Les échanges

Le protectionnisme, instrument de la puissance

Le commerce international est né du besoin de chaque pays de se procurer les biens qu'il n'était pas en mesure de produire. Très rentable, il a permis aux grands États modernes d’asseoir leur puissance en usant du protectionnisme... Avec la libéralisation actuelle des échanges, nous sommes entrés dans un monde nouveau où l'objectif n'est plus d'acheter ailleurs ce dont on ne dispose pas chez soi mais seulement de minimiser les coûts de production par les délocalisations dans les pays à bas salaires.

Place à l'Histoire et à l'exposé des faits. Suivons les commerçants autour des mers et voyons comment ils ont unifié le monde. Nous examinerons dans une deuxième partie comment l'idéologie du libre-échange a pris le dessus et nous soulignerons en dernière partie les faux-semblants de la « troisième mondialisation », en voie de s'achever aujourd'hui.

La liberté des échanges, une réalité maritime

Georg Giese de Danzig, marchand de la Hanse à Londres (Hans Holbein le Jeune, Berlin)Au commencement, les marchands ne se formalisaient pas ! Ils franchissaient comme ils pouvaient les plaines et les montagnes, les fleuves et les mers, les déserts également.

Il n'y a guère qu'un espace sans obstacle au commerce : l'espace maritime. Pas de péages et seulement le risque des pirates et des tempêtes ! Dès l'Antiquité, les audacieux en usent pour le transport des marchandises sur de longues distances, vendant ici à prix d'or ce qui est produit là-bas à bas prix. 

Le commerce dans la mer Méditerranée fait dès avant l'An Mil la fortune des Vénitiens et autres marchands italiens. Au nord, dans la mer Baltique, les Allemands se lancent à leur tour à l'aventure. Ils fondent des escales prospères, réunies au sein d'une Hanse ou ligue hanséatique

À l'ouest, dans les bouches du Rhin et de l'Escaut, au milieu d'éléments hostiles et de terres infertiles, les hommes cherchent leur survie dans le travail de la laine dont ils vont devenir des spécialistes appréciés dans toute l'Europe.

Ces Hollandais vont quérir leur matière première en bateau sur la rive d'en face, en Angleterre. À la jonction entre la Baltique, la Méditerranée, le Rhin et l'Angleterre, ils ne tardent pas à devenir des intermédiaires incontournables... et enviés.

Toute leur richesse étant fondée sur le commerce international, les Hollandais deviennent des apôtres inlassables de la liberté de circulation et d'échanges. Ils le sont restés jusqu'à nos jours, sauf, on va le voir, quand il s'agit de commerce colonial. Pour eux comme pour tout peuple raisonnable, l'intérêt national l'emporte toujours sur la théorie et l'idéologie.

Le protectionnisme, une réalité anglaise

Le concept de protection douanière est né en Angleterre qui, comme chacun sait, est une île et où il est aisé à son souverain d'en surveiller les entrées et les sorties. Sa principale ressource d'exportation au Moyen Âge est la laine de ses moutons, vendue aux artisans des Flandres pour être apprêtée, teinte et tissée.

Très tôt, les souverains anglais ont compris qu'ils auraient davantage de rentrées fiscales si leurs sujets prenaient la peine de tisser eux-mêmes la laine. Ce protectionnisme avant l'heure permet à l'Angleterre de se doter d'une industrie textile qui va rapidement damer le pion à ses concurrentes.

Cromwell, qui a dirigé la seule expérience républicaine qu'ait connue l'Angleterre, promulgue en 1651 un Acte de Navigation mémorable. Il réserve aux navires et aux équipages anglais le droit d'entrer dans les ports de Grande-Bretagne.

L'Angleterre devient grâce à sa flotte une puissance d'envergure planétaire. Elle s'engage dès la fin du XVIIe siècle dans le commerce avec les Indes orientales. Elle réalise d'énormes profits en vendant les cotonnades indiennes sur le continent européen mais en interdit la vente sur son île pour protéger ses propres industriels (note)

Il ne s'agit que de mesures pragmatiques. Personne ne parle encore protectionnisme ou libre-échange.

Le concept en vogue au XVIIe siècle dans les cercles dirigeants européens est le « mercantilisme ». Des gens comme Colbert, ministre de Louis XIV, sont convaincus que la puissance d'un État se mesure à la quantité de numéraire en circulation, pièces d'or et d'argent. L'objectif d'un bon gouvernement est donc de limiter les sorties de métaux précieux, autrement dit les motifs d'achats à l'étranger et surtout les achats de produits de luxe (sucre, café...).

Pour cela, d'une part, on maintient les revenus des classes populaires aussi bas que possible afin de leur éviter de coupables tentations ; d'autre part, on développe des colonies à sucre et à café pour offrir aux classes supérieures les petits plaisirs dont elles ne sauraient se passer.

Le libre-échange, une idée anglaise

Tout change au Siècle des Lumières, au moins dans les têtes. Les Français, toujours en avance d'une idée, enterrent le mercantilisme. Au milieu du XVIIIe siècle, une pléiade de grands esprits réunis autour de François Quesnay (1694-1774), médecin de Louis XV, jettent les bases du libéralisme économique avant que les Anglais ne s'y rallient et s'en fassent les promoteurs...

Publié ou mis à jour le : 2023-04-12 08:22:53

Voir les 10 commentaires sur cet article

Rémy Volpi (23-11-2022 13:36:50)

Excellent article. Pour autant, lecteur de Fernand Braudel, je n'adhère pas à l'idée que les nations aient joué un rôle central dans le développement de l'économie. L'histoire du second millén... Lire la suite

Benoit de BIEN (11-11-2016 12:02:30)

Merci et bravo pour cette contribution. Personnellement j'y ai appris beaucoup et pu (encore une fois) vérifier que l'HISTOIRE est un trésor d'enseignements pour l'avenir.

Boutté (11-11-2016 09:51:34)

Une fois de plus l'Europe est victime des Lumières, au plan économique cette fois .

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