Le Panthéon (Paris)

Aux grands hommes la patrie reconnaissante

Église à l'origine, le monument parisien a été dédié par la Révolution à la célébration de ses grands hommes -. Cette vocation a été reprise par la République un siècle plus tard. Délaissée pendant plusieurs décennies, elle est revenue en vogue à l'initiative du président Mitterrand.
Voir les résultats de notre questionnaire (2013) : À qui voulez-vous faire l'honneur du Panthéon ?

Le Panthéon, l'un des monuments les plus imposants de Paris, est sorti d'un long sommeil le 19 mai 1981, quand François Mitterrand a inauguré son premier mandat présidentiel par un hommage solennel aux mânes de quelques hôtes de la nécropole nationale : Victor Schoelcher, Jean Jaurès et Jean Moulin.

Depuis lors, lui-même et ses successeurs se sont fait un devoir de renouer avec les inhumations en grande pompe. Pas moins de sept en ce qui concerne François Mitterrand, soit un dixième de l'effectif total : René Cassin (1987), Jean Monnet (1988), l'abbé Grégoire, Gaspard Monge et Condorcet (1989), Pierre et Marie Curie (1995). Deux avec Jacques Chirac : André Malraux (1996) et Alexandre Dumas (2002). Quatre avec François Hollande (2015)... La liste est provisoirement close avec Simone Veil et son mari le 1er juillet 2018 à l'initiative d'Emmanuel Macron.

Ce rituel républicain avait été délaissé par les premiers présidents de la Ve République, quand la France regardait avec confiance vers l'avenir (de Gaulle s'était limité à célébrer Jean Moulin et la Résistance, en 1964). Son retour fracassant peut être vu comme une quête d'identité nationale dans un pays perclus de doutes.

Le Panthéon (gravure du milieu du XIXe siècle)

Voeu inabouti

Gravement malade à Metz en 1744, le roi Louis XV fait le voeu, en cas de guérison, de reconstruire l'église Sainte-Geneviève.

Située sur la « montagne » du même nom, au coeur du Quartier Latin, cette église était l'héritière de la basilique des Saints-Apôtres érigée sur ordre du roi Clovis à l'endroit où mourut et fut ensevelie en 502 sa conseillère Geneviève, sainte patronne de Paris. Le roi des Francs et son épouse Clotilde y sont eux-mêmes inhumés respectivement en 511 et 545.

Le dôme intérieur du Panthéon de ParisAu XIIe siècle, les chanoines de l'ordre de Saint-Augustin, dits Génovéfains (de sainte Geneviève), s'installent dans une abbaye voisine. 

C'est seulement en 1755, onze ans après le voeu de Louis XV, que l'architecte Jacques Soufflot commence la construction de l'église actuelle, en style néo-classique, avec une nef intérieure en marbre.

En forme de croix grecque, le bâtiment a une longueur de 110 mètres et une largeur de 82. Son dôme culmine à 83 mètres. Dans la structure, du métal vient en renfort de la pierre. Construit dans une époque où ne souffle plus l'esprit religieux d'antan, le massif monument à coupole semble anticiper les lourds monuments de l'époque stalinienne. Il est tout juste achevé à la veille de la Révolution.

La nef du Panthéon de Paris

Un Panthéon à Paris comme à Rome

Suite à la mort de Mirabeau, l'un des inspirateurs de la Révolution, l'Assemblée nationale décide deux jours plus tard, le 4 avril 1791, de l'inhumer dans l'édifice et de convertir celui-ci en « Panthéon des grands hommes » ou nécropole nationale, à l'image de l'abbatiale de Westminster, à Londres.

La crypte, prévue pour accueillir les dépouilles des Génovéfains, compte trois cents emplacements, ce qui permet de voir venir. Mais l'Assemblée a le mauvais goût d'obturer les fenêtres latérales qui donnaient à l'édifice légèreté et lumière, afin de plonger la nef dans une pénombre... mortuaire. 

L'église prend le nom de Panthéon, d'après un mot grec qui désigne l'ensemble des dieux et que l'on retrouve dans le nom d'une splendide basilique romaine, construite sur le même plan circulaire, avec une audacieuse coupole sous laquelle repose le peintre Raphaël.

La sépulture de Voltaire au Panthéon (Paris)Premier hôte du Panthéon parisien, Mirabeau en est exclu en 1793, suite à des révélations sur sa trahison, et remplacé par Marat, lequel en sera à son tour exclu quand les révolutionnaires renieront la Terreur.

Dès après Mirabeau, c'est à Voltaire d'entrer au Panthéon en 1791. Il y est rejoint en 1794 par son vieil ennemi, Rousseau.

Sous le Premier Empire, en 1806, l'église est rendue au culte mais sa crypte continue de recevoir les dépouilles des « grands hommes » et des fidèles de l'Empereur, généralement d'illustres inconnus.

Sous la Restauration, en 1821, la crypte est fermée et l'ensemble de l'édifice rendu au culte catholique. Louis XVIII, à qui l'on suggère d'exclure le mécréant Voltaire du temple, répond : « Ça ne lui fera pas de mal d'écouter la messe de temps en temps  ».

Revirement sous Louis-Philippe Ier. Le « roi-bourgeois » enlève le monument au culte mais ferme la crypte. 

Où sont les femmes ?

À la demande de Louis-Philippe, le fronton du Panthéon fut adorné en 1837 par David d'Angers de l'inscription célèbre : « AUX GRANDS HOMMES LA PATRIE RECONNAISSANTE ».
Cette formule, qui dénie tout mérite aux femmes, est caractéristique du XIXe siècle bourgeois qui réduisit les femmes au rang de bonnes ou de potiches (avec robes à crinoline). Elle eut été impensable sous l'Ancien Régime ou au Moyen Âge, quand il arrivait à des femmes de commander des armées ou diriger des États...
Il a fallu attendre 1995 pour qu'enfin la Patrie témoigne de sa reconnaissance à une femme, Marie Curie. Après elle, Geneviève Anthonioz-de Gaulle et Germaine Tillion, Simone Veil est la quatrième Française dans ce cas. On est encore loin de la parité !
Notons que le roi Louis-Philippe a aussi inauguré à Versailles un musée de l'Histoire de France dédié « Aux gloires de la France », une formule qui a l'avantage sur la précédente de n'être pas le moins du monde sexuée !

Retour aux origines

En 1848, la Seconde République transforme le Panthéon en « Temple de l'humanité ». En 1851, la nef accueille le pendule de Foucault pour une expérience scientifique de longue haleine. 

Sainte Geneviève rencontre saint Germain d'Auxerre (Pierre Puvis de Chavannes, 1878, Panthéon de Paris)Le 6 décembre 1851, sitôt après le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte qui installe le Second Empire, l'édifice est élevé au rang de basilique nationale et retrouve la châsse de sainte Geneviève qui en avait été chassée en 1792. L'inscription de David d'Angers est effacée.

En 1871, nouveau retour de balancier : la IIIe République enlève les symboles du christianisme.

Les murs de la nef sont décorés avec des peintures sur toiles marouflées qui représentent la vie de sainte Geneviève et quelques événements mythiques de la France des origines.

Le principal auteur de ces peintures est le peintre raphaélite Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898). 

En 1885, les républicains affirment le triomphe définitif du régime sur la monarchie et l'Église. Ils remettent une bonne fois pour toutes la nécropole du Panthéon en service à l'occasion des funérailles de Victor Hugo.

Funérailles de Victor Hugo (1885)

Des hôtes pour la plupart inconnus

Sur les 77 hôtes du Panthéon (2018), deux remontent à la Révolution (Rousseau et Voltaire) et 42 sont des proches de Napoléon Ier (militaires, hauts fonctionnaires, scientifiques) inconnus à quelques exceptions près (Saint-Hilaire, Lannes, Tronchet, Lagrange...).

Les suivants remontent à la IIIe République. Les plus connus : Marcellin Berthelot (et sa femme Sophie), Lazare et Sadi Carnot, Félix Éboué, Léon Gambetta (le coeur seulement !), Victor Hugo, Jean Jaurès, Paul Langevin, Paul Painlevé, Jean Perrin, Émile Zola...

Derniers arrivés (Ve République) : André Malraux, Pierre et Marie Curie, Condorcet (tombeau vide), Monge, abbé Grégoire, Jean Monnet, René Cassin, Jean Moulin, Braille, Victor Schoelcher (et son père), Alexandre Dumas, les « Justes des Nations »... Enfin quatre résistants en 2015 : Jean Zay, Pierre Brossolette, Germaine Tillion et Geneviève Anthonioz-de Gaulle. Notons que les deux dernières auront les honneurs du Panthéon sans que leur dépouille y soient transférées, suivant le souhait de leur famille. Quelques autres hôtes sont dans le même cas.    

La littérature peu représentée

Alexandre Dumas (24 juillet 1802, Villers-Cotterêts ; 5 décembre 1870, Dieppe)Mort à Dieppe en 1870, Alexandre Dumas est le dernier écrivain à avoir eu les honneurs du Panthéon. Sa dépouille a quitté Villers-Cotterêts, où il est né en 1802 et a été inhumé, pour rejoindre, le 30 novembre 2002, dans une atmosphère de joyeux carnaval, le caveau où reposent son ami Victor Hugo et un autre grand romancier populaire, Émile Zola.

Son entrée au Panthéon est une forme de revanche posthume pour son père, général de la Révolution tombé en disgrâce sous le règne de Napolén Ier.

L'auteur des Trois Mousquetaires (1844) n'est jamais que le sixième écrivain accueilli au Panthéon ès-qualité, après Voltaire, Rousseau, Hugo, Zola et Malraux. Sur un total de 77 hôtes (2018) dont une majorité d'illustres inconnus, c'est peu pour un pays qui se targue de posséder l'une des plus riches littératures du monde.

À quand le tour d'Honoré de Balzac, George Sand, Jules Michelet, Alexis de Tocqueville, Charles Baudelaire, Marcel Proust, Marc Bloch, Raymond Aron, Albert Camus…?

Fabienne Manière
Publié ou mis à jour le : 2024-02-19 16:50:42

Voir les 5 commentaires sur cet article

HAMONET (26-02-2024 21:04:46)

Je propose le Général Jacques Paris de Bollardière pour ses engagements aussi bien comme résistant pendant la 2eme guerre mondiale que pendant la guerre d'Algérie et sa lutte contre la torture,... Lire la suite

jfriloux (21-02-2024 14:13:01)

Bien sûr, pour Camus, avec réserves, car philosophe universel, mais pas uniquement Français. Par contre, Michel Colucci, dit Coluche, a renforcé et transformé l'humanisme et la solidarité, insÃ... Lire la suite

Roland Peccoud (02-07-2018 12:49:01)

J'ajouterais à cette liste Albert Camus.

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