Vladimir le Grand (958 - 1015)

Le baptême orthodoxe de la Russie

Les Russes cultivent le souvenir de saint Vladimir, patron de la « Sainte Russie », mort le 15 juillet 1015, à 57 ans, après un règne de 35 ans. Ils attribuent à ce guerrier inflexible et aux moeurs cruelles le mérite d'avoir arraché son peuple au paganisme et de lui avoir imposé le baptême en 988 selon le rite orthodoxe grec.

Les chants épiques (bylines) le nomment joliment le « Soleil rouge » et l'Église russe en fait l'« Égal des Apôtres » !

André Larané

Une conception scandinave

Au IXe siècle, profitant de l'effacement des peuples de la steppe, les Slaves colonisent l'espace qui s'étend du golfe de Finlande à la mer Noire.  Ils vendent leurs productions, blé, le miel et les fourrures, aux marchands scandinaves qui suivent les grands fleuves, le Dniepr et la Volga vers le sud, le Volkhov, la Dvina ou encore le Niemen vers le nord.

C'est la « route de l'ambre » ou « route des Varègues », d'après le nom donné dans la région à ces marchands Scandinaves, Normands ou Vikings, qui nourrissent un commerce prospère avec Byzance.

L'un de ces marchands, Riurik (ou Rourik), prend vers 856 la direction de Novgorod, une ville d'étape proche de la Baltique. De lui vont descendre tous les futurs souverains de la Russie. Le nom même de celle-ci (Rous) dériverait de Varègue.

Oleg le Sage (888-912) reçoit la soumission des seigneurs de Kiev (chronique de Radziwill, XVe siècle)

Oleg le Sage

En 882, son beau-frère et successeur Oleg le Sage s'empare de Kiev, sur le cours supérieur du Dniepr, et y établit sa capitale. La Russie de Kiev prend la forme d'une fédération de principautés dont Oleg est le grand-prince.

Enrichie par le commerce entre Byzance et la Scandinavie, c'est une société relativement prospère au regard des critères de l'époque, tandis que l'Occident carolingien est ravagé par les invasions et les guerres privées. Sa population de paysans et de marchands est représentée par des assemblées locales, lesquelles font contrepoids à l'aristocratie de boyards (guerriers nobles).

La Chronique des temps passés, rédigée par des moines de Kiev au XIIe siècle, fait d'Oleg, personnage demi-légendaire, le fondateur de l'État russe. Il ose affronter l'empire byzantin et conclut avec lui un traité en bonne et due forme en 911, l'année précédent sa mort. Ainsi la Russie entre-t-elle dans l'Histoire.

Igor Ier, qui succède à Oleg, pourrait être le fils de Riourik. Il lutte contre les autres peuples des plaines, en particulier les Khazars, des nomades qui se seraient convertis au judaïsme, et les Bulgares de la Volga, des nomades d'origine turque, convertis, eux, à l'islam.

Igor de Kiev étant tué en 945, sa veuve exerce la régence au nom de leur fils Sviatoslav Ier.  Elle se convertit à l'orthodoxie lors d'une visite à Byzance en 955, auprès du basileus (empereur) Constantin VII Porphyrogénète. Cela lui vaut d'être la première sainte honorée par les Russes, sous le nom de sainte Olga. Elle est fêtée le 11 juillet. Ainsi le christianisme fait-il une entrée discrète à Kiev.

Vladimir, « fornicator immensus et crudellis »

Au pouvoir de 962 à sa mort, dix ans plus tard, Sviastoslav Ier dit le Brave reste quant à lui fidèle au paganisme. Il consolide la Russie kiévienne face aux Khazars et aux Bulgares, en entretenant une alliance avec les basileus Nicéphore Phocas et Jean Tzimiscès mais périt dans un affrontement avec d'autres nomades, les Petchenègues.

Le dieu slave du tonnerre Peroun (statuette en bois du Xe siècle)Avant sa mort, Sviastoslav le Brave a partagé ses domaines entre ses fils. Mais l'aîné Iaropolk, grand-prince de Kiev, ne tarde pas à partir en guerre contre son cadet Oleg, prince des Drevlianes. Il le tue et aussitôt se retourne contre le benjamin Vladimir, qui a reçu de son père le gouvernement de Novgorod. C'est la première des luttes fratricides qui vont caractériser l'Histoire russe.

Vladimir est le fils naturel d'une servante du défunt roi. Poursuivi par son demi-frère, il s'enfuit chez ses lointains cousins de Norvège. Pendant ce temps, Iaropolk réunit les principautés russes autour de Kiev et noue des contacts avec les Occidentaux, notamment l'empereur Otton Ier.

En 980, Vladimir revient à Novgorod à la tête d'une flotte varègue, décidé à en découdre avec son demi-frère. En quête d'alliances, il demande au prince Rogvolod de Polotsk la main de sa fille Rogneda mais celle-ci refuse avec hauteur d'épouser un bâtard. Qu'à cela n'y tienne, « Vladimir assiégea Polotsk, tua Rogvolod et ses deux fils, et prit sa fille pour femme », raconte la Chronique des temps passés !

Le futur saint se montre prêt à tout pour satisfaire son goût pour la gent féminine et ses excès lui vaudront d'être qualifié par un évêque occidental de « fornicator immensus et crudellis ». D'aucuns racontent que sous son règne, aucune femme jeune et jolie ne se hasardait à sortir dans la rue...

Après la reprise de Novgorod vient le tour de Kiev. Vladimir s'en empare et tue son demi-frère. Commence alors un long règne de 35 ans. 

Le grand-prince Vladimir jette les idoles païennes et le dieu Peroun dans le Dniepr (chronique de Radziwill, XVe siècle)

Vers le baptême

Vladimir le Grand entre en campagne contre les Polonais. C'est le début d'une longue série de guerres russo-polonaises jusqu'à nos jours...

En 987, voilà qu'il reçoit un appel à l'aide du basileus Basile II, qui doit faire face en Europe à une offensive des Bulgares et en Asie mineure à une sédition de Bardas Phokas. Le grand-prince de Kiev se voit flatté par sa demande mais sollicite en retour d'épouser la soeur de l'empereur, Anne Porphyrogénète (note).

Basile II, malgré sa répugnance, y consent et aussitôt, à l'été 988, Vladimir dépêche six mille hommes pour défaire les troupes de Bardas Phokas. Là-dessus, le basileus croit habile de revenir sur sa promesse. Vladimir lui déclare la guerre et s'empare de Cherson, capitale de la Crimée ou Chersonèse.

Une pièce d'or à l'effigie du grand-prince Vladimir 1erS'est-il souvenu de Rogvolod de Polotsk ? Toujours est-il que Basile II se ravise et accepte enfin le mariage, assorti d'une conversion de son futur gendre. On ne sait trop si le baptême a eu lieu à Cherson ou à Byzance.

Vladimir demande ensuite aux habitants de Kiev de recevoir à leur tour le baptême dans les eaux du Dniepr. Déjà en bonne partie christianisés, ils s'inclinent sans faire d'histoire. Le grand-prince a plus de difficultés avec les habitants de la capitale du Nord, Novgorod, restés attachés à leurs idoles païennes.

Peu avant, en 965, le prince polonais Miezzko Ier, adversaire de Vladimir, a renoncé au paganisme pour le catholicisme et l'allégeance à Rome. Ainsi les Slaves orientaux (Russes mais aussi Serbes et Bulgares) se séparent-ils des Slaves occidentaux (Polonais, Croates, Tchèques...) en choisissant de se tourner vers Byzance et l'orthodoxie plutôt que vers Rome et la catholicité...

La christianisation s'accompagne du choix de l'alphabet cyrillique et de la langue russe pour l'écriture des livres saints. C'en est fini du particularisme varègue.  

La Russie connaît son âge d'or sous le règne du fils de Vladimir et Rogneda, Iaroslav le Sage (1015-1054). Il dote Kiev et Novgorod de splendides églises dédiées à Sainte-Sophie. L'une de ses filles, Anne de Kiev, va épouser le roi capétien Henri Ier, petit-fils d'Hugues Capet. Deux autres de ses filles seront mariées l'une au roi de Hongrie, l'autre au roi de Norvège !

Renoncer à l'alcool et au porc ? Jamais !

La Chronique des temps passés raconte que le grand-prince Vladimir tenta dans un premier temps de raffermir le paganisme et notamment le culte du dieu du tonnerre Peroun. 

Puis, en 986, soucieux de faire le bon choix, il aurait  réuni des théologiens des quatre religions monothéistes, le judaïsme, le catholicisme romain, l'orthodoxie et l'islam. Il aurait renoncé à ce dernier en raison de l'interdiction d'alcool et de porc, tout en regrettant son paradis plein de vierges.

Il aurait enfin été séduit par la liturgie magnificente et joyeuse des orthodoxes.

L'anecdote est belle... mais peu vraisemblable, car le choix de l'orthodoxie s'imposait de toute façon à lui du fait du contexte géopolitique et du début de christianisation de la région de Kiev.

Publié ou mis à jour le : 2020-07-07 08:50:20

Voir les 5 commentaires sur cet article

Alain (26-12-2017 10:12:07)

Je suis presque consterné par la référence à DSK tout à fait déplacée

Erik (20-07-2015 12:46:23)

Je l'aurais plutôt comparé au "beau modèle" de plus d'un milliard de fidèles qui se reconnaîtront, tel qu'il a été décrit par ses chroniqueurs et compagnons. Un type qui aurait, entre-autres d... Lire la suite

Fred (15-07-2015 23:32:42)

La référence á DSK m'a bien fait rire, mais oui, c'est pour le moins hors sujet et plutôt maladroit.

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