20 octobre 2024. On a brûlé en 2023 plus de charbon, de pétrole et de gaz que jamais ! Les énergies renouvelables viennent en surplus de ces énergies fossiles sans que diminuent les émissions mondiales de CO2. Aveugle aux leçons de l'Histoire, l’Union européenne n’en poursuit pas moins une « transition énergétique » ruineuse et contre-productive…
Dans son rapport World Energy Outlook du 16 octobre 2024, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) s’alarme de ce que la consommation d’énergie dans le monde continue de croître plus vite que prévu malgré les efforts très coûteux engagés en faveur des énergies alternatives.
En adepte de la méthode Coué, l’Agence prédit néanmoins que la demande d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) atteindra un pic en 2030 (dans cinq ou six ans) et feint de toujours croire à la possibilité d’arriver en 2050 à la « neutralité carbone » (Net Zero) !
Illusoire « neutralité carbone »
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’american way of life connaît un succès planétaire : une voiture par adulte, un pavillon par ménage, des voyages à l’autre bout du monde et des biens en profusion. Il s’ensuit une demande toujours croissante de charbon, pétrole et gaz naturel.
La combustion de ces énergies fossiles a rejeté dans l’atmosphère en 2023 environ 40 milliards de tonnes de gaz à effet de serre (essentiellement du gaz carbonique, CO2). C’est beaucoup plus que les dix milliards de tonnes que peuvent normalement absorber les « puits de carbone naturels » (forêts, tourbières, océans, etc.). Le surplus, soit trente milliards de tonnes, conduit à un réchauffement de l’atmosphère selon le processus que les scientifiques appellent « effet de serre ».
La « neutralité carbone » (Net Zero) revient donc à ramener les émissions de gaz à effet de serre à une dizaine de milliards de tonnes par an (-75%) avant que le réchauffement climatique ne s’emballe, soit en 2050 !
Avec le « Pacte Vert » (Green Deal) initié par Ursula von der Leyen en 2019, la Commission européenne de Bruxelles s’est ralliée à cet objectif. Elle veut l’atteindre en convertissant les énergies fossiles en énergies dites « propres » ou « renouvelables ».
Mais ni la Commission, ni l’AIE, ni toutes les instances dirigeantes de la planète ne veulent remettre en cause le modèle de consommation énergivore venu des États-Unis. Elles aspirent même à le développer et l’étendre aux six milliards d’êtres humains qui en sont encore tenus à l’écart. C’est un pari perdu d’avance.
Depuis le début du XXIe siècle, en effet, notre demande d’énergie croît de plus en plus vite : toujours plus de croisières et de voyages aux antipodes, toujours plus de voitures SUV et de déplacements, toujours plus d’équipements électriques et électroniques, toujours plus de banlieues pavillonnaires avec des familles éclatées ou de plus en plus restreintes, toujours plus de mode éphémère (fast fashion), etc.
Tout cela n'est presque rien à côté des nouveaux records de consommation énergétique que nous promettent l'intelligence artificielle et les cryptomonnaies du fait de la nécessité de refroidir les usines d’ordinateurs qui traitent les données.
C'est ainsi qu'en 2023, le monde a consommé environ 176.000 TWh (terawattheures) contre 118.000 en 1999 selon l’AIE, soit une progression de 50% en 25 ans, très supérieure, notons-le à l’augmentation de la population mondiale dans le même temps (+33%). En 1950, quand l'american way of life a commencé de s'expatrier, la consommation mondiale d'énergie, toutes sources confondues, était d'environ 12.000 TWh (15 fois moins qu'aujourd'hui).
« Le monde se trouve dans une phase où il consomme à la fois des quantités croissantes d’énergies bas carbone et fossiles. Le défi est pour la première fois dans l’histoire de passer d’une phase d’addition de sources d’énergies à une phase de substitution dans laquelle les sources bas carbone [énergies renouvelables] augmentent suffisamment rapidement pour répondre et au-delà à l’augmentation de la demande, » lisait-on dans le BP Energy Outlook (juillet 2024). Ah ! qu’en termes galants ces choses-là sont dites…
De fait, l’historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz montre dans son essai Sans Transition (Seuil, janvier 2024) que jamais jusqu’ici une énergie ne s’est substituée à une autre ! Dans nos sociétés qui visent à l’augmentation continue des consommations d’énergie et de matières premières, les énergies s’ajoutent les unes aux autres et fonctionnent en symbiose.
Il est donc formellement exclu que le soleil, le vent et éventuellement l’atome puissent à la fois se substituer aux énergies fossiles dans les emplois existants et satisfaire toutes les consommations à venir. Un enfant de douze ans le comprendrait. Pas nos dirigeants supérieurement intelligents mais incapables d’imaginer un modèle de société qui ne serait pas fondé sur toujours plus d’énergie.
Les ravages de la « transition énergétique » en Europe et en France
En 2023, la Commission européenne a souverainement décidé que la consommation énergétique des Européens devrait comporter 42,5 % d’énergies renouvelables d’ici 2030. Apprécions doublement la « finesse » du raisonnement :
• Première absurdité :
Soit un État qui porte sa consommation annuelle de 1000 TWh d’énergies fossiles en 2024 à 2000 TWh en 2030 dont 850 TWh d’énergies renouvelables (42,5%) : il sera félicité par la présidente Ursula von der Leyen.
Soit un autre État qui fait en sorte de réduire sa consommation d’énergie de 1000 TWh à 900 TWh d’énergies fossiles en 2030 (0% d’énergies renouvelables) : il sera mis à l’amende par la Commission !
• Deuxième absurdité :
L’enjeu climatique est planétaire et pas européen. En transférant en Asie toutes les activités énergivores et polluantes comme la fabrication de batteries, éoliennes, panneaux photovoltaïques, climatiseurs, écrans vidéos, etc., les Européens peuvent très bien réduire leur consommation d’énergies fossiles et leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais la planète n’y aura rien gagné car ils n’auront fait que les transférer en Asie ou ailleurs.
Au nom de cet objectif doublement absurde, la Commission a mis sens dessus dessous l’industrie automobile européenne en lui imposant de ne plus fabriquer de véhicules thermiques à partir de 2035. C’est au point que Volkswagen, entreprise phare du miracle économique allemand, en est venue à fermer des usines et licencier en Allemagne même !
Dans le même temps, la Commission pénalise autant que faire se peut l’électricité nucléaire française alors qu’il s’agit de l’une des sources d’énergie les moins émettrices de gaz à effet de serre. D’une part, elle prive EDF d’une rémunération décente en lui imposant de vendre son électricité à prix cassé à des intermédiaires, d’autre part, elle aligne le prix final de l'électricité nucléaire sur celui du gaz, beaucoup plus élevé.
Aux dires de la Cour des comptes européenne, « non seulement les objectifs de ce pacte vert constitué de milliers de pages de normes, de réglementations et de recommandations concoctées par une armée de technocrates sont totalement inatteignables mais il est devenu un véritable danger pour l’économie et la prospérité de l’Union Européenne et de ses citoyens » (Transitions et Énergies, 18 juillet 2024).
Le gouvernement français, qui suit la Commission comme son ombre, ne brille pas davantage par sa lucidité. Le ministère de la Transition écologique bénéficie d’un budget annuel de soixante milliards d’euros qui finance les énergies renouvelables à grands coups d’investissements, subventions, déductions fiscales, malus (sur les voitures diesel et les logements mal isolés) et autres joyeusetés.
Soixante milliards, c’est donc à peu près ce que coûte chaque année aux contribuables français la poursuite de l'objectif imposé aux élus et aux citoyens par la Commission européenne. C’est près du tiers du déficit budgétaire de l’État. C’est aussi mille euros détournés du revenu que chaque Français consacre à son bien-être. C’est encore mille euros de supplément de salaire mensuel qui pourraient être accordés aux « premiers de cordée » : enseignants, aides-soignants, assistantes maternelles, etc.
Dans les faits, à quoi ces soixante milliards sont-ils employés :
• À enrichir les importateurs, installateurs et exploitants d’éoliennes et panneaux photovoltaïques qui, quoi qu’ils fassent, sont très loin de suivre l’augmentation de la demande d’énergie !
• À remplacer les petites voitures diesel par des SUV électriques dont le « bilan carbone » ne deviendra positif qu’à partir de cent mille kilomètres parcourus au mieux.
• À isoler contre le froid des logements dont on s’aperçoit ensuite qu’ils auraient aussi eu besoin d’être isolés contre la chaleur… et surtout dont on constate, enquêtes à l’appui, que les habitants en reviennent après trois à cinq ans à consommer autant d’énergie que précédemment en s’autorisant de chauffer toutes les pièces, y compris celles qui ne sont pas occupées.
Devons-nous, face à ce constat, nous résigner à une planète brûlante ? En aucune façon. Nous pouvons faire le choix d’un modèle social sobre en énergie et économiquement performant en suivant les préceptes de l'économie classique ! Cela n'a rien à voir avec des mesures contraignantes et coûteuses, encore moins autoritaires. Il s'agit d'un éventail cohérent de mesures incitatives qui jouent sur la fiscalité, les prix et la réglementation, telles que décrites dans Le Climat et la Vie, Manifeste pour une écologie globale.
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Voir les 13 commentaires sur cet article
LOPEZ (26-10-2024 10:49:08)
lier le réchauffement de la planète aux activités humaines me paraît absurde; la planète n'a t'elle pas connu d'intenses refroidissements et réchauffements successifs avant toute activité humai... Lire la suite
vmr (21-10-2024 16:44:31)
mcae.fr, vous avez raison mais l'augmentation de la croissance entraine obligatoirement une augmentation de la consommation d'énergie qu'il faut produire en ayant recours aux énergies fossiles et do... Lire la suite
32120 (21-10-2024 14:19:54)
Pour une fois, je suis d'accord avec André Larané. Dans le domaine des énergies et du climat, la Commission Européenne n'est pas "gouvernée" par les États mais par les lobbies. J'ai travaillé p... Lire la suite