6 novembre 2024. Historique ! La vague populaire qui a ramené Donald Trump à la Maison Blanche a pris tout le monde de court. Gardons-nous de juger la démocratie américaine et tenons-nous-en aux conséquences de cette élection pour l'Europe et ses dirigeants : elles sont proprement cataclysmiques et nous obligent à une révision complète de tous nos choix politiques, culturels, commerciaux, diplomatiques, stratégiques, etc. Y sommes-nous prêts ?...
Ce 6 novembre, aux aurores, alors que les swing States (« États balance ») tombaient l'un après l'autre dans le camp républicain, les radios France Culture et France Inter continuaient d'évoquer sur un ton badin la victoire à venir de... Kamala Harris. Ce déni illustre le désarroi qui a saisi la classe dirigeante européenne face à la victoire de Donald Trump.
Entendons-nous bien. Donald Trump est un homme sans scrupule. C'est un trait qu'il partage avec son homologue russe Vladimir Poutine. Il suffit pour s'en convaincre de visionner l'excellent documentaire de la chaîne Arte : Le Duel, Harris contre Trump.
Mais Trump et Poutine ont aussi en commun d'être des hommes entêtés, qui refusent le compromis et foncent pour ce qu'ils croient être utile à leur cause et à leur pays. Tout le contraire par exemple d'un Emmanuel Macron... ou d'une Marine Le Pen, laquelle n'a même pas eu le cran d'apporter son soutien au candidat républicain qui avait la sympathie de ses électeurs.
L'élection historique de ce 5 novembre 2024 va de ce fait obliger la classe dirigeante européenne à une douloureuse introspection.
Les États de l'Union européenne se sont enfermés dans un piège en sortant du traité de Rome et en inscrivant dans les traités de Maastricht et de Lisbonne le libre-échange ou encore la primauté des droits individuels sur la préservation des États.
En faisant de ces options politiques des obligations constitutionnelles, ils ont restreint le champ de la démocratie et conduit les citoyens à se détourner des urnes. À quoi bon voter dès lors que l'on n'a plus le choix d'une politique ?...
L'Union européenne s'est surtout placée en situation d'extrême faiblesse face aux grandes puissances de la planète, lesquelles s'en tiennent à un guide : leurs intérêts égoïstes. Cette situation était tolérable quand l'Europe pouvait compter sur la bienveillance intéressée de son grand allié américain. Ce n'est plus le cas.
Plongée dans la fosse aux tigres, entre des fauves qui ont nom Poutine, Xi, Trump mais aussi Erdogan, Modi, Lulla, Nétanyahou, etc., elle ne doit s'attendre à aucune bienveillance de leur part et n'a personne sur qui se reposer.
Il n'est plus temps de placer la politique européenne sous l'étendard de « valeurs universelles » dont le rayonnement ne dépasse pas les beaux quartiers des métropoles européennes : droits LGBTQ+++, cancel culture, accueil de toute la misère du monde, dénonciation de toutes les formes de protectionnisme, etc.
Les dirigeants de la Commission européenne et des grands États européens auront le choix soit de renouer avec le réel... soit de quitter la scène.
Les premiers changements attendus sont sur le front du Donbass et la mer Noire. Les États-Unis n'ont objectivement plus aucun intérêt à entretenir la guerre en Ukraine, d'une part parce qu'elle leur coûte très cher, d'autre part parce qu'ils ont atteint leur objectif initial qui était d'affaiblir la Russie ainsi que de priver l'Allemagne de son gaz bon marché, enfin parce que cette guerre les détourne d'enjeux plus importants en Extrême-Orient.
Prenant le contrepied de ses prédécesseurs Bush Jr, Obama et Biden, Trump va donc sans doute très vite convaincre Russes et Ukrainiens de conclure un cessez-le-feu sur la base des accords de Minsk de 2015. C'est l'issue la plus probable que j'avais envisagé en mai 2024 dans Les Causes politiques de la guerre en Ukraine...
L'Ukraine n'aura que ses yeux pour pleurer et rentrera dans le bercail russe auquel l'attachent la Géographie et l'Histoire. Même chose pour la Géorgie et la Moldavie. Au moins peut-on espérer que cette issue mette un terme à l'hémorragie démographique qui a poussé les jeunes ressortissants de ces trois pays à fuir vers l'Ouest.
Dans l'Union européenne, on peut douter toutefois d'un retour rapide à la raison car les va-t-en guerre ne semblent pas prêts à lâcher les rênes. Vont-ils maintenir à l'égard de la Russie des sanctions qui ruinent l'économie européenne, tout en s'approvisionnant en gaz auprès de dictatures pas moins recommandables (Qatar, Azerbaïdjan) ? Vont-ils continuer à fonder la sécurité de l'Europe sur le bouclier américain et l'OTAN ? Ou bien se décideront-ils à assumer de façon autonome la défense de leurs intérêts et de leurs frontières ? Les États tels que la Pologne ou l'Allemagne vont-ils renoncer à s'armer auprès des industriels américains et accepteront-ils de privilégier les industriels européens ?...
Tandis que le président Trump promet des barrières douanières afin de sauvegarder son industrie et son agriculture, l'Union européenne va-t-elle rester la seule entité dans le monde à entretenir l'illusion du libre-échange ? Va-t-elle mener à son terme l'accord avec le Mercosur (Amérique latine) ? Les agriculteurs européens, plus soumis que leurs homologues américains, tolèreront-ils d'être ainsi détruits par une politique devenue folle ?
L'Union européenne va-t-elle s'accrocher au dogme de la « concurrence libre et non faussée » qui conduit à la ruine des services publics et des industriels ? C'est la SNCF contrainte de supprimer pour cause de « concurrence » de nombreuses dessertes TGV, trop peu rentables. C'est Michelin, dernier fleuron de l'industrie française, contraint de fermer des usines en France à cause des règles bruxelloises qui ont fait flamber le prix de l'énergie (y compris de l'électricité nucléaire française ; il fallait l'oser !). C'est enfin tout le secteur automobile, y compris Volkswagen, fleuron de l'industrie allemande, contraint de licencier et menacé de disparition en raison d'un « Pacte vert » européen aussi inefficace que contraignant.
À ce que disent les commentateurs de l'élection de ce 5 novembre, les hommes noirs américains ont voté massivement pour le candidat républicain, réputé raciste et borné. Notons que de la même façon, en France, les électeurs d'outre-mer ont voté en 2017 et 2022 pour la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen, y compris sur l'île noire et musulmane de Mayotte.
Cela devrait conduire à réfléchir les dirigeants et les militants de la gauche qui ont fait du « racialisme » le moteur de leurs revendications, en lieu et place de la lutte contre le libre-échange, l'ouverture des frontières et l'exploitation des travailleurs du tiers-monde au profit des consommateurs occidentaux.
Et arrêtons enfin de dénoncer les prétendus méfaits de l'Occident au cours de l'Histoire !...
En prenant leurs distances avec les États-Unis, lesquels n'ont plus grand-chose à voir avec les États-Unis de l'après-guerre, la France serait bien inspirée de renouer le lien avec son Histoire et de prendre conscience de la grandeur de son héritage : l'émancipation des femmes (dès le XIIe siècle), l'ouverture sur le monde, la démocratie et le règne de la loi, etc. Sans doute serait-ce pour les Français le principal bénéfice à tirer du tsunami américain.
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Voir les 41 commentaires sur cet article
Christian (30-11-2024 07:12:55)
Alors que la France est peut-être au bord d'une crise gouvernementale sans précédent depuis 1962, elle a bien du mal à s'opposer au projet d'accord de libre-échange avec le Mercosur et continue d... Lire la suite
Sivispacem (17-11-2024 15:36:40)
réponse à Roland Berger (08-11-2024 17:31:05. L'Amérique profondément chrétienne ? Jesus and my Gun! Les télévangélistes qui pompent l'argent des crédules pour construire à leur profit un e... Lire la suite
Sivispacem (17-11-2024 15:21:13)
A ma connaissance, ce sera la première fois qu'un dirigeant d'un pays dit démocratique sera un criminel condamné, un entrepreneur ayant fait nombre de faillites spectaculaires, pour lequel une asso... Lire la suite