9 juin 2008

Quoi de neuf ? La Princesse de Clèves

La Princesse de Clèves est un roman aux belles sonorités musicales sur un sujet plus que jamais d'actualité, les mariages arrangés. C'est aussi un roman écrit par une femme libre et un chef-d'oeuvre qui fait honneur à la littérature française. Est-il donc opportun que le Président de la République en critique la présence dans les concours administratifs ? (note).

Je voudrais revenir sur La Princesse de Clèves. Ce vague souvenir des années de collège ne serait-il rien de plus qu'un petit roman d'amour écrit par une femme (!) au XVIIe siècle, en des temps barbares où l'on ignorait Eurodisney et les montres Patek ?

La Princesse de Clèves est le premier grand roman psychologique de la littérature française. D'aucuns qualifient ce texte riche de plus de 200 pages de « nouvelle » mais que dire alors des histoires de la romancière contemporaine Amélie Nothomb (une centaine de pages à tout prendre) ?

Madame de Lafayette publie à 44 ans, en 1678, sous le règne de Louis XIV à son apogée (traité de Nimègue), une intrigue qu'elle situe un siècle plus tôt, à la cour du roi Henri II et qui reflète avec pudeur ses émois de jeunesse et sa relation amoureuse avec le duc de La Rochefoucauld (l'auteur des Maximes). Le roman comporte d'ailleurs un arrière-plan historique tout à fait intéressant sur la « Cour des Dames ».

Amour, hier et aujourd'hui

La Princesse de Clèves met en scène une jeune femme parée de tous les dons, qui s'est mariée par convenance et par affection mais sans amour ni passion à un homme tombé amoureux fou d'elle, au demeurant le plus loyal des hommes. Elle se serait accommodée de cette situation si la passion n'était brusquement entrée dans son coeur avec la rencontre d'un homme plus séduisant qu'aucun autre, Monsieur de Nemours.

C'est une histoire de tous les temps. On pourrait la transporter au XXIe siècle. La Princesse serait un top-model avide de passion et d'engagement. Elle aurait cédé aux avances d'un homme politique hyperactif et ambitieux, en mal de repères affectifs, puis, à un tournant de sa vie, disons, à l'approche de la cinquantaine, son coeur se serait embrasé pour un beau et grand publicitaire blond, cultivé et aimable...

Mais La Princesse de Clèves n'est pas l'apanage des châteaux et des palais... Ce roman, qui s'adressait aux jeunes filles de la noblesse contraintes à des mariages de raison, est d'une singulière actualité en notre temps, en France et en Europe, où l'immigration s'accompagne d'une percée des «mariages arrangés» ou plus simplement forcés.

La Princesse de Clèves parle au coeur des jeunes Françaises aux yeux noirs, qui craignent de devoir s'accommoder d'un mari de convenance, avec plus de vérité que tous les discoureurs de l'Assemblée, du gouvernement et des médias réunis.

Notre trésor commun, le français

Plus important que tout, le roman de Marie-Madeleine de Lafayette, comme quelques autres vieilleries, les fables de La Fontaine ou les comédies de Molière, donne du sens à notre attachement à la langue française. L'introduction de La Princesse de Clèves renferme en soi tout le raffinement de la langue et suffirait à nous convaincre du privilège qui est le nôtre de pouvoir la parler : « La magnificence et la galanterie n'ont jamais paru en France avec tant d'éclat que dans les dernières années du règne de Henri second. Ce prince était galant, bien fait et amoureux... ».

Pour les jeunes gens qui n'ont pas eu la chance d'apprendre le français au berceau mais le découvrent sur les bancs de l'école, ces sonorités musicales sont la récompense de leurs efforts. Persévéreraient-ils si la langue française se réduisait à quelques borborygmes du genre : « Casse-toi, pauvre c... », « Descends, si t'es un homme ! » ou « On y va à donf ! » ? Si cela était, ne préféreraient-ils pas s'en tenir à leur jargon de banlieue ou à la langue de leurs ancêtres ?

Un enjeu politique

L'enjeu politique est primordial, n'en déplaise à ceux qui n'ont d'oreilles que pour les jérémiades des grands distributeurs et des comptables du Trésor. La langue est le substrat de la communauté nationale ; elle fait sa cohésion et sa force. La littérature nous donne accès à un vocabulaire nuancé ; elle nous permet de mieux nous comprendre et, partant, nous évite le recours à l'injure (voir plus haut) et au repli tribal ; elle nous enseigne l'art de vivre ensemble, toutes classes confondues.

Pour ces raisons, de façon prosaïque, les administrations et les entreprises ont tout à gagner de salariés curieux de lire et pétris d'une bonne culture générale, et il n'est pas aberrant que l'on demande à de futurs agents de l'État ce qu'ils pensent de La Princesse de Clèves (note).

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2019-08-30 18:14:19

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