1273 à 1918

Le destin romanesque des Habsbourg

Quel pays est plus romanesque que l'Autriche, devenue en 1867 Autriche-Hongrie ? Son histoire se confond avec une famille qui possédait en Suisse le château de Habsbourg.

Les premiers domaines des Habsbourg

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L'histoire des Habsbourg, l'une des familles européennes les plus prestigieuses, commence dans une citadelle d'Argovie (Suisse actuelle), Habichtsburg. La famille s'implante dans le bassin du Danube suite à la victoire du duc Rodolphe sur le roi de Bohème, en 1278. C'est le début d'une ascension (presque) irrésistible...

Le château des autours

Tout commence vers 1020 quand un guerrier originaire d'Alsace, Werner Ier, élève près de Brugg, en Argovie (Suisse actuelle), une citadelle joliment baptisée Habichtsburg, ce qui veut dire : « le château des autours » (les autours sont de petits rapaces). Le mot sera plus tard déformé en Habsburg (en français Habsbourg).

Par une succession de mariages, d'héritages, d'achats et de coups de main, les Habsbourg étendent leur domaine à une grande partie de la Suisse actuelle.

Né le 1er mai 1218, un héritier énergique du nom de Rodolphe profite de l'anarchie dans laquelle baigne l'Allemagne après la mort de l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen (le Grand Interrègne) pour se faire à son tour élire roi de Germanie et titulaire du Saint Empire le 1er octobre 1273 sous le nom de Rodolphe Ier.

Quelques années plus tard, il combat l'indiscipliné roi de Bohème Ottokar II. Il le vainc et le tue à la bataille du Marchfeld le le 26 août 1278, ce qui lui permet d'étendre ses possessions vers le Danube. Ainsi acquiert-il la Carinthie, la Styrie, la Carniole et le duché d'Autriche (Österreich ou royaume de l'Est en allemand) dont la capitale, Vienne, connaîtra avec les Habsbourg le prodigieux destin que l'on sait.

Cependant, cette expansion coûte cher à l'empereur et plus encore à ses sujets. Pressurés d'impôts, les montagnards et les bourgeois du lac des Quatre-Cantons ne tardent pas à se soulever contre Rodolphe et ses successeurs. En luttant contre ces montagnards, dont le légendaire Guillaume Tell, ces derniers perdront leurs domaines suisses, y compris leur château éponyme.

Gai, gai, marions-nous

La chance sourit aux Habsbourg à l'aube de la Renaissance. Les grands électeurs allemands ne choisissent plus que des membres de leur famille pour représenter le Saint Empire romain germanique avec le titre prestigieux, mais purement honorifique, d'empereur allemand.

Né le 22 mars 1459, Maximilien Ier enrichit sa lignée par de judicieux mariages et de beaux héritages, à commencer par celui du duc de Bourgogne Charles le Téméraire, ceux des Rois Catholiques d'Espagne et celui du roi de Hongrie :
« Bella gerant alii, tu felix Austria, nube,
Nam quae Mars aliis, dat tibi regna Venus »
(en latin)
« Que les autres fassent la guerre, toi, heureuse Autriche, contracte des mariages,
Car les royaumes que Mars donne aux autres, c'est Vénus qui te les assure »
(traduction).

Charles Quint jeune, par Bernaerd von Orley Résultat : son petit-fils et successeur Charles Quint se retrouve à la tête de possessions héréditaires dispersées sur tous les continents (c'est l'époque des premiers empires coloniaux).

Par sa position centrale au coeur de l'Europe, il se pose en rival du roi de France, François Ier, comme du sultan Soliman le Magnifique. Sa capitale, Vienne, est même assiégée par les Turcs.

Après Charles Quint, une branche de la famille reçoit l'Espagne, ses colonies et les Pays-Bas ; une autre, les domaines héréditaires d'Europe centrale regroupés autour de Vienne : archiduché d'Autriche, royaumes de Bohème et de Hongrie etc.

Face aux protestants du Nord et aux Turcs musulmans, les Habsbourg se font les champions du catholicisme. Mais, battus par les princes protestants alliés aux Suédois et aux Français, au terme de la dramatique guerre de Trente Ans, ils doivent renoncer à leur prétention à dominer le monde allemand.

Mais qu'importe la suprématie des armes ! Artistes, architectes et musiciens vont développer à Vienne comme à Anvers (Flandre), autour de l'art baroque, une civilisation aimable qui respire l'optimisme et l'exubérance...

AEIOU 

Frédéric III de Habsbourg, élu empereur d'Allemagne en 1440, se montra incapable de réfréner les ambitions du duc de Bourgogne Charles le Téméraire et du roi de Hongrie Matthias Corvin. Mais il prépara la grandeur de la maison des Habsbourg en mariant son fils Maximilien Ier à Marie de Bourgogne.

Cet empereur inconsistant serait à l'origine de la devise vaniteuse autant que pittoresque de l'Autriche : AEIOU. Le sigle peut se lire en latin : Austria Est Imperare Orbi Universo (Il appartient à l'Autriche de régner sur l'Univers) comme en allemand : Alles Erdreich Ist Österreich Untertan (Tout ce qui est terrestre est soumis à l'Autriche).

Un empire fragile et convoité

Prince Eugène en guerre contre les Turcs, par J. van Schuppen (Galleria Sabauda, Turin)Vienne repousse en 1683 une ultime attaque des Turcs et dès lors, à la suite des exploits du prince Eugène, va tourner ses ambitions vers le bassin du Danube et les Balkans.

Cette époque est celle de la « Vienna gloriosa ».

La guerre de Succession d'Autriche (1740-1748) et celle de Sept Ans (1756-1763) entament à peine cette prospérité grâce à la force de caractère de l'impératrice Marie-Thérèse.

Mal inspiré, le fils et successeur de celle-ci, Joseph II, mène une politique « progressiste » et anticléricale, prélude aux débordements de la Révolution française.

Le XIXe siècle est celui des doutes. Les Habsbourg se tirent convenablement de la tourmente napoléonienne à laquelle ils ont sacrifié une archiduchesse, Marie-Louise.

L'Autriche, puissance danubienne

Napoléon Ier a substitué au Saint Empire romain germanique un empire d'Autriche constitué des seuls États héréditaires des Habsbourg de Vienne. Ce faisant, il a réveillé le nationalisme allemand. Désormais se pose la question de l'identité autrichienne : membre de plein droit de la future Allemagne unifiée ou état multiculturel à vocation danubienne et balkanique ? Le Prussien Bismarck, usant de brutalité, va forcer le jeune empereur François-Joseph dans la deuxième voie.

Le baiser (détail), par Gustav Klimt Exclu de l'Allemagne en gestation par la cruelle défaite de Sadowa, François-Joseph transforme son empire en une double monarchie, l'Autriche-Hongrie, constituée de deux États autonomes et soumis à un même souverain : l'empire d'Autriche proprement dit et le royaume de Hongrie.

Les minorités (Tchèques, Roumains, Polonais, Italiens, Croates...) protestent pour la forme mais s'accommodent d'un système qui leur assure la prospérité, une relative liberté et un extraordinaire rayonnement culturel.

La Grande Guerre (1914-1918) va avoir raison de cette construction aussi délicate et fragile qu'une créature du peintre Gustav Klimt. La romance des Habsbourg s'achève en tragédie. -

Fabienne Manière

Publié ou mis à jour le : 2019-10-19 18:30:18

Voir les 4 commentaires sur cet article

Bazile (23-10-2022 12:50:40)

concernant les Habsbourg en Alsace, dans le Sundgau pour être plus précis, voir l'étude de Philippe Nuss "Les Habsbourg en Alsace des origines à 1273" 542p; société d'Histoire du Sundgau, 2002. il est... Lire la suite

Goguin Jean-Paul (27-01-2015 20:28:10)

Je lis, en complément de votre article, l'ouvrage de Jean Béranger sur les Habsbourg. Les Fugger auraient avancés 1/2 millions de florins pour soudoyer les grands électeurs pour l'élection de Charles ... Lire la suite

JP LAFAILLE (17-02-2014 00:35:56)

L'article dit que l'histoire des Habsbourg commence en Argovie (Suisse actuelle) en 1278. En fait, cette histoire commence en Alsace avec Gontrand (Guntram) dit "le Riche", comte d'Alsace d... Lire la suite

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