Le mot pape vient du mot grec pappas (père, patriarche). Aux premiers temps de la chrétienté, cette appellation respectueuse est donnée à tous les évêques d'Occident. À partir du Ve siècle, elle est réservée à l'évêque de Rome.
Celui-ci n'accèdera toutefois que six ou sept siècles plus tard au statut qui est le sien aujourd'hui, celui de chef de l'Église catholique, élu à vie par un conclave de cardinaux.
L'évêque de Rome (Ier-VIe siècles)
L'évêque de Rome occupe à ce moment-là, dans l'Église, la même place d'honneur que les quatre autres patriarches désignés par le concile de Nicée : Antioche, Alexandrie, Constantinople et Jérusalem. Mais il bénéficie d'un prestige particulier par le fait que le premier chef de l'Église de Rome fut selon la tradition l'apôtre Pierre lui-même.
Jusqu'à l'An Mil, il est élu par acclamations par le peuple chrétien de la ville, comme les autres évêques (le 13 mars 2013, le pape François a rappelé cette tradition en se présentant comme l'évêque de Rome, un parmi des centaines).
Il est requis comme pacificateur ou arbitre, tel Léon 1er face à Attila. Il joue aussi un rôle majeur dans l'évangélisation de l'Europe, tel Grégoire le Grand.
Avec ce dernier, au VIe siècle, Rome commence à affirmer sa prééminence sur les autres diocèses d'Occident, même si le pape reste en théorie subordonné au patriarche de Constantinople, lequel a l'avantage de faire corps avec l'empereur byzantin, le seul qui subsiste. L'étroite coopération entre l'empereur et le patriarche a même un nom : le césaropapisme.
Le pape, créature de Charlemagne (VIIIe siècle)
Mais dès le début du Moyen Âge, les dissensions se multiplient entre le clergé d'Occident, proche de Rome, et celui de Byzance, avec des querelles théologiques dont le sens nous échappe aujourd'hui, autour du culte des images, du Filioque ou du Credo.
Au VIIIe siècle, le déclin de l'empire byzantin, protecteur traditionnel de la chrétienté, conduit le pape à chercher la protection des Francs et de leurs rois, Pépin le Bref puis Charlemagne. Ceux-ci, en retour, accordent à l'évêque de Rome leur protection, notamment face aux Lombards et aux Byzantins.
Ils lui reconnaissent une primauté sur les autres évêques et en particulier le patriarche de Constantinople. Enfin, ils lui concèdent un vaste territoire au coeur de la péninsule italienne pour lui assurer son indépendance face aux principautés environnantes.
Mauvaise passe (IX-Xe siècles)
Après la mort de Charlemagne, en 814, les dissensions au sein de son empire contribuent à affermir la papauté en érigeant le pape en arbitre des querelles princières. Mais les choses se dégradent au siècle suivant, le pire qu'ait connu l'Occident. Les invasions vikings, magyars et sarrazines réduisent à néant les structures carolingiennes.
À Rome, le trône de Saint Pierre devient le jouet d'une famille locale, les Tusculum, qui fait élire des papes insignifiants et/ou indignes.
Le pire est atteint avec Octavien (Jean XII), élu en 955, à 18 ans, sous la pression de son père Albéric, un aventurier qui gouverna Rome pendant vingt ans. Jouisseur invétéré, le pape Jean XII prend le parti du roi de Germanie Otton contre le roi d'Italie Bérenger II.
Il lui confère le titre d'empereur d'Occident pour le remercier de l'avoir secouru. Mais à peine Otton a-t-il le dos tourné que Jean XII se rallie à son ancien ennemi ! L'empereur n'apprécie pas la plaisanterie et revient sur ses pas. Il fait déposer le pape pour immoralité et le remplace par Léon VIII.
L'empereur germanique et ses successeurs ne vont dès lors cesser d'intervenir dans les affaires italiennes, en s'autorisant un droit d'intervention sur les élections pontificales, en concurrence avec les grandes familles romaines.
À considérer ce scandale permanent, on pourrait penser que c'en est fini de l'Église catholique et de la papauté ! Mais le salut va venir du clergé régulier, celui qui vit selon une règle monastique.
Le lieu de résidence du pape est communément appelé Saint-Siège. Mais il n'a pas toujours été établi sur la colline du Vatican.
Au début du Moyen Âge, les papes résident dans le palais du Latran, sur la propriété d'une ancienne famille romaine, les Laterani, devenue résidence des empereurs après que ceux-ci eurent abandonné le mont Palatin. Les papes apprécient aussi la basilique Sainte-Marie-Majeure, construite au IVe siècle sur la colline de l'Esquilin.
En 1305, les conflits entre familles romaines dissuadent le nouveau pape de se rendre dans la Ville éternelle. Il s'établit à Avignon. En 1377, le pape, reprenant le chemin de Rome, trouve le palais du Latran dans un tel état de dévastation qu'il doit s'établir sur la colline du Vatican, à l'écart du coeur de la cité, où se tient une antique basilique !
En 1506, cette vieille basilique Saint-Pierre menaçant ruine, le pape Jules II décide de la reconstruire et fait appel à la générosité des fidèles pour financer l'entreprise de reconstruction. Il en résultera l'actuelle basilique baroque, plus grande église de la chrétienté,... et la Réforme luthérienne.
La basilique et les palais et jardins qui l'entourent forment l'État du Vatican depuis les accords de Latran (1929). C'est le plus petit État du monde avec 44 hectares, soit à peine la surface du cimetière parisien du Père-Lachaise !
La réforme grégorienne et l'apogée médiévale (XIe-XIIIe siècles)
Avec le soutien des puissants abbés de Cluny, l'abbaye dont il est lui-même originaire, Grégoire VII prescrit en 1075 que le pape sera désormais élu par une assemblée de cardinaux et non plus par le peuple, soudoyé par les grandes familles romaines.
Grégoire VII et ses successeurs vont lutter aussi pour assurer l'autonomie de l'Église catholique face aux interventions des souverains séculiers dans la désignation des évêques et des abbés, autrement dit des chefs des églises locales. Qualifié de querelle des Investitures, ce conflit se résout provisoirement en 1122 mais va ressurgir périodiquement jusqu'au XXe siècle, débouchant à chaque fois sur un concordat entre l'État concerné et le Saint Siège.
Le pape va dès lors s'affirmer comme le chef suprême de la chrétienté occidentale, l'Église dite catholique (d'un mot grec qui signifie universelle), se présentant comme un souverain spirituel mais aussi séculier, attaché à défendre les États pontificaux et sanctionner les agissements coupables des souverains, en usant notamment de l'arme la plus dissuasive qui soit, l'excommunication.
Le pontificat d'Innocent III marque l'apogée de cette Église médiévale, guide incontestée des consciences et des moeurs, avant que la montée des États nationaux ne vienne la contester et la rabaisser jusqu'à la crise majeure de la fin du Moyen Âge.
Malgré la réforme grégorienne et les injonctions répétées des papes, pendant plusieurs siècles encore, l'empereur d'Allemagne et les autres souverains vont conserver la détestable habitude de se mêler des élections pontificales, en concurrence avec les grandes familles romaines (ce n'est qu'en 1903, avec l'élection de Pie X, que prendront fin les interventions étatiques ; à cette date est abrogée l'« exclusive », la possibilité pour un État catholique de récuser un postulant).
L'élection pontificale devient de plus en plus corsée jusqu'à l'élection de Grégoire X, en 1271 : les cardinaux, réunis à Viterbe, n'arrivent pas à s'entendre après deux ans et demi de tergiversations. L'élection aboutit seulement après que Saint Bonaventure a suggéré au podestat (ou seigneur) de la ville d'enfermer les cardinaux dans le palais épiscopal. Réduits au pain et à l'eau, ils se mettent enfin d'accord sur le nom du futur pape.
Au concile de Lyon de 1274, Grégoire X, tirant la leçon de son élection, rend obligatoire la clôture des cardinaux en un lieu d'où nul ne pourrait entrer ou sortir sous peine d'excommunication. Le conclave est né.
Le mot vient d'une expression latine qui s'applique à une chambre fermée à clé. Il désigne l'assemblée chargée d'élire un nouveau pape. Celui-ci peut être choisi parmi tous les baptisés adultes de sexe masculin (en pratique, il est issu du collège des cardinaux, prélats ayant fonction de conseiller auprès du Saint-Siège).
L'élection se déroule entre le 16e et le 19e jour suivant la mort du pape précédent. Y participent tous les cardinaux de l'Église catholique âgés de moins de 80 ans (un peu plus d'une centaine aujourd'hui).
Les cardinaux sont enfermés dans un lieu clos (rien moins que la chapelle Sixtine, avec son décor somptueux). Ils votent autant de fois qu'il le faut à bulletins secrets, deux fois le matin, deux fois l'après-midi. Chaque vote négatif se solde par une fumée noire qui apparaît au-dessus des toits du Vatican.
Lorsqu'enfin les deux tiers au moins des cardinaux se mettent d'accord sur une personne, celle-ci se voit proposer la charge suprême et les bulletins sont brûlés sur de la paille humide pour produire la fameuse fumée blanche qui annonce l'élection. Les cardinaux sont « libérés » et l'un d'eux peut annoncer à la foule réunie sur la place Saint-Pierre de Rome : « Habemus papam » (Nous avons un pape).
La papauté : crise et renouveau (XIVe-XVIIe siècles)
Les crises de la papauté au XVe siècle mettent à mal le prestige spirituel du souverain pontife (ce titre d'origine païenne désignait sous la Rome antique le grand ordonnateur des cérémonies religieuses). Au tournant de la Renaissance, les papes s'affichent en princes bien plus qu'en guides spirituels, ce qui scandalise les croyants et entraîne la Réforme luthérienne.
La Contre-Réforme et le concile de Trente rendent la papauté à sa vocation spirituelle. Ce retour aux principes évangéliques trouve son aboutissement avec les conciles Vatican I et Vatican II.
De la Révolution française à la sécularisation de la fin du XXe siècle, en passant par le défit des totalitarismes athées, la papauté va se confronter au monde moderne...
Depuis le Moyen Âge, le pape est assisté par une administration, la Curie. Son nom rappelle celui de la salle où siégeait dans l'Antiquité le Sénat de Rome. Quoique complexe, cette administration est des plus réduites. Elle emploie un total de 2800 personnes dont une grande majorité d'ecclésiastiques, ce qui est peu pour coordonner le clergé et les institutions d'une Église qui s'adresse à 1,2 milliards de catholiques.
Au sommet de la Curie se tient la Secrétairerie d'État. Son titulaire est l'adjoint direct du pape, en quelque sorte son Premier ministre. Il supervise deux sections : les Affaires générales (affaires courantes) et les Relations avec les États (diplomatie et organisations internationales).
La Curie comprend par ailleurs des structures appelées « dicastères » (d'un mot grec qui signifie cour de justice). Ce sont notamment 9 Congrégations spécialisées chacune dans un domaine religieux : doctrine de la foi, clergé, évêques, éducation catholique..., 12 Conseils pontificaux qui gèrent les affaires publiques : nouvelle évangélisation, culture, « Justice et Paix »..., trois tribunaux (Pénitencerie apostolique, Signature apostolique, Rote romaine).
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JLT (11-03-2013 15:07:03)
A la veille de l'élection d'un nouveau pape, il était bon de retracer, sans distinction de convictions, comment se sont définis les statuts et l'institution pontificale, dont il faut noter, par ail... Lire la suite