Les Français qui suivent l’actualité politique en ont le tournis. La valse des ministres, de remaniement en remaniement, de démissions en nominations, place les gouvernements dans une instabilité préjudiciable à leur crédibilité et à leur efficacité...
Depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017 se sont ainsi succédé sept ministres de la Santé, la plus éphémère ayant été Brigitte Bourguignon restée à son poste moins d’un mois après avoir été battue aux législatives de 2022.
Dans l’Éducation nationale, l’évaluation de la présidence Macron est contrastée à ce jour. Si Jean-Michel Blanquer a tenu les rênes de la rue de Grenelle pendant cinq ans de 2017 à 2022, ce portefeuille a changé de titulaire trois fois en vingt mois depuis le début du deuxième mandat présidentiel. Curieusement, cette dualité temporelle renvoie aux premières années du gaullisme. De 1958 à 1962, la France a vu défiler six ministres de l’Éducation nationale, dont le dernier, Christian Fouchet, a duré quatre ans et demi (décembre 1962-avril 1967).
Autre ministère en proie à de fréquents mouvements : l’Écologie. De création plus récente (en 1971 avec la nomination de Robert Poujade), il est lui aussi très sensible aux soubresauts de la vie gouvernementale.
On dénombre deux météorites qui sont restés chacun en fonction seulement pendant un mois : Alain Bombard en 1981 et Alain Juppé en 2007. Les records de longévité sont détenus par Michel d’Ornano (1977-1981) et Dominique Voynet (1997-2001) qui ont eu le mérite de tenir pendant quatre ans.
Depuis 1971, la durée de vie moyenne d’un ministre de l’Environnement est de deux ans.
Le record toutes catégories confondues appartient à Emmanuel Macron avec six ministres de la Transition écologique en moins de sept ans, de Nicolas Hulot à Christophe Béchu... Il est talonné par François Hollande. En cinq ans, il en a nommé quatre.
Nicolas Sarkozy joue petits bras avec seulement trois ministres de l'Environnement à son menu en cinq ans. Mais il se rattrappe avec les Affaires européennes, un ministère dont les titulaires n'ont pas eu le temps de se familiariser avec leurs dossiers : il en a nommé cinq de 2007 à 2011.
Les Affaires culturelles (devenues « la Culture » sous la présidence Giscard d'Estaing) ne sont pas épargnées. Deux titulaires du poste ont marqué leur époque par leur durée exceptionnelle : André Malraux (1959-1969) et l’insubmersible Jack Lang (1981-1993, hormis la période de cohabitation 1986-1988). Mais de 1969 à 1978 pas moins de huit ministres se sont succédé pour des baux d’un an en moyenne chacun.
À partir de la fin des années 1990, cette moyenne est passée à deux ans. La valse s'est accélérée par la suite puisque Rachida Dati est la dixième ministre de la Culture depuis 2007…
Les ministères régaliens sont relativement épargnés par la valse.
• Les ministres de l'Économie sont pour la majorité assurés de « tenir » deux ans à leur poste. Le record de durée appartient à Valéry Giscard d'Estaing : neuf ans en deux mandats, sous de Gaulle (1962-1966) et sous Pompidou (1969-1974). Mais il pourrait être bientôt dépassé par Bruno Le Maire : déjà près de sept ans avec Emmanuel Macron. Notons quelques exceptions : Alain Madelin a dû quitter Bercy au bout de trois mois en 1995 et Jean-Louis Borloo au bout de deux mois en 2007 à cause d'un propos maladroit sur la TVA dite « sociale ».
• Le prestigieux Quai d'Orsay, siège du ministère des Affaires étrangères, a bénéficié d’une grande continuité avec Maurice Couve de Murville sous de Gaulle (1958-1968) et Maurice Schumann sous Pompidou (1969-1973). À partir du septennat de Valéry Giscard d’Estaing, le renouvellement des ministres s’est accéléré avec une moyenne autour de deux ans. Mais il faut noter quelques exceptions notables qui vont au-delà : Claude Cheysson (1981-1984), Roland Dumas (1988-1993) Hubert Védrine (1997-2002), Laurent Fabius (2012-2016) et Jean-Yves Le Drian (2017-2022).
• Le ministère de la Défense respecte comme les précédents la moyenne de deux ans. Le record de longévité revient ici à Pierre Messmer sous de Gaulle (1960-1969). Il est suivi par Michèle Alliot-Marie sous Chirac (2002-2007) et Jean-Yves Le Drian (encore lui !) sous Hollande (2002-2007).
À la racine du mal
Comment s’expliquent ces chambardements incessants ? D’abord, il y a des causes naturelles, lorsqu’une alternance survient au sommet de l’État. Il est normal qu’une nouvelle équipe se mette en place en accord avec la majorité présidentielle.
Ensuite, il y a des raisons accidentelles : démission d’un ministre pour un désaccord politique comme Aurélien Rousseau, ministre de la Santé d’Élisabeth Borne, qui était opposé à la loi sur l’immigration, ou bien encore Jean-Pierre Chevènement récidiviste en la matière. « Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l'ouvrir, ça démissionne, » lance-t-il en mars 1983 (note).