Jacques Chirac (1932 - 2019)

Trente ans au cœur de la politique française

Jacques Chirac a dominé la vie politique française pendant plus de trente ans, de 1974 à 2007, comme Premier ministre, chef de l'opposition, président de la République... ou chef de l'opposition.

Quatre fois dans ces trois décennies, il a pris le pouvoir dans des conditions très favorables pour la droite. Jamais il n'a réussi à le conserver plus de deux ans d'affilée, laissant chaque fois le pays désemparé et la droite éreintée (note).

Ce fut d'abord comme Premier ministre de Giscard d'Estaing (1974-1976) et de François Mitterrand (1986-1988), puis comme Président de la République en 1995 et 2002. La sévère défaite de son camp aux élections législatives de 1997 puis aux élections régionales des 21 et 28 mars 2004 et au référendum du 29 mai 2005 sont venues confirmer la « loi des deux ans ».

Il n'empêche que, dans ce laps de temps, par ses réformes, ses discours... et ses échecs, il a profondément marqué le pays de son empreinte, davantage sans doute que ses principaux comparses et rivaux, Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand. Du premier, on retient surtout la sortie télévisée au soir de sa défaite, le 19 mai 1981. Du second, l'abolition de la peine de mort. Examinons de plus près le cas Chirac.

André Larané

Homme de contact

Né à Paris, fils unique d'un couple aisé d'origine corrézienne, Jacques Chirac témoigne dès l'adolescence d'un goût pour les cultures diverses. Il fréquente dès 14 ans les salles du musée Guimet, haut lieu parisien des arts orientaux. De ce jardin secret sortira en 2006 le musée des arts premiers du quai Branly - Jacques Chirac.

Après le bac, contre l'avis de son père, le jeune homme s'engage comme pilotin sur un navire charbonnier et navigue de Dunkerque à Alger. Il milite aussi un moment dans le parti communiste et vend L'Humanité à la criée. Il prend enfin une année sabbatique aux États-Unis, dont il retient surtout les travers sociaux.

Admis à l'École Nationale d'Administration (ENA), il révèle déjà ses talents de séduction et une incomparable chaleur humaine qui s'adresse aux humbles bien davantage qu'aux puissants. À l'issue de la scolarité, l'huissier de l'ENA doit selon la coutume annoncer le nom du major de la promotion (et lui seul) mais, gagné par son amitié pour le jeune Jacques, il ne peut s'empêcher de lancer  : « Monsieur Rouvillois est major... et Monsieur Chirac est seizième ! » (note).

Bernadette de Courcel épouse Jacques Chirac le 17 mars 1956. L'agrandissement montre Claude, Bernadette et Jacques Chirac en vacances dans les Alpes, le 18 août 1974.Le 16 mars 1956, il épouse Bernadette Chodron de Courcel, une jeune fille de la haute bourgeoisie rencontrée à Sciences Po. Le couple aura deux filles, Laurence et Claude...

En attendant, dès le 1er avril 1956, le jeune marié se porte volontaire pour l'Algérie, où il est promu lieutenant dans un régiment des chasseurs d'Afrique. Bien plus tard, le président Bouteflika lui rendra hommage lors d'un voyage officiel en Algérie en rapportant les souvenirs d'un chef du FLN sur son comportement plein de dignité à l'égard des populations musulmanes.

En 1962, le jeune énarque de 30 ans entre au cabinet du Premier ministre Georges Pompidou, dont il devient l'un des plus solides soutiens et lui vaut le surnom de « bulldozer ». En 1965, il fait une entrée timide dans l'arène politique comme conseiller général de la Corrèze. En 1967 enfin, il arrache à l'opposition le siège de député d'Ussel, en Corrèze. Il ne le lâchera plus.

Ce succès lui vaut d'entrer au gouvernement le 8 mai 1967 comme secrétaire d'État à l'Emploi. Il crée l'Agence Nationale pour l'Emploi (ancêtre de Pôle Emploi) et participe aux négociations de Grenelle avec les syndicats à l'issue des événements de Mai 68.

Jacques Chirac et l'Histoire

Dans son numéro 431 d'octobre 1982, le magazine Historia a posé la question : Français, aimez-vous l'Histoire ? Il a aussi interrogé plusieurs personnalités dont Jacques Chirac, alors maire de Paris et âgé de 50 ans, sur leur rapport à l'Histoire : Jacques Chirac et l'Histoire.

Retour en arrière

1) 1974-1976

Le président Georges Pompidou et Jacques ChiracJacques Chirac se fait connaître comme ministre de l'agriculture sous la présidence de Georges Pompidou et révèle à ce poste un talent exceptionnel pour séduire sa clientèle d'agriculteurs par de fortes paroles et des cadeaux. Il ne se départira plus jamais de ce talent.

Profondément ému par la mort du président, le 2 avril 1974, il convainc une partie de ses amis de l'U.D.R., le parti gaulliste, de soutenir le centriste Valéry Giscard d'Estaing contre le candidat de leur propre parti, Jacques Chaban-Delmas. C'est l'« Appel des 43 ».

Cette trahison lui vaut d'être nommé Premier ministre le 27 mai 1974 par le nouveau président de la République. Il a 42 ans et le président 48. Le rajeunissement va-t-il s'étendre aux structures politiques ?

Tandis que l'Europe des « Trente Glorieuses » est frappée par la crise économique née du choc pétrolier d'octobre 1973, Valéry Giscard d'Estaing et son Premier ministre mènent tambour battant une politique de relance hardie : les contemporains se souviennent de l'indemnisation des chômeurs à 90% de leur ancien salaire ou encore de la réouverture des mines de charbon avec recrutement de mineurs au Maroc ! Il s'ensuit un dérapage des comptes publics. En 1975, pour la première fois depuis de nombreuses années, le budget de l'État français passe dans le rouge. Depuis lors, il n'a cessé d'être déficitaire.

Le Premier ministre soutient, contre son propre parti, les mesures sociétales du président Giscard d'Estaing et facilite leur adoption : droit de vote à 18 ans, légalisation de l'avortement, collège unique, divorce par consentement mutuel...

Mais il supporte mal d'être tenu en lisière par le président de la République. Habilement conseillé par deux « éminences grises », Pierre Juillet et Marie-France Garaud, il démissionne avec éclat le 25 août 1976. Il appartiendra à son successeur, l'économiste Raymond Barre, de redresser l'économie du pays par une douloureuse et impopulaire politique de rigueur.

À la tête de l'ancien parti gaulliste, rebaptisé RPR (Rassemblement pour la République) le 5 décembre 1976, Jacques Chirac joue son va-tout en se portant candidat à la mairie de Paris contre le candidat centriste adoubé par le Président de la République. Il remporte la mairie contre toute attente grâce à son dynamisme et à ses réseaux.

Disposant des ressources colossales de la municipalité, il va dès lors mener la guerilla contre les giscardiens. Hosppitalisé à l'hôpital Cochin à la suite d'un accident de la circulation, il lance le 26 novembre 1978 l'« appel de Cochin » par lequel il dénonce le « parti de l'étranger » en accusant le parti du président d'« inféoder » la France à l'Europe.

Éric Raoult, militant chiraquien de la première heure, raconte dans un livre de souvenirs comment, entre les deux tours de scrutin des élections présidentielles de 1981, la direction du parti a discrètement appelé les militants à voter et faire voter en faveur du candidat de la gauche.

Jacques Chirac pense, non sans raison, qu'une réélection de son rival signerait son arrêt de mort politique tandis que sa défaite et l'arrivée de la gauche au pouvoir ferait de lui le leader de l'opposition de droite. Le calcul s'avère payant. Élu président grâce à ce nouveau revirement, François Mitterrand a la satisfaction de voir Jacques Chirac voter l'abolition de la peine de mort le 18 septembre 1981. Il est l'un des rares parlementaires de droite dans ce cas.

Mais le président Mitterrand se lance par ailleurs dans des réformes radicales avec Pierre Mauroy à la tête du gouvernement avant d'être contraint à un brutal retour au principe de réalité dès 1983. Aux élections partielles de Dreux (Eure-et-Loir), en septembre 1983, une alliance de circonstance entre la liste RPR et la liste du Front National de Jean-Marie Le Pen, conduite par Jean-Pierre Stirbois, permet à celui-ci d'entrer au conseil municipal. Émotion à gauche. « Cela n’a aucune espèce d’importance d’avoir quatre pèlerins du FN à Dreux, comparé aux quatre ministres communistes au Conseil des ministres », réplique Jacques Chirac. Il va toutefois renoncer à constituer au niveau national un front de droite intégrant le FN, en opposition au front de gauche...

L'année suivante, le nouveau chef du gouvernement, Laurent Fabius, engage résolument le pays dans la voie du libéralisme économique sans cesser de se réclamer du socialisme. Les dirigeants socialistes sombrent dans une impopularité sans précédent et ne trouvent pas de meilleur slogan que d'anticiper le retour de la droite aux prochaines législatives : « Au secours, la droite revient ! »

En prévision de l'échec socialiste, Mitterrand introduit un scrutin à la proportionnelle aux législatives du 16 mars 1986 afin de diviser au maximum ses adversaires. L’opposition de droite conduite par Jacques Chirac obtient la majorité absolue des 577 sièges, mais à une voix près seulement, avec 290 sièges. Le parti présidentiel n’obtient que 212 sièges et, fait inédit, le Front national fait son entrée au Parlement avec 35 élus ! 

2) 1986-1988

La droite victorieuse impose son chef Jacques Chirac à la tête du gouvernement le 20 mars 1986. Chacun s'attend à la future défaite de François Mitterrand aux présidentielles de 1988. C'est sans compter sur le nouveau Premier ministre qui va braquer le pays par des mesures qui empruntent à l'idéologie néolibérale mise en selle dans les pays anglo-saxons par Margaret Thatcher et Ronald Reagan.

Jacques Chirac constitue un gouvernement de choc avec des hommes d'expérience et un ministre d'État au-dessus lot, Édouard Balladur, ministre d'État en charge de l'Économie et des Finances. D'emblée, il entreprend de défaire tout ce qu'a pu faire son prédécesseur : privatisation en cinq ans de soixante-cinq entreprises dont certaines, comme la Société générale, avaient été nationalisées dès 1945, libération des prix, suppression du contrôle des changes, suppression de l'autorisation administrative de licenciement et de l'impôt sur les grandes fortunes, rétablissement des contrôles d'identité, etc. « En d'autres termes, la période 1986-1987 n'est pas sans évoquer un dogmatisme libéral et conservateur qui constitue l'exact contrepoint du dogmatisme socialiste de 1981-1982 », écrivent Serge Berstein et Pierre Milza (Histoire de la France au XXe siècle, Perrin, 2006).

Pour imposer ses réformes au plus vite et contourner la voie parlementaire, Jacques Chirac recourt aux ordonnances. Mais dès le 14 juillet 1986, le président Mitterrand refuse d'apposer sa signature sur l'une d'elles qui prescrit la privatisation des entreprises natonalisées avant 1981. Il va aussi refuser de signer les ordonnances sur l'autorisation administrative de licenciement ou encore l'aménagement du temps de travail. Ainsi apparaît-il aux yeux de l'opinion comme le rempart protecteur des conquêtes sociales. 

Le Premier ministre s'incline et se tourne, contraint et forcé, vers le Parlement. Pour imposer ses textes, il recourt  huit fois à l'article 49 aliéna 3 de la Constitution, ce qui lui vaut sept motions de censure qui, toutes, sont rejetées. 

Son gouvernement va essuyer une succession d'échecs, des manifestations lycéennes de l'hiver 1986, marquées par la mort d'un jeune homme, Malik Oussekine, à l'assaut sanglant de la grotte d'Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, en pleine campagne électorale, qui fait une dizaine de morts parmi des militants indépendantistes canaques. Ces échecs font oublier le discrédit de la gauche et François Mitterrand est réélu triomphalement à la présidence de la République (on se souvient du slogan : « Tonton, laisse pas béton [ tomber en verlan] ! »).

Pendant la nouvelle campagne des présidentielles, le 22 mars 1988, François Mitterrand annonce son intention de mettre un terme aux nationalisations comme aux privatisations : « Ni l'une ni l'autre de ces réformes ne peut être d'actualité ». Son deuxième septennat débute par une viscérale haine entre le président et son premier chef du gouvernement, Michel Rocard.

Jacques Chirac profite de cette fragilité de l'exécutif pour reprendre sa place en leader de l'opposition. Il frappe sans état d'âme là où ça fait mal et notamment sur les faiblesses de la politique migratoire avec une formule sur « le bruit et l'odeur » des quartiers immigrés (citation). En 1992, quand le président Mitterrand annonce un référendum sur le traité de Maastricht et la validation du projet de monnaie unique, Jacques Chirac surprend son parti et les gaullistes en annonçant son ralliement au traité de Maastricht. Celui-ci est adopté de justesse le 20 septembre 1992 avec 51% de oui. Il n'est pas interdit de penser que le traité et avec lui la monnaie unique auraient été rejetés sans le soutien du chef du RPR. 

L'Élysée est ébranlé par une vague de corruption et la droite reprend les rênes du gouvernement après les élections législatives de 1993.

Averti par l'expérience, Jacques Chirac laisse à son ami Édouard Balladur l'honneur d'entrer à l'hôtel Matignon. Après un parcours sans faute, Édouard Balladur se voit assuré d'une élection confortable aux présidentielles de 1995. Mais il commet l'erreur de lier son destin à Charles Pasqua, ex-bras droit de Jacques Chirac. C'est l'alliance de l'eau et du feu. L'affaire Schuller, une machination de Charles Pasqua, entraîne la déroute du favori dès le premier tour des élections présidentielles. Au second tour, le 7 mai 1995, Jacques Chirac est élu in extremis face au socialiste Lionel Jospin. Il recueille ainsi le bénéfice de la popularité acquise par les partis de droite sous le gouvernement de son rival malheureux.

3) 1995-1997

Le nouveau président de la République nomme son fidèle Alain Juppé à la tête du gouvernement et exclut de celui-ci tous les partisans d'Édouard Balladur, y compris, cela va sans dire, le jeune Nicolas Sarkozy en qui il avait cru voir son fils spirituel.

Le mandat débute sous les auspices du changement et de la fermeté. Jacques Chirac prend fait et cause pour les Bosniaques en butte à une agression brutale de l'armée serbe.

Il rompt avec la mansuétude de son prédécesseur à l'égard de Milosevic et, le 3 juin 1995, propose la création par l'ONU d'une Force de réaction rapide. Celle-ci intervient dès juillet en Bosnie contre les Serbes. Cet engagement des Occidentaux à l'initiative du président français marque un tournant dans la guerre de Bosnie.

Le 16 juillet 1995, à l'occasion du 53e anniversaire de la rafle du Vél d'Hiv, au détour d'un discours émouvant et bien enlevé, le président déclare : « La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux ». Robert Badinter, l’ancien garde des sceaux de François Mitterrand, interrogé par Jacques Semelin le 28 avril 2021, s’en indigne : « Le discours de Chirac (...) ne résiste pas à l’analyse ». Il y manque deux mots : « de Vichy », car c’est de « la France de Vichy » qu’il eut fallu parler et non de la France tout court car celle-là, dans les villages et les villes, protégeait tant bien que mal les juifs ; c’était aussi bien évidemment celle-là qui à Londres et Bir Hakeim, menait le combat contre le Mal...

Mais très vite, dès le 26 octobre 1995, survient le tournant de la présidence. Ce jour-là, Jacques Chirac renie son discours de campagne électorale sur la « fracture sociale » et annonce une politique de rigueur pour résorber les déficits. Il n'en lance pas moins des réformes notables.

Le 28 mai 1996, le président annonce la fin du service militaire obligatoire au détour d'une allocution télévisée, une décision plébiscitée par les éditorialistes, la classe politique et l'opinion publique. La loi du 28 octobre 1997 l'officialise en « suspendant » la conscription. Celle-ci pourra être rétablie en cas de crise grave menaçant l'existence de la nation.

Le gouvernement d'Alain Juppé tente surtout d'engager la réforme de la Sécurité Sociale. Applaudi par les parlementaires mais mal soutenu en haut lieu, le Premier ministre est victime d'un gigantesque mouvement de grève dans les services publics.

Le président, qui avait négligé de dissoudre l'Assemblée nationale dans la foulée de son élection, s'y résout deux ans plus tard, au plus mauvais moment, sur une suggestion de son secrétaire général, Dominique de Villepin, un fonctionnaire issu de la haute bourgeoisie, imbu de lui-même et qui n'a jamais sollicité les suffrages du peuple. Les élections législatives tournent à la Bérézina. Elles amènent à l'Assemblée une majorité de gauche et, le 2 juin 1997, Jacques Chirac est contraint d'appeler à la tête du gouvernement Lionel Jospin, le chef du Parti socialiste.

Les socialistes triomphent mais ne prennent pas garde que depuis le gouvernement de Laurent Fabius, dix ans plus tôt, ils se sont progressivement coupés de leur base populaire. Le Front national (extrême-droite) est devenu contre toute attente le premier parti ouvrier de France.

3 bis) 1997-2002

La cohabitation avec un gouvernement de gauche débute en fanfare par la victoire de la France en Coupe du Monde de football. Durant cette législature de cinq ans, le président Jacques Chirac ne reste pas inactif... En 1999, avec le Premier ministre, il privatise le consortium Airbus, fleuron industriel de l'Europe, fruit d'une remarquable coopération intergouvernementale. Malgré leur prééminence dans cette entreprise, les Français concèdent aux Allemands une direction collégiale et un partage strict des ressources (usines, emplois).

En 2001, le duo Chirac-Jospin amène les chefs d'État européens à signer le traité de Nice. Il entraîne l'Union dans une course à l'élargissement tout en diluant les liens entre les États membres. Pour tenter de sortir de l'impasse, les Européens vont élaborer sous l'égide de Valéry Giscard d'Estaing un traité constitutionnel mais celui-ci sera rejeté par les Français et les Néerlandais en mai-juin 2005.

3) 2002-2007

En attendant, les élections présidentielles d'avril 2002 se soldent par un cataclysme. Une bonne partie des électeurs de gauche dédaignent de voter pour leur candidat naturel, Lionel Jospin, et c'est Jean-Marie Le Pen, candidat du Front National, qui affronte au second tour le président sortant, Jacques Chirac. Ce dernier n'a que 20% des suffrages du premier tour (c'est le plus mauvais résultat qu'ait jamais eu un président de la Ve République) mais il est élu haut la main au second tour par la gauche et la droite réunies avec 82% des suffrages.

Le 2 septembre 2002, au IVe Sommet de la Terre, réuni à Johannesburgh (Afrique du Sud), il débute son discours par une phrase restée dans les annales : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».

Avec son ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin, Jacques Chirac part aussi très vite en croisade contre le projet du président George Bush Jr d'envahir l'Irak de Saddam Hussein. Malgré le très beau discours du ministre devant le Conseil de Sécurité de l'ONU, le 14 février 2003, ils ne peuvent empêcher l'invasion, à l'origine du chaos moyen-oriental.

Comme les Allemands, les Russes et quelques autres grands pays, les Français s'abstiendront à bon escient de participer à l'invasion de l'Irak et au renversement de son dictateur. Même ses plus virulents adversaires sauront gré au président de son affrontement avec son homologue américain George Bush Jr sur le dossier irakien.

Sur le plan intérieur, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin gagne la confiance de l'opinion et prend le risque d'entamer les réformes structurelles qu'attend le pays. Il commence non sans mal à abolir l'écart entre les durées de cotisations retraite entre secteur public (37,5 ans) et secteur privé (40 ans) qu'avait introduit son prédécesseur Édouard Balladur. Fort de ce premier succès, il annonce de nouveaux chantiers. Mais le temps presse. Sous l'effet des déséquilibres induits par la mise en place en 1999 de la monnaie unique, la dette publique grossit de plus en plus vite, tandis que la paralysie gagne les administrations victimes de leurs rigidités statutaires (Éducation nationale et recherche, hôpitaux, justice, administration des impôts...).

Chaque citoyen comprend au fond de lui-même la nécessité de réformer la gestion corporatiste de la Sécurité Sociale héritée du régime de Vichy et le statut de la fonction publique inspiré par les communistes à la Libération. Ce statut fige les carrières des fonctionnaires et conduit à multiplier les emplois administratifs au lieu d'optimiser ceux qui existent.

Mais en juillet 2003, le président de la République réaffirme urbi et orbi sa promesse électorale de baisser de 30% l'impôt sur le revenu pendant son quinquennat, en contradiction flagrante avec la politique de rigueur que justifie l'état des finances publiques. Jean-Pierre Raffarin commet la faute d'endosser cette promesse au lieu de jeter sa démission dans la balance.

Le compte à rebours est engagé jusqu'à la débâcle des élections régionales des 21 et 28 mars 2004. Le président porte Dominique de Villepin, son éminence grise, à la tête du gouvernement après ce nouvel échec. Et, dans son souci de désamorcer les frondes antigouvernementales, il renonce jusqu'au mot de « réforme ».

Arrive le référendum sur le traité constitutionnel européen (29 mai 2005). À l'été 2006, la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, fait voter une résolution pour un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah libanais mais se défile lorsqu'on lui demande, comme elle l'a promis, de prendre la tête des troupes chargées de mettre en application la résolution... et c'est l'Italie de Romano Prodi qui s'y colle !

Bénéficiant jusqu'au bout de la mansuétude des dirigeants de la droite dite gaulliste, Jacques Chirac arrive à bout de souffle au terme d'une carrière exceptionnellement longue. Le président est victime à l'automne 2005 d'un accident vasculaire cérébral qui le laisse affaibli. Sa présidence est virtuellement terminée à cette date.

Deux ans plus tard, Jacques Chirac, rattrapé par son âge (75 ans) et la maladie, renonce à se représenter pour un troisième mandat présidentiel. Le musée du quai Branly qui fut l'une des grandes causes de son mandat, prend son nom le 21 juin 2016, dix ans après son inauguration et sans attendre sa mort qui survient le 26 novembre 2019...

Son successeur à l'Élysée a nom Nicolas Sarkozy (50 ans). Ancien avocat, il est brillant, dynamique et séduisant... comme Chirac trente ans plus tôt. Il partage avec son aîné un extraordinaire appétit de pouvoir, la chaleur humaine en moins, le talent oratoire en plus.


Publié ou mis à jour le : 2023-03-25 22:09:44
Veyret (01-12-2019 00:12:06)

Pour moi, la phrase qui résume le mieux Jacques Chirac est de J.L. Debré quand il explique les efforts incroyables déployés par Chirac pour conquérir le pouvoir puis pour le garder. Quel dommage ... Lire la suite

Achiardi (29-09-2019 14:08:33)

Une autre analyse / L’HISTOIRE de France et des français… Jacques CHIRAC est élu Président de la République le 7 mai 1995 François Mitterrand décède des suites d’un cancer le 8 janv... Lire la suite

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