Marc Chagall (1887-1985) occupe une place à part dans l'art du XXe siècle. Artiste prolifique, merveilleux coloriste, c'est aussi un visionnaire qui a surmonté les pires tourments par une joie de vivre indestructible.
Vitebsk pour la vie
Le futur peintre est né le 7 juillet 1887 à Vitebsk, une cité de garnison en Russie blanche qui est aussi un shtetl, autrement dit une ville de culture yiddish, peuplée de juifs orientaux ou ashkénaze parlant un hébreu mâtiné d'allemand et de polonais.
Sa famille appartient à la communauté hassidique. Fondée au XVIIIe siècle, cette mouvance israélite orthodoxe privilégie la communication joyeuse avec Dieu par le chant et la danse.
Autant dire que le futur peintre est très tôt happé par la musique, jusqu'à rêver de devenir violoniste ou danseur. Dans Ma Vie, sa biographie écrite dès 1922 (!), il raconte cet univers familial : le grand-père chantre, l’oncle Neuss jouant du violon, la mère entonnant la chanson du rabbin à la veillée du Sabbat, l’oncle Israël psalmodiant...
Ses prédispositions pour la peinture l'amèneront à suivre une voie différente... mais pas tant que cela car toute son oeuvre picturale reflète sa passion pour la musique et la danse... autant que pour la Bible.
Il écrit joliment : « Les deux merveilles du monde sont la Bible et la musique de Mozart, et une troisième naturellement, l'amour ».
En 1910, il quitte la Russie pour parfaire sa formation à Paris et s'installe à la Ruche, une cité d'artistes du 15e arrondissement où il se lie avec Fernand Léger, Henri Laurens, Alexandre Archipenko, Amedeo Modigliani, Chaïm Soutine et les poètes Blaise Cendrars, Max Jacob, André Salmon, Guillaume Apollinaire.
Errances joyeuses et amères
Début 1914, Marc Chagall, qui commence à être connu, rentre à Vitebsk avec le projet d'épouser l'élue de son coeur, Bella Rosenfeld, qu'il a rencontrée aux Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg à 17 ans. Ils auront une fille et Bella deviendra la muse de l'artiste, mille fois représentée dans ses toiles.
En attendant, le jeune couple n'a pas le temps de savourer son bonheur. Il est surpris par la Grande Guerre et obligé de demeurer en Russie. Arrive ensuite la révolution bolchévique. Marc Chagall apporte sa contribution artistique au nouveau régime en ouvrant une école à Vitebsk et un Théâtre d'art juif à Petrograd.
Mais, en 1922, les menaces qui pèsent sur la communauté israélite et la poursuite des pogroms l'obligent à fuir avec sa famille à Berlin puis à Paris où Blaise Cendrars l'invite par lettre à illustrer des livres de l'éditeur Ambroise Vollard : Les Âmes mortes de Gogol, les Fables de La Fontaine, enfin la Bible.
Les estampes bibliques ont fait l'objet d'une superbe exposition en 2011 à Paris, au Musée d'Art et d'Histoire du judaïsme.
Se tenant à l'écart du mouvement surréaliste, il se rend à Tel-Aviv, en Palestine, à l'invitation du maire de la ville et visite le Proche-Orient et l'Égypte. Il voyage également en Espagne et en Pologne, où il découvre la progression de l'antisémitisme, cependant qu'en Allemagne, les nazis brûlent ses oeuvres réputés juives et bolchéviques.
Naturalisé français en 1937, Marc Chagall doit néanmoins s'enfuir en 1941, après l'occupation du pays par la Wehrmacht, pour échapper aux rafles. Il s'établit à New York où Bella meurt prématurément en 1944 d'une maladie bénigne mal soignée faute de médicaments.
Le peintre ne revient en France qu'en 1948. Proche du marchand Aimé Maeght, il découvre grâce à lui la Provence. Il se remarie aussi en 1953 avec Valentina Brodsky et s'établit à Saint-Paul de Vence. C'est là qu'il s'éteint le 28 mars 1985, après un ultime coup de pinceau.
La musique avant toute chose
Chagall a su comme nul autre colorier la musique et, dans la deuxième partie de sa vie, a multiplié les collaborations avec les chorégraphes et directeurs de troupe d'opéra. Ainsi a-t-il créé à New York en 1945 décors et costumes d'une nouvelle mise en scène de L'Oiseau de feu (Stravinsky, 1910).
L'apothéose est venue en 1962 avec la commande par André Malraux, ministre des Affaires culturelles du général de Gaulle, d'un nouveau plafond pour l'Opéra-Garnier (Paris). Chagall a donc peint plusieurs toiles d'une surface totale de 220 m2 qui ont ensuite recouvert le décor d'origine, créé par Jules Lenepveu en 1869.
En même temps, le directeur du Metropolitan Opera de New York lui a commandé les décors et les costumes d'une nouvelle mise en scène de La Flûte enchantée.
Ces réalisations sont au coeur de la magnifique exposition (en couleurs et en musique) que lui consacre la Philharmonie de Paris du 13 octobre 2015 au 31 janvier 2016 sous l'intitulé : Marc Chagall, le triomphe de la Musique.
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