De la haine du Juif

Un essai historique sur la Judéophobie

Pascal Ory (Bouquins, 162 pages, 18 euros,  2021)

De la haine du Juif

L’historien et académicien Pascal Ory nous raconte dans cet essai historique comment les juifs sont devenus au fil des siècles un objet de ressentiment et de haine. Il souligne en particulier la mutation de l’antijudaïsme religieux en antisémitisme racial (et athée).

C’est un célèbre opuscule du philosophe Jean-Paul Sartre : Réflexions sur la question juive (1946), qui  a inspiré son livre.

La « Question juive » (Judenfrage) apparaît de façon explicite en Allemagne au début du XIXe siècle pour signifier qu’il n’y a pas d’assimilation possible pour les juifs en raison de leur religion ou de leur race !

Pascal Ory s’élève en faux contre cette idée : « Il n’y a pas de question juive. Mais une question antijuive, oui, assurément ». Tout l’objet de son livre est de mettre en évidence la montée en puissance de cette haine du Juif.

« Judéophobie », dites-vous ?

La plupart des historiens conviennent de distinguer l’antijudaïsme médiéval, qui honnit la religion juive et ses pratiquants, de l’antisémitisme moderne, qui tient les Juifs pour un groupe racial ou une communauté nationale néfaste au reste de l’humanité.

Pour désigner de façon plus générale la haine des juifs, l’historien Pierre-André Taguieff a remis en selle en 2002 le terme « judéophobie » inventé en 1882 par le médecin polonais Léon Pinsker (Judophobie en allemand). Pascal Ory a souhaité le reprendre pour mieux souligner la continuité du phénomène tout au long des deux derniers millénaires : « Si l’on admet que, dans une échelle d’hostilité croissante, l’antisémite est au sommet puisqu’il enferme l’objet de son exécration dans une identité sans retour, alors que l’antijudaïque chrétien ou musulman lui ménage une porte de sortie [la conversion], on doit constater qu’il existe une gradation antijudaïque aggravée qui introduit une part de généalogie, où gît déjà la figure de l’appartenance fatale ».

L’ennui, c’est que le vocable judéophophie est tout aussi erroné que celui d’antisémitisme. Il se range dans la même famille lexicale que la xénophobie et le néologisme « islamophobie ». Ces mots forgés sur le suffixe grec phobos (« peur de ») signifient en toute rigueur « peur des étrangers » et « peur des musulmans » (ou « peur de l’islam »). De la même façon, la « judéophobie » désignerait la « peur des juifs » (ou « du judaïsme »). Faudrait-il en déduire que les nazis avaient simplement peur des juifs ?

Il y a plus grave : employer le mot « judéophobie » en lieu et place d’antisémitisme, c’est laisser entendre que les personnes accusées d’« islamophobie » parce qu’elles ont peur de l’immigration musulmane sont du même acabit que le terroriste « judéophobe » qui égorge un enfant juif ou les nazis qui ont commis la Shoah ; c’est mettre sur le même plan une opinion discutable et une idéologie satanique.

Pour ces raisons, nous ne suivrons pas Pascal Ory sur ce sujet et nous nous en tiendrons à la distinction commune entre antijudaïsme médiéval et antisémitisme racial. D'ailleurs, dans son survol des siècles, l’historien lui-même met en évidence, quoi qu’il en dise, la césure très forte entre les deux phénomènes. Il n'y a pas de continuité temporelle de l'un à l'autre, seulement des réminiscences mentales qui ont pu renforcer les antisémites des XIXe et XXe siècles dans leur haine. 


Voir : Les racines de l'antisémitisme

Publié ou mis à jour le : 30/10/2021 22:52:35

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