Protégée par sa lagune et bénéficiant d'une situation avantageuse à la jonction de l'Orient et de l'Occident, les marchands vénitiens ont bâti un puissant empire maritime dès avant l'An Mil, au point que la mer Adriatique ne fut plus nommée que le « golfe de Venise ».
Mais la « Sérénissime République » connut de graves revers de fortune à la fin du Moyen Âge et vit son commerce méditerranéen ruiné par la découverte de l'Amérique. Elle n'en continua pas moins à étaler ses fastes et ses arts jusqu'à ce que le général Bonaparte la livre en 1797 à l'Autriche. La « cité des doges » devint dès lors le centre d'attraction préféré de tous les touristes, esthètes et amoureux du monde entier...
Crise de l'État-providence vénitien
Contestée sur son propre terrain, celui du commerce maritime, Venise fut encore plus déstabilisée par les Grandes Découvertes des Portugais et des Espagnols. L'ouverture de nouvelles routes commerciales vers l'Asie des épices via l'océan Atlantique frappa d'obsolescence les routes de la soie à travers le monde islamique et fit entrer Venise dans un irrepressible déclin. La cité des doges devint un point excentré sur la carte des échanges mondiaux...
Malgré sa perte de dynamisme économique, certaines activités continuaient cependant de prospérer dans la Sérénissime, notamment dans le domaine bancaire, avec des assurances contre le risque en mer et les pirates qui se faisait de plus en plus nombreux et menaçants.
Comme l'absence d’arrière-pays rendait Venise vulnérable en cas de blocus maritime, la Sérénissime se lança avec succès dans des conquêtes terrestres. Venise se constitue ainsi tout un territoire sur la « terre ferme », c'est-à-dire à l'extérieur de la lagune. Cet espace était crucial pour sa sécurité comme pour son commerce avec énorméments de routes marchandes pour les métaux ou le bois de construction en provenance de l'arrière-pays. Au tournant du XVIe siècle, son territoire s'étendit des Alpes au Pô et couvrait tout le nord et l’est de l’Adriatique, ainsi que plusieurs îles importantes comme Chypre et la Crète (essentielle pour ses richesses agricoles et pour sa position au croisement des routes maritimes). Les villes gardaient leur autonomie locale. Ainsi, la chute de Constantinople aux mains des Turcs menés par Mehmet II en 1453 et les guerres d'Italie du XVIe siècle n'affectèrent pas vraiment les échanges commerciaux de Venise.
Mais à ces difficultés économiques s'ajouta une crise sociale. Le patriciat avait été ruiné par les guerres, et les nobles les plus pauvres en furent réduits à vendre leur vote au Grand Conseil. Venise était désormais la ville la plus peuplée d'Europe avec 175 000 habitants (avant la peste de 1575 qui tua 50 000 personnes en un an !) et en temps de conflit, sa population s'accroissait à chaque fois de quelques dizaines de milliers de réfugiés.
Mais Venise devait aussi s'occuper de ses pauvres, qui étaient régulièrement victimes de disettes. En 1453, une loi imposa la défense gratuite des pauvres en cas de conflits juridiques et en 1529, la Sérénissime réglementa l'assistance publique. L'extension de la pauvreté entraîna une recrudescence de la violence et la construction de nouvelles prisons.
Aux côtés des pauvres, les esclaves, travaillant comme gondoliers ou personnels de maison, se faisaient aussi de plus en plus nombreux, venant non plus de Syrie ou des rives de la Volga comme autrefois, mais plutôt de Malte, de Sicile ou de Livourne. Le principal problème restait celui des vagabonds qui étaient, d'après l'historien Fernand Braudel, plus de 6000 en 1545, à tel point que la ville dut instaurer des « licences de mendicité ».
Avec la libération des mœurs, les prostituées s'étaient aussi multipliées, jusqu'à être 11 000 au XVIe siècle ! Les courtisanes vénitiennes, comme Veronica Franco qui était aussi poétesse et femme de lettres (Montaigne lui-même lui rendra hommage !) étaient très réputées et faisaient partie des attractions touristiques de la ville.
Faut-il s'en étonner ? la syphilis ne manqua pas de frapper la ville. Les malades étaient regroupés dans l'hôpital (malheureusement trop bien nommé) des Incurables où officiaient les jésuites Ignace de Loyola et François Xavier, qui participaient à des oeuvres de charité avant d'être ordonnés prêtres à Venise en 1537.
Nombreux dans la cité, les juifs se voyaient souvent agressés. Ils furent astreints à porter un O jaune sur leurs vêtement puis, à partir de 1496, un béret jaune. En 1516, à l'imitation du sultan marocain, la Sérénissime leur offrit un espace réservé pour les mettre à l'abri des émeutes.
Ce fut le premier quartier réservé aux juifs dans le monde chrétien. Il se situait dans le quartier de Cannaregio, sur un terrain proche d'une fonderie, où étaient jetés les déchets de celle-ci. D'où le nom de ghetto donné à ce quartier (du vieil italien « ghettare », jeter). Ce « Nouveau Ghetto » s'enrichit et s'embellit très rapidement, avec de splendides synagogues et des intellectuels hébraïques comme le médecin Giacobbe Mantino, l'écrivain Simone Luzzatto ou le rabbin Leon de Modène.
Dans cette atmosphère aux troubles parfums de décadence, un Livre d'Or fut créé dès 1315 pour recenser naissances et mariages de tous les patriciens et prévenir le déclassement social. Ceux qui se mariaient avec « quelque domestique ou femme de la campagne » perdaient le patriciat et l'appartenance au Grand Conseil !
Au coeur de la culture européenne
Affaiblie par ses revers économiques, Venise n'en resta pas moins très influente et enviée dans la géopolitique italienne et continentale.
Le XVe et le XVIe siècles sont dans le domaine artistique connus comme le Quattrocento et le Cinquecento.
Ils marquent l'acmée de l'art vénitien car la cité attire des artistes de toute la région et de plus loin encore. Vettor Carpaccio vient de Dalmatie, Codussi de Bergame, Antonello da Messina de Sicile etc.
Fort de la grande réputation acquise par l'école vénitienne, Gentile Bellini, fils du grand peintre Iacopo Bellini, est invité à Constantinople par le sultan Mehmet II en 1480 pour faire son portrait, malgré l'interdit du Coran portant sur la représentation du visage humain.
Aux côtés du Tintoret et de Véronèse, Titien, né en Vénétie, est un acteur majeur du Cinquecento dont la réputation s'étend à toute l'Europe. Son Assomption de la Vierge, triomphalement inauguré en 1518 fait date dans tout le monde chrétien.
Le peintre allemand Albrecht Dürer ne manque pas de séjourner à Venise. La cité constitue aussi un refuge pour les artistes et penseurs traqués pour hérésie comme Giordano Bruno (qui finira quand même livré à l'Inquisition...).
L'art devient ainsi un des principaux articles d'exportation de Venise, accompagné de son artisanat de très haute qualité (le verre de Murano, le tissage de la soie, l'orfèvrerie...).
Venise devient aussi, dans la seconde moitié du XVe siècle, un haut lieu pour l'industrie du livre.
Il ne faudrait pas oublier non plus la musique. Des spectacles ont lieu tous les jours dans les nouveaux théâtres, dans les églises et les palais privés, ainsi qu'en public sur la place Saint-Marc. De la musique à en perdre la tête pour les visiteurs européens !
L'architecture gothique évolue au XIVe et XVe siècles. Au début du XVe siècle, le palais ducal est restauré et doté d'une nouvelle façade gothique, avec notamment une majestueuse fenêtre centrale. Le marchand patricien Marino Contarini se fait construire une magnifique demeure, la Ca' d'Oro, dont le nom « maison d'or » en vénitien souligne bien la magnificience de ce lieu qu'on peut toujours admirer (encore faut-il imaginer les peintures originales aujourd'hui disparues !) le long du Grand Canal.
Le Grand Canal était assez profond pour permettre aux bateaux commerciaux de naviguer : les habitations le long du Canal pouvait ainsi faire décharger les marchandises arrivées par la mer directement dans leur demeure ! De vastes chantiers sont lancés, notamment la bibliothèque Saint-Marc en 1479 et le palais Vendramin l'année d'après. De nouvelles couleurs apparaissent aussi avec le rouge brique, qui fera que Musset surnommera la cité « Venise la rouge » (sans connotation politique).
L'union de la Vénétie maritime et de la Vénétie continentale (la Terre-Ferme) au XVe siècle permet aussi le développement de l'Université de Padoue. Venise y envoie ses maîtres et garantit la liberté de leur enseignement. Oedipe roi, une composition d'Andrea Garbieli, inaugure le théâtre olympique de Vicence, en 1580. Celui-ci a été dessiné par Andrea Palladio. Ce grand architecte de la Renaissance se signale aussi par de splendides villas patriciennes dans un style qui lui est propre.
Le carnaval de Venise qui existe depuis le Xe siècle devient de plus en plus fantasque et grandiose. Le masque apparu au XIIIe siècle permet un assouplissement des contraintes sociales. Pendant dix jours, les rôles s'échangent : les riches affectent d'être pauvres et les pauvres riches. Au XVIe siècle, le carnaval prend une nouvelle ampleur : la chasse aux porcs est remplacée par la chasse aux taureaux suivie d'une distribution de viande ; le carnaval s'ouvre à l'opéra et acquiert la faveur de l'aristocratie européenne. Au XVIIIe siècle, avec les peintures de Canaletto, le mythe du carnaval de Venise se répand dans toute l'Europe. Le Carnaval devient si important qu'en 1789, la mort du doge Paolo Renier ne fut rendue publique que trois semaines plus tard, après la fin des festivités !
La curiosité intellectuelle et esthétique des Vénitiens se traduit aussi dans les voyages : deux siècles après Marco Polo, le Vénitien Cadamosto, enrôlé par l'infant du Portugal Henri le Navigateur, découvre le Sénégal et îles du Cap-Vert ; pour le compte du roi d'Angleterre, Giovanni Caboto (Jean Cabot) met le pied sur l'île de Terre-Neuve où il plante la bannière du Lion de Saint-Marc à côté du drapeau anglais !
Le frère Mauro, un religieux assisté de Andrea Bianco, navigateur-cartographe, peut ainsi dessiner une Mappamondo pour le roi du Portugal qu'on peut aujourd'hui admirer à la bibliothèque Saint-Marc. Cette carte révèle une connaissance très détaillée et précise de toute la géographie de l'Ancien monde dès le milieu du XVe siècle.
Venise finira par pâtir de ces grands voyages dont elle n'avait pas l'initiative puisque le Portugal y gagnera un accès privilégié et moins coûteux aux épices d'Asie. Voyant la menace, les Vénitiens envisagèrent une solution : creuser un canal reliant la Méditerranée à la mer Rouge, mais le sultan anéantit leurs espoirs. Ce sont les Français qui réaliseront l'exploit trois cents ans plus tard !
Cependant que les arts prospéraient, Venise subit plusieurs revers militaires, avec une guerre vénéto-turque et une croisade au milieu du XVe siècle qui lui coûtèrent une fortune. Elle dut faire face aux incursions françaises avec les guerres d'Italie, et fut même menacée de disparition suite à sa défaite à Agnadel, en 1509, face à la Ligue de Cambrai qui, réunissait le pape, Louis XII, Ferdinand d’Aragon et l’empereur Maximilien. Venise sortit intacte de ces épreuves grâce à la médiation du pape Jules II.
Mais la Sérénissime affronta aussi plusieurs guerres contre les Turcs, qui durèrent pendant tout le XVIe et le XVIIe siècle. En 1571, elle conduisit la bataille navale de Lépante qui se solda par l'anéantissement de la flotte ottomane mais coûta très cher à Venise. La République ne put reprendre l’île de Chypre à l'issue de sa victoire et elle perdit encore la Crète un siècle plus tard.
C'est dans ce contexte de bouillonnement culturel que survinrent les conflits religieux entre protestants et catholiques. Tous les écrits mis à l'Index (dico) par le Saint-Siège figuraient en bonne place dans les librairies de Venise, ce qui faisait de la ville un foyer naturel pour les réformés protestants. Le Jeudi Saint de 1568, à l'issue de la Contre-Réforme catholique, le pape Pie V dénonça explicitement Venise, coupable d'accueillir des non-catholiques, aussi bien les Juifs que les Grecs orthodoxes qui avaient leur propre cathédrale, mais aussi et peut-être surtout, les étudiants protestants, souvent venus d'Allemagne pour étudier à l'université de Padoue. La réponse de Venise fut simple : elle interdit la publication de cette bulle et déclara publiquement qu'elle la refusait.
Ce n'était pas la première fois que Venise s'opposait ainsi frontalement au pape, mais le combat diplomatique s'aggrava quelques décennies plus tard lorsque Venise condamna un chanoine et un abbé selon le droit commun de la Cité. Le pape se saisit de cette occasion pour remettre en cause, non seulement leur arrestation, en demandant qu'ils soient jugés par les autorités religieuses, mais aussi des lois qui, à Venise, interdisaient de construire tout bâtiment religieux (églises, hôpitaux...) sans l'autorisation du pouvoir civil. Le Sénat ne réagissant pas face à ces menaces, le pape durcit encore sa position : si les prisonniers n'étaient pas libérés et les lois abrogées, tout le Sénat serait excommunié, et sur tout le territoire, plus aucun sacrement ne pourra être administré ! Encore une fois, cet ultimatum fut déclaré nul et sans valeur, contraire aux écritures et aux Pères de l'Eglise. On en resta à la joute verbale.
Il est vrai que le Saint-Siège ne pouvait prendre le risque de heurter trop violemment la Sérénissime République, à la pointe du combat contre les Ottomans, comme elle l'avait montré à Lépante...
1797, la fin d'une Venise indépendante
En 1796, changement de décor. Les révolutionnaires français déboulent en Italie avec le général Bonaparte à leur tête.
La République de Venise, exténuée, s'empressa de déclarer sa neutralité. Pour le Sénat, il n'était pas question de se confronter à l'armée française ! Mais Bonaparte, qui avait écrasé les Autrichiens dans la plaine du Pô, avait besoin d'un gage pour convaincre ses adversaires de s'asseoir à la table des négociations et accepter l'annexion par la République française de la rive gauche du Rhin.
Il eut l'idée d'offrir à Vienne rien moins que la Sérénissime et pour cela, il organisa une grossière provocation qui lui permit d'occuper sans coup férir Venise le 12 mai 1797 et de l'offrir à l'Autriche par le traité de Campoformio. Bonaparte aurait affirmé : "Je serai un Attila pour l'État vénitien". Il le fut en effet... Pour la première fois de son histoire, la Sérénissime accepta une force d'occupation sur son territoire, avec trois mille soldats français dans la ville et ses ruelles. Le 18 octobre 1797, par le traité de Campoformio,
Le désastre n'était pas seulement politique : pour payer les armées françaises, on fondit les Trésors de Saint-Marc, les lions de Saint-Marc furent enlevés, le Livre d'Or fut détruit... Avant de livrer la ville aux Autrichiens, les Français emportèrent les quatre chevaux de la façade de Saint-Marc et d'innombrables oeuvres d'art furent envoyées à Paris. Afin de ne pas laisser d'armes à l'Autriche, tous les navires furent démantelés et coulés, même le splendide Bucentaure utilisé par les doges pour les cérémonies des épousailles de la mer. La république qui avait été la capitale de la culture européenne se retrouva ainsi spoliée de ces oeuvres les plus précieuses.
Tous les ans, probablement à partir du Xe siècle mais codifié seulement en 1173 sous le règne de Sebastian Ziani et confirmé trois ans plus tard par le pape Alexandre III qui lui remit un anneau en or, le doge renouvelait son mariage avec la mer. Le jour de l'Ascension, le doge vêtu de tout son apparât montait sur le bateau du Bucentaure, suivi par tout le Sénat de Venise. Le bateau sortait alors des lagunes, en allant vers l'Adriatique ; arrivé au large du Lido, la cérémonie pouvait commencer. Le doge prenait un anneau qu'il jetait dans la mer en prononçant toujours les mêmes mots : « Nous t'épousons, mer, en signe de véritable et perpétuelle domination ». Le Bucentaure rentrait alors à Venise et la fête de la Sensa, connue dans toute l'Europe pour son faste inégalé, pouvait commencer.
Le Bucentaure, malgré sa haute valeur symbolique, était très difficile à manier, lourd à manoeuvrer, et son fond plat le rendait très facile à renverser. Le moindre accident aurait tué toute l'élite politique de Venise et Casanova écrivit ainsi dans ses Mémoires qu'un tel incident ferait sûrement rire « toute l'Europe, qui ne manquerait pas de dire que le doge de Venise est enfin allé consommer son mariage » !
Cette cérémonie fut abolie seulement avec l'arrivée des Français à Venise en 1797, qui détruisirent et coulèrent le Bucentaure. Depuis 1965, une réplique de ce fameux navire a été construite et chaque année, le jour de l'Ascension, une cérémonie de mariage du doge avec la mer est effectuée, mais elle n'a plus qu'une fonction touristique...
En 1805, avec le traité de Presbourg, Venise et la Vénétie furent brièvement rattachées au royaume d’Italie, sous domination française. Mais à l'issue du congrès de Vienne de 1815 qui solda l'empire napoléonien, l'ensemble revint encore une fois à l’Autriche. Il fallut attendre 1866 pour que Venise soit finalement rattachée à l’Italie, conformément au vote des Vénitiens.
Avec son indépendance, Venise perdit aussi de son dynamisme. Depuis l'épidémie de peste en Italie, autour de 1630, qui avait exterminé un tiers de sa population, ses activités maritimes avaient largement décliné. Au nord-est de l'Adriatique, la ville portuaire de Trieste en profita pour lui faire concurrence. Du point de vue de l'artisanat, les tissus vénitiens avaient été remplacés par ceux venus d’Angleterre et des Pays-Bas. De même, le sucre et le coton étaient désormais massivement importés des Amériques.
Le déclin démographique dû aux épidémies et à la ruine du commerce furent amplifiés par une émigration massive. Entre 1876 et 1915, environ quatre millions de personnes ont abandonné la lagune. La Première Guerre mondiale a aggravé la situation puisque le conflit entre l'Autriche et l'Italie se déroula principalement en Vénétie jusqu'à dévaster la Vénétie.
Un potentiel touristique au défi du réchauffement climatique
De ses malheurs successifs et malgré la perte de son indépendance, Venise allait renaître de façon inattendue. Vieille et opulente cité, la cité des doges avait été jusque-là perçue avec dédain, y compris par les urbanistes des Lumières qui déploraient le caractère désordonné de son lacis de ruelles et de canaux. Paradoxalement, elle va devenir, en perdant son indépendance à Campo Formio, un motif de ravissement, en particulier pour les jeunes romantiques européens.
Étape majeure du Grand Tour, pèlerinage par lequel les jeunes aristocrates anglais, français et allemands complétaient leur éducation, elle est visitée par Goethe, Chateaubriand, Wagner ou encore Proust. C'était l'occasion pour eux de visiter palais et jardins, mais aussi de rapporter des vedute (pluriel de veduta, « vue ») de la lagune par Canaletto ou des portraits de la peintre vénitienne Rosalba Carriera.
Le tourisme plus populaire bénéficia de l'inauguration en 1846 d'un pont ferroviaire, le pont des Lagunes, qui rendit plus aisé l'accès à la cité des doges. Mais le véritable coup de départ pour le tourisme vénitien fut lancé en 1895 avec la première Exposition biennale. Pour s'adapter au nouveau tourisme de luxe, et au développement de l'automobile, un nouveau pont routier fut construit en 1933, le pont de la Liberté.
Malgré ou à cause de son potentiel touristique inégalé, Venise doit aujourd'hui faire face à de nouveaux défis d'ordre environnemental. En effet, la pollution atmosphérique endommage les façades des bâtiments pluricentenaires qui font la renommée de la ville.
Le pompage de l'eau dans les nappes phréatiques entraîne un affaissement des sols. Plus inquiétante encore est la montée des eaux dans la lagune à l'occasion des grandes marées. En 1966, la ville fut ainsi victime d'une inondation qui noya la place Saint-Marc sous deux mètres d'eau !
Pour lutter contre les marées exceptionnelles, les autorités ont lancé en 2003 un projet géant de barrage avec vannes escamotables, Moïse, mais l'incurie administrative, la corruption et les détournements de fonds n'en facilitent pas la réalisation.
Depuis peu, la ville fait face à l'invasion des bâteaux de croisière géants. Ils saturent son atmosphère de particules fines, brassent ses eaux en mettant en péril les millions de pilotis en bois qui assurent tant bien que mal la stabilité des édifices et menacent à tout moment de heurter les quais de la cité.
Puissance maritime d’envergure planétaire au Moyen Âge, capitale des arts et de la culture à la Renaissance, Venise reste envers et contre tout un haut lieu du tourisme mondial et de la culture, avec des manifestations réputées comme le festival de cinéma Mostra, un opéra qui a plusieurs fois brûlé et chaque fois renaît de ses cendres (ce n'est pas pour rien qu'il est appelé la Fenice, « Phénix » en italien).
• Canaletto et Guardi
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