Au milieu du Moyen Âge, les papes avaient acquis une grande autorité morale et spirituelle sur la chrétienté occidentale et l'Église catholique. Ils pouvaient faire plier les rois et les empereurs, décréter des croisades, redresser les moeurs... Mais leur autorité est contestée au XIVe siècle par la conjugaison des crises sociales, politiques et spirituelles.
Au siècle suivant, le souverain pontife apparaît comme un prince italien parmi d'autres. Il a autorité sur un immense domaine au centre de la péninsule, les États pontificaux. À cette puissance temporelle s'ajoute la richesse. La ferveur des fidèles lui permet en effet de collecter des fonds en abondance. Mûs par l'appétit de puissance et la volonté d'en remontrer à leurs voisins, les papes de la Renaissance se conduisent en mécènes jouissifs, tout en respectant généralement dans la forme leurs devoirs religieux. Au regard des catholiques du monde entier, ils ne sont guère plus que l'évêque de Rome...
À partir du XVe siècle, Rome est reconstruite par les papes, désormais le plus souvent italiens. Ils ambitionnent d'en faire la capitale du monde. Son universalisme peut se déployer sur une échelle sans précédent à la suite des Grandes Découvertes : en Amérique bien sûr, mais aussi en Asie, où les jésuites débarquent dans le sillage des Portugais.
Les chrétiens du nord se scandalisent de leurs excès. L’Europe se coupe en deux au moment même où le catholicisme s’exporte vers d’autres continents. Malgré l’éclat retrouvé de la Rome baroque, la papauté va s’enfermer aux siècles suivants dans le refus des Lumières et devenir selon beaucoup un obstacle au progrès...
Du Grand Schisme à la Renaissance
Le Grand Schisme d'Occident réduit à néant le respect dû à l'évêque de Rome (le pape). La réalité du pouvoir tend à passer aux cardinaux, présents dans les conclaves et la Curie (le gouvernement de l'Église), ainsi qu'aux évêques et abbés, réunis dans les conciles.
Sur les bords du lac de Constance, le 11 novembre 1417, le conclave porte sur le trône de Saint Pierre un noble romain honnête et pieux sous le nom de Martin V. Il refait patiemment l'unité de l'Église contre les cardinaux qui prétendent imposer la suprématie du concile sur le pape et contre les hérésies hussites.
À sa mort, lui succède le 3 mars 1431 un ancien ermite issu d'une grande famille vénitienne, Eugène IV. Puis, le 6 mars 1447, le pape Nicolas V.
Né Tommaso Parentucelli, c'est le fils d'un médecin romain. Diplomate habile, il obtient le retrait du dernier antipape, le Savoyard Félix V. Mais il échoue à briser la puissance des cardinaux et réformer l'Église (cette nécessaire réforme ne viendra qu'un siècle plus tard, avec le concile de Trente). À défaut de mieux, pensant bien faire, le pape s'engage comme les autres princes italiens dans un mécénat très actif en direction des humanistes et des artistes.
Avec ce pape, la papauté entre dans la Renaissance. À sa mort, le 24 mars 1455, voilà que reprennent plus que jamais les disputes entre les grandes familles de Rome, les Colonna et les Orsini. Les adversaires s'entendent sur un candidat de compromis de 77 ans, Espagnol de surcroît : Alfons de Borja i Llançol.
Le nouveau pape prend le nom de Calixte III. Vertueux et énergique, il tente une ultime croisade contre les Turcs et engage le procès en réhabilitation de Jeanne d'Arc.
Mais dans son désir de s'entourer d'hommes de confiance, il octroie à deux de ses neveux la barrette cardinalice. L'un d'eux, Rodrigue, deviendra à son tour pape sous le nom d'Alexandre VI.
Calixte III inaugure ce faisant une pratique qui sera beaucoup reprochée à lui-même et ses successeurs : le népotisme (d'un mot latin qui désigne un neveu).
À Calixte III, décédé le 6 août 1458, succède un humaniste d'origine siennoise sous le nom de Pie II. Le 15 août 1464 lui succède Paul II, neveu d'un précédent pape, en l'occurence Eugène IV. C'en est désormais bien fini de la papauté médiévale, autrefois tant redoutée des souverains séculiers.
Luxe, jouissance et volupté
Le premier des grands papes de la Renaissance est Francesco della Rovere, né le 21 juillet 1414 dans une famille modeste. Général de l'ordre des franciscains, il ceint la tiare pontificale le 9 août 1471 sous le nom de Sixte IV jusqu'à sa mort, le 12 août 1484. Soucieux par-dessus tout des intérêts de sa famille, il place ses quinze neveux à des fonctions prestigieuses et rémunératrices. Parmi eux, le futur Jules II...
Sixte IV intrigue contre ses puissants voisins, les Médicis de Florence. Comme ses successeurs, c'est aussi un brillant mécène et le véritable restaurateur de la cité romaine.
Son goût du faste coûtant cher, il développe le trafic des indulgences, qui sera fatal à l'unité de la catholicité. Lui-même, comme la plupart des autres papes de la Renaissance, est au demeurant irréprochable dans sa vie privée et sa conduite religieuse !
Son successeur, Innocent VIII, est un homme faible, incapable de maîtriser les penchants cupides et simoniaques des membres de la Curie.
Le nouveau pape monte sur le trône de saint Pierre en 1492, année mémorable entre toutes. Alexandre VI tente de faire de son fils César un prince d’Italie et utilise sa fille Lucrèce au service d’une politique d’alliances matrimoniales fluctuantes et hasardeuses.
En 1503, Pie III, lui-même neveu du pape Pie II (1458-1463), n'exerce le pontificat que 25 jours. Il est remplacé par Jules II, de son vrai nom Giuliano della Rovere, dont le nom demeure associé à Michel-Ange, son artiste préféré.
Grand rival des Borgia, le nouveau pape brise leur dynastie. César Borgia conclut sa vie d’aventure en 1508 et sert de modèle au Prince de Machiavel. Mais on oublie parfois de préciser que Lucrèce Borgia finira sa vie à Ferrare en 1519 en épouse dévouée, prenant sur son lit de mort l’habit de tertiaire franciscaine.
Jules II est avant tout un pape politique et militaire. Personnellement désintéressé, il va se comporter avant tout en souverain temporel, soucieux d'agrandir et de consolider les États pontificaux. D'humeur combattive, il fomente une coalition internationale contre les Français qui ont la prétention de se mêler des affaires italiennes.
C'est aussi un grand mécène. Il appelle Michel-Ange à Rome pour réaliser deux œuvres monumentales : construire un tombeau aux dimensions colossales et peindre le plafond de la chapelle Sixtine léguée par son oncle Sixte IV. Il ne reste de la première réalisation, restée inachevée, que la statue de Moïse.
Rome devient un spectacle : elle doit impressionner le monde entier avec ses fontaines, ses palais et ses fêtes, sans oublier les débordements du carnaval. Le pape fait détruire l’ancienne basilique constantinienne de Saint-Pierre par Bramante pour en reconstruire une nouvelle. La basilique Saint-Pierre de Rome, qui reste un immense chantier pendant tout le XVIe siècle, est construite grâce à la croissance exponentielle du trafic des indulgences, qui drainent notamment l’argent allemand.
Malgré ou à cause de ces politiques princières flamboyantes, la papauté se trouve plus que jamais menacée...
Léon X Médicis, second fils de Laurent le Magnifique et de Clarice Orsini, succède à Jules II en 1513.
Grand pape de la Renaissance, il participe lui aussi aux guerres d’Italie et surtout se trouve aux prises avec la Réforme luthérienne. Il l'affronte sans plus de succès que son successeur, le Hollandais Adrian Florisze, précepteur de Charles Quint et pape de 1521 à 1524 sous le nom d'Adrien VI.
Après le bref pontificat d'Adrien VI, un deuxième Médicis coiffe la tiare pontificale. Il s'agit d'un cousin de Léon X, Jules de Médicis (46 ans), fils naturel de Julien de Médicis. Il prend le nom de Clément VII. Pape de 1523 à 1534, il se signale avant tout comme chef politique.
Il forme une Sainte Ligue avec François 1er contre Charles Quint. Les troupes du très catholique empereur assiègent Rome en 1527 et pillent la ville. La fin de son pontificat est assombrie par le divorce du roi d'Angleterre Henri VIII et le schisme anglican.
Paul III Farnèse, qui lui succède à 67 ans, s'est hissé au premier rang de l'Église grâce à sa sœur Julie, maîtresse d'Alexandre VI. Ce prince de la Renaissance, lettré et jouisseur, se range sur la fin de sa vie, ce qui lui vaut d'être élu à l'unanimité à la fonction suprême à l'âge de 67 ans. Veuf, il ne manque pas de placer ses enfants.
Mais il convoque aussi en 1536 le concile de Trente, qui va réformer en profondeur l'Église catholique, et approuve, en 1540, la Compagnie de Jésus, fer de lance de la Contre-Réforme catholique. Les papes, dès lors, ne pourront plus impunément sacrifier au lucre et aux plaisirs de ce monde.
Raidissement intellectuel
Le monde catholique se raidit.
En 1542, Paul III institue l’Inquisition romaine. Le cardinal Carafa se distingue par son zèle durant cette période. Douze ans plus tard, devenu le pape Paul IV, il crée le premier ghetto romain. L'Index, première forme de censure, est publié en 1559.
Pie V (1566-1572) délie les sujets anglais de la reine Elizabeth 1ère de leur serment d’obéissance. Il offre aussi au Saint-Siège un succès diplomatique en organisant avec Venise et l'Espagne une « Sainte ligue » contre le sultan. Elle défait la flotte ottomane à Lépante en 1571 et donne un coup d'arrêt à l’expansion turque en Méditerranée.
Son successeur Grégoire XIII bénit le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572... L’Europe bascule dans des guerres religieuses qui dureront un siècle, jusqu’à la paix de Westphalie en 1648.
Dans le même temps, les idées nouvelles sont soupçonnées par principe. En 1600, Giordano Bruno est condamné au bûcher. Mais le symbole le plus connu du raidissement dogmatique de l'Église reste bien entendu Galilée, contraint de revenir sur ses affirmations au sujet du mouvement terrestre. Il s'agit d'un revirement brutal car les idées similaires de Copernic sur l’héliocentrisme circulaient déjà depuis plus d’un demi-siècle sans avoir été condamnées...
La papauté moderne entre tradition et ouverture
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unpair (03-03-2018 12:18:00)
Nombreuses erreurs factuelles, exemple il reste du tombeau de Jules II beaucoup plus que la seule statue de Moïse. Une vision d'ensemble très tronquée, la papauté de la renaissance provient pour ... Lire la suite