Au coeur de l'Allemagne, Nuremberg (Nürnberg en allemand) est aujourd'hui une ville attrayante d'un demi-million d'habitants. Ses quartiers médiévaux et de la Renaissance, magnifiquement restaurés, ne gardent plus trace des bombardements de la Seconde Guerre mondiale.
Si le nom de la cité est associé au procès du nazisme, on ne saurait oublier que Nuremberg fut aussi au Moyen Âge l'une des capitales du Saint Empire et le cœur vivant de l'Allemagne des marchands et des artistes. D'ailleurs, on peut encore se recueillir sur la tombe - toujours très fleurie - du plus célèbre de ses enfants, le peintre Albrecht Dürer.
Une cité impériale
Nuremberg est aujourd'hui la capitale de la Franconie, l'une des sept circonscriptions du Land de Bavière.
La ville s'est développée autour d'une forteresse royale mentionnée pour la première fois en 1050 et sans doute érigée à l'initiative de l'empereur Henri III, de la dynastie salienne. La forteresse est située sur une éminence qui domine un cours d'eau, la Pegnitz.
Les empereurs de la maison des Hohenstaufen, Conrad III et Frédéric Barberousse, apprécient de séjourner en ce lieu. Ils agrandissent le complexe castral et y établissent un burgraviat, autrement dit un commandement militaire. Ce burgraviat est confié en 1191 au comte Frédéric 1er de Hohenzollern, dont la famille allait tenir un rôle majeur dans l'Histoire de la Prusse et de l'Allemagne.
Par sa situation privilégiée au cœur de l'Allemagne et des grandes routes européennes, la ville connaît dès le XIIIe siècle un essor rapide. Elle devient une place financière et un centre métallurgique important qui attire les armuriers et les orfèvres de toute l'Allemagne et même de plus loin, comme le père d'Albrecht Dürer, un orfèvre venu de Hongrie.
Nuremberg se spécialise aussi dans la fabrication de jouets et demeure l'un des principaux centres mondiaux de cette activité !
La ville entre dans l'Histoire en 1211 à la faveur des querelles de succession à la tête du Saint Empire. Cette année-là, la noblesse du sud de l'Allemagne se réunit en diète à Nuremberg et élit roi de Germanie le petit-fils de l'empereur Frédéric Barberousse : Frédéric-Roger de Hohenstaufen, plus tard connu sous le nom de Frédéric II.
La bourgeoisie de la ville, qui ne supporte pas l'arbitraire du burgrave, en profite pour demander au nouveau souverain une charte municipale. Cette Große Freiheitsbrief (« grande lettre de liberté ») lui est accordée l'année suivante par Frédéric II. Elle fait de Nuremberg une ville impériale, quasiment indépendante.
Les conflits entre la commune et les Hohenzollern vont néanmoins perdurer jusqu'au milieu du XVIe siècle et parfois déboucher sur des affrontements armés.
En attendant, la ville s'est trouvé un puissant bienfaiteur en la personne de l'empereur Charles IV de Luxembourg, un seigneur de culture française par ailleurs roi de Bohème. Il a succédé à son père Jean de Luxembourg après que ce dernier a trouvé la mort à Crécy, en 1346, aux côtés des chevaliers français.
Charles IV, à la différence de ses prédécesseurs, se désintéresse des affaires italiennes. Il n'a d'yeux que pour Prague, qu'il va doter d'une Université et dont un célèbre pont sur la Moldau conserve le nom : le pont Charles.
Mais comme son prédécesseur Louis IV de Bavière, l'empereur apprécie aussi Nuremberg. Pour la doter d'une grande place de marché, il fait raser le quartier juif en 1349, au prix de plusieurs centaines de victimes.
C'est surtout dans cette ville qu'il réunit les états généraux de l'Allemagne, autrement la Diète. Le 10 janvier 1356, dans l’église Saint-Laurent, il promulgue devant les représentants de l'Empire la « Bulle d'or », premier texte constitutionnel du Saint Empire.
Désormais, sur une décision de Charles, tout nouvel empereur sera invité à réunir sa première Diète à Nuremberg. La ville va devenir l'une des trois « capitales » du Saint Empire avec Francfort, où sont élus les nouveaux empereurs, et Aix-la-Chapelle, où ils sont couronnés.
La fin du Moyen Âge est pour la ville une période faste. Les empereurs, quand ils y résident, délaissent le château pour les maisons patriciennes de la ville basse. La municipalité se dote pour sa part, dès 1340 d'un somptueux hôtel de ville.
C'est à Nuremberg que naît le 14 février 1368 Sigismond de Luxembourg, fils de l'empereur Charles IV. Roi de Hongrie par son mariage avec la fille et héritière de Louis 1er d'Anjou, il essuie une cuisante défaite face aux Turcs à Nicopolis en 1396.
En 1410, à la mort de l'empereur Robert de Palatinat, il concourt pour le titre impérial dont son demi-frère Venceslas avait hérité en 1378 à la mort de leur père mais qu'il avait perdu pour incompétence au profit de Robert 1er.
Sigismond est couronné à Aix-la-Chapelle en 1414 et, pour récompenser de son soutien le burgrave de Nuremberg, Frédéric VI de Hohenzollern, il lui cède la marche de Brandebourg, berceau de la Prusse future. C'est le début de l'ascension des Hohenzollern jusqu'à la catastrophe de 1918.
En 1420, Nuremberg essuie une attaque de Louis VII de Bavière-Ingolstadt qui brûle le château des Burgraves. Ce qui reste du complexe castral est confié à la municipalité par l'empereur Sigismond en 1422. Largement détruit par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, il a été depuis lors magnifiquement restauré et ouvert à la visite.
Last but not least, l'empereur confie le 29 septembre 1423 à Nuremberg la garde des regalia impériales, couronne et joyaux utilisés pour le sacre de chaque empereur. Ils y resteront jusqu'en 1796.
L'empereur Charles Quint va se détourner de la ville au début du XVIe siècle, d'autant que celle-ci aura le mauvais goût de se rallier à la Réforme luthérienne en 1524.
Une bourgeoisie inspirée
Forte de la bienveillance impériale et bien située au carrefour qui relient la Baltique à la Méditerranée, Nuremberg figure au Moyen Âge et jusqu'à la Renaissance parmi les plus importantes cités d'Allemagne. En témoignent ses fortifications, émaillées de soixante-sept tours encore pratiquement intactes.
Ses marchands, riches de leurs contacts avec l'ensemble de l'Europe, se passionnent pour les arts et font venir de partout artisans et artistes, parmi lesquels le père d'Albrecht Dürer.
Le futur peintre naît en 1471 dans une grande maison que l'on peut encore visiter, au pied du château impérial. C'est là aussi qu'il passera les vingt dernières années de sa vie.
Il est enterré dans le cimetière Saint-Jean et sa tombe, simple et austère, est régulièrement fleurie comme les autres tombes de ce majestueux cimetière dont la fondation remonte à la Grande Peste (XIVe siècle).
Les rejetons des familles aisées de la ville vont étudier par-delà les frontières et en rapportent les idées nouvelles de la Renaissance.
Dans leurs rangs émerge la corporation des Meistersinger (« maîtres-chanteurs »), poètes et musiciens à l'origine de la poésie allemande.
Leur plus célèbre représentant est le fils d'un cordonnier, Hans Sachs (1494-1576). Le géographe et navigateur Martin Behaïm, lui aussi né à Nuremberg, va bouleverser notre vision du monde en créant le premier globe terrestre en 1492 !
Il va de soi que l'imprimerie, inventée dans les années 1450 à Mayence par Gutenberg, est accueillie avec passion à Nuremberg où se mêlent déjà travail de la gravure et foisonnement intellectuel.
Dürer, dont le parrain était un important imprimeur-éditeur, en tire parti pour la duplication des gravures qui feront sa réputation dans toute l'Allemagne et au-delà. Un peu plus tard, en 1543, c'est à Nuremberg, chez un imprimeur luthérien, que le chanoine polonais Nicolas Copernic fera imprimer, à la veille de sa mort, son sulfureux traité d'astronomie.
Automne paisible
Pénalisée par la découverte du Nouveau Monde et meurtrie par la guerre de Trente Ans, Nuremberg entre au milieu du XVIe siècle dans un demi-sommeil.
Elle perd son indépendance en 1806, avec la création par Napoléon de la Confédération du Rhin, et se voit attribuée au royaume de Bavière. Sa bourgeoisie conserve néanmoins l'esprit d'entreprise et elle ouvre entre Nuremberg et Fürth la première ligne ferroviaire allemande en 1835.
Le passé prestigieux de la ville fait l'objet de toutes les attentions à la fin du XIXe siècle, en corrélation avec le développement de la science historique et des idéologies nationales.
Hans Sachs et Les Maîtres-chanteurs de Nuremberg inspirent un célèbre opéra à Richard Wagner en 1882.
L'empereur Guillaume II se flatte quant à lui de reprendre le château de ses lointains et il lui arrive de signer en qualité de Burgrave de Nuremberg !
L'hiver nazi
Pour des raisons moins sentimentales que pratiques, parce que située au centre de l'Allemagne moderne et bien reliée par le train et la route à toutes les régions du pays, Nuremberg est choisie par Hitler pour accueillir les réunions annuelles du parti nazi à partir de 1926, les premières ayant eu lieu à Munich (27-29 janvier 1923) puis à Weimar (3-4 avril 1926).
Le premier rassemblement nazi qui suit la prise de pouvoir de Hitler, dit « de la Victoire », se tient du 31 août au 3 septembre 1933. Le suivant, du 4 au 10 septembre 1933, est appelé le « rassemblement de la Volonté ». Le clou en est la présentation du film de propagande : Le triomphe de la Volonté par la cinéaste Leni Riefenstahl. Le « rassemblement de la Liberté », du 10 au 16 septembre 1935, évoque la reconquête par l’Allemagne du droit de s’armer. Il reste surtout tristement célèbre par l’annonce des premières grandes lois antisémites du régime.
Le site choisi par Hitler pour les grands-messes nazies est un terrain utilisé par le comte Zeppelin à partir de 1909 pour l’atterrissage de ses fameux dirigeables. Sur le « champ Zeppelin », vaste de 1 500 hectares, Albert Speer, architecte de Hitler, conçoit un immense complexe à la gloire du parti. Le clou en est la tribune. Cette « Zeppelintribüne », avec sa colonnade et ses escaliers, est plus ou moins inspirée du temple grec de Pergame, conservé à Berlin. C’est une construction massive dans le goût des régimes totalitaires de l’époque. Hitler a voulu qu’elle surpasse en dimensions et en capacité la tribune construite à Rome par son rival et néanmoins allié Mussolini.
De fait, la « Zeppelintribüne » est prévue pour accueillir jusqu’à 400 000 personnes, dont 200 000 spectateurs. Elle se prête à une scénographie pompeuse conçue pour impressionner les foules : marches aux flambeaux, vasques enflammées, projecteurs… Les troupes de la Wehrmacht, mais aussi les membres du Service du Travail allemand (Reichsarbeitsdienst) s’y produisent régulièrement.
À la fin de la guerre, après leur entrée dans la ville, les troupes américaines organisent le 22 avril 1945 à cet endroit un défilé de la victoire et le concluent en faisant exploser l’énorme croix gammée qui surplombait la tribune du Führer. Les restes du monument, en très mauvais état, ont été classés par l’Union européenne. Le site, desservi par la gare Frankenstadion, sert aujourd’hui à des manifestations commerciales et sportives des plus pacifiques.
En 1946, les Alliés décident de juger les criminels nazis dans cette ville hautement symbolique. Ils débloquent à la hâte dix millions de deutschemarks pour restaurer tant bien que mal l'ancien palais de justice afin que s'y tiennent les procès.
Timide printemps
Détruit à 99% par les bombardements aériens de la guerre, le centre historique de la cité impériale a été reconstruit à l'identique une fois la paix revenue.
Il fait aujourd'hui le bonheur des habitants et des touristes, qui peuvent parcourir toute l'Histoire allemande à travers ses ruelles et ses places, ainsi que dans son très beau musée historique.
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Voir les 4 commentaires sur cet article
kourdane (26-02-2018 19:55:06)
la Franconie est une région à visiter,Nurnberg est une ville fort agréable
HANUS (24-01-2018 11:09:24)
Article qui remet bien l'histoire de Nuremberg dans sa véritable histoire méconnue des français en général. Merci
Gugu (21-01-2018 20:51:08)
Merci pour ce rapide historique qui donne bien envie d'aller visiter cette métropole régionale.