24 février 2024. Deux ans déjà . Deux ans que les armées ukrainiennes et russes s’affrontent avec acharnement. Comment comprendre ce conflit si proche du cœur de l’Europe ? Au fil de la tragédie, Herodote.net a publié une succession d’articles mettant en lumière les réussites et les maladresses des acteurs et parfois leur cynisme à courte vue.
Ces analyses ont nourri un nouvel opus d'Herodote.net destiné à nous éclairer sur les causes profondes de la guerre et ses conséquences probables pour les belligérants et nous-mêmes...
Le destin de l’Europe a basculé le 24 février 2022 avec l’invasion de l’Ukraine par l'armée russe et la résistance inattendue de son peuple. Chacun souffre dans son âme devant des horreurs que nous pensions à jamais étrangères à notre sphère de civilisation. Au bout du chemin se profile le risque d'une destruction de l’Ukraine, d'une régression de la Russie et de la ruine de l’Europe.
Cette tragédie puise ses racines dans l'enchaînement de décisions inabouties, erronées, maladroites ou malvenues qui a suivi l'euphorie de la chute du Mur en novembre 1989. Nous les avons analysées dans cette nouvelle édition des Causes politiques de la guerre avec autant de détachement que nécessaire afin de comprendre les enjeux présents et entrevoir les suites probables (ou souhaitables) du conflit.
La responsabilité principale de la guerre d’Ukraine revient sans conteste au commandant en chef de l’armée russe, le président Vladimir Poutine, mais l’on ne peut exonérer les dirigeants occidentaux et en particulier les hôtes de la Maison Blanche d’avoir péché par négligence ou plus gravement d’avoir soufflé sur les braises encore mal éteintes de la guerre froide (1946-1989).
Quoi que pensent les Russes de Poutine, de sa brutalité et de son autoritarisme, la plupart partageaient au moins jusqu'en 2021 sa volonté de combattre les séparatismes comme celui de la Tchétchénie, ainsi que de conserver l'Ukraine - et la Biélorussie - dans la sphère d'influence de Moscou. Tout autre choix revenait à isoler la Russie entre des mondes plus ou moins hostiles : l'Extrême-Orient chinois, l'Asie centrale turque, l'Europe atlantique. Même le principal opposant du régime, Alexeï Navalny, partageait cet avis avant son incarcération !
Il n'empêche qu'il a mal évalué les conséquences d'une invasion de l'Ukraine. Pour le politologue américain Stephen Walt, « l'invasion de l'Ukraine par la Russie (sans parler de l'invasion américaine de l'Irak en 2003) nous rappelle que les grandes puissances agissent parfois de manière terrible et stupide lorsqu'elles pensent que leurs intérêts fondamentaux en matière de sécurité sont en jeu ».
Le malentendu s'installe au sommet de l’OTAN à Bucarest en avril 2008. Poutine, qui y est invité, autorise le transit par la Russie de matériel destiné à l’Afghanistan. Mais il dénonce aussi la promesse faite le 3 avril par l’OTAN à l’Ukraine et à la Géorgie de pouvoir entrer un jour dans l’alliance. Il y voit « une très grande erreur stratégique ». C’est aussi l'avis de la chancelière Angela Merkel. « Je pensais que c’était une erreur de vouloir faire adhérer à l’OTAN l'Ukraine et la Géorgie. Ces pays n'étaient pas en état de le faire et les conséquences d'une telle décision n'avaient pas été réfléchies, tant en ce qui concerne l’OTAN que l’attitude de la Russie vis-à-vis de la Géorgie et de l'Ukraine, » confiera-t-elle le 7 décembre 2022, à Die Zeit.
S'ensuivent en 2014 le changement de cap à Kiev, la rébellion du Donbass, le rattachement de la Crimée à la Russie. Dès lors, la Russie et l'Ukraine, qui bénéficie du soutien total de l'OTAN, se préparent sans le dire à un affrontement frontal. Pour les Russes, il ne fait bientôt plus de doute que « l’Ukraine était devenue un membre de l’OTAN de fait », note le politologue américain Mearsheimer.
L'agression du 24 février 2022 suscite la stupeur à l'Ouest et tout particulièrement chez les Européens qui se croyaient immunisés contre la guerre depuis la fin des conflits en Yougoslavie il y a tout juste vingt-cinq ans.
Les deux-tiers de la planète restent toutefois sourds aux injonctions des Occidentaux et parfois même solidaires de Moscou. Il est vrai que cette guerre sur la partie orientale de l’Ukraine n’est que la troisième ou quatrième en nombre de victimes de toutes les guerres du moment, derrière les guerres d’agression livrées par le Rwanda au Nord-Kivu (Congo), l’Arabie saoudite au Yémen, le régime soudanais au Darfour…
Après deux ans de combats, le conflit paraît sur le point de s'enliser du fait que les industriels américains et européens n'arrivent plus à fournir des munitions en quantité suffisante à Kiev.
Sauf retournement improbable ou initiative diplomatique de haute volée, on peut au mieux espérer un cessez-le-feu qui laissera aux Russes le Donbass et la Crimée. Ce sera le retour aux accords de Minsk conclus (et trahis) dix ans plus tôt, à cela près qu’entretemps, la Russie et plus encore l’Ukraine auront été lourdement meurtries. Si l’Ukraine, qui n’a déjà plus que 35 millions d’habitants (52 millions en 1991) survit à cette guerre, elle ne retrouvera pas de sitôt son équilibre d’autant que les femmes qui ont choisi l’exil renonceront avec le temps à rentrer au pays et inviteront conjoint et enfants à les rejoindre. Quant à son adhésion à l’Union européenne, elle n’est pas pour demain…
Je vous invite à télécharger notre analyse complète et nous faire part de vos commentaires et critiques.
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Voir les 15 commentaires sur cet article
Christian (29-02-2024 10:51:51)
En réponse à Louis Desclaud, je ne dirai pas que l'invasion de l'Ukraine en 2022 n'est "pas plus illégale" que l'invasion de l'Irak en 2003, mais que toutes les deux sont aussi illégales et crimin... Lire la suite
Louis Desclaud (29-02-2024 08:48:51)
En réponse à Christian : qu'il s'agisse de la guerre en Ukraine ou de la première guerre mondiale (ou de la seconde), les historiens sont dans leur rôle quand ils analysent l'enchaînement de circ... Lire la suite
Christian (29-02-2024 07:43:35)
La tension monte en Transnistrie, étroite bande de terre située entre la Moldavie et l’Ukraine, où la Russie maintient quelque 1 500 soldats sous couvert d’une «mission de maintien de la paix... Lire la suite