À la veille de la Révolution, Paris compte environ 550 000 habitants dans un royaume qui en compte, lui, 28 millions (ce qui en fait alors, et de loin, le pays le plus peuplé d'Europe).
Napoléon Ier reprend l'oeuvre de la monarchie avec l'ambition avouée de faire de Paris « la véritable capitale de l'Europe. » Les coalisés ne lui en laisseront pas le loisir. S'inscrivant dans le « Grand Dessein » monarchique, il érige l'arc de triomphe du Carrousel et entame la construction de l'Arc de triomphe de l'Étoile, qu'achèvera Louis-Philippe.
Il fait ériger la colonne Vendôme ou « colonne de la Grande Armée » sur le modèle de la colonne Trajane de Rome. Il entreprend la construction de la Bourse, fait jeter les ponts d'Austerlitz, de la Cité et d'Iéna, fait percer la rue de Rivoli, le long du Louvre, et la rue Napoléon, actuelle rue de la Paix. Il fait aussi creuser le canal de l'Ourcq et les canaux Saint-Martin et Saint-Denis. Enfin, il débarrasse les anciens ponts de Paris des maisons et échoppes qui occultent la vue sur le fleuve.
Les conditions de vie des classes populaires ne s'améliorent pas pour autant. C'est que, dans la première moitié du XIXe siècle, la capitale voit sa population croître rapidement avec l'amorce de la révolution industrielle. En 1846, à la fin de la monarchie de Juillet, elle atteint le million d'habitants dans l'ancienne enceinte des Fermiers Généraux.
Préfet de la Seine de 1833 à 1848, sous le règne de Louis-Philippe, le comte Claude-Philibert de Rambuteau entame la grande modernisation de la capitale. Accédant à sa fonction après la grande épidémie de choléra de 1832, il écrit au roi : « Dans la mission que Votre Majesté m'a confiée, je n'oublierai jamais que mon premier devoir est de donner aux Parisiens de l'eau, de l'air et de l'ombre. » Ainsi fait-il frapper d’alignement cinq cents maisons et initie un programme remodelant les quartiers anciens de la Cité. Il ouvre en particulier au nord des Halles une première voie de treize mètres de large qui portera plus tard son nom, la rue Rambuteau.
Il lance l'aménagement des Champs-Élysées, anciennement appelé Grand-Cours, entre l'obélisque de la Concorde et l'Arc de Triomphe de l'Étoile, ce nom de l'Étoile venant de ce que la butte était autrefois au croisement de plusieurs allées forestières empruntées par les chasseurs ! Rambuteau fait aussi reconstruire et agrandir l'Hôtel de Ville en respectant son style Renaissance.
Mais la grande œuvre de réaménagement de la capitale revient au baron Eugène Haussmann durant le Second Empire. Napoléon III, lui-même passionné par l'urbanisme, a été séduit par la modernité de Londres et New-York. Il veut réhabiliter le centre de la capitale, réaliser des percées, rectifier des tracés et aussi élargir les artères afin de faciliter l’intervention de la cavalerie en cas d’insurrection. Il veut également aérer la ville et l'assainir conformément à l'hygiénisme de l'époque.
À cet effet, Haussmann détruit, exproprie, reconstruit et fait de Paris un véritable chantier à ciel ouvert. Il perce essentiellement un double axe nord-sud (boulevards Saint-Michel, de Sébastopol, de Strasbourg) et est-ouest (avenue Daumesnil et rue de Rivoli). Sur ces axes se greffent d'autres voies : boulevard Saint-Germain, Voltaire, Magenta... Les nouveaux immeubles en pierre de taille, style « haussmannien », feront le bonheur de la bourgeoisie tandis que sont rasés les taudis et les quartiers insalubres.
Le préfet lance la construction ou la reconstruction des gares au plus près du centre. Ces monuments à la gloire du chemin de fer, de la révolution industrielle, du charbon et de la vapeur apparaissent comme les cathédrales du XIXe siècle. Chacune ouvre sur une portion du pays (Nord, Est, Lyon-Sud-Est, Toulouse-Austerlitz, Montparnasse-Sud-Ouest, Saint-Lazare-Ouest...), ce qui a pour effet de renforcer la centralisation du pays : pour aller d'un point à un autre du pays, le plus court est le plus souvent de passer par la capitale quitte à devoir changer de gare.
Difficile de citer toutes les réalisations haussmaniennes : le théâtre du Châtelet et le Théâtre-Lyrique, le chantier de l'Opéra, le marché de gros des Halles, rénové par l'architecte Victor Baltard, les parcs des Buttes-Chaumont et de Montsouris etc. etc.
En 1860, les limites administratives de la commune de Paris sont étendues jusqu'aux fortifications de Thiers, avec l'absorption de communes encore bucoliques et rurales (Chaillot, Belleville etc.). De treize, le nombre d'arrondissements de la capitale est porté à vingt. Dix ans plus tard, quand sombre le Second Empire... et Haussmann, l'agglomération a déjà atteint les nouvelles limites de la commune, avec une population de près de deux millions d'habitants.
La IIIe République s'inscrit dans la voie haussmannienne et fait rayonner Paris de toute son aura, en dépit de la défaite de Sedan. En 1875, le président Mac-Mahon inaugure l'Opéra-Garnier dont l'initiative revient à Napoléon III. Lors de l'Exposition universelle de 1878, la République érigera sur la colline de Chaillot le monstrueux palais du Trocadéro.
Plus réussies seront les expositions suivantes, celle de 1889 qui lèguera à Paris et à l'humanité la Tour Eiffel, celle enfin de 1900 qui voit la création du métro (en retard sur Londres) et l'inauguration du Grand Palais, du Petit Palais et du pont Alexandre III. Cette exposition de 1900 consacre l'apothéose de Paris, malgré la défaite de 1870 et l'amoindrissement politique de la France.
En cette Belle Époque, dénomination quelque peu abusive au vu des inégalités sociales et de l'extrême misère des classes populaires, plus de 80 000 chevaux assurent la mobilité des Parisiens. La Ville-Lumière, ainsi qu'on la surnomme en raison du faste de sa vie nocturne et de ses expositions, est envahie et empuantie par le crottin ! C'est avec soulagement et espoir que les Parisiens voient venir les premières voitures automobiles. Celles-là, au moins, ne souillent pas la chaussée !
La IIIe République inscrit encore dans le paysage parisien le Sacré-Coeur de Montmartre (1891)... et dans le Quartier Latin, la Grande Mosquée de Paris, en hommage aux soldats musulmans morts pour la France (1926). Enfin, l'Exposition de 1937 est l'occasion de remplacer le Trocadéro par le palais de Chaillot, dans un style Art déco (d'aucuns diraient stalinien) plus sobre.
Paris, ville-musée ou ville de la modernité
La crise du logement qui suit la Grande Guerre plombe la vie de la capitale : le patrimoine immobilier a vieilli ou a été détruit. On détruit les fortifs de Thiers et à leur place, dans cette zone périphérique peuplée de miséreux, les « zonards », sont érigés des Habitations Bon Marché (HBM) en brique et pierre, somme toute de bonne qualité architecturale à en juger par leur état un siècle plus tard. La population de Paris intra-muros entame cependant sa décrue après un pic à 2,9 millions d'habitants en 1911.
Un siècle plus tard, elle n'est plus que de 2,2 millions d'habitants dans les limites administratives de 1860 (10 000 hectares en incluant les bois de Vincennes et de Boulogne), soit une densité de 22 000 habitants par km2. La croissance se fait désormais au-delà de ces limites, dans un rayon de 30 à 50 kilomètres, avec une aire urbaine qui couvre 2800 km2 et compte 11 millions d'habitants (2019).
Après la Seconde Guerre mondiale, l'exode rural et une première vague d'immigration ouvrière entraîne l'apparition de bidonvilles à la périphérie de Paris, à Nanterre en particulier.
Le scandale du logement suscite la révolte de l'abbé Pierre et conduit en 1954 à la relance de la construction d’Habitations à Loyer Modéré (les HLM), en banlieue proche. À Sarcelles est aménagé le premier « grand ensemble » avec des logements modestes mais dotés de tout le confort moderne, dans l'esprit de l'architecte Le Corbusier,
En 1958, l'inauguration du palais d'exposition du CNIT (Centre national des industries et techniques) à Courbevoie, sur le site de La Défense (du nom d'une ancienne bastide des fortifications de Thiers), témoigne de l’ancrage de l'agglomération dans la modernité et les activités tertiaires.
C'est dans les années 1960, sous l'impulsion du général de Gaulle, dans la lignée des anciens monarques, que Paris et son agglomération prennent le visage d'une métropole moderne internationale.
Le 6 août 1960 est adopté le Plan d'Aménagement et d’Organisation Général de la région parisienne (le PADOG) suivi du Schéma Directeur de 1965.
Mis en oeuvre par Paul Delouvrier, ils dotent l'agglomération d’infrastructures modernes : liaisons autoroutières, boulevard périphérique, aéroports internationaux d'Orly puis Roissy, hôtels destinés à répondre au tourisme de masse. En 1969, le marché de gros des Halles est aussi déplacé à Rungis, près de l'aéroport d'Orly.
Georges Pompidou, Premier ministre du général de Gaulle et son successeur à l'Élysée, aspire plus que quiconque à « moderniser » Paris et l'adapter à l'automobile ! Un premier gratte-ciel de bureaux, la Tour Montparnasse, est inauguré en 1973 sur l'emplacement de l'ancienne gare haussmannienne cependant qu'est lancé un quartier d'une vingtaine de tours sur le Front de Seine, en aval de la capitale.
Plus à l'ouest, autour du CNIT, sur l'esplanade de La Défense, se développe le principal centre d'affaires européen, véritable forêt de gratte-ciel à l'image de Manhattan. En plein milieu de ce centre d'affaires, la Grande Arche, inaugurée en 1989 sous la présidence de François Mitterrand, dans l'axe historique du Louvre et des Champs-Élysées, marquera l'aboutissement du « Grand Dessein » monarchique.
Mais le président Pompidou et ses successeurs, du moins les trois suivants, sont des hommes épris de culture. Pompidou lance la construction d'un centre d'Art et de Culture ultramoderne : le Beaubourg ou Centre Georges Pompidou inauguré par son successeur en 1977. Ce bloc coloré de métal et de verre a fait scandale à l'époque mais est aujourd'hui l'un des monuments les plus visités de Paris. Valéry Giscard d'Estaing, plus classique, transforme l'ancienne gare haussmannienne d'Orsay en musée du XIXe siècle (1848-1914).
Le président François Mitterrand, plus qu'aucun autre, multiplie les grands travaux : la Pyramide du Louvre, La Géode au Musée des Sciences et de l'Industrie à la Villette, l'Institut du Monde Arabe, l'Opéra-Bastille, la Bibliothèque Nationale de France etc. Quant à Jacques Chirac, il est l’inspirateur du musée du Quai Branly-Jacques Chirac dédié aux arts et aux civilisations d’Afrique, d’Océanie, d’Asie et des Amériques.
Plus éloigné de la culture et de la tradition, le président Nicolas Sarkozy s'en tient à lancer un vaste projet d'infrastructure, le « Grand Paris », avec une ligne de métro automatique autour de la capitale et des centres d'affaires autour de chacune de ses gares. Ni lui, ni ses successeurs n'osent cependant briser le corset administratif qui enferme Paris dans ses vingt arrondissements et l’oppose à ses banlieues.
La montée des inégalités sociales, la gentrification de Paris et des communes mitoyennes et l'arrivée en nombre d'immigrants du sud de la Méditerranée font de l'agglomération une marqueterie très cloisonnée où cohabitent sans presque se voir la bourgeoisie des quartiers aisés de l'ouest et du centre et les populations immigrées. Cela n'empêche que Paris reste pour les étrangers un mythe inégalable dont témoignent Ernest Hemingway (Paris est une fête, 1964) et Woody Allen (Minuit à Paris, 2011). Même l'incendie de Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019, semble ne pas l'avoir affecté.
Le baron Haussman, le préfet qui a rebâti Paris
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Siska (17-02-2020 07:58:57)
Si l'article est fort intéressant et nous apprend ou rappelle bien des points sur la mise en place de l'urbanisme, un mot est quelque peu interpellant celui de "vil" employé pour qualifier Napoléon... Lire la suite