Au IIIe siècle avant J.-C., en Chine du nord, un énergique chef de guerre avait réuni sous son autorité les sept « royaumes combattants » qui se disputaient le territoire. Il avait fondé le premier empire chinois.
La dynastie Qin de ce Premier Empereur ne survécut pas longtemps à sa disparition. Mais une nouvelle dynastie, les Han, releva aussitôt l'empire.
Elle allait durer à peu près aussi longtemps que l'empire romain et mourir comme ce dernier sous les coups des Barbares.
Les Chinois sont redevables aux Han de leur unité et d'à peu près tout ce qui compose leur identité nationale. C'est au point qu'ils leur ont emprunté leur nom et se qualifient eux-mêmes de Han.
NB : les illustrations de ce texte viennent de la magnifique exposition qui s'est tenue au musée Guimet (Paris) en 2014-2015 : Splendeur des Han.
La civilisation chinoise trouve ses marques
En 206 av. J.-C., quatre ans à peine après la mort du Premier Empereur, un officier du nom de Liu Bang prend la tête d'une bande de brigands et, dans le désordre ambiant, devient le nouveau maître de l'empire.
Désormais connu sous le nom de règne Gaozu, il s'arroge le titre impérial avec le Mandat du Ciel qui fait de lui, selon la tradition antique, le protecteur des récoltes.
Il inaugure la dynastie Han qui durera quatre siècles (avec une brève interruption). Il s'installe à Chang'an, la capitale des Qin, près de la ville actuelle de Xian.
Entourée de 25 km de murailles en terre damée, composée surtout de palais et de parcs, la résidence impériale est l'une des plus grandes villes de son époque. Il n'en reste pratiquement rien aujourd'hui, comme de la plupart des autres villes et monuments de la Chine antique...
Construite en briques, tuiles, bois et pisé, elle n'a pas résisté à l'épreuve du temps, à la différence des constructions en pierre du bassin méditerranéen.
Gaozu flatte habilement les lettrés confucéens, ce qui lui vaudra une image flatteuse dans la postérité !
Pour récompenser ses fidèles, il leur offre de grands gouvernements provinciaux tout en en faisant des quasi-fonctionnaires qu'il déplace à loisir.
Si Gaozu perd une grande partie des conquêtes de son prédécesseur, il arrive toutefois à contenir les nomades derrière la Grande Muraille.
La dynastie confirme la place des lettrés et des paysans au sommet de la hiérarchie sociale.
Gaozu étant lui-même d'origine paysanne, il évite de pressurer les propriétaires terriens qui forment l'ossature de la société. La Chine, en effet, demeure un pays de hameaux, avec de grosses fermes patriarcales qui pratiquent la culture céréalière et l'élevage.
Wudi et la Chine des Han à son apogée
C'est un demi-siècle après la disparition de Gaozu qu'émerge le plus grand souverain de la dynastie, Wudi (140-87).
En 54 ans de règne, Wudi va restaurer l'empire dans ses plus grandes frontières. Ainsi fait-il entrer le Vietnam dans la dépendance de la Chine pour un millénaire.
Afin d'assurer l'unité de l'empire, il procède comme les Qin à de grands échanges de populations.
Pour mieux contenir les Barbares de l'autre côté de la Grande Muraille, il renforce sa cavalerie et, pour cela, en 138 av. J.-C., demande à son général Zhang Qian de lui ramener des « chevaux célestes » du lointain Ferghana.
L'expédition va durer de longues années et contribuer à l'ouverture de la mythique « route de la soie », une succession d'oasis, de caravansérails et de foires par laquelle vont dès lors les marchandises entre l'Orient et l'Occident.
Afin de monter les chevaux à leur aise, ses guerriers sont priés de renoncer à leur robe et d'adopter le pantalon, vêtement habituel des femmes chinoises !
Wudi impose à ses grands vassaux, au nombre d'environ cent cinquante, de partager leur héritage à leur mort entre tous leurs fils...
C'est afin de réduire peu à peu la taille de ces baronnies et la menace qu'elles font peser sur le pouvoir central.
L'une de ses réformes les plus importantes est l'instauration en 134 av. J.-C. de concours pour le recrutement des fonctionnaires.
Recrutés au mérite dans toutes les classes de la société selon les principes confucéens, ces mandarins vont remplacer l'aristocratie dans l'administration de l'empire.
Le recrutement sur concours va perdurer jusqu'en 1905. Au XVIIIe siècle, en pleine « sinomanie », il va être introduit en France par le gouvernement de Louis XV avec le succès que l'on sait.
Mais les ambitions de Wudi ont un coût : elles entraînent l'empereur à altérer la valeur des monnaies et imposer un monopole d'État sur le sel et le fer.
Écrasés d'impôts, les petits paysans lâchent prise et entrent au service des grands propriétaires comme serfs.
Xuandi (73-49), petit-fils du grand Wudi, relance avec succès les guerres préventives contre les Xiongnu, de mystérieux barbares de la steppe, et les Qiang, nomades des plateaux tibétains.
Mais ces guerres s'avèrent extrêmement coûteuses... et elles suscitent naturellement la réprobation des pacifistes conseillers confucéens de la cour.
Elles aggravent le poids des impôts et entraînent des jacqueries que les successeurs de Xuandi vont être incapables de maîtriser.
Le désir d'immortalité tenaille beaucoup de souverains et de princes Han, conduisant certains à se faire inhumer dans un linceul en jade, le jade ayant la réputation de transmettre son imputrescibilité au corps.
Ce linceul-ci aurait appartenu à Liu Yngke, prince du Chu, mort en 174 av. J.-C. Il est composé de plus de quatre mille plaquettes de jade tissées par des fils d'or.
Un « usurpateur » communiste/confucéen
En l'an 9 de notre ère, Wang Mang, le neveu de l'impératrice douairière (dico), renverse l'empereur Han et prend sa place. Passionnément fidèle aux préceptes confucéens, il tente d'instaurer un régime étatiste ou pour tout dire communiste. Il nationalise la terre et impose des monopoles d'État sur l'exploitation de la pêche et la forêt.
Mais il est incapable de réprimer les jacqueries qui, périodiquement, émergent dans tel ou tel endroit de l'empire. L'une d'elles, la révolte des « Sourcils Rouges », va l'emporter. Liu Xiu, un prince Han, pénètre à Chang'an et décapite l'usurpateur.
La prospérité au rendez-vous
L'heureux vainqueur s'attribue le Mandat du Ciel sous le nom de règne Guangwudi (25-57). Mais il renonce à résider à Chang'an et lui préfère une nouvelle capitale plus à l'Est, Luoyang, dans la vallée du Huang He. Aussi les nouveaux empereurs sont-ils qualifiés par les historiens de Han postérieurs (à Wang Mang) ou Han orientaux (établis à Luoyang), par opposition aux précédents, les Han antérieurs ou Han occidentaux.
Si l'on en croit les chroniques, Guangwudi fut un souverain idéal. Sous son règne, les barbares Xiongnu furent contenus au-delà de la Grande Muraille (de dépit, ils se retournèrent vers l'Ouest, repoussant leurs voisins toujours plus vers l'Ouest... jusqu'à atteindre l'empire romain !).
La route de la soie fut aussi plus active que jamais comme l'attestent les pièces romaines retrouvées dans le sol chinois. À l'intérieur, la sage administration impériale permit de réduire les impôts des deux tiers !
Cette politique eut une traduction bien concrète : au début de notre ère, un recensement officiel attribuait à l'empire chinois 57 millions d'habitants (c'était à peu près le cinquième de l'humanité et autant que l'empire romain dans sa plus grande extension) ; deux siècles plus tard, quand les Han arrivèrent à bout de souffle, l'empire comptait près d'une centaine de millions d'habitants.
Néanmoins, les successeurs de Guangwudi ne laissent pas le souvenir de grands souverains.
On note seulement à la fin du premier siècle les exploits d'un général de valeur, Ban Chao (31-102), qui lance des expéditions victorieuses dans le bassin du Tarim, au coeur du Sinkiang, et atteint même la mer Caspienne...
C'est ainsi qu'à la fin du premier siècle, il n'y a plus que le royaume des Parthes qui sépare la Chine de Rome !
Le dernier siècle des Han témoigne d'une haute classe alanguie, avec une cour impériale paralysée par les querelles de palais entre eunuques et lettrés.
Mais c'est aussi une grande époque d'innovations qui voit l'invention du papier et les premières reproductions de textes par estampage, le développement des laques et aussi l'introduction en Chine du bouddhisme (dico) en provenance de l'Inde.
Les somptueux tombeaux princiers et leur matériel funéraire témoignent de la richesse de cette époque.
La fin des Han
En 184, une nouvelle jacquerie, la révolte des « Turbans Jaunes », a raison de la dynastie Han. On atteint alors le comble de la misère. « L'anarchie règne dans la capitale de l'Ouest, troublée par les tigres et les loups... Les ossements humains couvrent la plaine. Au bord d'une route, une femme en proie à la famine abandonne son enfant dans les herbes », témoigne un poète. À Chang'an, les palais impériaux sont détruits ainsi que tous les trésors accumulés par les Han.
Dans le désordre ambiant, trois usurpateurs s'emparent du pouvoir. Aux Han succède l'époque turbulente des « Trois royaumes »...











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