Aux origines de l'Europe

L'âge du Bronze (2300 à 800 av. J.-C.)

Entre la Préhistoire (dico) et « nos ancêtres les Gaulois » (dico) se glisse une mystérieuse tranche d’humanité dont le nom évoque une série télévisée : l’âge du Bronze ! Cette période méconnue couvre un peu plus d’un millénaire… soit à peu de chose près la durée de nombre de nos civilisations. Elle s’applique à toutes les régions de l’Eurasie.

L'âge du Bronze est le deuxième des trois âges identifiés en 1836 par l'archéologue danois Thomsen au vu des collections de son musée, après l'âge de la Pierre et avant l'âge du Fer. En Europe occidentale, il s’étend de 2300 à 800 environ avant J.-C. Il succède au Néolithique final qui a vu les peuples indo-européens (dico) s’installer sur une large partie du continent, expansion qui se poursuit jusqu’au milieu du IIe millénaire avant notre ère.

Casque corinthien en bronze, Trouvé en Grande-Grèce (Italie)Cette période de quinze siècles, qui tire son nom de la très savante métallurgie du bronze, alliage de cuivre et d'étain, est essentielle à la compréhension de notre Histoire... et de notre époque.

Elle se traduit en effet par une première révolution industrielle accompagnée d'une première « mondialisation » des échanges, avec des innovations majeures comme l’écriture, l’émergence de grandes figures héroïques mais aussi la création de cités fortifiées et l'amplification des inégalités sociales et des guerres, dont la guerre de Troie est le paradigme... 

André Larané, avec la contribution de Gabriel Solans
Les Maîtres du Feu

Les Maîtres du FeuLa présente enquête doit beaucoup à la remarquable exposition du musée d’Archéologie nationale, au château de Saint-Germain-en-Laye :  Les Maîtres du Feu, l'âge du Bronze en France (13 juin 2025 - 9 mars 2026).

Nous remercions aussi l'archéologue Jean-Paul Demoule pour la qualité de ses nombreux essais sur l'archéologie et la Préhistoire, qui nous ont bien aidés : La France éternelle, une enquête archéologique, La Préhistoire en cent questions, etc. 

Enclume, marteaux, valve de moule, poinçons, coins à estamper et une multitude de petits outils forment l'outillage des premiers bronziers. Dépôt de la Petite Laugère à Génélard (Saône-et-Loire). © Musée Vivant-Denon, Chalon-sur-Saône, Jérôme Beg. Agrandissement : Haches à talon du Bronze moyen provenant d'un des dépôts de La Chapelle-du-Bois-des-Faulx (Eure). © Hervé Paitier, Inrap

Le cuivre, abondant, beau et… inutile !

C’est avec le cuivre que l’humanité entre dans l’âge des métaux, pour la bonne raison que ce métal existe parfois à l’état natif, sous forme pure : dès le VIIIe millénaire avant notre ère, on trouve ainsi de petites perles en cuivre martelé au Proche-Orient, par exemple à Çatal Höyük (Asie mineure).

Sous forme de minerai (malachite ou azurite), le cuivre est abondant un peu partout. En Europe et dans le bassin méditerranéen, on le rencontre dans tout l’ouest de la Grande-Bretagne, dans les Alpes, les Pyrénées, le Massif central, l’Andalousie, les Balkans, la Corse mais aussi à Chypre qui inondait de ses productions la Méditerranée orientale. L’île (Cuparissos en grec ancien) a d’ailleurs donné son nom au cuivre.

Mais pour exploiter ce cuivre-là, il a fallu que les agriculteurs du Néolithique arrivent à réduire le minerai à 1083°C au minimum. Les plus anciens témoignages archéologiques de cette métallurgie, avec bas fourneaux et tuyères en terre cuite, sont signalés sur les sites de Rudna Glava (Serbie), Aï Bunar et Medni Rid (Bulgarie). Ces mines et bas fourneaux remontent à 5000 avant J.-C. environ. Les archéologues ont repéré aussi des fours rudimentaires remontant à 4500 avant J.-C. dans le Néguev et le Sinaï.

Mine de cuivre de Pioch Farrus, à Cabrières (Hérault). Exploitée dès le début du IIIe millénaire, elle est la plus ancienne mine de cuivre d?Europe occidentale. Agrandissement : Fouille dans la capitale du désert du Néguev en 2017 a découvert un atelier de fusion de cuivre du VIIe millénaire av. J.-C.

Le cuivre donnait par moulage des épingles, des bijoux et autres objets décoratifs, parfois aussi de petites haches plates. Son utilisation caractérise une époque qualifiée d’âge du Cuivre ou Chalcolithique (du grec ancien chalcos), qui s’étend en Europe d’environ 4500 avant J.-C. à 2200 avant J.-C.

Cet âge du Cuivre coïncide, notons-le, avec la multiplication des monuments mégalithiques (« grandes pierres » en grec ancien) à vocation funéraire en Bretagne et sur le littoral atlantique (dolmens et menhirs).

Le Chalcolithique ne se traduit pas par un saut technologique, le cuivre étant trop ductile et pas assez résistant pour produire des outils ou des armes en remplacement du silex. Tout comme les dolmens de Bretagne, il signale simplement chez les agriculteurs sédentarisés de la fin du Néolithique l’émergence d’inégalités sociales.

Bijoux en cuivre, âge du Cuivre, musée national hongrois de Budapest.Ainsi qu’a pu l’écrire le sémiologue Pierre Bourdieu, il faut aux représentants des classes supérieures des objets porteurs de valeur symbolique. Aujourd’hui, ce sont des Rolex, des Ferrari, des œuvres d’art, yachts, etc.

Il y a six ou sept millénaires, dans les « sociétés à chefferies » qui apparurent au Néolithique final, au Chalcolithique, le statut supérieur pouvait se traduire par des tombes somptueuses telles que les dolmens mégalithiques de Bretagne tout comme par des bijoux tirés de la métallurgie du cuivre (et bientôt aussi de l’or).

La métallurgie du cuivre n’avait donc d’autre utilité que de produire de belles choses propres à faire plaisir à ces messieurs et dames « de la haute ». En attestent quelques tombes somptueuses comme dans la nécropole de Varna, sur la côte bulgare, avec leur profusion de bijoux en cuivre, or et pierres.

Le bronze, un alliage performant mais complexe à produire

Dans leur course au progrès, les hommes ne pouvaient en rester là. Ils multiplient les expérimentations destinées à améliorer les performances mécaniques du cuivre.

Le mélange avec l’arsenic à partir de 3500 avant J.-C. le rendait plus dur et brillant mais la toxicité de cet élément lui fit perdre en attractivité au profit de l’alliage avec l’étain (environ 10-20% d’étain pour 80-90% de cuivre). Cet alliage est attesté pour la première fois sur le territoire de l’actuel Iran vers 3200 avant J.-C. La technique se diffusa alors vers l’Europe et le reste de l’Eurasie.

Ce nouveau métal était plus aisé à produire, fondant à une température plus basse (950°C au lieu de 1083° pour le cuivre). Il était surtout plus dur et plus résistant, plus brillant également.

Lingots de bronze mis au jour dans l?un des deux dépôts de Bronze découverts à Biederthal (Alsace) en 1998. Ils se distinguent par une masse exceptionnelle de métal brut (36,5 kg au total), fin du Bronze moyen et du début du Bronze final. © SRA Franche-Comté, Jean-François Piningre. Agrandissement : Coulée de bronze réalisée dans le cadre d'une reconstitution expérimentale. Ici le bronze en fusion contenu dans un creuset est versé dans un moule en terre. © Archéologie expérimentale par Jean Ladjadj et son équipe, cliché Nicolas Fromont, Inrap

Mais les ressources en cuivre et étain sont très inégalement réparties et l’étain est bien plus rare que le cuivre.

On trouve de l’étain en Iran et Afghanistan. En Europe, on en trouve surtout au sud de l’Angleterre (Cornouailles et Devon actuels), que les Grecs dénomment en conséquence îles Cassitérides (du grec kassiteros, « étain »). On en trouve aussi dans l’ouest de la péninsule ibérique, en Bretagne et en Europe centrale dans les monts Métallifères (Erzgebirge en allemand), une chaîne de basse montagne constituant une frontière naturelle entre Saxe et Bohême.

La fabrication du bronze a donc nécessité un intense commerce à l’échelle européenne et jusqu’au Moyen-Orient, impliquant des recherches de gisements, l’extraction, la transformation ainsi que le transport sur de longues distances, par voie terrestre et maritime, de l’étain, du cuivre, du sel, de l’ambre, de l'or, du silex, etc.

Les routes de l’âge du Bronze voient circuler hommes et femmes, troupeaux, chariots de transport à roues massives tirés par des bovins et chevaux attelés à des chars légers, ainsi que navires et barges. Dans les zones humides, des trackways en bois stabilisaient les passages, formant de véritables trackways de communication, comme en témoignent les sites des Fens (Grande- Bretagne), Tollense (Allemagne), les lacs suisses et les Terramare (Italie).

Ce vaste réseau d’échanges reliant l’Europe et l’Asie est parfois désigné par les chercheurs sous le terme de « bronzisation ». On peut y voir une première « mondialisation » !

Les éléments de parure (bracelets principalement) en bronze du dépôt des Feuilly, XIe-Xe s. avant notre ère, Saint-Priest (Rhône), 2000. © Loïc de Cargouët, Inrap Agrandissement : Sept bracelets de bronze enfouis vers 1300 avant notre ère dans un vase ont été découverts à Domloup, en Ille-et-Vilaine. Certains d?entre eux ont été volontairement tordus avant leur dépôt, © Hervé Paitier, Inrap.

Les magiciens du feu

Le bronze s’impose comme une véritable révolution technologique. Plus dur que le cuivre, il supporte mieux les chocs et l’usure. Plus malléable, il peut être façonné dans la forme souhaitée et produit en série. Enfin, il est recyclable. Sa capacité à être fondu et réemployé sans perdre ses qualités en fait un matériau réutilisable à l’infini.

Au-delà de ses propriétés mécaniques et techniques, le bronze fascine aussi par sa résonance et son éclat. Lorsqu’il est frappé, il tinte ; soufflé, il produit des sons puissants, profonds et vibrants. Il est d’un éclat comparable à l’or : sa teinte dorée et sa capacité à capter la lumière lui confèrent un aspect majestueux. Une fois le bronze poli, gravé et ciselé, sa surface offre le support idéal pour briller de mille feux.

Tampon du torque-ceinture de Guînes (Pas-de-Calais) © MAN/Valorie Gô. Agrandissement : Torque décorée, dépôt de Guînes (Pas-de-Calais) © MAN/Valorie Gô.

Aménagé pour éviter les courants d’air et la perte de chaleur, l’atelier du métallurgiste est assez simple. La couleur de la flamme et du métal permettait de contrôler la température. Le creuset en terre est placé sur le feu et recouvert de charbons de bois incandescents.

Pour augmenter la chaleur, le feu est attisé à l’aide de deux soufflets reliés à un conduit en terre coudé, appelé tuyère. Le métal en fusion devient liquide. Il est alors versé dans des moules en terre cuite, en pierre ou en bronze pour façonner l’objet souhaité : épée, bracelet ou hache…

Les marteaux et les enclumes constituent les outils emblématiques des métallurgistes. Ils sont chargés d’une symbolique forte, comme en témoigne le célèbre marteau de Thor (Mjölnir en norrois), incarnation de protection et de puissance dans la mythologie nordique.

Pointe de flèche en silex, mesurant 4 cm, découverte dans le tumulus daté du Bronze ancien de la Fosse Yvon à Beaumont-Hague, dans la Manche. © Hervé Paitier, Inrap. Agrandissement : Cette épée, datée de l?âge du Bronze moyen, a été découverte lors de dragages effectués dans la ria du Trieux, dans les Côtes-d?Armor. © Hervé Paitier, InrapLa métallurgie du bronze va déboucher sur des parures éclatantes, des outils performants et avant toute chose des armes redoutables.

Les premières armes, haches et poignards, sont d’une esthétique semblable aux objets de cuivre et de silex produits par les Indo-Européens de la culture de la Céramique cordée en Europe du Nord et leurs descendants du Campaniforme en Europe centrale et occidentale. Elles renforcent les chefferies, en Europe centrale comme dans la culture d’El Argar, dans le sud-est de la péninsule ibérique, ou les hallebardes et poignards deviennent l’apanage de l’élite guerrière.

Plus tard, à partir de la fin du IIe millénaire av. J.C. nous voyons apparaître des armures massives en bronze notamment en France, avec des casques à crête comme celui de Blainville en Meurthe-et-Moselle, ou des cuirasses comme celle « de Grenoble » datée de 900-800 avant J.C. et sans doute associée aux premiers Celtes arrivés d’Europe centrale.

La technique du martelage, arrivant environ au XIIe siècle avant J.C., permet d’élaborer des objets bien plus raffinés, notamment de la vaisselle. Les objets en bronze connus sont principalement issus de tombes mais aussi de dépôts en masse, dont nous ne saisissons pas nécessairement le sens. Ils pouvaient constituer des offrandes à des dieux ou des stocks d’objets créés à la chaîne pour le commerce.

Se nourrir à l’âge du Bronze

En France, l’archéologie révèle une agriculture fondée sur la production de céréales (orge, blés, millets) et sur l’élevage (bœufs, moutons, porcs...), avec peu de chasse. La viande, souvent cuite à l’étouffée, n’est sans doute pas consommée quotidiennement, mais lors d’occasions particulières.
L’alimentation repose surtout sur les galettes de céréales, les bouillies ou les soupes. Elle est complétée par des légumineuses et des condiments issus de graines cultivées ou sauvages. La cueillette fournit féculents, légumes sauvages et fruits (pommes, mûres, raisins), seules sources sucrées hormis le miel. On consomme également de la bière. Les repas suivent le rythme des saisons : abondants aux récoltes, plus maigres en période de transition (mars).

Carte de Bedolina, val Camonica, Lombardie (Italie). L'une des plus anciennes cartes topographiquesfin de l'Âge du bronze avec la dalle de Saint-Bélec (Finistère). Agrandissement : la dalle de Saint-Bélec, tumulus de Saint-Bélec, Leuhan (Finistère)., fouille du Chatellier (1900), 1880-1630 av. J.-C., @ MAN / Valorie Gô.

Des sociétés guerrières très hiérarchisées

L’âge du Bronze, à partir de 2200 av. J.-C., voit se creuser les inégalités sociales apparues au Chalcolithique, avec des chefs influents et des guerriers qui dominent de larges territoires et redistribuent les richesses.

Si l’Histoire n’a pas retenu leur nom, faute de témoignages écrits, leur image est restée gravée dans la pierre et la richesse de leurs tombes témoigne de leur prestige. Leur prestige transparaît aussi dans la pierre où sont gravées les premières cartes de territoires (voir ci-dessus) : c'est une forme de cadastre qui illustre l'émergence du droit de propriété.

Cette ère consacre les villages fortifiés, déjà existants lors du Néolithique final. La plus célèbre de ces villes fortifiées de l’âge du Bronze est Mycènes dans le Péloponnèse, capitale des Achéens rendus célèbres par les poèmes homériques en grec ancien.

Ruines archéologiques de Mycènes. Agrandissement : Culture d'El Argar, site archéologique de Fuente Álamo, grottes d'Almanzora, José Guerrero.

La culture d’El Argar dans le sud-est de la péninsule ibérique, entre 2300 et environ 1500 avant J.-C., présente aussi des villes fortifiées avec d’imposantes murailles en pierre et une grande quantité d’armes en bronze et en cuivre.

Lame de hallebarde en cuivre. Épée à double tranchant avec cinq rivets au niveau de la poignée, âge du Bronze ancien et moyen, El Argar (Antas, Almería), musée archéologique national d'Espagne. Agrandissement : Artefacts du Cercle funéraire de Mycènes, musée archéologique de Mycènes.Les plus anciens objets d’El Argar (pointes perforées, garde-poignets d’archers, boutons perforés en V) témoignent d’une continuité avec la culture Campaniforme, phénomène du Néolithique final (2800 à 2300 av. J.-C.) qui a vu une invasion de masse depuis l’Europe centrale de populations indo-européennes descendantes de la Céramique cordée.

Il n’existe pas nécessairement une forme politique unique lors de l’âge du Bronze. El Argar constitue une forme de proto-État, avec des bâtiments publics et une salle de délibération. La culture des tumulus armoricains dans le Nord-Ouest de la France exhibent une hiérarchisation importante avec des sépultures royales sous certains tumulus. Mais d’autres cultures sembleraient plus égalitaires.

Dans le monde euro-méditerranéen de cette époque, seules deux cultures ont possédé l’écriture : la Crète minoenne dont la langue exprimée dans l’écriture linéaire A n’a pas été décryptée, et la Grèce mycénienne attestée depuis 1600 avant J.-C. et dont la langue exprimée en linéaire B (un système d’écriture largement inspiré du linéaire A) est apparentée à l’ancêtre du grec ancien, qui n’en descend pas toutefois.

Tablette d'argile linéaire A de La Canée, Crète, KH 5, conservée au musée de La Canée. Tablette mycénienne linéaire B, traitant d'une commande de laine, musée national archéologique d'Athènes.

Le cheval, héros de l’âge du Bronze européen

Mais par ailleurs, au sein du vaste espace indo-européanisé qui va de l’Atlantique à l’Asie centrale, une double révolution s’est diffusée de manière horizontale très rapidement au début du IIe millénaire avant J.-C. avec la domestication du cheval et l’invention de la roue à rayons.

Le cheval était déjà monté depuis au moins 3000 avant J.-C. par les hommes de la culture de Yamna dans la steppe pontique au sud de l’Ukraine actuelle, comme en témoignent les déformations osseuses typiques des cavaliers arborées par 20% des hommes yamnas. Mais il n’était pas domestiqué de manière systématique pour autant.

Rouelle en bronze provenant d?une sépulture de la nécropole de l?âge du Bronze mise au jour à Migennes, dans l?Yonne. © Loïc de Cargouët, Inrap Agrandissement : Anneau passe-guide en bronze, dépôt d'Ozain, Les Basses Terres Noires (Loir-et-Cher), 900-800 av. J.-C. @ RMN / Franck Raux.En 2100 avant J.-C., au sein de la culture proto-indo-iranienne de Sintashta au nord de la mer Caspienne fut domestiqué le cheval et inventée la roue à rayons : plus légère que la roue pleine des Yamnayas, elle permettait à un char d’être tiré par des chevaux.

L’usage généralisé du cheval et du char tiré par des chevaux se répandit alors très rapidement au sein de l’Europe mais aussi des civilisations proches, que ce soit chez les Hittites en Anatolie, les Égyptiens, mais aussi en Mésopotamie.

Les chars cérémoniels et légers à roues à rayons ne sont toutefois connus que par des représentations, figurines et fragments métalliques issus de dépôts et sépultures (roues, essieux, timons, ornements), comme le célèbre char solaire de Trundholm (Danemark).

Associés aux symboles religieux (soleil, chevaux, oiseaux aquatiques), ils servaient aux cérémonies, processions et rites funéraires, tout en affirmant le statut social des élites. Précurseurs des modèles de l’âge du Fer, ces chars illustrent le lien entre technologie et symbolisme dans les sociétés du Bronze tardif.

Char solaire de Trundholm découvert en 1902 près de Nykøbing, au Danemark. Il a été daté de l'Âge du bronze, aux alentours de 1400 av. J.-C., Copenhague, musée national du Danemark.

Pratiques funéraires à l’âge du Bronze : de l’inhumation à la crémation

Dans la continuité du Chalcolithique, les classes supérieures de l’âge du Bronze se plurent à marquer leur statut par des monuments funéraires grandioses. Enfouir les défunts sous de vastes tumulus, ces tertres de terre et de pierres parfois associés à des structures en bois, revenait à affirmer leur emprise sur le territoire.

Le sorcier, l'une des gravures rupestres du Mont Bego, commune de Tende (Alpes-Maritimes). Agrandissement : la grotte du Visage dans le bois de Vilhonneur (Charente), à proximité d'une fosse appelée localement : aven du Charnier. En 2005, sont découverts des oeuvres pariétales paléolithiques ainsi que des ossements humains et animaux. Ces sépultures incarnaient le pouvoir et la domination d’un groupe, inscrivant leur présence dans le paysage pour les générations futures. D’autres géosymboles marquèrent durablement le paysage comme les sanctuaires rupestres du Mont Bego, les grottes ornées de Charente ou de Dordogne, les stèles méridionales et les statues- menhirs corses. Autant de signes qui affirment l’identité des groupes.

À partir du Bronze final (1300-800 avant J.-C.), la crémation remplace progressivement l’inhumation, réduisant la monumentalité des tombes et la richesse des offrandes. Brûler les morts devient peu à peu la norme en Europe. Les rites funéraires combinent alors souvent inhumation et crémation, et sont accompagnés de gestes rituels complexes.

Petite statuette féminine, en terre cuite, découverte à Metz, en Moselle dans la ZAC du Sansonnet. Haute de 10 centimètres, avec des attributs féminins marqués, elle pourrait symboliser la fertilité. Les figurines en terre cuite de ce type sont connues sur plusieurs sites de la fin de l?âge du Bronze © Lino Mocci, Inrap.La crémation est perçue comme un acte de purification par le feu. Elle transforme le défunt en restes propres et durables : quelques kilos d’os brûlés et de cendres. Ces restes, parfois soigneusement triés, sont ensuite déposés dans des urnes ou des fosses, avec des objets personnels comme des parures, des céramiques, des outils ou des armes.

Les vases retrouvés dans les tombes montrent l’importance des libations (offrandes de liquides) et des banquets funéraires, signes de pratiques religieuses marquées. Certaines tombes prestigieuses, comme celles de Choisey, témoignent de la richesse des rituels pratiqués : crémation, destruction d’objets, offrandes et mise en scène symbolique.

Ces pratiques autour du feu traduisent une transformation symbolique du défunt : son passage du monde des vivants vers celui des ancêtres. Elles évoquent aussi des pratiques méditerranéennes, comme les rites de banquet et les mythes de mort et de renaissance, associés à la souveraineté et à la vie après la mort.

Sépulture en fosse du Bronze ancien, découverte au Bono, dans le Morbihan. © Mélanie Levan, Inrap. Agrandissement : Vase enterré au Bronze moyen à Cournon-d?Auvergne, dans le Puy-de-Dôme. Installé au fond d?une fosse, il était probablement fermé par une plaquette de calcaire taillée. Il a pu servir à stocker des denrées alimentaires. © Éric Néré, Inrap.

Le Soleil au cœur des croyances de l’âge du Bronze

Le soleil est une source de fascination universelle au sein des sociétés humaines. En Europe occidentale, dès le Chalcolithique, les populations du Néolithique érigent des monuments mégalithiques orientés astronomiquement vers le lever ou le coucher du soleil lors des solstices. Leur usage perdure au début du IIe millénaire avant J.-C., comme à Stonehenge (Angleterre).
À l’âge du Bronze, le soleil devient le symbole suprême des croyances à travers toute l’Europe. Il s’exprime dans la culture matérielle, sous différentes formes (disque radié ou cruciforme, cercles concentriques, spirales), sur des parures individuelles ou de prestigieux objets probablement destinés à la pratique religieuse. L’ambre, l’or et le bronze réfléchissant la lumière sont des matériaux de prédilection pour évoquer l’astre.
Symbole de pouvoir pour les élites et objet de culte, le soleil est le marqueur principal du calendrier agricole et religieux. En Scandinavie, il est représenté tiré dans le ciel par un cheval le jour et transporté sur un bateau la nuit, dès le XIVe siècle avant J.-C. En Europe centrale, il est souvent figuré sous forme de roue à rayons à partir du XIIIe siècle avant J.-C.


Publié ou mis à jour le : 2025-10-05 14:42:57
Cedeba (18-10-2025 18:19:10)

Merci à "Bernard" pour cette réponse !
Bonne journée.

Bernard (06-10-2025 23:03:40)

Réponse à Cedeba : La température d'un corps peut s'estimer à la couleur de la lumière qu'il émet. Évidemment, les métallurgistes n'exprimaient pas la température en degrés Celsius (et enco... Lire la suite

Cedeba (05-10-2025 16:36:23)

Comme bien souvent, voilà un article très intéressant. Mais je me pose une question (façon de dire que je la pose à d'éventuels lecteurs !) : comment les hommes de ces époques pouvaient-ils mes... Lire la suite

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