8 mars 2020. Dans le dernier demi-siècle, les mouvements féministes ont obtenu une totale égalité de droits entre les femmes et les hommes. Égalité dans le mariage (et le divorce), égalité de droits au travail, contraception, légalisation de l'avortement semblent aujourd'hui aller de soi, du moins en Occident... Qu'en est-il ailleurs ?
Illusion d'optique : le monde n'est pas ce que l'on en voit
Quand a éclaté l'affaire Weinstein, du nom du producteur hollywoodien poursuivi pour harcèlement sexuel et viols, Le Monde a fait sa Une sur « L'onde de choc mondiale » en décrivant les manifestations de soutien aux victimes dans les capitales européennes, les grandes villes nord-américaines ainsi qu'à Sidney et dans quelques autres métropoles ! Mais derrière les apparences, la vague de protestation est demeurée cantonnée à une portion de la planète...
Les journalistes, les gouvernants et nous-mêmes avons été induits en erreur sur ce phénomène comme sur beaucoup d'autres par l'illusion d'optique que présente un planisphère.
Sur une carte de la planète, l'aire culturelle à laquelle nous appartenons en tant qu'Occidental apparaît singulièrement démesurée par rapport à son poids démographique réel.
Il y a deux ou trois raisons à cela :
• L'Europe et surtout ses marges (Amérique du nord et Groenland, Australie, Sibérie...) constituent d'immenses espaces sous-peuplés, avec des densités humaines qui dépassent rarement 100 hab./km2 alors que de nombreuses autres régions du monde dépassent désormais les 1000 hab./km2 : Bangladesh, vallée du Nil, Chine littorale etc !
• Par ailleurs, la chute de la natalité en Occident mais aussi en Extrême-Orient entraîne un vieillissement très important des populations concernées, avec la perspective d'une diminution rapide. À la lumière des projections publiées par Eurostat en juin 2019, la démographe Michèle Tribalat montre que la population de l'Union européenne pourrait chuter de 512 millions d'habitants en 2018 à 408 millions en 2075 (sauf retournement spectaculaire et à supposer que l'immigration africaine et moyen-orientale s'interrompe).
• Ajoutons que, sur environ 200 États enregistrés à l'ONU, une cinquantaine (20%) appartiennent à l'Europe et rassemblent 10% de la population mondiale cependant que deux États (l'Inde et la Chine) rassemblent 35% des humains. D'où ce paradoxe qu'une grande majorité d'États ont à ce jour aboli la peine de mort alors que les deux tiers des humains vivent dans des États qui l'appliquent !
Au milieu du XXIe siècle, quand les sexagénaires actuels ne seront plus là, la destinée de l'humanité sera entre les mains des enfants nés aujourd'hui. Or, ceux-ci sont très majoritairement établis en Afrique subsaharienne et sur le pourtour de l'océan Indien.
C'est cette réalité déjà palpable qu'expose le planisphère ci-après, sur lequel chaque grande région est ramenée à un cercle dont la surface est proportionnelle au nombre de naissances enregistré dans cette région en 2019. Ces régions sont celles qu'ont définies les démographes de l'ONU, sur la base d'une relative homogénéité.
Ainsi transparaît le rétrécissement de l'aire occidentale, qui « pesait » un tiers de l'humanité en 1900 et ne porte plus que 9% des naissances enregistrées en 2015-2020 (sources).
Qu'en est-il des droits des femmes ?
Si nous appliquons à la carte ci-dessus les indicateurs sociaux actuels, par exemple des indicateurs relatifs aux droits des femmes (avortement, polygamie, préférence pour les bébés mâles...) ou à la peine de mort, nous percevons une réalité contre-intuitive, singulièrement éloignée de celle que colportent nos médias et nos gouvernants, lesquels baignent dans la même sphère culturelle que nous et ne perçoivent pas le poids des autres sphères.
La France a légalisé l'avortement en 1974, il y a près d'un demi-siècle, et l'on voit ci-dessous que des dispositions similaires sont appliquées dans tous les pays développés (Occident et Extrême-Orient). Il est toutefois encore restreint au Japon, en Corée, dans les îles britanniques et en Pologne. Dans les autres régions du monde, il est interdit ou sévèrement restreint sauf dans quelques rares pays (Afrique du sud, Vietnam...).
La polygamie, autrement dit le droit pour un homme d'avoir simultanément plusieurs épouses, est l'indicateur absolu d'une différence juridique entre les hommes et les femmes (les femmes n'ayant pas de leur côté le droit de se marier avec plusieurs hommes !). Il induit une sujétion économique des femmes et des mariages contraints d'adolescentes avec de vieux barbons. On voit sur la carte ci-dessous qu'elle est légale ou tolérée dans le monde musulman (y compris en Indonésie, Asie du sud-est), dans le sous-continent indien et en Afrique subsaharienne. Les exceptions notables sont la Tunisie, la Turquie et l'Éthiopie.
Il est un phénomène très significatif de la représentation sociale des femmes ; c'est le « sexe-ratio à la naissance ». Une loi universelle fait que naissent bon an mal an 105 garçons pour 100 filles (un peu moins en Afrique noire). Mais comme les garçons ont une mortalité plus élevée, l'équilibre se rétablit quand vient l'âge des amours et de la reproduction (20-50 ans), preuve que « dame Nature pense à tout ! ».
Cette loi naturelle est gravement contrariée aujourd'hui dans deux grandes régions du monde, l'Extrême-Orient et l'Asie du sud (essentiellement le nord de l'Inde), ainsi qu'au Vietnam, où l'on observe des sexe-ratios de 110 à 130 garçons pour 100 filles au lieu de 105 !
Ce phénomène très lourd de conséquences dérive d'une forte préférence pour le sexe mâle. Les raisons en sont culturelles : dans la culture bouddhiste, par exemple, il revient aux garçons d'assurer le culte des ancêtres. Elles sont aussi économiques : ainsi, en Inde, les parents qui ont une fille à marier sont tenus de payer une dot conséquente, ce qui revient à « arroser le jardin du voisin ».
Or, dans les sociétés dites modernes, en Asie comme ailleurs, les couples ne souhaitent généralement pas plus d'un ou deux enfants. S'ils veulent à tout prix un garçon et veulent éviter une fille, ils mettent à profit l'écographie pour s'assurer un maximum de chances d'avoir un garçon en pratiquant l'avortement préventif des filles.
Ces rapides éclairages sur la condition des femmes aujourd'hui dans le monde ne doivent pas empêcher les actrices, acteurs et médias occidentaux de poursuivre leur combat contre les prédateurs sexuels des studios de cinéma et des salles de rédaction. Nul doute que les milliards de femmes qui souffrent de violences et de discriminations dans les autres régions de la planète ou dans nos villages et nos banlieues s'en porteront mieux...
Depuis les années 1980 et l'épidémie de Sida qui a joué le rôle de révélateur, les homosexuels constitués en groupes de pression ont obtenu l'abrogation des lois stigmatisantes ou discriminantes à leur encontre. Pas partout, loin s'en faut. Dans de nombreux pays, l'homosexualité est encore passible de la peine de mort.
La carte ci-dessous, reprenant les données de l'association Igal, classifie les pays en trois catégories : ceux qui ont une législation bienveillante, ceux qui répriment l'homosexualité et ceux qui choisissent l'indifférence. Les pays bienveillants appartiennent à l'aire occidentale. Il s'y ajoute seulement l'Afrique du sud, le Japon et la Corée...
En octobre 1981, la France fut l'un des derniers pays d'Europe occidentale à abolir la peine de mort. Le mouvement semblait irréversible. La carte du monde actuel montre que l'abolition progresse encore lentement. Toute l'aire occidentale s'y est ralliée (à l'exception d'une partie des États-Unis) ainsi que l'Amérique latine.
À côté de cela, on note quelques autres pays où elle a été abolie ou n'est plus appliquée (Turquie, Maroc, Afrique de l'Ouest...) mais l'on peut se demander si la Turquie d'Erdogan, qui a aboli la peine de mort pour ne pas bloquer les négociations d'entrée dans l'Union européenne, ne reviendra pas là-dessus ?...
Vos réactions à cet article
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Lucky (18-03-2022 09:14:53)
Merci pour votre excellent travail, que je partage.
Bon courage et que la fraternité gagne les peuples plutôt que les conflits tant privés qu'internationaux
HAMONET (08-03-2020 16:17:54)
Bravo pour cette approche originale et pertinente du sujet.
BONHOURE (08-03-2020 15:58:55)
Il y a bien longtemps, dans les années 1950-60, dans les cours d'anthropologie, on nous disait que si la natalité démentielle de l'humanité ne se calmait pas , le XXI ème siècle sera le début d... Lire la suite