1945-2008

Le gendarme du monde

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis disposent d'une puissance économique inédite : jamais un seul pays n'a fourni une part aussi importante du produit mondial.

Depuis la conférence de Bretton Woods, le dollar, convertible en or, est devenu l'étalon universel des valeurs. Les États-Unis disposent également d'un monopole sur l'arme atomique et d'une véritable aura internationale due à leur contribution à la victoire des Alliés. Ils comptent 145 millions d'habitants soit 7% de la population mondiale (2 milliards d'humains).

Béatrice Roman-Amat
Dynamisme démographique

Les États-Unis  ont vu leur populartion croître de 10% en dix ans, de 2000 à 2010 pour atteindre 308 millions d'habitants, au troisième rang mondial après la Chine (1,3 milliard d'habitants) et l'Inde (1,1 milliard d'habitants).

Ils auraient franchi le seuil des 300 millions d'habitants très exactement le 17 octobre 2006 ! Il ne s'agit bien sûr que d'une estimation à valeur symbolique qui ne doit pas être prise à la lettre mais elle témoigne du dynamisme démographique de la première puissance mondiale. Il est dû à part à peu près égale aux naissances (nombreuses, y compris dans la population de souche européenne) et à l'immigration d'Asie et d'Amérique latine :
- 1800 : 5 millions d'habitants,
- 1900 : 76 millions,
- 1950 : 200 millions,
- 2000 : 300 millions.

Selon l'US Census Bureau, qui s'autorise les statistiques ethniques, à la différence de ses homologues européens, le groupe qui a le plus progressé dans la première décennie du XXIe siècle est celui des Latinos (Hispano-Américains). Ils sont aujourd'hui 50 millions, dont 32 millions d'origine mexicaine. Les Afro-Américains sont 38 millions, les Asiatiques 15 millions et les Amérindiens 400 000 (ils sont le groupe le plus prolifique, en croisance de 19% sur dix ans).

Les blancs d'origine européenne demeurent très largement majoritaires (223 millions, soit 72% du total) mais en 2008, pour la première fois, les bébés issus de leurs rangs ont fait presque jeu égal avec ceux issus des minorités (52% d'un côté, 48% des autres). À ce rythme-là, les blancs seront minoritaires en 2040... Le même phénomène est en cours en Europe occidentale mais le voile jeté sur les phénomènes migratoires ne permet pas de le quantifier.

Notons la progression rapide de l'immigration en provenance d'Afrique subsaharienne dans la première décennie du XXIe siècle. Selon le New York Times (1er septembre 2014), « Pendant cette seule décennie, plus de noirs africains sont arrivés dans ce pays de leur propre volonté que n'en ont été déportés aux États-Unis pendant trois siècles de traite négrière », soit environ 400 000 Africains (note).

Vive l'« American way of life »

Rompant avec leur isolationnisme traditionnel, les États-Unis s'engagent dans un système d'alliances qui fait d'eux les garants de la sécurité européenne face à la menace soviétique.

La grande alliance qui unissait États-Unis, URSS et Angleterre jusqu'aux conférences de Yalta et de Potsdam prend fin avec la proclamation de la doctrine Truman en 1947 : les États-Unis s'engagent dans une politique d' « endiguement », qui consiste à « soutenir les peuples libres » pour éviter leur basculement dans le communisme.

Le refus par l'URSS du plan Marshall, proposé par les Américains pour aider les économies détruites par la guerre à se relever, enracine la division de l'Europe en deux blocs. C'est le début de la guerre froide. Les États-Unis et leurs alliés s'organisent au sein de l'OTAN dont les signataires s'engagent à se défendre mutuellement en cas d'attaque d'un des leurs. Le modèle culturel américain gagne également l'Europe sous la forme de films et de notes de musique qui accompagnent l'argent du plan Marshall.

La première grande crise de l'ère de l'hégémonie américaine est déclenchée par l'entrée des troupes de Corée du Nord en Corée du Sud en 1953.

Les États-Unis interviennent pour défendre le régime sud-coréen, farouchement anti-communiste, mais ne remportent pas de victoire décisive, malgré des pertes humaines très importantes. L'armistice signé en 1953 ne permet qu'un retour au statu quo.

Les années de la guerre de Corée sont marquées aux États-Unis par une véritable «chasse aux sorcières» anti-communniste, orchestrée par le sénateur MacCarthy. La défaite relative de la guerre de Corée met également fin à l'ère démocrate inaugurée par le président Roosevelt en 1932 : en 1952, le républicain Eisenhower est élu président.

Les années de présidence d'Eisenhower puis du démocrate Kennedy, premier président catholique des États-Unis, sont placées sous le signe de la prolongation du baby-boom de l'après-guerre et de la prospérité des classes moyennes suburbaines. L'« american way of life », fondé sur la consommation et le confort, fait des envieux dans le monde entier. En 1962, lors de la crise des fusées à Cuba, les Soviétiques cèdent devant l'ultimatum posé par Kennedy qui a fait craindre au monde une guerre nucléaire entre les deux Grands.

La décennie du Vietnam : 1963-1973

L'assassinat de Kennedy en 1963 à Dallas inaugure l'entrée dans une période plus troublée pour les États-Unis. Malgré l'appel à une lutte non-violente pour les droits civiques lancé par le pasteur noir Martin Luther King, des émeutes secouent les ghettos noirs. Le président Johnson signe le Civil Rights Act (loi sur les droits civiques) qui met fin à la ségrégation raciale, mais Luther King est assassiné, de même que Malcom X, le leader des Black Muslims, un mouvement plus violent.

Les États-Unis s'engagent dans le plus long conflit armé de leur histoire, qui sera aussi leur première défaite depuis 1815 : la guerre du Vietnam.

Des incidents dans le golfe du Tonkin fournissent un prétexte au président Johnson pour lancer les premières attaques contre le Nord-Vietnam communiste. Mais l'envoi de troupes américaines de plus en plus nombreuses en Asie du Sud Est (jusqu'à près de 550 000 soldats en 1969) ne suffisent pas à vaincre les communistes. Aux États-Unis, l'impopularité croissante du conflit, dans lequel les Américains ont recours aux bombardements massifs et aux gaz toxiques, mine la cohésion nationale. Le président Nixon, élu en 1968, entame le retrait des troupes américaines du Vietnam. En 1975, le Nord-Vietnam envahit le Sud-Vietnam, signe de la défaite militaire, politique et morale des États-Unis.

Les années 1960 sont néanmoins une période de forte croissance économique pour les États-Unis et celle d'un exploit technique sans précédent : le 16 juillet 1969, l'Américain Neil Armstrong est le premier homme à poser le pied sur la lune.

Mais la contestation par les enfants du baby-boom des valeurs de leurs parents, la naissance d'une contre-culture, les soulèvements de la minorité noire et les luttes pour l'égalité hommes-femmes donnent l'image d'une société profondément divisée.

Les États-Unis en guerre

Les Américains ont forgé leur culture militaire dans des guerres asymétriques, contre des adversaires notoirement inférieurs en nombre et en armement : Indiens, Mexicains, Espagnols. La guerre dont ils ont eu le plus à souffrir demeure, et de très loin, la guerre de Sécession ou Civil War (1861-1865) : 617 000 morts (certains documents donnent le chiffre de 750 000).

Pour le reste, les Américains ne sont intervenus dans les deux guerres mondiales qu'à leur toute fin, quand l'adversaire principal (l'Allemagne) était déjà très affaibli. Ils ont perdu environ 120 000 hommes dans la première (moins que la Roumanie) et 400 000 dans la seconde, sur les deux fronts cumulés du Pacifique et de l'Europe (cinquante fois moins que les Soviétiques).

Comparativement, la guerre de Corée et la guerre du Vietnam ont beaucoup plus traumatisé les Américains avec respectivement 36 000 et 58 000 victimes. Les guerres calamiteuses d'Afghanistan et d'Irak, en 2001-2018, se sont pour leur part soldées par un total de 6 000 morts environ.

Le désarroi de l'après Vietnam

L'affaire du Watergate vient porter le coup de grâce à des États-Unis en pleine crise de scepticisme : en 1974, le président Nixon est contraint de démissionner, accusé d'avoir menti au sujet du cambriolage de l'immeuble du Watergate, quartier général du parti démocrate. L'institution présidentielle se trouve durablement affaiblie par ce scandale. Les présidences des successeurs de Nixon, Ford et Carter, sont marquées par un repli des États-Unis sur la scène internationale.

Traumatisés par le carnage du Vietnam, les Américains laissent l'URSS marquer des points et l'Iran de l'ayatollah Khomeyni retenir leurs diplomates en otage pendant plus d'un an.

Les deux chocs pétroliers affectent fortement l'économie américaine. L'heure n'est plus à la « grande société » du président Johnson, soucieux de justice sociale, mais à l'individualisme.

Les années Reagan, ou la révolution conservatrice

L'élection à la présidence du républicain Ronald Reagan, personnalité plus charismatique que Ford et Carter, change le cap de la politique intérieure comme de l'étrangère. « America is back », proclame le président, qui durcit le ton face à l'expansionnisme de l'URSS, apportant notamment une aide logistique aux Afghans en lutte contre les troupes soviétiques.

Partisan d'un État minimal, sauf dans le champ de la Défense, Reagan entraîne l'URSS dans une course aux armements effrénée (« la guerre des étoiles ») et l'oblige à déclarer forfait, ce qui lui permet de déclarer avoir « gagné la guerre froide ». À l'intérieur, des secteurs entiers de l'économie sont dérégulés, le déficit fédéral se creuse et la balance commerciale se détériore mais la croissance repart et le chômage et l'inflation diminuent.

Après un second mandat de Reagan, son vice-président, George Herbert Walker Bush, est élu président au moment où l'effondrement de l'URSS peut faire croire en « la fin de l'Histoire » et la mise en place d'un monde unipolaire, dominé par la seule puissance américaine. Une puissance qui s'incarne tant dans Hollywood et Microsoft que dans le Pentagone et le bureau ovale.

Pourtant, le monde post-soviétique est plus incertain que pacifié. En 1991, les États-Unis fournissent la moitié des troupes qui attaquent l'Irak de Saddam Hussein après son invasion de l'émirat du Koweït.

Les guerres de Bosnie et du Kossovo donnent d'autres occasions aux Américains de démontrer leur suprématie militaire.

Les attentats du 11 septembre 2001, agression terroriste au cœur du symbole de leur puissance économique, renforcent la tentation américaine de s'affranchir des cadres multilatéraux (ONU) et de donner une lecture manichéenne, empreinte de religiosité, des relations internationales : d'un côté l'Axe du mal (Corée du Nord, Iran, Irak), de l'autre les États-Unis et leurs alliés, représentants de la Civilisation.

George W. Bush, fils de George Herbert Walker Bush, succède au démocrate Bill Clinton à la présidence en 2000. Il engage successivement les États-Unis sur deux fronts, au nom de la lutte contre le terrorisme : l'Afghanistan puis l'Irak, contre ce même dictateur Saddam Hussein dont ils ont préservé le pouvoir à l'issue de la première guerre du Golfe. L'image de « gendarme du monde » des États-Unis souffre de l'illégitimité de cette guerre d'Irak, « guerre préventive » menée au nom de fausses accusations sur la possession par l'Irak d'armes de destruction massive.

En 2006, la population américaine franchit le cap des 300 millions d'habitants. Toujours première puissance économique du monde, le pays est toutefois devenu de plus en plus dépendant de capitaux étrangers, notamment chinois, pour financer son économie. Profondément ébranlé par le 11 septembre, il a adopté des lois anti-terroristes qui entachent son image de pays des libertés. Après un « siècle américain », le XXIe siècle s'ouvre, non comme une phase de déclin, mais plutôt de repositionnement des États-Unis.


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Les États-Unis
Publié ou mis à jour le : 2019-04-30 00:23:18
Carole (28-09-2016 17:11:22)

Récente abonnée, je trouve vos articles et infos très intéressants et agréables. Un souhait de ma part: pourriez-vous une fois faire un point approfondi sur l'immonde manipulation qui a débouchÃ... Lire la suite

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