Même les Romains n’avaient pas daigné s’y aventurer. Les Pays-Bas occupent l’un des territoires les plus inhospitaliers d’Europe occidentale, entre mer du Nord, lagunes, bras de rivière et marécages salés, sous un climat froid et humide. Il n’empêche que leurs habitants, à force de travail et de persévérance, ont réussi à en faire un havre de prospérité et de richesse sans guère d’équivalent dans le monde. Cette fortune, ils ne la doivent pas aux maigres ressources de leur sol mais à leur bosse du commerce et à leur sens du collectif.
Joignant leurs forces, ils ont d’abord tiré d’immenses profits en achetant de la laine à leurs voisins d’Outre-Manche puis en la transformant en tissus de qualité exportés dans toute la chrétienté médiévale. Ensuite, quand les Portugais ont ouvert de nouvelles routes maritimes vers les terres à épices, ils se sont jetés sur leurs traces et se sont emparés de ce marché ô combien fructueux.
Ils ont alors gagné à la pointe de l’épée leur indépendance face à leur traditionnel suzerain, les Habsbourg d’Espagne. Ils ont aussi avec leur marine, pendant deux générations, au XVIIe siècle, tenu tête à la puissance montante anglaise et exploré toutes les parties du monde, de la Nouvelle-Zemble à la Tasmanie. Témoignant entre eux d’une extrême civilité et de manières raffinées, ils ont exploité avec une brutalité sans égale les habitants de leurs lointaines colonies jusqu’au début du XXe siècle.
L’empire colonial hollandais est une success story exceptionnelle dans l’histoire des empires maritimes et il soulève plusieurs questions. Comment un si petit pays, si pauvre en ressources, a-t-il pu devenir une telle puissance ? Comment l'empire néerlandais se compare-t-il aux autres entreprises impériales ?
La naissance d’une nation : les Provinces-Unies
Au Moyen Âge, les actuels Pays-Bas ainsi que la Belgique étaient formés de comtés ou seigneuries indépendantes, sous la suzeraineté du Saint-Empire germanique et du roi de France.
Par une bizarrerie héritée du partage de l’empire carolingien au traité de Verdun (843), les Flandres, à l’ouest, relevaient du roi de France cependant que des régions en partie francophones comme le duché de Brabant, le comté de Hainaut et le comté de Namur étaient rattachées au Saint-Empire, de même qu’au nord, les comtés de Hollande, de Zélande et Gueldre, de langue néerlandaise.
Du XIIe au XIVe siècle, ces provinces néerlandaises étaient bien moins riches et urbanisées que leurs voisines méridionales, lesquelles connurent un développement économique unique en Europe du Nord. La Flandre tissait la laine venue d’Angleterre et exportait sa draperie dans toute l’Europe via la Hanse et les foires de Champagne cependant que l’actuelle Wallonie disposait d’une industrie métallurgique florissante.
Au XVe siècle, au gré des mariages, les différents duchés et comtés de la région furent unifiés par les ducs de Bourgogne. De cette époque date l’expression « pays bas » qui sert à distinguer les possessions belgo-hollandaises de la Bourgogne française. À la mort du dernier duc, Charles le Téméraire (1477), les Habsbourg héritent des Pays-Bas bourguignons par le jeu des alliances dynastiques.
Après l’abdication de Charles Quint, les Pays-Bas passent sous l’autorité de son fils Philippe II, le très catholique roi d’Espagne. Les relations avec Madrid se dégradent avec la diffusion de la Réforme protestante dans les provinces du nord.
Le 5 juin 1568, le duc d'Albe, vice-roi des Pays-Bas, fait exécuter les comtes d'Egmont et de Hornes sur la Grand'Place de Bruxelles sous le prétexte qu'une agression aurait été perpétrée par les calvinistes contre des lieux catholiques. Ces exécutions, qui viennent après beaucoup d'autres, entraînent une rupture définitive entre le souverain espagnol et ses sujets bataves…
Il s’ensuit une scission entre la future Belgique et les Pays-Bas. Rassemblées dans l’Union d’Arras, les provinces du sud restent fidèles au catholicisme et à la couronne espagnole tandis que celles du nord adoptent le calvinisme et rompent avec Madrid, au sein de l’Union d’Utrecht.
Au terme d’une « guerre de Quatre-Vingts ans », ces dernières voient leur indépendance reconnue par les traités de Westphalie, en 1648, sous le nom de Provinces-Unies. Sous la forme inédite d’un État fédéral de sept provinces de forme républicaine, elles sont à cette date déjà devenues une grande puissance industrielle et maritime.
L’Âge d’or des Provinces-Unies
Profitant du déclin de l’Espagne, du morcellement du Saint-Empire et des crises politiques en France et en Angleterre, les Provinces-Unies connaissent leur Âge d’or au XVIIe siècle. Fortes de leur tradition libérale, elles accueillent des réfugiés de toute l’Europe, en particulier des juifs et des protestants.
Longtemps dans l’ombre de sa voisine du sud, l’industrie hollandaise est en plein essor. Parmi ses fleurons figure la poterie émaillée produite à Delft à partir de 1584 et dont le succès repose sur le « bleu de Delft » imité de la porcelaine chinoise. En 1670, il y a 28 usines de faïence rien qu'à Delft, et d’autres à Haarlem, Rotterdam, Gouda et Dordrecht.
Par ailleurs, au milieu du XVIIe siècle, Leyde est le plus grand centre européen de fabrication de lainages, comme Haarlem l'est pour le lin. Les étoffes hollandaises, en particulier la laine peignée et le lin, alimentent le commerce colonial et sont expédiées vers les Amériques et l'Afrique en échange de produits exotiques et d’esclaves.
Les campagnes ne sont pas en reste avec le développement d'un système international par lequel le bétail élevé au Danemark était expédié aux Pays-Bas pour y être engraissé en vue de l'abattage. La renommée du fromage et du beurre hollandais est déjà attestée par la littérature de l'époque. Facilement transportable et nutritif, l’édam s’exporte dans toute l’Europe et même en France !
Les grandes heures de la marine hollandaise
La prospérité des Provinces-Unies repose en premier lieu sur la puissance de sa marine. Pour sécuriser le commerce maritime, vital pour l’économie du pays, et protéger les Pays-Bas d’un débarquement espagnol, les Hollandais constituent, dès la guerre d’Indépendance, une puissante flotte de guerre.
Ils remportent une première victoire en juillet 1596, quand 54 navires hollandais et 96 navires de la Royal Navy anglaise mettent au pillage le grand port de Cadix en Espagne. C’est l’une des pires défaites espagnoles et une perte sèche de 5 millions de ducats.
Cet épisode témoigne cependant de la civilité hollandaise car même si les troupes pillèrent la ville, elles épargnèrent en très grande partie à la population les horreurs habituelles de la guerre : « Ils ont très bien traité les gens et en particulier les femmes, sans les offenser en aucune façon. » (Lope de Valenzuela). Neuf ans plus tard, la marine hollandaise détruit la flotte espagnole à Gibraltar, et cette fois, sans le concours des Anglais !
En seulement quelques décennies, les Provinces-Unies édifient l’une des premières marine de commerce du monde. À l’origine de ce succès, un navire de trois mats aux voiles carrées : la flûte, ou fluyt.
Contrairement à ses concurrents, il n'est pas conçu pour être converti en navire de guerre en cas de conflit et est spécialement construit pour faciliter la livraison transocéanique. Résultat : il permet de transporter une cargaison deux fois plus importante et nécessite un équipage réduit. Quant à son coût de production, il est deux fois moindre que celui des autres navires.
La flûte donne un avantage concurrentiel majeur aux Provinces-Unies. En 1670, la marine marchande néerlandaise représente 568 000 tonneaux, soit environ la moitié du total européen. Leurs alliés d’hier s’en émeuvent. À la suite de l’Acte de Navigation édicté en 1651 par Cromwell et réservant aux seuls navires britanniques le droit d'entrer dans les ports de Grande-Bretagne, la guerre est déclarée avec l’Angleterre. Il y en aura quatre entre 1652 et 1784.
Durant ces conflits, la marine néerlandaise réussira à plusieurs occasions à tenir tête à la Royal Navy, comme lors de la bataille des Quatre Jours (1666) ou le raid sur la Medway (1667).
Durant la guerre de Hollande, quand les Provinces-Unies se voient attaquées également par la France du Roi-Soleil, elle s’illustre en triomphant des flottes françaises et anglaises, pourtant largement supérieures en nombre, durant la bataille de Texel (1673). Ces victoires ont pour artisan l’un des plus grands amiraux de l’Histoire : Michel de Ruyter.
Mais la marine de guerre hollandaise manque d’unité dans son commandement, chaque province ayant ses propres navires de guerre et ses amiraux. Et à partir du XVIIIe siècle, de mauvaises finances publiques et le ralentissement de l’activité économique empêchent la modernisation de la marine des Provinces-Unies. En quelques décennies, celle-ci perdra toute influence dans le jeu politique européen.
D’aventureux explorateurs
Dès avant le XVIIe siècle, les armateurs hollandais lancent des expéditions en vue d’ouvrir de nouvelles routes maritimes qui permettraient de contourner le monopole hispano-portugais en Amérique et en Asie. Ils vont ainsi découvrir quantité de territoires inconnus des Européens.
Le pionnier est Willem Barents. Tentant en 1594 de gagner l’Asie par le passage du Nord-Est, le Hollandais explore les eaux du Grand Nord. Son périple le conduit jusqu’en Nouvelle-Zemble (Russie actuelle) où son équipage est le premier à survivre à un hiver polaire. Mort durant son expédition, Barents laissera son nom à la mer qu’il fut le premier à cartographier.
En 1600, le navigateur hollandais Sebald de Weert découvrit les îles Malouines (Faklands) et en 1606, Willem Janszoon, commandant du Duyfken, effectuait le premier débarquement européen documenté en Australie, sur la rivière Pennefather, près de la ville moderne de Weipa, sur le cap York, face à la Nouvelle-Guinée.
Les Néerlandais ont pu cartographier l'ensemble des côtes ouest et nord de l’Australie et ont nommé l'île-continent « Nouvelle Hollande » au XVIIème siècle, mais ne firent aucune tentative de colonisation. La côte Nord de l’Australie fut explorée plusieurs fois en 1623, tandis que la côte Sud le fut en 1627.
Anglais au service des Pays-Bas, Henry Hudson se lance quant à lui à la recherche du mythique passage du Nord-Ouest entre Atlantique et Pacifique. S’il échoue dans sa quête, il découvre en 1609 sur le continent nord-américain un fleuve, baptisé plus tard en son honneur, et à l’embouchure duquel sera créée la Nouvelle-Amsterdam, future New York. À sa suite, Adriaen Block explore Long Island et le Connecticut. Il sera le premier Européen à établir des contacts avec les autochtones de la région.
En 1610, le navigateur Hendrik Brouwer tente de trouver une nouvelle route maritime reliant le cap de Bonne-Espérance à Java. Plutôt que de longer les côtes africaines et indiennes comme le font les Portugais, le Hollandais traverse l’Océan Indien en profitant des forts vents d'ouest, surnommés depuis les « Quarantièmes rugissants ». Cette nouvelle route permet de réduire de moitié la durée du voyage entre l’Europe et Java.
En 1616, à la pointe de l’Amérique du Sud, Jacob Le Maire et Willem Schouten parviennent à passer le cap Horn, nommé ainsi en l’honneur de la ville hollandaise de Hoorn qui avait financé leur expédition. Dans la suite de leur voyage, ils découvrent Tonga et plusieurs îles de Papouasie-Nouvelle Guinée.
En 1642, Abel Tasman quitta l’île Maurice, ainsi nommée en l’honneur du Stathouder (gouverneur) Maurice de Nassau, et le 24 novembre, découvrit la Tasmanie. La même année, il découvrit la Nouvelle Zélande et en 1643 l’archipel des Fidji. La même année, en 1643, Martin Gerritz de Vries, fut le premier Européen à visiter l’île Sakhaline et les îles Kouriles, au nord du Japon.
Cette série d’explorations se poursuivra au XVIIIe siècle avec la découverte par Jakob Roggeveen de l'île de Pâques le 5 avril 1722 et des Samoa le 14 juin de la même année.
Un « empire » à deux visages
L’empire colonial des Provinces-Unies se démarque de ses rivaux espagnol, portugais, anglais et français sur plusieurs aspects. Contrairement à leurs concurrents, les Hollandais agissent de façon purement commerciale, sans véritable projet politique.
Ils ne cherchent ni à convertir les populations indigènes, ni à conquérir de vastes terres pour y fonder des colonies de peuplement, à l’exception de la colonie du Cap, fondée le 5 avril 1672, et de l’éphémère Nouvelle-Amsterdam. En termes de structure administrative, la longue chaîne de colonies hollandaises le long des côtes d'Asie, d'Afrique et d'Amérique était quelque chose entre une diaspora commerciale et un empire territorial.
Une autre particularité de cet empire est d’avoir été entièrement mis en œuvre et administré par deux compagnies à charte : la Compagnie des Indes orientales (VOC) et la Compagnie des Indes occidentales (GWC).
La Compagnie des Indes orientales (VOC) à la conquête des épices asiatiques
La première de ces deux compagnies à voir le jour est la Compagnies des Indes Orientales (Vereenigde Oostindische Compagnie), fondée le 20 mars 1602 par la consolidation de plusieurs compagnies commerciales rivales qui existaient depuis 1594. Son statut lui confère non seulement le droit de faire du commerce en Asie mais aussi de faire la guerre, négocier la paix et établir des colonies, en totale autonomie.
En 1610, la VOC prend pied à Batavia (actuelle Jakarta), sur l’île de Java, où elle installe son siège. En quelques années, les Néerlandais vont déposséder les Portugais de leurs comptoirs de Malacca (Malaisie), des Moluques (Indonésie) et de Ceylan (Sri Lanka) pour y installer les leurs et mettre ainsi la main sur les principaux réseaux commerciaux asiatiques. C’est la VOC qui fonde en 1652 la colonie sud-africaine du Cap, afin de servir d’étape lors des voyages Europe-Asie, pour le ravitaillement des navires.
La compagnie obtient un monopole sur le commerce de certaines épices comme la noix de muscade, utilisée pour la conservation de la viande, et la cannelle, lui assurant des bénéfices substantiels. La majeure partie de la production provient des « îles à épices » des Moluques, à l’extrême est de l’Indonésie.
La VOC fait également le commerce de la soie, de la porcelaine, de la laque japonaise, du thé, du café et du coton. La VOC ne se soucie pas de cultiver elle-même le café et les épices. Elle s’en remet pour cela aux élites dirigeantes javanaises de Bandung et des environs.
La vocation commerciale de la VOC ne doit pas cacher néanmoins sa brutalité. Par exemple, en 1621, lors de la conquête des îles Banda, en Indonésie, dirigée par l'officier VOC Jan Pieterszoon Coen, la quasi-totalité de la population a été tuée par les forces néerlandaises. Certains Indonésiens ont également été déportés vers la capitale de l'époque, Batavia, pour servir d’esclaves.
Au Japon, les marchands hollandais sont les seuls Occidentaux autorisés à commercer par le shogun (maire du palais) car, à la différence des Portugais, ils ne se soucient pas de convertir les élites au christianisme. C’est ainsi qu’ils introduisent dans l’archipel nippon le café, le chou, les tomates, la bière ou encore le billard.
Le succès de la compagnie est si important qu’en 1650, ses actions se vendent à près de cinq fois leur valeur d'origine. Premier employeur privé des Pays-Bas avec 25000 personnes en 1750, la VOC décline à partir du XVIIIe siècle. Sa mauvaise gestion associée à une corruption endémique entraînera sa faillite en 1799, peu après l’invasion française des Pays-Bas.
La Compagnie des Indes occidentales (GWC) et le commerce transatlantique
De manière assez surprenante, le premier produit qui fut transporté massivement entre le Nouveau Monde et la Hollande ne fut pas le tabac, le sucre ou le coton, mais le sel, principalement pour des raisons politiques plutôt que commerciales. Le sel était un conservateur largement utilisé et une source importante de sel était Setúbal au Portugal, où de grandes quantités de sel de mer étaient extraites. Vers la fin du XVIe siècle, le roi d'Espagne décida de fermer les ports espagnols et portugais aux navires du nord des Pays-Bas, ce qui mit fin aux approvisionnements en sel de Setúbal.
La Compagnie des Indes Occidentales (Geoctroyeerde Westindische Compagnie) est créée en 1621 par des marchands d’Amsterdam opposés au monopole de la VOC et désireux d’atteindre l’Asie sans passer par ses routes commerciales. Plusieurs directeurs de la VOC n’en investirent pas moins dans la nouvelle Compagnie.
Dans le Nouveau Monde, la GWC entreprend une forme de colonisation plus traditionnelle en cherchant à spécialiser des territoires dans la production de denrées alimentaires, notamment le sucre, et en faisant appel à des esclaves africains. En 1624, les Provinces-Unies tentent de s’implanter dans le nord-est du Brésil. L’expérience de la Nouvelle-Hollande brésilienne s’avère rapidement un échec et les Hollandais sont chassés du territoire par les Portugais et doivent se replier sur le Surinam (Guyane) ainsi qu’aux Antilles.
Leur expulsion du Brésil eut une conséquence majeure dans l'histoire des Antilles où ils développèrent la culture de la canne à sucre. C’est pourquoi par exemple on trouve de nombreux moulin à vent pour broyer la canne en Guadeloupe et en Martinique. Les économies des Antilles néerlandaises (Saint-Martin, Saba, Saint-Eustache, Aruba, Bonaire et Curaçao) seront surtout basées la contrebande de marchandises et d'esclaves.
Saint-Eustache illustre la mentalité mercantile néerlandaise de l’époque. En effet, cette petite île de 25 km2 devint la plaque tournante de tout le commerce interlope avec les Antilles françaises et anglaises, sans respect des monopoles ou du droit de pavillon. En 1779, elle exportait 24 millions de livres de sucre, 9 millions de livre de café et 13 millions de livres de tabac, bien plus que sa petite surface cultivable ne permettait de produire. Elle permit aussi aux Treize Colonies américaines de s'approvisionner en armes au moment de leur indépendance.
Parallèlement, on l’a vu, les Hollandais s’établirent en Amérique du Nord, entre la Virginie et la Nouvelle-Angleterre. Cette colonie nommée Nouvelle-Néerlande et dont la tête de pont est la Nouvelle-Amsterdam, ne dépassa pas les 9000 habitants. Elle fut conquise par les Britanniques en 1664 et rebaptisée New York.
Les déconvenues américaines des Pays-Bas s’expliquent d’abord par leur faiblesse démographique. Peuplées d’à peine 2 millions d’âmes, les Provinces-Unies étaient loin de pouvoir rivaliser en termes d’émigration de masse avec la France, l’Angleterre et l’Espagne.
Ne connaissant pas le succès de son équivalent oriental, la GWC fut dissoute en 1675. Reconstituée l’année suivante, elle perdit la plupart de ses possessions au profit de la Grande-Bretagne, l’État néerlandais n'étant pas disposé à financer de façon permanente son administration et sa défense. Elle disparut elle aussi à la fin du XVIIIe siècle.
Mutation et fin de l’empire néerlandais
À l’issue des guerres napoléoniennes, les Pays-Bas ont dû céder leur colonie du Cap au Royaume-Uni. En 1824, avec le traité anglo-néerlandais, ils cèdent Malacca et leurs bases en Inde. En 1871, enfin, toutes les possessions néerlandaises de la Gold Coast (Afrique) ont été vendues à la Grande-Bretagne.
Cependant, au XIXe siècle, il n’est plus anachronique de parler d’empire car la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales ayant été dissoute en 1791, ses colonies du Surinam et des Antilles ont été placées sous la tutelle directe de la monarchie. Les Pays-Bas n’y aboliront l’esclavage qu’en 1863, longtemps après le Royaume-Uni et la France, ce qui témoigne de l’approche brutale de la question coloniale par le gouvernement néerlandais.
En Asie, les colonies de la VOC sont nationalisées en 1800 sous le nom d'Indes orientales néerlandaises. Craignant l’immixtion d’autres puissances dans leur pré-carré indonésien, les Hollandais étendent leur contrôle sur le territoire javanais, provoquant entre 1825 et 1830 une guerre extrêmement meurtrière.
De même en Asie, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales en faillite ayant été dissoute le 1er janvier 1800, ses possessions territoriales ont été nationalisées sous le nom d'Indes orientales néerlandaises. Le gouvernement a entrepris dès lors de soumettre l’ensemble de l’archipel au prix d’expéditions militaires brutales. Après la « pacification » de Java, ce fut le tour de Sumatra, Bornéo et des autres îles de l'archipel indonésien. La conquête définitive de toute l’Indonésie ne s’achèvera qu’au début du XXe siècle.
En 1942, l’archipel tombe aux mains des Japonais. Au lendemain de la capitulation nippone, l’indépendance de l’Indonésie est proclamée. Il faudra quatre ans de guerre et près de 100 000 morts civiles et militaires, pour qu’Amsterdam reconnaisse la fin de sa souveraineté sur l’île.
Après l’indépendance du Surinam en 1974, le reliquat de l’empire hollandais se limite à six îles des Antilles : Curaçao, Aruba, Sint Maarten, Bonaire, Saint-Eustache et Saba. Les trois premières disposent de leur propre gouvernement et d’une certaine forme d’autonomie. Les trois autres ont le statut de municipalités ordinaires et sont soumises aux lois néerlandaises.
Les Pays-Bas ont tourné la page de l’épopée coloniale. Celle-ci reste néanmoins très perceptible dans le pays comme l’attestent les importantes diasporas originaires des Antilles, de Surinam et d’Indonésie… ainsi que la popularité du « Rijsttafel », plat typique indonésien. Les exploits des navigateurs hollandais, tant des marchands que des combattants, sont quant à eux à découvrir dans le magnifique Musée maritime d’Amsterdam.
• 20 août 1672 : mort tragique de Jan de Witt
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible