Houellebecq économiste

« Personne n'a comme Houellebecq l'intelligence du monde contemporain »

Bernard Maris (Flammarion, 160 pages, 14 euros,  2014)

Houellebecq économiste

Par un tragique pied-de-nez, le hasard a voulu que la rédaction de Charlie Hebdo soit assassinée le jour de la sortie officielle du dernier roman de Michel Houellebecq, Soumission.

À l'aube de ce sombre 7 janvier 2015, le romancier - sans conteste l'un des meilleurs de sa génération - présentait sur les ondes, de sa voix pâle et désabusée, ce roman dans lequel il est question d'une France qui, pour échapper à l'islamo-terrorisme, se jette dans les bras d'un islam « modéré ».

Quelques minutes plus tard, le brouhaha médiatique autour de Michel Houellebecq s'effaçait au profit d'une tragédie autrement plus réelle et sulfureuse et l'on apprenait que, parmi les victimes du 10, rue Nicolas-Appert, figurait Bernard Maris, un économiste rigolard et anticonformiste qui était aussi un fervent admirateur de Houellebecq et venait de publier un opuscule incisif et bien enlevé : Houellebecq économiste.

Une critique radicale de l'impasse néolibérale

Bernard Maris affiche d'emblée le peu d'estime dans lequel il porte ses confrères économistes, auxquels il reproche de trop se prendre au sérieux et d'ignorer les seules vraies valeurs qui comptent : « Discipline qui, de science, n'eut que le nom, et de rationalité que ses contradictions, l'économie se révèlera l'incroyable charlatanerie idéologique qui fut aussi la morale d'un temps ».

Et l'économiste dissident de se délecter de l'œuvre romanesque de Houellebecq qui, l'air de rien, démonte et dénonce les ressorts d'un capitalisme vide de sens et suicidaire, à la manière de Balzac disséquant les rentiers louis-philippards.

Le romancier porte le même regard que l'économiste de Charlie Hebdo sur le néolibéralisme financier et sur la démocratie, dont il pense qu'elle a été mortellement blessée quand la classe dirigeante a volé aux citoyens le référendum du 29 mai 2005.

Les personnages centraux de ses romans sont en général des cadres d'entreprise qui courent après l'argent et les satisfactions matérielles, sans y trouver de remèdes aux seules vraies préoccupations qui taraudent les poètes et l'ensemble des hommes depuis la nuit des temps : l'amour sincère et la fuite du temps.

Concluons sur cette formule cruelle de Bernard Maris : « Le capitalisme s'adresse à des enfants dont l'insatiabilité, le désir de consommer sans trêve vont de pair avec la négation de la mort. C'est pourquoi il est morbide. Le désir fou d'argent, qui n'est qu'un désir d'allonger le temps, est enfantin et nuisible. Il nous fait oublier le vrai désir, le seul désir adorable, le désir d'amour ».

André Larané

Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47

Georges (12-01-2015 23:25:38)

Merci, André, de rappeler le referendum de 2005 qui nous a été confisqué.

FRANCIS DURNER (12-01-2015 20:37:24)

Je tiens à rendre un hommage à BERNARD MARIS et son discours plein de bon sens et d'humanité et allait à contre courant de la pensée néolibérale qui conduit l'Europe dans une impasse Au revoi... Lire la suite

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