Les femmes et la Révolution (1770-1830)

Des salons littéraires au retour de bâton

3 avril 2019 : Christine Le Bozec a enseigné l’histoire de la Révolution française à l’Université de Rouen. Avec Les femmes et la Révolution (1770-1830), elle nous livre un superbe condensé sur un aspect méconnu de cette période, émaillé de quelques beaux portraits de femmes engagées… et demeurées dans l’ombre.
Elle rappelle en particulier le rôle moteur qu’ont joué les Françaises dans les débuts de la Révolution et montre comment les espoirs nés des premières années ont été brisés net à l’automne 1793...

<em>Les femmes et la Révolution (1770-1830)</em>

Le règne de Louis XVI marque le triomphe des « salons littéraires » ou « salons de conversation ». On en compte à Paris plus de soixante. Là, des femmes brillantes et hospitalières reçoivent avec distinction des personnalités de tous bords et de toutes origines pour animer des conversations de haut vol sur tous les sujets qui intéressent ces dames et ces messieurs : philosophie, politique, sciences, arts, lettres etc.

Dans la société française du XVIIIe siècle, à dominante rurale, les femmes participaient en première ligne aux activités de production. À part quelques femmes de fermiers aisés, la plupart travaillaient dur aux champs, s’occupaient des bêtes, bêchaient le potage et se débrouillaient tant bien que mal avec leur mari pour payer taxes et impôts et échapper à l’indigence. 

Louis XVI ramené à Paris... par les femmes !

Quand éclate la Révolution, les femmes sont très présentes, tant durant la « Journée des tuiles » de Grenoble, le 7 juin 1788, qu’à la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789. Mais c’est surtout les 5 et 6 octobre 1789 que leur intervention est décisive, quand les Parisiennes vont chercher le roi à Versailles et le ramènent à Paris.

Elles se mêlent aux clubs qui surgissent ici et là à Paris et dans les grandes villes. Elles fondent aussi en mars 1791 un club mixte dans lequel vont se révéler des femmes appelées à un grand rôle : la journaliste Louise de Kéralio, la chocolatière Pauline Léon, la comédienne Claire Lacombe, proche de Marat etc.

Le 6 mars 1792, Pauline Léon lit devant l’Assemblée législative une pétition signée par 319 femmes. Ce jour est considéré comme l’acte de naissance des « Tricoteuses », ces militantes qui ne vont avoir de cesse de sermonner les députés du haut des tribunes.

Quoique très minoritaires, ces Parisiennes obtiennent en définitive de l’Assemblée qu’elle vote avant de se séparer, le 20 septembre 1792, le mariage républicain, l’égalité des époux et le droit au divorce par consentement mutuel ! En dépit de ces avancées, les femmes n’acquièrent pas le droit de vote. Elles demeurent des « citoyennes sans citoyenneté ».

C’est au cours du printemps et de l’été 1793 que « le mouvement féminin atteint son plein régime caractérisé », note l’historienne, à la faveur des batailles pour le port de la cocarde tricolore et surtout l’instauration d’un prix maximum sur les denrées de première nécessité !

Mais le retournement sera d’autant plus brutal à l’automne de la même année. Le 30 octobre 1793, la Convention interdit les clubs et les sociétés populaires de femmes. Dans le même temps, plusieurs femmes sont envoyées à la guillotine, à commencer par la reine Marie-Antoinette, Olympe de Gouges, Madame Roland, Charlotte Corday… L’assassinat de Marat par cette dernière achève de convaincre les députés du bien-fondé de leurs préjugés contre les femmes.

Comme on l’a compris, Christine Le Bozec met remarquablement en lumière les espoirs trahis de la Révolution. Elle montre ensuite le chemin vers la grande régression du XIXe siècle, avec en point de mire le code Napoléon qui criminalise l’adultère féminin et la suppression du divorce par la loi Bonald le 8 mai 1816.

Les femmes et la Révolution (1770-1830) fera date par son érudition mais aussi par la rigueur de sa démonstration et la limpidité de l’écriture.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2019-04-03 13:38:31

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