Pape sous le nom de Jules II, Giuliano Della Rovere entame son ascension à la cour pontificale grâce au soutien de son oncle Francesco Della Rovere, pape en 1471 sous le nom de Sixte IV (celui-ci consacre la chapelle Sixtine qui rappelle son nom ; celui-là lui donne la magnificence qu'on lui connaît en confiant à Michel-Ange le soin de décorer la voûte).
Il est cardinal-prêtre le 15 décembre 1471, à 28 ans, et évêque d'Avignon en 1474. S'étant constitué un immense patrimoine, il en use pour tisser un réseau influent. Habile diplomate, il noue des liens avec le roi de France Louis XI comme avec l'empereur Maximilien 1er, en vue, déjà, d'obtenir la tiare pontificale.
Il ne dédaigne pas les plaisirs profanes comme l'atteste la naissance de plusieurs bâtards. Mais assez peu attiré par le luxe pour lui-même, il dénonce le népotisme d'Alexandre VI Borgia, ce qui lui vaut d'attendre sa mort pour revenir à Rome et préparer sa propre élection. Celle-ci intervient le 1er novembre 1503 après le bref pontificat de Pie III (25 jours).
Un pape soldat
Le nouveau pape a déjà soixante ans mais, plus épris de combats que de bonnes paroles, plus à l'aise dans une armure que sous la tiare, homme d'action, combattant dans l'âme, il va se comporter avant tout en souverain temporel. Son choix du nom de Jules II (Giulio II, en italien), qui rappelle Jules César, est en soi tout un programme.
Soucieux de consolider les États pontificaux alors menacés de dislocation, il réannexe à la tête de son armée, dès 1504, la Romagne et les autres possession de César Borgia, dont Bologne et Pérouse. Ses exploits lui valent l'admiration de Machiavel et le surnom : « il Terribile » (le Terrible).
Notons que, le 22 janvier 1506, il se dote d'une garde pontificale uniquement composée de mercenaires suisses. Cette garde pontificale est aujourd'hui la plus petite armée du monde (cent dix hommes) et l'une des plus anciennes.
Mais le pape ne tarde pas à se heurter à Venise. La Sérénissime République prétend en effet étendre ses possessions de Terre Ferme et conquérir la Romagne. Le 10 décembre 1508, le pape Jules II constitue contre elle la ligue de Cambrai, avec la France de Louis XII, l'empereur d'Allemagne Maximilien 1er, l'Aragon de Ferdinand le Catholique et la Savoie.
À Agnadel, la Ligue a raison des Vénitiens. Les Français, notamment le chevalier Bayard, s'illustrent aux côtés de leurs alliés et leur victoire met la République de Venise à la merci d'une invasion, voire d'une disparition.
Le pape, du coup, craint pour son indépendance. Il se retourne contre ses alliés et fait la paix avec la Sérénissime avec l'objectif de chasser d'Italie les « Barbares du Nord » (les Français). Le vieil homme se laisse pousser la barbe, jurant de ne pas la couper avant d'avoir libéré l'Italie...
Le 4 octobre 1511, il forme avec le doge de Venise, et le roi d'Aragon une Sainte Ligue contre le roi de France et l'empereur d'Allemagne. L'alliance est rejointe par le roi Henri VIII d'Angleterre.
Le 11 avril 1512, les Français l'emportent à Ravenne sur les Vénitiens et les Espagnols réunis mais ils ont la douleur de perdre leur meilleur général, Gaston de Foix, et cette victoire ne les empêche pas d'être peu après chassés du Milanais.
Qui plus est, La France est envahie par les Anglais qui débarquent à Calais et même par les Suisses, qui font le siège de Dijon. Le 13 septembre 1513, La Trémoille, capitaine français, signe à la hâte un traité avec les Suisses. Louis XII, de son côté, signe in extremis une trêve avec le roi d'Aragon.
Triomphant, le vieux pape se réconcilie avec les princes italiens comme avec l'empereur Maximilien 1er. Il lance l'interdit contre la France, autrement dit suspend la distribution des sacrements aux sujets de son ennemi, le roi Louis XII. Il songe même à offrir la couronne de France au roi d'Angleterre. Mais il meurt avant d'avoir tiré tout le bénéfice de sa victoire et laissera à la postérité le souvenir de son mécénat bien plus que celui de ses exploits militaires.
Un mécène
C'est que Jules II, assez peu intéressé au dogme et à la réforme de l'Église, use des richesses du Saint Siège au bénéfice des humanistes et des artistes, mettant en pratique les conseils de son contemporain Machiavel : tout bon prince « doit aussi se montrer amant des vertus en donnant l'hospitalité aux hommes vertueux et en honorant ceux qui excellent dans un art » (note).
Il passe d'importantes commandes aux principaux génies de son temps, Michel-Ange, Raphaël ou encore Bramante. Il ouvre de nouvelles artères à Rome, dont la via Giulia. Il entreprend aussi en 1506 la reconstruction de la basilique Saint-Pierre de Rome, un chantier de vingt ans et plus, sous la conduite de Bramante.
À Michel-Ange, il confie, outre la décoration de la Sixtine, la réalisation de son propre tombeau dans l'église Saint-Pierre-aux-Liens. Ce tombeau restera inachevé, réduit à une sculpture monumentale de Moïse. À Raphaël, il confie la décoration de ses appartements et bien sûr le célèbre portrait de lui-même qui figure en tête de cet article.
Ces chantiers ainsi que le mécénat et les dépenses militaires assèchent les revenus du Saint Siège. Pour y remédier, Jules II multiplie les ventes de bénéfices ecclésiastiques, de dispenses et d'indulgences (une réduction du temps de purgatoire promise aux généreux fidèles après leur mort).
Dans ses entreprises financières, il bénéficie des conseils avisés de son fidèle banquier Agostino Chigi. Celui-ci l'amène même à créer sa propre monnaie, le giulio.
Ces mesures poursuivies par son successeur Léon X (Jean de Médicis) vont scandaliser les fidèles, notamment en Allemagne, et contribuer à la Réforme luthérienne (ou protestante).
Le pape évite de se montrer avec ses enfants pour échapper aux médisances qui ont accompagné son prédécesseur Alexandre VI. Mais, soucieux de consolider ses réseaux, il marie sa fille Felice Della Rovere, née en 1483 de sa liaison avec une jeune aristocrate romaine, avec le rejeton d'une grande famille romaine, Giordano Orsini.
Désireux d'échapper à la menace de destitution lancée par le concile de Pise, qu'a réuni Louis XII, Jules II convoque à son tour un nouveau concile en 1512, Latran V. Mais il meurt le 21 février 1513, peu après son ouverture.
La papauté moderne entre tradition et ouverture
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LABORDE Jacky (27-09-2013 20:17:02)
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