Savant universel, Aristote fut bien plus que le disciple de Platon et le précepteur - pendant 3 à 7 ans - du jeune Alexandre ! Penseur éclectique, doué d’extraordinaires facultés d’analyse et de synthèse, il a animé à Athènes une école de haute volée, le Lycée. En reprenant ce nom pour désigner les écoles de ses futures élites, la République française témoigne de l'influence d'Aristote jusqu'à nos jours.
Subtil observateur de la nature, doté d'un savoir encyclopédique, Aristote a jeté en effet les bases de nombreuses sciences expérimentales. Il est également le fondateur de la logique et de la métaphysique et l’auteur de traités constitutifs de l’éthique, de la science politique, de la linguistique et de l’anthropologie sociale.
Il a été redécouvert au XIIe siècle et son oeuvre a été intégrée à la pensée médiévale et chrétienne par saint Thomas d'Aquin. Il est de la sorte à l'origine des sciences modernes même si ses développements en physique marquent une régression brutale par rapport aux théories très avancées en la matière de Démocrite et Anaxagore...
Aristote naît en 384 av. J.-C. à Stagire (aujourd’hui Stavro), une cité grecque de Chalcidique située à l’est de la Macédoine (d'où son surnom : le « Stagirite »). Il est le fils d’un médecin réputé, auteur de deux traités scientifiques, qui lui transmet le goût de la physique et de la biologie.
Son père est le médecin personnel du roi de Macédoine, Amyntas III, et Aristote passe une partie de son enfance à Pella, la capitale royale macédonienne. Il y côtoie les trois fils d'Amyntas, dont le futur Philippe II.
Alors qu’il est encore enfant, Aristote perd son père et sa mère, probablement emportés par une épidémie. Il est envoyé à Atarnée, sur la côte d’Asie mineure, juste en face de l’île de Lesbos, où l’accueille son beau-frère, Proxénos. Il reçoit une éducation classique et se lie d’amitié avec son neveu Nicanor et surtout avec Hermias, un esclave affranchi qui deviendra plus tard tyran de la cité.
À 17 ans, Aristote décide d’aller parfaire son éducation à Athènes. Vaincue quelques décennies plus tôt par Sparte lors de la Guerre du Péloponnèse, la cité n’a rien perdu de son aura culturelle.
Deux écoles philosophiques s’affrontent : l’Académie de Platon, fondée douze années après la mort de Socrate, et l’école d’Isocrate, essentiellement basée sur l’éloquence et qui bénéficie d’une bonne réputation en Macédoine. Platon étant en voyage en Sicile, Aristote chosit de s’inscrire dans l’école d’Isocrate. Mais il se lasse rapidement de son enseignement trop superficiel et préfère finalement rejoindre l’Académie.
Aristote s’avère très vite un élève extrêmement brillant si bien que Platon le surnomme avec admiration : « l’intelligence de l’école ».
Travailleur infatigable, il est tellement studieux que lors de ses veillées, il prend soin de tenir dans sa main une boule de cuivre au-dessus d’une bassine afin d’être immédiatement réveillé par le bruit au cas où il s’assoupirait.
À l’Académie, Aristote se voit chargé d’enseigner la rhétorique. Le jeune philosophe a du caractère et ne se prive pas d’émettre des critiques sur la pensée de son maître. Ses prises de position sont souvent à l’origine de frictions.
C’est à l’Académie qu’Aristote commence à travailler à la rédaction de certains de ses plus célèbres traités de philosophie tels que La Physique, La Métaphysique et La Politique.
L'Académie de Platon aura une influence déterminante sur la pensée d'Aristote. On peut le mesurer dans l'Éthique à Nicomaque où le philosophe exprime la primauté absolue accordée à la vérité, paraphrasant sans le dire La République de Platon : « Il vaut mieux, et même il faut, lorsque c’est la vérité qu’il s’agit de sauver, détruire jusqu’à ce qui nous tient le plus à cœur, surtout lorsque l’on est philosophe, c’est-à-dire ami du savoir ; c’est entre deux amis qu’on a alors à choisir et, entre ces deux amis, c’est un devoir sacré de préférer la vérité. »
La période où Aristote fréquente l’Académie est marquée par l’émergence de la Macédoine, où le troisième fils d’Amyntas III est devenu roi sous le nom de Philippe II et a envahi la Chalcidique, entrant en conflit ouvert avec Athènes.
En -349, Philippe détruit Stagire, la cité natale d’Aristote. Le sac de la ville a un fort retentissement à Athènes où Démosthène n’a de cesse de dénoncer les agissements macédoniens. Ce contexte belliqueux est défavorable à Aristote en raison de ses liens passés avec Philippe II, faisant planer sur lui des suspicions de collusion avec l’ennemi des Athéniens.
En -347, Platon meurt. Aristote est pressenti pour lui succéder à la tête de l’Académie mais c’est Speusippe, le neveu de Platon, qui est finalement choisi. Dépité, le philosophe, âgé de 37 ans, préfère quitter Athènes et répond avec l’un de ses condisciples, Xénocrate, à l’invitation de son ami Hermias, devenu tyran d’Atarnée. Il retrouve de nombreux membres de l’Académie déjà placés sous la protection d’Hermias, sur recommandation de Platon. Les philosophes pensent avoir trouvé en Hermias un législateur attentif qui soumettra sa cité aux impératifs de la raison et accomplira dans une certaine mesure l’idéal politique platonicien.
Le tyran leur offre protection dans la cité d’Assos où Aristote créé avec Xénocrate une sorte de succursale de l’Académie. C’est pour le disciple de Platon une période d’intense activité intellectuelle durant laquelle il commence à affirmer sa propre philosophie. Parallèlement, son intérêt pour les sciences naturelles le conduit à se lancer dans des observations minutieuses de la faune.
Mais à Atarnée le pouvoir d’Hermias reste fragile. En effet, la cité est située à la frontière du royaume de Macédoine et de l’empire perse et le tyran a fait sans le dire allégeance à l'un et à l'autre !
Capturé par les Perses et torturé, Hermias refuse d’avouer ses liens avec Philippe II. Il est finalement crucifié. Aristote est profondément attristé par la mort de son ami et compose un hymne en son honneur.
Le philosophe se réfugie ensuite à Mytilène, sur l’île de Lesbos, pour ouvrir une nouvelle école. Il épouse une parente d’Hermias, Pythias, à laquelle il sera très attaché. Aristote complète ses observations des animaux et s’attèle à l’écriture de De la Génération et de la corruption, La Poétique et La Rhétorique.
Aristote est décrit comme un homme de taille moyenne, aux jambes fines, au corps décharné et à la voix grêle. On dit également qu’il est atteint de bégaiement.
Très élégant, il porte de luxueux habits ainsi que de nombreuses bagues et a les cheveux courts et le visage bien rasé. Rien à voir donc avec les émules de Diogène, fondateur de l’école des Cyniques. Aristote est un pur intellectuel qui pratique peu le sport et est un médiocre cavalier et tireur à l’arc.
En -343, sollicité par Philippe II afin d’assurer l’éducation de son fils, Alexandre, alors âgé de 13 ans, Aristote accepte de retourner à Pella où il avait passé une partie de son enfance. Voulant soustraire Alexandre à l’influence de sa mère Olympias, Philippe II installe le philosophe et son élève à la campagne, à l’est de Pella, où le prince peut facilement s’adonner au sport et à l’équitation.
Aristote apprend à Alexandre à raisonner logiquement. Il lui enseigne la médecine, la politique et la morale ainsi que des sciences plus secrètes et profondes (celles que l’on nomme « ésotériques » ou « acroamatiques »). Il fait découvrir à son élève les grandes tragédies grecques et les poèmes lyriques et développe sa passion pour l’Iliade. En remerciement, Aristote obtient du roi de Macédoine la reconstruction de sa cité natale de Stagire.
On ignore exactement combien de temps a duré le préceptorat d’Aristote. Entre trois et sept ans selon les sources.
Après avoir quitté Pella, le philosophe séjourne quelques temps à Stagire. Sa femme Pythias meurt en couche et lui laisse la charge d’une petite fille. Afin d’assurer les meilleurs soins à celle-ci, Aristote se remarie avec une femme de Stagire, une certaine Herpyllis. De cette seconde union naîtra quelques années plus tard un fils, Nicomaque. C’est à lui que sera dédié l’un des plus fameux ouvrages d’Aristote, connu sous le titre d’Éthique à Nicomaque.
Au livre V de La Politique, Aristote écrit à propos de l’assassinat de Philippe II de Macédoine : « La conspiration de Pausanias contre Philippe, vient de ce que le roi l’avait laissé insulté par Attale et ses gens. » Cette thèse qui fait de Pausanias l’unique instigateur du coup d’État est cependant contredite par la plupart des chroniqueurs de l’Antiquité qui estiment que le garde du corps de Philippe II ne fut que le bras armé d’une conspiration plus large. Le nom de deux commanditaires est régulièrement mentionné : d’abord Olympias, l’ex-femme de Philippe et mère d’Alexandre, qui redoutait de perdre son influence à la suite du remariage de son mari ; ensuite Darius III, le roi des Perses, inquiet d’une future expédition macédonienne. Pausanias ayant été immédiatement mis à mort, aucune preuve ne pourra toutefois étayer ces suspicions.
En -335, un an après la mort de Philippe II et l’avènement de son fils Alexandre, Aristote fait son retour à Athènes. Vaincue par les Macédoniens trois ans plus tôt à la bataille de Chéronée, la cité est sous la sage administration de l’orateur Lycurgue, qui fut le condisciple d’Aristote à l’Académie. Malgré les liens passés d’Aristote avec la Macédoine, la cité se montre plutôt accueillante envers le philosophe. Le climat politique s’est légèrement apaisé et l’opinion publique athénienne est dans son ensemble moins défavorable à Alexandre qu’elle n’avait été à son père.
Aristote considère que pour mener à bien ses recherches scientifiques, en particulier dans les domaines de la biologie et de l’histoire, il lui est nécessaire de disposer de collaborateurs et de disciples. La direction de l’Académie lui ayant échappé au profit de son ami Xénocrate, il décide de fonder sa propre école. Comme celle-ci se trouve à proximité d’un sanctuaire consacré à Apollon Lycien (épithète renvoyant à un dieu loup ou chasseur de loup), elle est baptisée le « Lycée ».
Le Lycée s'impose rapidement comme rival de l’Académie et Alexandre en finance la bibliothèque. Ses membres, qui ont la particularité d'enseigner en marchant, sont appelés péripatéticiens (en grec « les promeneurs »). Le programme dispensé est très vaste et va de la philosophie aux sciences naturelles en passant par la philologie, la politique ou la rhétorique. Le matin, Aristote donne des leçons réservées à un cercle restreint et portant sur l’histoire naturelle, la métaphysique et les discussions dialectiques. L’après-midi est destiné aux conférences exotériques, aux affaires publiques et à la rhétorique.
Sur le plan intellectuel, cette période est la plus prolifique pour Aristote. Il y achève de nombreux ouvrages et se livre à des observations de plus en plus minutieuses des phénomènes naturels. Il réalise même des dissections d’animaux.
Aristote est l’inventeur de la logique, notamment à travers la théorie du syllogisme, un raisonnement déductif en trois propositions, popularisé par cet exemple : « Tous les hommes sont mortels. Or Socrate est un homme. Donc Socrate est mortel. »
Aristote pense que « l'homme est un animal politique », naturellement fait pour vivre en société. Dans son traité La Politique, il examine la façon dont la cité doit être régie pour le bien et le bonheur des citoyens. Il distingue trois formes de constitutions : la royauté (pouvoir d’un seul), l'aristocratie (pouvoir de quelques uns), et la démocratie (pouvoir du plus grand nombre). Aristote estime que la royauté est le meilleur des régimes mais que si elle se corrompt, elle peut donner le pire de tous : la tyrannie. A contrario, les défauts de la démocratie seront moindres si celle-ci se déprave, ce qui l’amène à conclure qu'elle est le moins pire des régimes, puisque toutes les formes de gouvernement sont amenées à la dégradation.
Le philosophe a une conception hiérarchisée du monde et pense qu’il existe une inégalité naturelle entre les hommes, postulat qui le conduit à justifier l’esclavage : « Ainsi, l’homme libre commande à l’esclave tout autrement que l’époux à la femme, et le père, à l’enfant ; et pourtant les éléments essentiels de l’âme existent dans tous ces êtres ; mais ils y sont à des degrés bien divers. L’esclave est absolument privé de volonté ; la femme en a une, mais en sous-ordre ; l’enfant n’en a qu’une incomplète. »
Aristote s’intéresse également à l’économie. Estimant que l’argent ne doit servir qu'à faciliter les échanges, il condamne fermement le prêt à intérêt : « L’intérêt est de l’argent issu d’argent, et c’est de toutes les acquisitions celle qui est la plus contraire à la nature ». Cette doctrine sera reprise plus tard par le christianisme puis l’islam. Il traite de la monnaie, invention récente, au livre I de La Politique comme au livre V de L'Éthique à Nicomaque : « La monnaie a été introduite pour exprimer la commensurabilité des objets d’échange ou jouer le rôle de mesure... ». Depuis lors, à son imitation, tous les économistes reconnaissent à la monnaie deux fonctions indissociables et caractéristiques :
• la monnaie est une unité de compte pour mesurer le prix des biens,
• La monnaie est un moyen de paiement pour commercer.
• À ces deux fonctions caractéristiques de la monnaie s'ajoute une fonction de réserve de valeur pour les épargnants ; elle s'attache non pas à la monnaie proprement dite mais au métal précieux dont elle est faite.
Mais Aristote est aussi et d’abord un encyclopédiste. Ses traités sur la biologie constituent la première étude systématique du monde animal. Pour classer les animaux de façon cohérente, Aristote commence par distinguer les animaux à sang (vertébrés) des animaux non sanguins (invertébrés) et créé 8 subdivisions : les poissons, les oiseaux, les reptiles/amphibiens et les mammifères (pour les vertébrés) et les crustacés, les mollusques, les insectes et les testacés (pour les invertébrés). Au total, il dénombre 508 espèces animales dont il donne des descriptions précises, résultant souvent de dissections. Ses travaux auront une influence considérable sur les naturalistes jusqu’à Darwin. Les biologistes ont ainsi baptisé l’appareil masticateur des oursins « lanterne d'Aristote », en référence à la description qu’en avait faite le philosophe.
Inventeur du concept de météorologie, Aristote démontre que la Terre est sphérique et divisée en plusieurs zones climatiques correspondant à l'inclinaison des rayons du soleil. Mais il se trompe au sujet de la circonférence qu’il évalue à plus du double de la réalité. Il faudra attendre encore un siècle pour qu’Ératosthène la calcule avec précision. Il se trompe surtout dans le domaine de la physique. Gommant la prodigieuse avancée de Démocrite qui avait entrevu la matière comme étant constituée d'atomes, il revient au vieux concept des quatre éléments de base, à savoir l’eau, l’air, la terre et le feu, auxquels il ajoute l’éther, constituant des étoiles et des planètes. Il rejette aussi la théorie mécaniste de Démocrite au profit d'une intervention divine qui régirait le mouvement. Il se détourne enfin de la nouvelle théorie en vogue à Syracuse selon laquelle c’est la Terre qui tourne sur elle-même et non les astres qui tournent autour de la Terre. Il faudra plus de deux mille ans pour que les physiciens se détournent d'Aristote et de ses affabulations.
Justement, Aristote s’est intéressé également au rêve dont il affirme qu’il est le produit de l'imagination. Il étudie la lumière, les couleurs, les arcs-en-ciel et est le premier à décrire le fonctionnement de la chambre noire, principe fondateur de la photographie. Dans La Poétique, il traite de l'art, et plus particulièrement de la tragédie pour laquelle il prône l’unité d’action et de temps dont il fixe la limite à une « révolution de soleil ». Ce traité fera autorité à partir de la Renaissance et sera à l’origine de la règle des trois unités du théâtre classique français (temps, lieu et action).
En 323 av. J.-C., la disparition brutale d’Alexandre place Aristote dans une situation délicate. Les cités grecques se révoltent contre la Macédoine et à Athènes, le parti anti-macédonien mené par Démosthène reprend de la vigueur.
Alors qu’il pensait avoir pris ses distances avec le despotisme de son élève, le philosophe se retrouve dans l’œil du cyclone. Accusé d’impiété pour son hymne composé vingt ans plus tôt en l’honneur du tyran Hermias, Aristote encourt la peine de mort. Pour se défendre, il déclare refuser que les Athéniens commettent un second crime contre la philosophie après l’exécution de Socrate. Il juge toutefois plus prudent de quitter la cité avec sa femme et ses enfants.
Ne désespérant pas de revenir à Athènes lorsque les tensions se seront apaisées, le philosophe se rend à Chalcis en Eubée, non loin de la cité attique, où il a conservé le domaine de sa mère.
En août -322, les cités grecques insurgées sont vaincues par les Macédoniens à la bataille de Crannon, ce qui met fin du même coup à la rébellion athénienne. Mais alors que plus rien ne s’oppose au retour d’Aristote dans la cité, le philosophe voit son état de santé se détériorer brutalement. Le choc consécutif à son départ précipité a réanimé ses douleurs à l’abdomen et les problèmes digestifs qu’il rencontre ne tardent pas à révéler une tumeur.
Un soir, plusieurs disciples, parmi lesquels Ménédème de Rhodes et Théophraste de Lesbos, sont réunis autour de lui. Sentant sa fin venir, Aristote demande qu’on lui apporte du vin de Rhodes et de Lesbos, ajoutant qu’il boira celui qui lui fera le plus de bien. « On va, on cherche, on s’empresse, on trouve les cuves, on les apporte. Alors Aristote prit du vin de Rhodes et le goûta. "Ce vin est fort agréable." Puis vint le tour du vin de Lesbos. Après l’avoir dégusté : "Ils sont, déclara-t-il, l’un et l’autre d’excellente qualité. Mais celui de Lesbos a plus de douceur." À ces mots, tout le monde compris qu’il avait, par ce moyen ingénieux et délicat, désigné son successeur Théophraste. »
Disciple de Platon avant de devenir celui d’Aristote, Théophraste dirigera le Lycée pendant 25 ans.
Il se consacre surtout à la botanique et tente de classifier cette science à l’image de ce qu’Aristote avait accompli pour la zoologie. On lui doit la séparation théorique entre le règne animal et végétal. Son Histoire des plantes et Les causes des plantes sont les textes botaniques systématiques les plus anciens qui nous sont parvenus.
En plus de son œuvre scientifique, Théophraste est également l’auteur des Caractères, traité dont s’inspirera La Bruyère en 1687, et qui offre une série d’esquisses de types humains plus ou moins imparfait.
Quelques mois après avoir rédigé son testament, Aristote s’éteint à Chalcis, à l’âge de 62 ans, entouré de ses proches. Coïncidence étonnante : Aristote, le philosophe ami de Philippe II, et Démosthène, l’orateur ennemi juré de la Macédoine, sont nés et décédés exactement la même année. Mais contrairement à son rival, Démosthène n’aura pas la chance de mourir auprès des siens. Poursuivi par les soldats d’Antipater (le général macédonien qui a succédé à Alexandre à la tête de la Grèce), il préfère s’empoisonner dans le sanctuaire de Poséidon.
Une trentaine de traités d’Aristote nous sont parvenus. Il s’agit essentiellement d’écrits destinés à l’enseignement au Lycée qui furent catalogués et édités deux siècles après sa mort par Andronicos de Rhodes, lequel aurait apporté de nombreuses corrections. Après la mort de son fondateur, l’école d’Aristote sera progressivement éclipsée par deux nouvelles écoles philosophiques : le stoïcisme et l’épicurisme.
Au XIIe siècle, en Europe, un pseudo traité aristotélicien nommé Secretum Secretorum (Secret des Secrets ou Lettre d’Aristote à Alexandre) eut énormément de succès. Il est présenté sous la forme d’un livre écrit par Aristote à son disciple à la suite de sa victoire sur Darius, dans lequel le philosophe aurait consigné tout son savoir. À la frontière entre l’encyclopédie et le traité de morale, ce texte aborde le monde et les êtres qui le peuplent selon une manière propre à la période médiévale et à la Renaissance.
Au Moyen Âge, les œuvres d’Aristote seront diffusées dans le monde musulman par le biais d’Avicenne (XIe siècle) et d'Averroès (XIIe siècle). Elle sera découverte par les clercs occidentaux grâce en particulier aux traductions d'un moine du mont Saint-Michel d'origine grecque, Jacques de Venise. Au XIIIe siècle, saint Thomas d’Aquin intègrera la pensée aristotélicienne dans la doctrine officielle de l’Église, à l’origine de la scolastique. Quant à Dante, il surnommera Aristote : « Maître de ceux qui savent ».
Au tournant des XVIe et XVIIe siècles, la pensée d’Aristote se verra contestée par la science expérimentale et mathématisée de Galilée, Descartes et Copernic. L’aura du fondateur du Lycée va pourtant perdurer. Au XVIIIe siècle, Montesquieu écrira les premiers livres de L’esprit des Lois avec La Politique d’Aristote à ses côtés.
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Jacques VILLAIN (31-03-2018 12:09:32)
La physique d’Aristote a été vivement critiquée par Galilée, et plus récemment par Duhem. « On peut être un grand logicien, mais peu apte à savoir utiliser la logique”, dit à son propos u... Lire la suite