Catherine Horel (Perrin, 467 pages, 25 euros, 2014)
L’amiral Horthy, régent de Hongrie entre 1920 et 1944, fut selon ses détracteurs la double incarnation du néant : amiral d’un pays sans accès à la mer, régent d’un pays sans roi.
La biographie de Catherine Horel vient nous rappeler les principales étapes du cheminement sinueux de celui qu’on a parfois comparé à un Pétain hongrois.
L’absurdité tragique de la situation de la Hongrie et de son régent est parfaitement résumée par ce dialogue reproduit en page 309 du livre de Catherine Horel, qui se serait tenu en 1942 entre le chargé d’affaires hongrois à Washington et un haut fonctionnaire du Département d’État, peu de temps après l’entrée en guerre des États-Unis :
- La Hongrie est-elle une république ?
- Non, monsieur, c’est un royaume.
- Vous avez donc un roi ?
- Non, nous avons un amiral.
- Vous avez donc une flotte ?
- Non, car nous n’avons pas de mer.
- Avez-vous des revendications envers qui que ce soit ?
- Oui.
- Envers les Etats-Unis ?
- Non.
- Envers l’Angleterre ?
- Non.
- Envers la Russie ?
- Non.
- Alors envers qui avez-vous des revendications ?
- Envers la Roumanie.
- Vous allez donc entrer en guerre contre la Roumanie ?
- Non monsieur, nous sommes alliés.
Après avoir été voué aux gémonies par le régime communiste, l’amiral Horthy est partiellement revenu en grâce dans son pays après la chute du mur de Berlin, non sans y soulever des passions analogues à celles qui concernent le maréchal Pétain en France.
Il a été ré-inhumé en 1993 dans le caveau familial de son village natal de la plaine hongroise, ce qui donne l’occasion à Catherine Horel de fournir un savoureux aperçu de l’obsession hongroise pour les réenterrements depuis la tentative avortée d’indépendance en 1848, le traître d’un régime devenant le héros du régime suivant et réciproquement.
Le record national en la matière est détenu par le poète Attila Jozseph, mort en 1937 sous la régence de Horthy, d’abord enterré dans le caveau de sa famille près du lac Balaton, puis réinhumé en 1942 au cimetière de Kerepes, puis transféré au Panthéon de la classe ouvrière dont il a été ressorti en 1994 pour être réinhumé à Kederes, signant ainsi son troisième et dernier réenterrement à ce jour.
Voir : Amiral d'un pays sans flotte, régent d'un pays sans roi
Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47
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PdlB (16-05-2016 18:01:19)
Dans cette biographie, il y a une dissymétrie flagrante entre la lacune sur la république des soviets de Bela Kun et la réaction qui a amené au pouvoir l'amiral Horthy. Il y a surtout une forte in... Lire la suite
Jean-Pierre Saels (05-01-2015 23:00:35)
Je n'ai aucune raison de soutenir quelque dictateur que ce soit, mais j'aurais apprécié que l'on évoque la rage communiste qu'a subi la Hongrie au sortir de la guerre de 14/18.
JPS