1830 à 1847

La conquête de l'Algérie

La ville d'Alger et le territoire de l'Algérie (dico) sont en 1830 sous la suzeraineté théorique du sultan d'Istamboul depuis trois siècles sous le nom de « Régence d'Alger ». Dans les faits, l'intérieur du pays est livré à l'abandon, insoumis et réticent à l'islamisation. Le territoire compte environ trois millions d'habitants (contre 36 millions pour la France de la même époque).

La conquête française, si lourde de conséquences pour la France comme pour l'Algérie, résulte d'un imbroglio dérisoire.

En 1798, le gouvernement du Directoire achète du blé à la Régence d'Alger pour les besoins de l'expédition du général Bonaparte en Égypte. Le blé est financé par un emprunt de la France auprès de familles juives d'Alger. Celles-ci obtiennent que leur prêt soit garanti par le dey qui gouverne la ville.

En 1827, le dey d'Alger, Hussein, frappe « du manche de son chasse-mouches » le consul de France Deval, un affairiste qui refuse non sans insolence de s'engager sur le remboursement du prêt. Six navires de guerre français rapatrient illico le consul et les ressortissants français.

Le Président du Conseil français, le comte de Villèle, demande réparation au dey pour l'offense faite à son consul mais n'obtient aucun semblant d'excuse. Sous le gouvernement de son successeur Martignac, la flotte française tente d'organiser un blocus du port d'Alger mais il se révèle inefficace et quelque peu ridicule. La France tente de négocier mais le dey, encouragé par la « perfide Albion » (les Anglais), rejette ses propositions. Le 3 août 1829, un vaisseau parlementaire, la Provence, essuie même des coups de canon en quittant le port d'Alger.

Une affaire intérieure

Le 8 août 1829, le roi Charles X confie la présidence du ministère au prince Jules de Polignac. Cet ultra-royaliste aux idées courtes s'attire la vindicte de l'opinion publique, à savoir les 60 000 bourgeois qui ont le droit de vote.

Confronté à la fronde de 221 députés, le roi Charles X a besoin de restaurer au plus vite son image. C'est ainsi que, le 3 mars 1830, dans le discours du trône, il évoque pour la première fois l'idée d'une expédition punitive destinée à obtenir réparation de l'injure faite à la France ainsi qu'à détruire le repaire de corsaires installé dans la régence d'Alger et mettre fin à l'esclavage !

La flotte française bombarde les défenses d'Alger les 3 et 4 juillet, image d'EpinalLe comte Louis de Bourmont, ministre de la Guerre dans le gouvernement Polignac, est nommé « Commandant en chef de l'expédition en Afrique » par ordonnance du 11 avril tandis que le corps expéditionnaire est placé sous les ordres de l'amiral Duperré et du général Berthézène.

Les journaux de l'opposition multiplient les critiques, surtout à l'égard de Bourmont. « M. de Bourmont veut être maréchal : il mérite le bâton ! » écrit Le Figaro (en définitive, il aura bien le bâton de maréchal à l'issue de l'expédition d'Alger !). D'aucuns se souviennent des déconvenues de Louis XIV avec l'Algérie en 1664.

Les Anglais ne cachent pas non plus leur désapprobation « Les Français sont fous ! Un revers terrible les attend sur les côtes d’Algérie, » se serait écrié Wellington, le vainqueur de Waterloo. Les Espagnols gardent quant à eux un mauvais souvenir de leurs propres tentatives, en 1541 sous le règne de Charles Quint et en 1775 sous celui de Charles III.

Mais rien n'y fait. La flotte appareille de Toulon le 25 mai 1830 avec 103 navires de guerre et 572 bâtiments de commerce aux cales pleines de ravitaillement (bétail, blé, eau potable, bois...). Elle emmène 83 pièces de siège, 27 000 marins et 37 000 soldats.

La mauvaise réputation

Le général de Bourmont est mal aimé des militaires pour avoir abandonné Napoléon à la veille de la bataille de Waterloo, quinze ans plus tôt, et même livré les plans de la bataille à l'ennemi.
Une chanson a cours dans le corps expéditionnaire :
Alger est loin de Waterloo
On ne déserte pas sur l'eau
De notre général Bourmont
Ne craignons point de désertion

Le débarquement de l'armée française à Sidi Ferruch le 14 juin 1830, Pierre-Julien Gilbert (1831). En agrandissement, Attaque d'Alger par la mer, le 29 juin 1830 par Théodore Gudin (1831).

Prise d'Alger

Le corps expéditionnaire applique un plan élaboré vingt ans plus tôt par... Napoléon Ier lui-même ! En mai 1808, l'Empereur avait en effet chargé un officier du génie, le commandant Boutin, de repérer les défenses d'Alger en vue d'une conquête. Elle aurait permis à Napoléon d'effacer le fiasco de l'expédition d'Égypte et de prendre à revers les Anglais, présents à Malte, Gibraltar et dans la péninsule ibérique. Mais il n'allait pas avoir le loisir de mener son projet à bien.

Appliquant les recommandations du commandant Boutin, huit brigades d'infanterie et d'artillerie débarquent sur la plage de Sidi Ferruch, à 25 km d'Alger et y établissent un campement militaire destiné à durer. Pendant ce temps, la flotte bombarde les défenses de la ville, en particulier la citadelle de Fort-l'Empereur, ainsi nommée en souvenir de Charles Quint !

Il s'ensuit plusieurs jours de combats très rudes avec les troupes turques, parfois au corps à corps. Sur le champ de bataille, les cadavres et les blessés sont mutilés par les femmes algéroises qui se tiennent à l'arrière des lignes. Elles érigent des pyramides de têtes à l'entrée de la Casbah. Quand le dey capitule enfin, le 5 juillet 1830, le corps expéditionnaire déplore 415 tués et 2160 blessés.

Un trésor d'une valeur de 48 millions de francs, opportunément découvert dans les souterrains de son palais, permet de couvrir les frais de l'expédition. Mais la France s'engage aussi de façon solennelle « à ne pas porter atteinte à la liberté des habitants de toutes classes et à leur religion ». Ces bonnes intentions sont immédiatement ternies par la vente forcée de nombreux immeubles d'Alger et la mise à sac de la ville par les soldats français.

L'occupation d'Alger est accueillie avec indifférence par les Français. Le roi Charles X est chassé quelques semaines plus tard. L'opinion éclairée se désintéresse de la conquête. Le vieil économiste libéral Jean-Baptiste Say exprime avec une singulière prescience la vanité des aventures coloniales. Le jeune Alexis de Tocqueville (25 ans), séduit par l'aventure, figure parmi les rares personnalités françaises qui encouragent la colonisation de l'Algérie.

Le roi Louis-Philippe Ier, qui succède à Charles X, maintient quelques troupes à Alger et sur le littoral, simplement pour ne pas donner l'impression de céder à l'Angleterre qui demande le retrait de la France. Il souhaite se limiter à une occupation restreinte du littoral : Oran, Mostaganem, Bône et bien sûr Alger. Dans cette perspective, le gouvernement de Louis-Philippe Ier se garde de renverser les chefs traditionnels musulmans qui tiennent l'intérieur du pays. Le 22 juillet 1834, faute de mieux, il institue un gouvernement général pour les « possessions françaises du nord de l'Afrique », sans plus de précision. La situation se fige pendant quelques années au prix de modestes affrontements sans grande portée.

Dans le Constantinois, les Français s'appuient sur le bey Ahmed. En Algérie occidentale, ils s'appuient sur Abd el-Kader, un marabout qui s'enorgueillit de descendre du Prophète. Il a été proclamé à 25 ans émir des tribus de Mascara, une région proche d'Oran. Les Français comptent sur lui pour pacifier l'arrière-pays et l'aident même à constituer son armée : 2 000 cavaliers, 8 000 fantassins avec fusils modernes à baïonnette, 250 artilleurs, etc.

Mais le jeune Abd el-Kader ne supporte bientôt plus la présence des Français impies. Renonçant à sa vocation première, l'étude des textes sacrés, il engage la lutte contre les intrus et met en échec le général Trezel dans les marais de La Macta le 26 juin 1835. Le Président du Conseil Adolphe Thiers missionne le général Thomas Robert Bugeaud en Afrique du nord  afin de venger cette défaite. C'est chose faite lors d'une bataille livrée aux troupes de l'émir sur les rives de l'oued Sikkak, le 6 juillet 1836.

Bataille de l'Habrah, 3 décembre 1835, oppose les troupes françaises commandées par le général Clauzel et les combattants de l?émir Abd el-Kader, Horace vernet, 1840, Château de Versailles. En agrandissement, la bataille de Somah, le 24 novembre 1836, campagne du général français Clauzel contre Constantine, Horace vernet, 1840, Château de Versailles.

Un traité conciliant mais ambigu

Le 30 mai 1837, fort de sa victoire, le général Thomas Bugeaud impose à Abd el-Kader le traité de paix de la Tafna. Peu désireux de soumettre l'Algérie, il laisse l'émir maître de l'arrière-pays d'Oran et d'Alger et veut limiter la présence française au littoral.

Ce faisant, le général ne prête pas attention aux erreurs et aux non-dits du traité. Or, il se trouve que les limites du royaume d'Abd el-Kader englobent la tribu des Ben Zetoun, fidèle aux Français. Abd el-Kader ne se fait pas faute de les égorger, à l'exception de 1 600 survivants que recueillent les Français.

Bugeaud n'a cure de cet acte inique. Il juge sa mission accomplie et se rembarque pour la France en déplorant une « possession onéreuse dont la nation serait bien aise d'être débarrassée ».

Sur place, la situation se dégrade. Voilà que le bey Ahmed n'accepte plus de faire allégeance aux Français. Le maréchal Sylvain Valée s'empare non sans mal de sa capitale Constantine le 13 octobre 1837. C'est la première opération militaire d'une certaine ampleur depuis le début de l'occupation.

Pour relier Constantine à Alger, le duc d'Orléans franchit une gorge située sur le territoire d'Abd el-Kader : les « Portes de fer ».

Prenant prétexte de cette intrusion, Abd el-Kader ne se fait pas faute de dénoncer une violation du traité de La Tafna. Il proclame la guerre sainte le 18 novembre 1839.

Aussitôt, ses cavaliers ravagent la plaine de la Mitidja, derrière Alger, où commencent à s'implanter des colons européens. L'insurrection devient générale et consacre l'échec de la politique de concertation avec les chefs algériens.

Le gouvernement français doit choisir entre l'évacuation et la riposte. En choisissant cette dernière, il entre dans un engrenage qui va le conduire à occuper tout le pays. C'est ainsi que l'Algérie va devenir le principal champ de bataille de la « monarchie de Juillet ».

Abd el-Kader responsable de la conquête !

L'économiste et historien Alfred Sauvy a pu écrire à propos de l'Algérie : « Le responsable de la conquête n'est pas Bugeaud, mais Abd el-Kader. Les pouvoirs publics français étaient prêts à se contenter de quelques ports marchands, quand la révolte a obligé l'armée à rétablir l'ordre et le Parlement à voter les crédits nécessaires » (note).

De l'occupation limitée à la guerre totale

Bugeaud revient en Algérie avec le titre de gouverneur général. Devant l'impossibilité de s'en tenir à une occupation du littoral, le général réagit avec brutalité. Selon le principe qui avait été appliqué en Vendée pendant la Révolution, une génération plus tôt, il constitue des colonnes mobiles qui, au besoin, brûlent les récoltes, détruisent les villages et regroupent femmes et enfants dans le but de priver l'ennemi de tout soutien. Elles massacrent et torturent tant et plus également... tout comme leurs adversaires.

Les soldats français endurent des conditions de vie épouvantables. Ce sont des paysans pauvres et malchanceux qui ont tiré le mauvais numéro lors de la conscription et sont obligés de servir pendant sept ans ! De 1830 à 1875, 7 500 meurent au combat en Algérie. Mais dans le même temps, 110 000, soit 15 fois plus, meurent du fait de la chaleur, de la dysenterie et d'autres épidémies !... C'est à cette époque que l'on découvre les vertus de l'absinthe contre la fatigue et les fièvres.

De leur côté, les combattants locaux se mobilisent au coup par coup et retournent après chaque affrontement à leur existence villageoise. Le nombre de victimes (civils et combattants) est difficile à évaluer côté algérien faute de relevés administratifs. Mais l'on peut avec l'historien Daniel Lefeuvre s'en tenir à l'estimation de 250 000 à 300 000 victimes entre 1830 et 1860 (la décennie suivante s'avèrera deux fois plus meurtrière du fait de la sècheresse et de mauvaises récoltes).

Un témoignage édifiant des cruautés de la conquête

L'historien Pierre Michel, auteur d'une magnifique Histoire de l'Algérie (Tallandier, 2023), évoque le témoignage du lieutenant-colonel Lucien de Montagnac qui sera tué au combat à Sidi-Brahim le 23 septembre 1845. Fils de bonne famille, pétri d'humanités comme la plupart des officiers généraux et Bugeaud lui-même, il n'en montre pas moins une insensibilité stupéfiante. Ainsi écrit-il à un ami, le 15 mars 1843 : « On ne se fait pas d'idée de l'effet que produit sur les Arabes une décollation de la main des chrétiens : ils se figurent qu'un Arabe, qu'un musulman, décapité par les chrétiens ne peut aller au ciel ; aussi une tête coupée produit-elle une terreur plus forte que la mort de cinquante individus. Il y a déjà pas mal de temps que j'ai compris cela, et je t'assure qu'il ne m'en sort guère d'entre les griffes qui n'aient subi la douce opération. Qui veut la fin veut les moyens, quoi qu’en disent nos philanthropes. Tous les bons militaires que j’ai l’honneur de commander sont prévenus par moi-même que s’il leur arrive de m’amener un Arabe vivant, ils recevront une volée de coups de plat de sabre. (...) Voilà, mon brave ami, comment il faut faire la guerre aux Arabes : tuer tous les hommes jusqu’à l’âge de quinze ans, prendre toutes les femmes et les enfants, en charger des bâtiments, les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs; en un mot, anéantir tout ce qui ne rampe pas devant nous comme des chiens. » Voici encore ce qu'il écrit à sa soeur le 2 mai 1843 : « Nous battons la campagne, nous tuons, nous brûlons, nous coupons, nous taillons, pour le mieux dans le meilleur des mondes. »

Episode de la conquête de l'Algérie gravure de la fin du XIXe siècle)

Un exploit très médiatique

Bien que sans grande valeur militaire, la prise de la smala d'Abd el-Kader par le duc d'Aumale va donner à cette guerre cruelle l'image héroïque et romanesque qui lui faisait défaut.

La smala est un immense camp de toile composé de plusieurs enceintes circulaires. Il compte 30 000 personnes, essentiellement des femmes, enfants, fonctionnaires, artisans et serviteurs. Dans l'enceinte centrale se tiennent la famille de l'émir ainsi que sa très riche bibliothèque d'ouvrages religieux et savants en arabe. Les combattants chargés de défendre la smala sont au nombre de quelques centaines tout au plus. Cette capitale itinérante étirée sur plusieurs kilomètres a remplacé Taqdemt, la capitale que s'était donnée Abd el-Kader dans ses première années de pouvoir, après qu'elle eut été conquise en 1839 par les Français.

L'escadron du duc d'Aumale, fort de 500 cavaliers, tombe sur elle au cours d'une expédition de reconnaissance, peut-être sur l'indication d'un traître. Le duc d'Aumale, qui est le propre fils du roi Louis-Philippe Ier, fait 3 000 prisonniers et remporte un immense butin. La mère et la femme de l'émir Abd el-Kader sont elles-mêmes capturées mais arrivent à s'enfuir.

Le roi Louis-Philippe commande une toile au peintre Horace Vernet pour glorifier l'événement comme il se doit. Ce sera la plus grande peinture d'histoire qui soit : 21 mètres de long et 5 de haut. Elle s'attirera un grand succès au Salon de 1845.

 Horace Vernet (1789-1863), Prise de la Smala d?Abd-el-Kader par le duc d?Aumale à Taguin, le 16 mai 1843 (vers 1843, huile sur toile - 489 x 2139 cm, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon)

Ultimes résistances

Abd el-Kader parvient après cette déconvenue à se réfugier au Maroc, où sa popularité devient prodigieuse. Il entraîne le sultan marocain Abd el-Rahman à ses côtés. Mais ses espoirs seront trahis par la défaite de l'Isly, le 14 août 1844, quand les troupes marocaines sont surprises par Bugeaud sur l'oued Isly, non loin de la frontière. 11 000 soldats français mettent en déroute les 60 000 cavaliers marocains.

Le 10 septembre 1844, par le traité de Tanger, le Maroc lâche Abd el-Kader et entérine le tracé de sa frontière avec l'Algérie. Celle-ci n'est pas soumise pour autant. Dans le massif montagneux du Dahra, à l'est de Mostaganem et d'Oran, les paysans se soulèvent à l'appel d'un Berbère surnommé Boumaza (l'« homme à la chèvre »). La réaction de l'armée française ne se fait pas attendre. Des « colonnes infernales » ravagent la contrée. Sept cent villageois de la tribu des Ouled Riah périssent dans une « enfumade ».

Abd el-Kader lui-même, épuisé et isolé, se rend le 23 décembre 1847 aux généraux de Lamoricière et Cavaignac. Sa reddition ne met pas totalement fin aux hostilités. Une résistance sporadique va perdurer pendant encore une dizaine d'années avant que l'Algérie, exsangue, ne soit occupée dans sa totalité par l'armée française.

Cette guerre de conquête, seule guerre notable du règne somme toute pacifique de Louis-Philippe Ier, aura mobilisé jusqu'à 93 000 soldats. C'est beaucoup pour soumettre une population rurale et pauvre d'à peine 3 millions d'individus (la France compte à la même époque 36 millions d'habitants).

Le général Bugeaud s'en explique en qualifiant l'Algérie de « Vendée musulmane », avec au bout du compte la même résistance et la même répression que dans la véritable Vendée catholique ! Il aurait aussi pu évoquer la Guerre des Gaules car Jules César, à en juger par son récit, n'a pas montré moins de cruauté et de détermination que le maréchal lui-même en Algérie. 

Bugeaud recevra son bâton de maréchal pour ses faits de gloire en Algérie. Il sera fait duc d'Isly par le roi et il ne lui sera pas tenu rigueur des nombreux crimes de guerre commis sous son commandement contre les civils algériens.

Bugeaud reçoit la reddition des Marocains à l'Isly, par Horace Vernet (musée de Versailles)

Début de la colonisation

Après la reddition d'Abd el-Kader et la fin de toute résistance, des colons commencent de s'implanter en grand nombre sur le territoire algérien.

L'administration du pays a été confiée dès 1833 aux bureaux des Affaires arabes. Ces bureaux militaires prennent en charge les intérêts des indigènes et défendent tant bien que mal leurs droits et leurs propriétés. Mais au fil du temps, leurs efforts se heurtent à la volonté des gouvernements de transformer l'Algérie en une colonie de peuplement.

C'est ainsi que l'État ou l'armée enlèvent des terres aux indigènes, construisent à leurs frais des villages entièrement équipés avant de les remettre clé en main à des soldats en voie de démobilisation ou à des groupes de pauvres colons en provenance de la France de l'intérieur, de Malte, d'Italie ou encore d'Espagne.

Les pouvoirs publics constituent aussi de vastes domaines et les confient à des bourgeois venus de France, ces derniers employant sur leurs terres comme fermiers les indigènes musulmans qui en étaient auparavant les propriétaires.

Les immigrants européens sont appelés roumis (roumias pour les femmes) par les indigènes, d'un mot arabe qui désigne traditionnellement les chrétiens d'Occident, descendants des Romains (ils seront beaucoup plus tard qualifiés de Pieds-noirs par leur coreligionnaires de la métropole).

Espoirs et faillite de l'intégration politique

En rupture avec les régimes précédents, l'empereur Napoléon III tente de transformer le territoire algérien en un « royaume arabe » associé à la France et dont il serait lui-même le souverain.

Dans une lettre du 6 février 1863, il proclame que « l'Algérie n'est pas une colonie proprement dite mais un royaume arabe ». Au grand scandale des colons et des militaires, il en appelle à l'égalité complète entre Européens et indigènes, au moins dans la gestion des affaires locales. Par ailleurs, un sénatus-consulte (une loi) en date du 14 juillet 1865 permet aux musulmans d'acquérir la citoyenneté française mais à la condition de renoncer à titre individuel au statut coranique et d'accepter le droit civil français.

La chute de l'Empire, en 1870, va ruiner le projet de Napoléon III et creuser le fossé entre indigènes et colons.

André Larané
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Publié ou mis à jour le : 2024-10-18 13:29:40

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