Hindouisme

La troisième religion du monde

L'hindouisme, né dans la vallée du Gange il y a plus de 2000 ans, est aujourd'hui la religion de 80% des habitants de l'Union indienne (note). Il est présent dans les diasporas indiennes ainsi que dans quelques terres qui furent autrefois sous l'influence culturelle de l'Inde comme par exemple l'île de Bali, en Indonésie, dont le million d'habitants est très majoritairement hindouiste.

Avec 1,2 milliard de fidèles (2024), c'est la troisième religion de la planète après le christianisme et l'islam mais elle est étroitement identifiée à l'Inde, celle-ci étant d'ailleurs souvent qualifiée d'Hindoustan (pays de l'hindouisme) ou Bharat (pays de la mythique dynastie des Bhârata).

Béatrice Roman-Amat et Vincent Boqueho

Du védisme au brahmanisme

Au IIIe millénaire av. J.-C., prospère à l'ouest de l'Inde la civilisation de l'Indus ou culture des HarappâElle décline à l'Âge du bronze, au début du IIe millénaire av. J.-C., cependant que, loin de là, au sud de l'Oural, des populations de l'ensemble linguistique indo-européen  entament une expansion vers l'Orient. Elles tirent leur force de la métallurgie du bronze et de la domestication du cheval. Leur expansion est visible sur le plan archéologique, avec l’émergence de la culture d’Andronovo (du nom d'une ville de Sibérie), mais aussi sur le plan génétique via l’haplogroupe R1a du chromosome Y qui constitue comme une signature de cette nouvelle migration indo-européenne.

Envahissant l'Iran et le nord de la péninsule indienne, les nouveaux-venus, qualifiés par les linguistes d'Indo-Iraniens, vont être à l'origine du zoroastrisme ou mazdéisme, religion des anciens Iraniens, et le védisme, à l'origine de l'hindouisme actuel.

Manuscrit du Rig-Véda en devan?gar? (début du XIXe siècle). Agrandissement : Mantra gravés sur des pierres.

Le védisme va se développer autour des quatre Véda (« savoir » en sanskrit ou sanscrit, la langue sacrée de l'hindouisme). Ces livres sacrés sont écrits entre 1500 av. J.-C. et 600 av. J.-C. :
• 1) les Mantra (hymnes, prières et invocations) : ils incluent le Rigveda, un ensemble de 1028 hymnes composé vers 1500 av. J.-C., sans doute le plus ancien texte en langue indo-européenne,
• 2) les Brahmana : réflexions sur les Mantras,
• 3) les Aranyakas : textes laissés par les ascètes,
• 4) les Upanishads, les plus récents des Véda, sont des entretiens et paraboles philosophiques.

Indra tenant le vajra (symbole) foudre sur l'éléphant Air?vata, temple de Keshava, XIIIe siècle, Somanathapura (Inde du Sud).Les dieux hindous du millénaire suivant devront beaucoup aux dieux védiques, notamment au redoutable Indra, dieu de l'orage, qui lance les éclairs et monte un immense éléphant blanc. De fait, la plupart des attributs des dieux védiques ont été reportés ultérieurement sur Shiva, Vishnou et Brahmâ.

En attendant, à mesure que s'étoffent les textes et les rituels védiques, les brahmanes, qui ont mission de les commenter, acquièrent une fonction de plus en plus importante au sein de la religion. Vers 900 av. J.-C., les commentaires des Véda par les brahmanes en viennent ainsi à donner naissance au brahmanisme, une religion plus « philosophique » que le védisme et essentiellement fondée sur des rituels.

Le « moment axial »

S'ouvre une époque (800 à 200 av. J.-C.) que le philosophe Karl Jaspers a qualifié de « moment axial » (Achsenzeit en allemand) car, de la Grèce (Socrate) à la Chine (Confucius et Lao Tseu) en passant par le Croissant fertile (Prophètes hébreux), l'Iran (Zoroastre) et surtout l'Inde (Mahavira, Bouddha), le monde connaît un bouillonnement spirituel d'une intensité sans pareille d'où vont sortir toutes les grandes religions et philosophies encore en vigueur, du monothéisme à la démocratie. En Inde, c'est aussi dans cette période de six à sept siècles que se fait aussi de façon progressive la transition du brahmanisme vers l'hindouisme... 

Babhruvahana remet le cheval sacrificiel Syamakarna à son père Arjuna, scènes de l'histoire de Babhruvahana, folio d'un Mahabharata. Agrandissement : Abhimanyu salue sa mère en lui touchant les pieds, scène de l'histoire du mariage d'Abhimanyu et de Vatsala, folio d'un Mahabharata, musée d'Art du comté de Los Angeles.

Émergence de l'hindouisme

Vers 700 av. J.-C., les tribus indo-aryennes s’agrègent en royaumes dans tout le nord de l’Inde. Le VIe siècle av. J.-C. voit s’achever la grande expansion indo-aryenne avec la conquête de Ceylan (Sri Lanka).

Dans le même temps fleurissent les textes qu’on appelle les Upanishads. Ils introduisent de nouveaux concepts par rapport aux Véda traditionnels. On voit notamment apparaître la notion de réincarnation et le concept du karma qui élargit le cycle des causes et conséquences sur les vies passées et à venir. De là découle le concept de non-violence envers les humains comme envers les animaux, ceux-ci faisant partie du cycle des réincarnations.

L’arrêt du cycle des réincarnations a lieu lorsque l’âme individuelle fusionne avec l’âme universelle : cette libération est appelée le nirvana

L’apparition de tous ces concepts donne progressivement naissance à ce qu’on appellera l’hindouisme mais cette nouvelle foi, en concurrence avec d'autres mutations du brahmanisme, jaïnisme et surtout bouddhisme, ne s'imposera véritablement qu'après l'éviction de ce dernier du sous-continent indien, soit au début de notre ère.

Le Ramayana et le Mahâbhârata sont deux grandes épopées en vers rédigées approximativement entre le III siècle av. J.-C. et le IIIe siècle de notre ère. Elles mettent en scène les dieux Krishna et Rama et sont considérées comme les premiers textes proprement hindouistes (NB : Bharat, autre nom officiel de l'Union indienne, tire son nom de la « Grande épopée des Bhârata », Mahâbhârata). 

Bien plus tard, entre le IVe et le XVIe siècles de notre ère, seront rédigés les Puranas, qui racontent les exploits des divinités.

La société hindoue figée en quatre castes

La division sociale en quatre castes ou varna (d'un mot qui signifie « couleur ») dérive de la foi hindouiste : au sommet de l'échelle sociale se tiennent les brâhmanes, spécialistes des rites, prêtres et enseignants, puis les kshatriya ou kshatria (guerriers), les vaiçya ou vaisa (travailleurs) et les çudras ou sudra (serviteurs).
Les brâhmanes seraient sortis de la bouche du dieu Brahmâ, les kshatriya de ses bras, les vaisa de ses cuisses et les sudra de ses pieds. Chacune de ces castes est divisée en une multitude de sous-castes, parfois proches de corporations de métiers, qui diffèrent selon les régions. On naît dans une caste et seules la mort et la réincarnation permettent de lui échapper.
Restent les hors-caste ou « intouchables », communément méprisés (environ 15% de la population indienne) : ils sont connus en Occident sous le nom de paria (d'après le mot tamoul qui les désigne). Gandhi, par compassion, les appelait Harijan (« enfants de Dieu »). Eux-mêmes revendiquent l'appellation de Dalit («  opprimé » en hindi). Situés hors de l'échelle des castes, ils sont traditionnellement cantonnés aux tâches considérées comme les plus impures : le nettoyage des latrines, le ramassage des déchets... Un hindou orthodoxe considérait encore il y a quelques années que le simple contact de l'ombre d'un intouchable suffisait à souiller un brâhmane, qui devait alors se purifier.

Bouddhisme et jaïnisme, enfants rebelles du brahmanisme

Au VIe siècle av. J.-C., la suprématie du brahmanisme en Inde est remise en cause par l'émergence de deux nouvelles religions : le bouddhisme et le jaïnisme.

Mahavira (599 à 527 av. J.-C. environ), à l’origine du jaïnisme, met l’accent sur cinq piliers : la non-violence, le non-vol, le non-attachement, la vérité et la chasteté, pour atteindre le nirvana.

Mah?v?ra, enluminure du folio du Kalpasutra, vers 1472. Agrandissement : Scène de la vie du Bouddha, par Chöying Dorje, 10e karmapa (celui qui accomplit l'activité des bouddhas), XVIIe siècle.Vers la même époque, Siddharta Gautama (560 à 480 av. J.-C. environ), qui deviendra le Bouddha, professe que le désir est à l’origine de toutes les souffrances, et il propose tout un ensemble de pratiques permettant de renoncer à ces désirs pour atteindre ce même objectif de libération du cycle des réincarnations.

Si le bouddhisme partage avec le brahmanisme (et l'hindouisme) les notions de samsara (cycle des existences terrestres) et de nirvana, il conteste toutefois le système des castes et l'idée même de divinité.

Il va connaître son apogée sous le règne de l'empereur Ashoka, qui s'est converti à la nouvelle religion en 261 av. J.-C. et a voulu l'imposer à tous ses sujets ainsi qu'à son vassal le roi du Sri Lanka. Ensuite, entre 200 et 800 de notre ère, il va décliner jusqu'à pratiquement disparaître du sous-continent (à l'exception notable du Sri Lanka), cependant qu'il va séduire l'Extrême-Orient et se maintenir dans l'Insulinde (ainsi qu'à Bali). Dans le même temps, l'hindouisme va rallier à lui l'immense majorité des Indiens avant de voir concurrencé par le christianisme et surtout l'islam.

Expansion et triomphe de l'hindouisme

À la différence du brahmanisme originel, l'hindouisme professe que l'être humain peut trouver la libération dans la dévotion absolue à une divinité (bhakti) et pas seulement dans le renoncement au monde et l'ascétisme.

Il cultive l'idée d'un ordre cosmique et social, le dharma, qui définit les devoirs auxquels sont astreints les hommes. Ceux-ci sont soumis selon leurs bonnes et mauvaises actions à de perpétuelles renaissances, le karma, jusqu'à ce qu'ils parviennent à se fondre dans la substance même de l'univers, le Brahman, c'est-à-dire Dieu, dont le panthéon hindou n'est que la manifestation.

Un individu qui n'agit pas conformément au dharma peut se retrouver réincarné en animal. Une femme ne peut accéder directement à la moksha (« délivrance ») : elle doit auparavant se réincarner en homme.

Statue de Chandragupta Maurya au temple Laxmi Narayana à New Delhi.Profitant de la fragmentation de l’éphémère empire d’Alexandre le Grand, le roi Chandragupta du Maghada (dans l'actuel Bihar, au sud du Gange) étend son royaume vers le nord-ouest, aux dépens du royaume de Séleucos. Il inaugure la dynastie Maurya qui est le premier empire proprement indien et hindouiste. Son successeur Bindusara poursuit les conquêtes vers le sud de la péninsule, en pays dravidien, ce qui favorise la diffusion de l’hindouisme parmi ces populations.

L’empire Maurya atteint son apogée sous Ashoka mais il se fragmente peu après sa mort au milieu du IIe siècle av. J.-C.

L’hindouisme n’en poursuit pas moins son enracinement sur l’ensemble du sous-continent où il s’enrichit de nouveaux courants. C'est un ensemble de croyances et de pratiques qui ne s’excluent pas. Le shivaïsme met l’accent sur le yoga qui permet d’approcher la connaissance absolue incarnée par Shiva. Le dieu Vishnou prend une place de plus en plus importante en tant que protecteur de l’Univers s’incarnant sous différents avatars dont le plus connu est Krishna.

Au IIe siècle de notre ère, les brahmanes commencent à diffuser l’hindouisme en direction de l’Asie du sud-est en empruntant les routes commerciales maritimes. Il s'ensuit l’apparition de premiers royaumes influencés par la culture indienne. Le Ve siècle, qui correspond à l’apogée de l’empire Gupta en Inde, voit une véritable explosion dans l’art et l’architecture religieuse sur tout le sous-continent. La religion devient plus que jamais le moteur de la vitalité indienne et le marqueur le plus évident de cette civilisation. 

Le Panthéon hindou

Le Panthéon hindou se construit autour d'une trinité de dieux, la Trimurti, composée de Brahmâ le créateur, Shiva le destructeur et Vishnou le conservateur des mondes. Tous les dieux émanent de Brahman, principe divin fondamental, éternel et incréé.
Brahmâ :
Dieu créateur de l'univers, Brahmâ devrait avoir existé avant les autres dieux, mais il est souvent représenté sortant du nombril de Vishnou, comme pour symboliser l'interaction entre les différentes divinités. Son épouse Saraswati est la déesse de la connaissance. Dieu plus lointain que Shiva et Vishnou, Brahmâ ne dispose que d'un nombre infime de temples dédiés à son culte (celui de Pushkar, au Rajasthan, est le plus connu d'entre eux).
Shiva :
Honoré sous la forme du lingam (symbole phallique), Shiva incarne la destruction mais aussi la renaissance rendue possible par cette destruction. Représenté de multiples façons, il est parfois Nataraja, le seigneur de la danse cosmique, parfois un ascète pratiquant le yoga, les cheveux emmêlés, vêtu d'une peau de tigre et couvert de cendres. Souvent effrayant, il brandit un trident et porte des serpents en colliers.
Vishnou :
Préservateur de l'équilibre entre création et destruction, Vishnou est un dieu plus doux que Shiva. Bon et miséricordieux, il est assis sur un lotus, près de son épouse Lakshmi, la déesse de la prospérité, particulièrement vénérée des commerçants. Quand il doit sauver le monde, il descend sur terre sous la forme d'un de ses avatars. Parmi ses nombreuses incarnations se trouvent Krishna, Rama et Bouddha (intégré dans le Panthéon hindouiste pour éviter que la naissance du bouddhisme, hérésie du brahmanisme, n'en sape les fondements).
Krishna :
Allègre joueur de flûte à la peau bleue, c'est un dieu très populaire. Ses aventures avec les bergères ont des similitudes avec les cultes dionysiaques de la Grèce antique.
Ganesh :
Dieu à tête d'éléphant, fils de Shiva et de Parvati, il jouit d'une popularité extrême, et pour cause : c'est le dieu qui permet de surmonter les obstacles de la vie quotidienne ! On le prie avant de passer un examen, de faire construire une maison ou d'entreprendre un voyage. Il est particulièrement vénéré à Mumbai (Bombay).


Épisode suivant Voir la suite
Les Indes s'émancipent
Publié ou mis à jour le : 2024-10-07 23:30:49
Paul GHILS (07-10-2024 19:30:01)

Cher Collègue, Vous écrivez différemment "Bahrat" et ... pays de la mythique dynastie des "Bhârata)", mais la seule orthographe correcte de ces deux mots vient du sanskrit bh?rata (les deux derni... Lire la suite

MC RUAULT (02-10-2024 15:02:45)

Merci à Vincent BOQUERO pour cet article et pour la vidéo (ainsi que celles concernant les autres grandes religions). Il sait être clair et synthétique. On voit ainsi que les articles de fond appu... Lire la suite

Georges PN (02-10-2024 13:01:25)

Excellente vidéo et, aussi, article remarquable !

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net