Saint Paul, disciple de Jésus-Christ, n'a jamais connu celui-ci bien qu'il fût son contemporain. Il n'en a pas moins joué un rôle primordial dans la formation et le développement de la religion chrétienne. Au point qu'il est couramment considéré comme le deuxième fondateur du christianisme après Jésus.
Avec énergie et charisme, il anime une grande entreprise de prédication tout autour de la Méditerranée, avec des collaborateurs dévoués. Au total pas moins de quarante-trois, dont ving-et-une femmes, d'après le contenu de ses treize lettres ou épîtres...
Conversion d'un fanatique
Né à Tarse, en Anatolie, vers l'an 9, Saul est un citoyen romain d'origine juive et de langue grecque. Il fait de solides études hébraïques à Jérusalem, auprès d'un célèbre rabbin, Gamaliel. Il reçoit aussi une éducation grecque de très haute volée et maîtrise parfaitement la rhétorique. Il pratique par ailleurs un métier, tissant des toiles de tente, conformément à la tradition juive qui honore le travail manuel, en opposition avec la tradition gréco-romaine.
Devenu rabbin, il enseigne les Écritures dans la Ville sainte en se conformant aux préceptes du pharisaïsme, l'école de théologie la plus rigoureuse qui soit. C'est l'époque où des prédicateurs évoquent un homme nommé Jésus et crucifié par les Romains quelques années plus tôt pour des raisons peu compréhensibles.
Sa vie et sa prédication nous sont connues par les Actes des Apôtres, l'un des livres du Nouveau Testament écrit par saint Luc entre 80 et 90.
On y apprend que Saul prend violemment parti contre ces gens que l'on nommera plus tard « chrétiens », en référence au surnom de Jésus : Christ (du grec oint de Dieu en grec, synonyme de l'hébreu Messie). Il approuve la condamnation du diacre Étienne et assiste à sa lapidation (Étienne est le premier martyr, autrement dit le premier chrétien, à témoigner du Christ au risque de mourir).
Saul obtient là-dessus du Sanhédrin, le tribunal juif qui siège au Temple, la mission de pourchasser les chrétiens de Syrie mais sur le chemin de Damas, il est terrassé par une force surnaturelle ainsi que le racontent les Actes des Apôtres (9) :
« Saul ne respirant toujours que menaces et meurtres contre les disciples du Seigneur, alla demander au grand prêtre des lettres pour les synagogues de Damas. S'il trouvait là des adeptes de la Voie, hommes ou femmes, il les amènerait, enchaînés, à Jérusalem.
Poursuivant sa route, il approchait de Damas quand, soudain, une lumière venue du ciel l'enveloppa de son éclat. Tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait : Saoul, Saoul, pourquoi me persécuter ?
- Qui es-tu, Seigneur ? demanda-t-il.
- Je suis Jésus, c'est moi que tu persécutes. Mais relève-toi, entre dans la ville, et on te dira ce que tu dois faire.
Ses compagnons de voyage s'étaient arrêtés, muets de stupeur : ils entendaient la voix, mais ne voyaient personne... »
L'événement se serait déroulé vers l'an 42, soit quelques années après la crucifixion du Christ, et l'Église a choisi de le commémorer le 25 janvier.
Saul se convertit peu après à Damas et se fait baptiser par Ananie. Il entame sa prédication auprès des Juifs de Damas mais devant leur hostilité, choisit de s'enfuir. De retour à Jérusalem où il est connu comme un adversaire, il a du mal à se faire admettre parmi les disciples du Christ.
Au même moment, les apôtres sont agités par un débat de fond : le message du Christ s'adresse-t-il aux seuls Juifs ou à l'ensemble des hommes ? Il se résout non sans mal dans le second sens comme l'expriment les Actes des Apôtres (10) :
« Ce fut de la stupeur parmi les croyants circoncis [les Juifs] qui avaient accompagné Pierre : ainsi, jusque sur les nations païennes, le don de l'Esprit saint était maintenant répandu ! Ils entendaient ces gens, en effet, parler en langues et célébrer la grandeur de Dieu... »
Pour Saul, qui parle grec, de nouvelles perspectives s'ouvrent : considérant l'événement qui lui est arrivé sur le chemin de Damas comme un appel du Christ faisant de lui l'un des Apôtres, il décide de convertir les païens grecs et latins. Pour être mieux accepté d'eux, il prend le nom de Paul, traduction latine de l'hébreu Saul.
Avec deux compagnons, Barnabé et Marc, Paul part pour un premier voyage missionnaire à Chypre et en Pamphylie. Il manque d'y être tué à coup de pierres mais n'en obtient pas moins de nombreuses conversions.
La prédication de Paul et des autres disciples du Christ entraîne la multiplication de petites communautés de croyants. On les appelle Églises, du grec ekklésia, assemblée.
La plus importante de ces communautés est celle de Jérusalem. Elle est dans les premiers temps animée par d'anciens compagnons du Christ : Simon, dit Pierre, et Jacques dit le Juste (vraisemblablement un frère cadet de Jésus). Cette communauté se montre attachée à la Loi hébraïque et aux rituels juifs. Ses membres fréquentent assidûment le Temple.
En l'an 48 se tient à Jérusalem ce qu'il est convenu d'appeler le premier concile, ou concile des Apôtres. Venus de différents endroits de l'empire romain, les participants s'inquiètent d'être confondus avec l'une des nombreuses sectes messianiques caractéristiques du judaïsme. Alors, Paul plaide avec succès l'abandon des rituels juifs, en particulier de la circoncision, au nom de l'universalité du message de Jésus.
À la différence des juifs qui admettaient parfaitement que des Gentils se convertissent à leur foi mais exigeaient d'eux qu'ils commencent par se faire circoncire, les chrétiens évacuent donc la circoncision et s'en tiennent au sacrement de baptême par l'eau comme rite d'entrée dans leur religion. Ils évacuent également les interdits alimentaires, nombreux chez les juifs, ces interdits purement formels ayant été désapprouvés par Jésus-Christ.
C'est ainsi que les chrétiens fondent une religion véritablement nouvelle et ouverte à tous les hommes, avec vocation à l'universalité.
Apostolat tous azimuts
Vers 50, le prédicateur part pour un deuxième voyage d'évangélisation en Asie mineure et en Grèce avec Silas, Timothée et Luc. Il débat à Athènes, devant l'Aréopage, avec les philosophes de la tradition païenne. Les Athéniens l'écoutent avec intérêt mais restent circonspects.
Paul écrit à l'occasion de ce voyage sa première lettre aux Thessaloniciens. C'est le début d'un travail d'écriture qui va devenir la source principale de son enseignement. Ses épîtres (synonyme du mot lettre dérivé du grec) sont au nombre de treize mais six d'entre elles auraient été rédigées par ses disciples, note l'historien et théologien Daniel Marguerat (Paul de Tarse, l’enfant terrible du christianisme, Seuil, 2023).
Entre les années 52 et 57, Paul accomplit un troisième et dernier voyage en Galatie, au centre de la Turquie actuelle, et à Corinthe sans jamais cesser d'être en butte à l'hostilité des communautés juives. Il écrit ses épîtres aux Galates, aux Corinthiens, aux Philippiens (habitants de Philippes, en Macédoine) et aux Romains.
De toutes les cités grecques qu'il visite, Corinthe est celle qui se montre la plus réceptive à son message malgré ou à cause de sa réputation de débauche et de luxure. C'est à ses habitants qu'il adresse son célèbre hymne à l'amour, signifiant que l'intelligence n'est rien sans amour. C'est auprès d'eux aussi qu'il revendique le droit, même pour un prédicateur comme lui, de travailler de ses mains et de gagner son salaire.
En rupture avec les religions traditionnelles, Paul hisse l'amour au premier rang des vertus chrétiennes, devant la foi elle-même : « Quand j'aurais le don de prophétie, la connaissance de tous les mystères et de toute la science, quand j'aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s'il me manque l'amour, je ne suis rien » (épître aux Corinthiens).
Plus révolutionnaire encore, dans des sociétés antiques profondément cloisonnées, divisées et hiérarchisées, il ne craint pas de professer l'égalité de tous les humains devant Dieu, par-dessus les différences de nationalité, sexe ou statut : « Il n'y a ni hommes ni femmes, ni Juifs ni Grecs, ni hommes libres ni esclaves, vous êtes tous un en Jésus-Christ » (épître aux Galates). Cette sentence est à la base de l'universalisme chrétien. C'est au sein de l'Église - et nulle part ailleurs - que seront formulés tant bien que mal le rejet du racisme et de l'esclavage ou encore le droit d'ingérence et le devoir d'hospitalité à l'égard des déshérités. C'est à l'Église aussi que les femmes devront d'échapper aux mariages forcés et d'accéder à une relative liberté.
De passage à Jérusalem, Paul est arrêté à l'instigation des juifs. Mais il fait valoir sa qualité de citoyen romain et ce statut privilégié lui vaut d'être jugé à Rome. Indifférents aux luttes entre factions juives, les juges romains le libèrent sans difficulté.
Paul rencontre le martyre à Rome, après quinze ans d'apostolat autour de la Méditerranée, lors des persécutions ordonnées par l'empereur Néron après l'incendie de Rome. Il est décapité et enseveli en un lieu où s'élève aujourd'hui la superbe basilique de Saint-Paul hors les murs.
Sa mort et celle de l'apôtre Pierre, lui aussi martyrisé dans la Ville éternelle, sont à l'origine de la place particulière qu'occupe Rome et son évêque, le pape, dans l'Église catholique. D'ailleurs, dans les premiers siècles de notre ère, les papes n'ont eu de cesse de se présenter comme les « successeurs de Pierre et Paul » (les papes modernes ne font plus référence qu'au premier).
Les artistes représentent Saint Paul comme un homme chauve et plutôt laid en référence à un écrit du IIe siècle, sans garantie de véracité.
Paul de Tarse n'a jamais été marié, à la différence de la plupart des apôtres et en particulier de Pierre. Notons aussi qu'il ne mentionne la mère de Jésus à aucun moment. Il dit seulement, dans une lettre aux Galates, entre les années 50 et 55 : « Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme, née pour la Loi, pour délivrer ceux qui étaient sous la Loi, afin que nous puissions recevoir l'adoption filiale. »
N'y voyons toutefois pas un mépris à l'encontre des femmes. Il se montre relativement compréhensif à l'égard de la sexualité : « Je voudrais bien que tous les hommes soient comme moi [célibataires] ; mais chacun reçoit de Dieu un don particulier, l'un celui-ci, l'autre celui-là. Je dis donc aux célibataires et aux veuves qu'il est bon de rester ainsi, comme moi. Mais s'ils ne peuvent vivre dans la continence, qu'ils se marient : car il vaut mieux se marier que brûler » (I Corinthiens, 7, 8).
Dans ses instructions aux communautés grecques, il se montre beaucoup plus sévère et insiste sur le port du voile et la soumission de l'épouse à son mari : « le chef de tout homme, c'est le Christ ; le chef de la femme, c'est l'homme ; le chef du Christ, c'est Dieu... Pourtant, la femme est inséparable de l'homme et l'homme de la femme, devant le Seigneur. Car si la femme a été tirée de l'homme, l'homme naît de la femme et tout vient de Dieu » (I Corinthiens, 11, 3 et 11).
Il faut préciser que le voile, la pudeur et la soumission de la femme au mari sont coutumiers du peuple juif dont Paul est issu, comme à la plupart des peuples méditerranéens que Paul s'applique à convertir. S'il a renoncé à imposer la circoncision aux nouveaux chrétiens, il n'a pas pour autant renoncé à leur transmettre les préjugés de sa communauté.
Reste un propos plus brutal encore mais qui, de l'avis de Daniel Marguerat, viendrait d'une lettre écrite par un disciple de Paul : « Je ne permets pas à la femme d'enseigner, ni de prendre de l'autorité sur l'homme ; mais elle doit demeurer dans le silence. Car Adam a été formé le premier, Ève ensuite ; et ce n'est pas Adam qui a été séduit, c'est la femme qui, séduite, s'est rendue coupable de transgression. Elle sera néanmoins sauvée en devenant mère, si elle persévère avec modestie dans la foi, dans la charité, et dans la sainteté. » (I Tim 2.12-15).
En dépit de cela, les femmes vont se signaler par une ferveur exceptionnelle dans la promotion de la nouvelle religion. Elles en seront récompensées bien plus tard, quand l'Église médiévale oeuvrera pour leur promotion dans la synthèse des moeurs germaniques et méditerranéennes...
L'Apôtre des Gentils
Du fait de l'importance de ses prédications, Paul est souvent considéré comme le deuxième fondateur du christianisme après le Christ lui-même. Il a détaché la nouvelle religion de ses racines judaïques mais aussi contribué de façon décisive à sa diffusion dans les provinces de langue grecque. Il est appelé pour cette raison l'Apôtre des Gentils, c'est à dire des non-juifs.
Ses lettres ou épîtres diffusent un message autant révolutionnaire que religieux en proclamant l'égalité de tous les êtres humains, indépendamment de leur sexe, de leur race, ou de leur statut social. Deux mille ans après, son message garde sa force subversive dans la majeure partie de la planète, y compris en beaucoup de régions officiellement chrétiennes.
Les Épîtres de Paul constitutent la base doctrinale du christianisme, avec les Actes des Apôtres et surtout les quatre Évangiles, qui racontent chacun à leur manière la prédication de Jésus et dont la rédaction débute vers l'an 70. Ces livres et quelques autres (27 au total) sont appelés Nouveau Testament (ou Nouvelle Alliance, sous-entendu « avec Dieu »), par opposition à la Bible judaïque qui constitue l'Ancien Testament.
Les épîtres de Paul sont des messages de circonstance adressés par le prédicateur à ses collaborateurs (Timothée), à ses amis (Philémon) et aux communautés qu'il a fondées dans le mondre hellénistique. Paul de Tarse a écrit au total treize épîtres : aux Romains, aux Corinthiens (2), aux Galates, aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, aux Thessaloniciens (2), à Timothée (2), à Tite et à Philémon.
Petite comptine mnémotechnique pour les retenir dans l'ordre :
Ro-Co-Co
Gal-Éph-Phil
Col-Thes-Thes
Tim-Tim-Tite
Philémon !
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Voir les 5 commentaires sur cet article
Roland Berger (16-05-2023 15:41:51)
Je rejoins Jean (04-06-2006 21:27:12). Du pur délire religieux. Paul de Tarse est soit un parfait halluciné ou un fieffé menteur. Il récupère le Jésus de Nazareth pour le tasser de sa trajectoir... Lire la suite
Anonyme (24-06-2015 09:36:04)
Au niveau des dates, pouvez vous préciser? Si Paul assiste approuve la lapidation du diacre Etienne en 47, comment la conversion pourrait-elle se faire en 42 ? Merci
Bernice (25-01-2015 13:53:25)
c'est beau l'ignorance... n'est ce pas messieurs....!!! Donc vous vous arrêtez à ce que bcp ont cru.... Prenez un point.. que vous agrandissez....premier cercle.... à partir du bord, prenez le rayo... Lire la suite