Rétrospective 2024

Trump : l'Empire contre-attaque !

29 janvier 2025. L'événement majeur de l'année 2024 est sans conteste l'élection de Donald Trump. Une élection franche mais hautement improbable à nos yeux d'Européens. Elle manifeste en profondeur la transformation des États-Unis en une forme d'Empire à vocation planétaire, transformation qui n'est pas sans analogie avec la naissance de l'Empire romain !
Comme au Ier siècle av. J.-C., nous voyons une république menacée d'implosion du fait de ses tensions internes et conduite à se réformer pour retrouver un nouvel équilibre...

Depuis deux cents ans, portés par l’enthousiasme de La Fayette et les analyses de Tocqueville, nous voyons dans les États-Unis le modèle démocratique par excellence. Comment ne pas être séduits par le préambule de la Constitution de 1789 : « Nous, le peuple des États-Unis, en vue de former une union plus parfaite, d'établir la justice, d'assurer la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer la prospérité générale et d'assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous ordonnons et établissons la présente Constitution pour les États-Unis d'Amérique » ? Il est l’aboutissement de mille ans d’efforts accomplis par les Européens pour en finir avec l’arbitraire et la tyrannie.

Voilà que nous découvrons aujourd’hui derrière le visage lunaire de Donald Trump un pays méconnaissable. Dr Jekyll serait-il devenu Mr Hyde ? Est-ce encore une démocratie ? Est-ce encore un enfant de l’Europe ?

La victoire de Trump signe la fin de la république américaine, « gendarme du monde » depuis un bon siècle, porteuse d’un rêve universel de prospérité dans la liberté. Le 47e président des États-Unis n’affiche plus qu’une ambition : agir dans l’intérêt de son pays (et accessoirement les siens) sans plus se soucier des alliances internationales et des pays amis.

Comment expliquer pareil « exploit » de la part d’un homme excessif en tout ? Il est faux d’y voir le résultat d’une élection truquée. Ses rivaux démocrates Joe Biden puis Kamala Harris ont bénéficié d’un soutien financier et médiatique beaucoup plus important. Ils ont été défaits malgré cela dans un match brutal mais loyal.

Le Parti démocrate a payé trois décennies de choix erratiques qui ont conduit à une exacerbation des inégalités sociales et des tensions ethniques dans un contexte de grande violence économique : sacrifice du tissu industriel qui a fait la prospérité et la force du pays ; sacrifice également de ses classes ouvrières, frappées de plein fouet par l'épidémie des opiacés ou opioïdes (note).

Un Empire qui ne dit pas son nom

Le paradoxe est que cette crise sociale multiforme ait conduit au triomphe de deux oligarques, Donald Trump et son partenaire Elon Musk, considéré comme l'homme le plus riche du monde !

Dans un lumineux billet (Le Figaro, 27 novembre 2024), Benjamin Olivennes, agrégé de philosophie établi aux États-Unis, rapproche ce phénomène de celui qui a conduit le Sénat romain, au Ier siècle av. J.-C., à se défaire de son pouvoir entre les mains d’un homme, César puis Auguste et leurs successeurs.

Loin de nous l'idée de comparer Trump et Musk à César et Auguste, même si Jules César, issu d'une très riche famille patricienne, se présentait comme l'héritier des Gracques et du parti populare (on dirait aujourd'hui « populiste ») ! Mais les uns et les autres ont résolu des crises sociales à bien des aspects similaires...

- Rome, de la République à l'Empire :

La République romaine était placée sous l'autorité du Sénat dont le prestige s'exprimait avec fierté dans la formule SPQR (dico). Mais à mesure que grandissait la puissance de Rome, les inégalités sociales et les tensions entre plébéiens, provinciaux et gouvernants devenaient explosives, jusqu'à aboutir à une succession de guerres civiles. Il en est sorti un nouveau régime qui, sans changer la forme des institutions républicaines avec son Sénat et ses magistratures, a conduit à un régime monarchique incarné par le princeps senatus, le Prince ou l’empereur.

À l'avènement de l'Empire, Rome avait peu ou prou atteint ses ultimes limites territoriales. Après l'annexion de la Gaule et de l'Égypte, elle n'allait plus s'agrandir que de modestes territoires périphériques ainsi que de la Dacie (Roumanie actuelle). Obligée de protéger ses frontières et tentée de les repousser toujours plus loin, elle allait connaître de sévères défaites, à commencer par le massacre de trois légions dans la forêt de Teutoburg (Germanie) en 9 de notre ère, à l'apogée du règne d'Auguste ! 

Un siècle plus tard, l'empereur Trajan, heureux face aux Daces, allait éprouver beaucoup plus de difficultés face aux Parthes de Mésopotamie, sans jamais arriver à les battre durablement ni à conserver ses conquêtes... Ces insuccès militaires n'empêchent pas Rome de jouir d'un prestige immense auprès de toutes les élites du monde connu. Rien ne vaut mieux pour celles-ci que le titre de citoyen romain ! L'apôtre Paul (Saul de Tarse) ne manque pas lui-même d'en tirer fierté.

- Les États-Unis en pleine métamorphose :

De la même façon, la victoire de Trump ne signifie pas la mort de l’Amérique mais plutôt sa métamorphose. Nous n'irons pas jusqu'à comparer la prise du Capitole (6 janvier 2021) aux guerres civiles de la fin de la République. Mans rien changer aux institutions politiques, la révolution trumpiste pourrait être en train d’accoucher d’un pays nouveau, un nouvel Empire qui ne dit pas son nom.

« Aujourd’hui, à nouveau, l’Empire pointe le bout de son nez, non parce qu’il est plus noble que la république, mais parce que la république semble n’avoir plus d’autre carte, » note Benjamin Olivennes.

Comment ne pas y songer quand on voit sur nos écrans la parade triomphale du nouvel « Empereur », massif et agile, esquissant un pas de danse, entouré de sa famille et de ses fidèles ? Un cinéaste ne pourrait mieux représenter un empereur de la grande époque, façon Tibère ou Vespasien.

Protégée du reste du monde par deux océans, bénéficiant d'un espace immense et richement doté, avec une population en forte croissance nourrie tant par la natalité que par l’immigration, forte de l'attrait qu'elle exerce sur les élites économiques, intellectuelles et scientifiques du monde entier, l’Amérique semble plus dominatrice que jamais.

Entre une Europe ruinée par elle-même et une Chine minée par un déclin démographique accéléré, l'Empire nouveau peut entrevoir plusieurs décennies de domination planétaire. Même si sa part de la richesse mondiale produite chaque année a régressé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’environ 40% à 25% du PIB mondial. Même si ses armées et son complexe militaro-industriel se révèlent impuissants à réduire les Parthes, pardon, les Russes.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2025-01-29 11:47:00

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