Le dictionnaire de l'Histoire

antisémitisme, antijudaïsme

• On appelle « antijudaïsme » les manifestations d'hostilité à l'égard des pratiquants du judaïsme, autrement dit les juifs. L'antijudaïsme se développe dans l'Église catholique, dont certains théologiens voient dans les juifs le  « peuple déicide » qui a mis le Christ en croix, et plus tard dans les populations musulmanes. Les juifs sont de ce fait confinés aux marges de la société, soumis à des vexations diverses : impôt spécial, interdictions professionnelles, port d'un signe distinctif...

Soulignons que les théologiens chrétiens du Moyen Âge voient leurs contemporains juifs comme les témoins vivants de la mort et de la résurrection de Jésus ; ils prônent leur conversion mais en aucune façon leur extermination en tant que groupe.

• Le mot « antisémitisme » apparaît quant à lui en mars 1879 dans un pamphlet intitulé : La victoire du judaïsme sur la germanité considérée d'un point de vue non confessionnel. Son auteur, Wilhelm Marr (1819-1904), le suggère en remplacement du mot Judenhaß qui désigne la haine des Juifs.

L'antisémitisme fait référence aux locuteurs des langues sémitiques, ainsi dénommées par les linguistes allemands du début du XIXe siècle. Ceux-ci ont identifié une origine commune aux langues hébraïque, arabe, araméenne, assyrienne et guèze (éthiopien ancien). En souvenir de la Bible, ils les ont rangées sous l'épithète sémitique. Le mot tire son origine de Sem. C'est l'un des trois fils de Noé avec Japhet et Cham, et c'est surtout l'ancêtre d'Abraham. Selon la Bible, Abraham engendra Ismaël avec sa servante Agar et Isaac avec son épouse Sara. Du premier descendraient les Arabes et du second les Hébreux ! 

Journaliste athée et anarchiste, député d'extrême-gauche au Parlement de Francfort en 1848, Wilhelm Marr fonde la même année, le 26 septembre 1879, la « Ligue antisémite »  (Antisemiten-Liga). Le 2 septembre 1879, le journal juif Allgemeine Zeitung des Judenthums révèle aussi son projet de créer un hebdomadaire antisémite («  antisemitische Wochenblatt  »).  Wilhelm Marr voit dans les juifs un groupe ethnique ou racial, un groupe cosmopolite voué au profit dont la famille multinationale des Rothschild est le symbole. Cette opinion va recueillir au milieu du XIXe siècle un large écho dans les cercles de gauche, en lien avec la révolution industrielle. Pierre-Joseph Proudhon, prophète de l'anarchisme, et Friedrich Engels, ami de Karl Marx, comptent avec Wilhelm Marr parmi les promoteurs de cet « antisémitisme de gauche ».

En employant le mot antisémitisme pour désigner la haine des juifs et d'eux seuls, Wilhelm Marr et ses émules commettent une double erreur : 1) ils assimilent une catégorie linguistique (les langues sémitiques) à une catégorie raciale, 2) ils réduisent les usagers des langues sémitiques aux juifs en oubliant les Phéniciens, les Arabes... Du fait de cette étymologie déficiente, le mot antisémitisme suscite une question récurrente : un arabophone qui hait les juifs peut-il être qualifié d'antisémite ? Le mot antijuif serait mieux adapté mais la tradition historique s'oppose à son emploi.

À la fin du XIXe siècle se développe un antisémitisme de droite qui voit dans les juifs apatrides les fossoyeurs de l'idée nationale. Son chef de file en France est Édouard Drumont (1844-1917). Il publie en 1886 La France juive (62 000 exemplaires vendus dès la 1ère année) et fonde en 1890 le journal La Libre Parole / La France aux Français. Antidreyfusard de la première heure, il est élu triomphalement député d'Alger en 1898.

Au XXe siècle, l'antisémitisme hitlérien va faire la synthèse de ces deux variantes de l'antisémitisme pour aboutir à l'horreur indicible de la Shoah. Les nazis voyaient les juifs comme un groupe dominateur qu'il importait d'éliminer, tandis qu'ils se contentaient de mépriser les autres populations, jugées inférieures et inoffensives : Slaves, Tziganes, asociaux, etc. Aujourd'hui encore, de ce fait, il est habituel de distinguer l'antisémitisme des autres formes de racisme, comme dans l’intitulé de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra, 1979).

Voir : L'antijudaïsme médiéval, de 610 à 1492

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