Constitution, le 26 août 1920, étend le droit de vote à l'ensemble des femmes du pays. Les Turques elles-mêmes l'obtiennent en 1934 à l'initiative du dictateur Moustafa Kémal (ce qui ne prête guère à conséquence dans ce régime très autoritaire !).
La Grande-Bretagne elle-même consent enfin le 2 juillet 1928 à lever toutes les restrictions au suffrage féminin et à l'aligner sur celui des hommes.
La Belgique traîne les pieds. Les femmes belges acquièrent en 1920 le droit de vote aux élections municipales et en 1921 celui d'être élues, mais c'est seulement en 1948 qu'elles obtiennent les mêmes droits civiques que les hommes.
La France se montre particulièrement lente pour une raison paradoxale : les sénateurs, qui appartiennent majoritairement à la gauche anticléricale, redoutent que les femmes aillent renforcer les rangs de la droite et des cléricaux. C'est seulement en 1945, à l'initiative du général de Gaulle, que les Françaises obtiennent le droit de vote.
Notons que les militaires français étaient aussi exclus du droit de vote mais pour d'autres raisons (on ne souhaitait pas qu'ils prennent parti dans les luttes politiques) et l'armée avait gagné le surnom de « Grande Muette ». C'est seulement le 17 août 1945 - soit quelques mois après les femmes - qu'ils ont obtenu le droit de vote.
La Suisse, fidèle à ses particularismes, attend la votation du 7 février 1971 pour imposer le suffrage féminin à tous les échelons politiques. Mais depuis 2010, les femmes sont majoritaires au sein du gouvernement fédéral.
Les femmes à travers l'Histoire
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible