Le concept d'Indo-Européen (ou Indo-germanique selon les savants allemands) dérive des parentés linguistiques mises en évidence dès le XVIIIe siècle entre les groupes humains qui ont peuplé l'Europe, le plateau iranien et l'Inde du nord.
Ainsi, de façon triviale, on a reconnu dans le mot Maharadjah (« Grand roi ») les mêmes racines que dans les mots latins major (« grand ») et rex (« roi »). De la même façon, le mot Mahatma (« Grande âme »), surnom donné à Gandhi par le poète Tagore, contient des racines apparentées aux mots latins major (« grand ») et anima (« âme »). On discerne aussi une évidente parenté entre l'iranien Dokht, l'anglais daughter et l'allemand Tochter (« fille »). On peut encore rapprocher le latin aurum (« or ») du sanskrit hiranya, qui désigne à la fois le métal précieux et ce qui brille.
De façon beaucoup plus scientifique, les linguistiques ont mis en évidence dans les langues dites indo-européennes non seulement des parentés lexicologiques comme ci-dessus mais aussi grammaticales, morphologiques et phonétiques.
Faute de mieux, les populations concernées (Indiens, Perses, Grecs, Romains, Celtes, Germains et Slaves) ont été qualifiées d'Indo-Européens ou d'Indo-Germains par les premiers linguistes, au XIXe siècle. Max Müller a proposé pour sa part le terme d'Aryens, d'après l'appellation « ârya » que s'étaient donnée les tribus qui avaient migré vers la Perse, le Pendjab et l'Inde. On retrouve ce mot dans le nom actuel de la Perse, Iran. Il signifiait à l'origine noble.
En foi de quoi, le polémiste français Arthur de Gobineau exalta pour la première fois en 1853 la prétendue supériorité raciale des Aryens dans son Essai sur l'inégalité des races humaines. Dans cet ouvrage appelé à une grande célébrité, l'auteur déplorait les conséquences du métissage irréversible des populations. Hitler et les nazis dévoyèrent ces théories savantes pour tenter de démontrer la supériorité raciale des Allemands et autres Germains.
À la recherche du Peuple originel
De nos jours, linguistes, archéologues et généticiens s'efforcent de dépasser ces enjeux idéologiques. Comme la plupart de ses confrères, le linguiste Bernard Sergent, auteur d'un ouvrage de référence sur Les Indo-Européens (Payot, 1995), convient que des proximités selon les quatre catégories ci-dessus (lexicologique, grammaticale, phonétique, morphologique) ne peuvent s'expliquer que par une ascendance commune et pas seulement par des imprégnations de voisinage.
Les Européens et les Indiens du nord descendraient donc d'un Peuple originel qui se serait dispersé quelques millénaires avant notre ère. Toutefois, ni les linguistes, ni les archéologues n'ont encore pu identifier avec certitude le lieu et l'époque d'apparition de ce Peuple originel.
Gordon Childe, illustre préhistorien britannique du début du XXe siècle, a imaginé des tribus établies dans les pays du Don et de la Volga (dans l'actuelle Russie) et parlant à l'origine une même langue. Elles auraient migré, 4000 ans av. J.-C., qui vers l'Europe, qui vers la Perse et l'Inde. Selon les spécialistes actuels, ces tribus seraient en fait originaires d'Anatolie (la Turquie d'Asie), voire d'Arménie si l'on en croit une étude de paléogénétique de Harvard (2022). Elles auraient migré à partir du... VIIIe millénaire av. J.-C.
Les Indo-Européens deviennent yamna chez les archéologues
Les archéologues contemporains évitent de parler d'Indo-Européens et réservent ce terme aux linguistes. Eux préfèrent parler de la culture yamna (mot ukrainien signifiant « fosses », aujourd'hui préféré à son équivalent russe yamnaya). Le mystérieux Peuple originel à l'origine de nos langues serait en effet le même qui a développé la « culture des tombes en fosse » dans les steppes du Dniepr et de la basse-Volga à l'Âge du bronze ancien, soit au IIIe millénaire avant notre ère, comme semblent le confirmer depuis 2015 les études d'ADN fossile. Ces pasteurs nomades auraient ensuite migré tant vers l'Europe que vers l'Asie centrale. Ils auraient la même origine que les peuples qui ont développé en Europe les cultures archéologiques dites « de la céramique cordée » (poteries décorées de rainures formées par des cordes) et « campaniforme » (poteries en forme de cloche renversée).
Ainsi les découvertes récentes de la génétique viennent-elles confirmer les intuitions des linguistes comme s'en réjouit le linguiste Laurent Sagart...
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