30 mars 2025. La Cité médiévale de Carcassonne est la plus célèbre des forteresses royales érigées dans le Languedoc après la croisade des Albigeois. Elle forme un système défensif unique en son genre avec les « citadelles du vertige » qui l’entourent : Lastours, Termes, Aguilar, Peyrepertuse, Quéribus, Puilaurens et Montségur. Longtemps assimilées à des asiles cathares, celles-ci pourraient rejoindre Carcassonne au patrimoine mondial de l’UNESCO si leur candidature est validée en juillet 2026…
Quand on quitte Toulouse, capitale du Midi pyrénéen, pour le soleil du Languedoc et de la Méditerranée, on suit une plaine riante, le Lauragais. Tous ses villages ont la couleur de la « Ville rose ». Comme elle, ils ont été jusqu'à l'époque contemporaine érigés avec la brique et la tuile, des matériaux économiques tirés des alluvions locaux.
La route longe de près ou de loin un canal à l'ancienne, bordé de platanes, le canal du Midi, anciennement « canal royal du Languedoc ». Oeuvre de l'ingénieur Paul Riquet, cette infrastructure a été l'une des grandes réalisations du règne de Louis XIV.
Depuis 1856, le canal se raccorde à Toulouse au canal latéral de la Garonne et permet ainsi de relier en péniche le port de Sète, sur la Méditerranée, au port de Bordeaux, sur l'estuaire de la Gironde et l'Atlantique. Il était perçu par les élites de la région comme indispensable au développement économique de leur territoire... plus encore que l'autoroute A69 projetée entre Toulouse et Castres ! Au final, c'est seulement aujourd'hui que le canal s'est trouvé une certaine utilité... pour la promenade des touristes pas pressés.
Le passage du département de la Haute-Garonne (chef-lieu : Toulouse) à celui de l'Aude est signalé par l'obélisque du seuil de Naurouze. C'est la ligne de partage des eaux de la Méditerranée et de l'Atlantique et le point culminant (194 mètres !) où les eaux amenées de la montagne Noire voisine alimentent le canal du Midi.
On quitte à cet endroit le Midi toulousain aux terres grasses pour le vignoble du Languedoc qui fut à la fin du XIXe siècle le plus grand vignoble du monde. C'est l'occasion de se restaurer à Castelnaudary, une petite ville dont le titre de gloire est la spécialité du cassoulet, un mijoté de haricot et de confit de canard.
Après moins de cent kilomètres, on arrive enfin à Carcassonne, la plus célèbre et la plus importante des « forteresses royales du Languedoc ». Aujourd'hui chef-lieu du département de l'Aude, cette ville de cinquante mille habitants doit sa fonction de capitale au roi Saint Louis. Il y a établi un sénéchal qui avait mission d'administrer en son nom un vaste territoire qui s'étendait sur les actuels départements de l'Aude et de l'Ariège.
Sa mission était stratégique, on va le voir, car, sur sa frontière méridionale, il avait pour voisin le roi d'Aragon, un souverain puissant et riche qui régnait sur la Catalogne actuelle ainsi que sur la Cerdagne et le Roussillon, aujourd'hui département des Pyrénées-Orientales (chef-lieu : Perpignan).

Le Midi toulousain se soumet au roi de France, non sans douleur
À la bataille de Muret, le 12 septembre 1213, quelques mois avant que naisse le futur Louis IX (Saint Louis), il s'en était fallu de peu que le roi Pierre II d'Aragon enlève le Midi toulousain et le Languedoc à la dynastie capétienne.
Le conflit avait pris prétexte de l'émergence au XIIe siècle entre Toulouse, Albi et les Pyrénées d'une dissidence chrétienne réputée hérétique (dico) et communément appelée catharisme (dico). Du fait de sa doctrine rigoureuse et intransigeante, on la qualifierait aujourd'hui d'intégriste. En 1208, à la demande du pape Innocent III, les seigneurs du Bassin parisien, mollement soutenus par le comte de Toulouse Raimon IV, s'étaient engagés dans une croisade contre les cathares et les seigneurs qui les soutenaient.
Il s'en était suivi des violences sans nom de la part des des croisés venus d'outre-Loire, avec en particulier le siège de Béziers et le massacre de ses habitants, le 22 juillet 1209. La même année, le comte de Carcassonne Raimond Trencavel est vaincu par Simon de Montfort, chef militaire de l’expédition, qui s’empare de la place. Dix-sept ans plus tard, en 1226, Carcassonne est rattachée au domaine royal et devient une sénéchaussée.
La fin de l'expédition se concrétise avec le traité de Meaux, le 12 avril 1229, par lequel le comte Raimon VII de Toulouse faire sa pleine soumission au roi Saint Louis. Mieux encore, il donne en mariage sa fille Jeanne à Alphonse, frère du roi de France. Le couple recueillera l'héritage du comte à sa mort et comme ils n'auront pas d'enfant, le comté de Toulouse tombera dans le domaine royal à la mort d'Alphonse de Poitiers en 1271.
Saint Louis ne s'en tient pas là. Il a besoin de sécuriser ses nouvelles possessions et de les mettre à l'abri des convoitises aragonaises. Il va confier à son fidèle sénéchal de Carcassonne le soin de fortifier la frontière et aussi de débarrasser la région des derniers cathares avec le concours du tribunal ecclésiastique de l'Inquisition, créée à cet effet en 1233.
Le 16 mars 1244, la dernière communauté cathare se soumet à Montségur et deux cents hérétiques sont brûlés pour avoir refusé d'abjurer leur foi. Dans le même temps, le sénéchal érige tout un réseau de forteresses afin de protéger la frontière contre une nouvelle invasion aragonaise. Il applique à ces chantiers le « modèle philippien », un mode de construction standardisé et rationnel inspiré du Louvre et de Dourdan, deux forteresses dues à Philippe Auguste, le grand-père de Saint Louis.
Pour parachever cet effort, le 11 mai 1258, le roi conclut à Corbeil, avec le roi Jacques Ier d'Aragon, un traité par lequel il abandonne toute forme de suzeraineté sur la Catalogne, la Cerdagne et le Roussillon cependant que l'Aragon renonce à ses prétentions sur les domaines de Marguerite de Provence, épouse du roi de France, à savoir la Provence et le Languedoc (à l'exception de Montpellier).
L'enchevêtrement des liens de vassalité est dissous de sorte que les seigneurs de chaque côté de la frontière n'auront plus rien à voir avec le souverain de l'autre côté. Pour la première fois dans l'Europe féodale, la frontière sépare complètement deux entités étatiques.
Le traité de Corbeil va rester en vigueur pendant quatre siècles, jusqu'à la paix des Pyrénées, conclue le 7 novembre 1659 par Louis XIV et le roi d'Espagne Philippe IV sur l'île des Faisans !
Par ce traité, l'Espagne cèdera à la France le Roussillon et la Cerdagne, bien que ces provinces soient de culture catalane plus que française. La frontière s'établira de la sorte, à peu de chose près, sur la ligne de crête des Pyrénées. Dès lors, les forteresses royales du Languedoc perdront leur utilité. Elles seront désaffectées l'une après l'autre et tomberont rapidement en ruines.
Les forteresses royales en quête d'une nouvelle identité
C'est seulement au XIXe siècle que ces ruines sortiront de l'oubli, grâce à l'affection inattendue des Français pour leur patrimoine et le Moyen Âge. Le renouveau débute en 1840, sous le règne de Louis-Philippe, quand l'archéologue carcassonnais Jean-Pierre Cros-Mayrevieille, obtient le classement de la basilique Saint-Nazaire et Saint-Celse comme monument historique.
Là-dessus, Prosper Mérimée, inspecteur national des monuments historiques, confie à l'architecte Eugène Viollet-le-Duc le soin de restaurer et redresser la basilique puis les remparts de la cité et du château comtal. Ce chantier commencé en 1853 sera achevé en 1911.
Le résultat dépassera toutes les espérances et fera de Carcassonne le modèle absolu de l'architecture militaire du Moyen Âge. À quelques anomalies près, comme le remplacement des toits plats en tuiles par des toits pointus en ardoises façon Val de Loire.
Sans surprise, la cité médiévale entrera au classement de l'UNESCO en 1997.
Quant aux autres forteresses royales, situées dans des lieux solitaires et escarpées, elles seront délaissées jusqu'à la diffusion sur les antennes de l'ORTF (la télévision française) les 22 et 29 mars 1966 d'un téléfilm en deux épisodes réalisé par Stellio Lorenzi : Les Cathares !
Ce téléfilm de Stellio Lorenzi, diffusé dans le cadre d'une série intitulée La Caméra explore le temps, va avoir un retentissement sans commune mesure en mettant en scène le sort cruel fait aux gens du Midi par les barons du Bassin parisien !
Ainsi, il va être à l'origine d'un fugace mouvement régionaliste. Il va aussi populariser le néologisme « Occitanie » pour désigner ce qu'autrefois on appelait les « pays de langue d'oc » (par opposition aux « pays de langue d'oï » (au nord de la Loire).
Il va enfin sortir de l'oubli les forteresses royales érigées au XIIIe siècle, à savoir les quatre châteaux mitoyens de Lastours (« Les Tours ») dans la montagne Noire, au nord de Carcassonne, et surtout, au sud, les forteresses du massif des Corbières.
Ce massif, en contact direct avec la Cerdagne et le Roussillon, est traversé par l'Aude, au bord de laquelle se situe la seule ville notable de la région, Limoux, connue pour sa blanquette liquoreuse. Né dans les Pyrénées catalanes, le fleuve remonte vers le nord jusqu'à Carcassonne avant de bifurquer vers l'Est pour se jeter dans la Méditerranée au niveau de Narbonne. Cela mis à part, les Corbières font aujourd'hui le bonheur des promoteurs de parcs éoliens en raison de ses vents importants.
Le projet de candidature à l'UNESCO « Forteresses royales du Languedoc » compte six sites dans les Corbières, en sus de Carcassonne et Lastours.
Le plus célèbre est celui de Montségur, dans le département de l'Ariège, à quelques kilomètres au sud de Lavelanet. Le site a baigné dans un oubli presque total pendant plus de six siècles, jusqu'à sa redécouverte par un érudit passionné de catharisme, Napoléon Peyrat, à la fin du XIXe siècle. En raison du drame de 1244, les ruines de Montségur ont jusqu'à ces dernières décennies été assimilées à une citadelle cathare alors qu'elles n'ont pratiquement rien conservé des vestiges antérieurs à la construction de la forteresse royale.

Parmi les autres sites, les plus pittoresques sont sans conteste les châteaux de Peyrepertuse et Quéribus, qui se font face sur deux éminences qui encadrent le pittoresque village de Cucugnan, celui-là même qu'Alphonse Daudet a mis en scène dans l'une de ses Lettres du moulin. Peyrepertuse est la mieux conservée de toutes les fortesses des Corbières et permet de saisir l'art médiéval des fortifications.
Édifiée du Xe au XIIe siècle sur le point culminant de la vallée de la Boulzane (Aude) et consolidée au XIIIe siècle, la citadelle de Puylaurens est une forteresse du même type que les précédentes. Aguilar (« Rocher aux aigles ») domine la plaine de Paziols-Tuchan, au contact du Roussillon. Enfin, le château de Termes domine les gorges du Termenet, au sud-est de Carcassonne.














Vos réactions à cet article
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dominique flecher (03-04-2025 23:27:42)
Il me semble que le sujet ne portait pas directement sur le catharisme. L'auteur traite cette question sur le plan historique et met en relief des points interessants notamment la définition moder... Lire la suite
Michèle (01-04-2025 02:04:36)
Cet article contient des termes si partiaux pour ne pas dire injurieux, que, pour une fois, je me vois contrainte de réagir. Vous parlez "des repaires cathares'; un repaire est le lieu de refuge d'u... Lire la suite